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COSMODROME DE BAÏKONOUR

Mentionné sur Korolev

Le cosmodrome de Baïkonour (en russe : Космодром Байконур ; en kazakh : Байқоңыр Космодромы), créé en 1956, est une base de lancement russe situé au centre du Kazakhstan, à proximité de la ville de Baïkonour. Le site, situé dans une région de steppe au climat extrême mais disposant d’un embranchement sur la ligne de chemin de fer Moscou – Tachkent, a été choisi en 1955 pour implanter un centre de lancement destiné à la mise au point des missiles balistiques intercontinentaux R‑7 Semiorka de l’Union soviétique. Lorsque l’activité spatiale soviétique s’est développée sous l’impulsion des équipes de Korolev qui avaient mis au point le missile, le centre de Baïkonour a été choisi pour placer en orbite les premiers satellites artificiels puis le premier homme dans l’espace.

Depuis cette époque, Baïkonour est le centre de lancement le plus actif de la planète. Une quinzaine de tirs ont lieu tous les ans, en particulier les vols habités russes et les lancements à destination de l’orbite géostationnaire. Le site, qui s’étend sur 6 717 km², dispose d’installations de fabrication de carburant, de plusieurs bâtiments d’assemblage de lanceurs et de préparation des satellites et des vaisseaux. Le cosmodrome abrite des pas de tir opérationnels pour les lanceurs Soyouz, Proton, la version terrestre de la Zenit, Dnepr et Tsyklon ainsi que de nombreux pas de tir désaffectés témoins de l’ensemble de l’histoire spatiale soviétique et russe. C’est également jusqu’à récemment un important site de tests pour les missiles balistiques intercontinentaux : 1 195 missiles et 1 230 lanceurs porteurs d’une charge utile avaient été tirés depuis Baïkonour au 1er janvier 2005.

L’éclatement de l’Union soviétique en 1991 a placé la base en territoire kazakh et la Russie paie un loyer relativement élevé au gouvernement de ce pays, source de conflits latents. Le gouvernement russe envisage depuis cette époque de développer les autres centres de lancement dont elle dispose mais elle n’a jusqu’à présent opéré réellement aucun transfert de ses activités même si le premier pas de tir de son nouveau lanceur Angara est en cours de construction sur la base de lancement de Plessetsk. L’activité du cosmodrome de Baïkonour a entraîné la création d’une ville adjacente qui a successivement reçu les noms de Zarya, Leninskiy, Leninsk et Zvezdograd avant de prendre en 1995 celui de Baïkonour.

Il sera remplacé par le cosmodrome de Vostochny dès sa mise en activité vers 2016 et situé dans l’oblast d’Amour, une région relativement libre de l’est de la Russie.

Baïkonour est implantée dans l’oblys de Kyzylorda au milieu de la steppe kazakhe dans une région au climat continental marqué par des étés torrides avec des maximums de 50°C parfois accompagnés de tempêtes de sable et des hivers glaciaux avec des températures atteignant −32°C accompagnés de forts vents. La base est située sur la rive droite (nord-est) du fleuve Syr-Daria et à 200 kilomètres à l’est de la mer d’Aral. Elle dispose d’un embranchement sur la ligne de chemin de fer Moscou – Tachkent qui se situe près de la station de Tioura-Tam aujourd’hui gare de la ville de Baïkonour née avec le cosmodrome.

Les premiers missiles soviétiques dont la portée ne dépasse pas 1 000 à 1 500 km sont lancés depuis la base de Kapoustine Iar. En 1954, le développement du missile balistique intercontinental R‑7 Semiorka dont la portée dépasse les 10 000 km entraîne la nécessité de disposer d’une nouvelle base de lancement. Pour répondre aux besoins de la nouvelle fusée qui doit retomber dans les eaux qui bordent le Kamtchatka, la nouvelle base de lancement ne doit pas comporter de reliefs marqués sur plusieurs centaines de kilomètres dans l’axe de lancement afin de permettre un pilotage par radio et les deux premiers étages doivent pouvoir retomber dans des zones inhabitées. Après une étude menée par une mission gouvernementale, le site de Tioura-Tam, qui se trouve au Kazakhstan, république intégrée dans l’Union soviétique, est choisi parmi quatre autres sites. Situé au milieu d’une zone désertique, il répond parfaitement aux contraintes imposées par les communications radio ; par ailleurs il est longé par une ligne de chemin de fer qui le relie aux principaux centres industriels du pays. Les seules habitations aux alentours se trouvent à la station de chemin de fer de Tioura-Tam où vivent une poignée de personnes attachées au fonctionnement de la ligne ferroviaire. Un embranchement sur la ligne principale s’enfonce dans la steppe et dessert une ancienne mine. La ville la plus proche est à plus de 100 km. Malgré les énormes problèmes de logistique soulevés par un endroit aussi désolé, la création de la base de lancement sur ce site, baptisé Base de lancement pour la recherche scientifique n°5 (en russe : Nauchno-issledovatelskï ispytatelnï poligon 5 ou NIIP-5), est approuvée au conseil des ministres de l’Union soviétique le 12 février 1955. Les premiers constructeurs arrivent sur le site au printemps 1955 et une agglomération commence à se former le long des berges du Syr-Daria ; celle-ci d’abord baptisée Site n°10 (Desyataya ploshchadka) prend ensuite le nom de Zarïa avant d’être rebaptisée Leninsk le 28 janvier 1958. Dès juin 1955 le site accueille 3 000 constructeurs et le nombre des résidents passe à 10 000 fin 1960. Les conditions de vie sont très dures pour les soldats (la construction est confiée à l’Armée) qui dorment dans des tentes ou des voitures de chemin de fer reconverties. L’eau est rare car celle du fleuve n’est pas potable. Les mieux lotis sont logés dans des baraques préfabriquées ou des huttes en bois. Mais la priorité est donnée à la construction du site de lancement du missile R-7 (site n°1) dont le premier tir doit intervenir en 1957 et aux installations permettant son assemblage et sa préparation (site n°2) éloigné d’un kilomètre et demi. Tous deux se trouvent à une trentaine de kilomètres de la nouvelle agglomération. En 1957 un aéroport est inauguré et permet d’offrir une variante au déplacement en train.

Le premier lancement depuis Baïkonour a lieu le 15 mai 1957 avec le tir du premier missile intercontinental, la R-7 Semiorka. Le même type de fusée sera utilisé pour lancer cinq mois plus tard le premier satellite artificiel Spoutnik 1. Le pas de tir n°1 est également utilisé en 1961 pour le lancement de la fusée abritant Youri Gagarine, premier homme placé en orbite dans l’espace. À cette occasion le cosmodrome est officiellement baptisé Baïkonour pour répondre aux besoins de la presse qui souhaite connaître l’endroit d’où est partie la fusée à l’origine de cet événement planétaire. Dans l’espoir de tromper les puissances étrangères, les autorités soviétiques décident de lui donner le nom d’une petite ville minière située en réalité à plus de 320 km au nord-est. Cette décision est approuvée par le conseil des constructeurs réunissant les principaux concepteurs de la fusée dont Korolev. Le pas de tir n°1 est par la suite reconstruit ou rénové à plusieurs reprises notamment après l’accident en 1962 d’une fusée Vostok victime d’une perte d’un accélérateur d’appoint 1,5 seconde après le décollage ainsi qu’en 1983 après l’explosion au décollage de la fusée portant le vaisseau Soyouz T10A dont l’équipage est sauvé par la tour de sauvetage.

Au cours des années 1960 la base connaît une croissance rapide avec la multiplication des lancements qui utilisent de nouveaux types de lanceurs nécessitant la construction de nouveaux complexes dédiés. L’activité de test des missiles balistiques est tout aussi importante et entraîne elle-même la construction de silos et de sites de préparation.

Un deuxième complexe de lancement pour la R‑7 Semiorka et ses dérivés comprenant un pas de tir et des installations d’assemblage est édifié entre décembre 1958 et août 1960 sur le modèle du premier complexe. À la même époque le constructeur Yanguel fait édifier un troisième complexe de lancement pour tester son missile R‑16. Il comprend deux pas de tir, un bâtiment d’assemblage, un bâtiment de stockage d’ogives nucléaires et trois silos. Lors de la première tentative de tir de la R‑16 l’explosion du missile tue une centaine de personnes. Le pas de tir resté intact, après avoir servi à tester le missile, est reconverti en 1964 pour lancer des fusées Cosmos avant d’être désaffecté. Toujours en 1960, on édifie un complexe de lancement pour le missile balistique R‑9 développé par Korolev : celui-ci comprend cinq plates-formes de tir ainsi que trois silos. Un quatrième complexe est construit entre 1962 et 1963 pour le missile balistique UR‑200 de Tchelomeï. En 1966 les installations sont modifiées pour permettre le tir du lanceur Tsyklon. Un des deux pas de tir est endommagé en 1990 et n’est pas réparé par la suite. Entre 1962 et 1963 est également édifié le complexe de lancement dédié aux missiles balistiques R‑36 de Yanguel. Celui-ci comprend deux plates-formes de tir et une vingtaine de silos dont 18 comportent des missiles opérationnels porteurs d’une arme atomique orbitale entre 1969 et 1973. Un autre complexe de lancement est construit pour la version R-36M comportant 9 silos. À compter de 1999 une version à usage civil, baptisée Dnepr, de ce missile est commercialisée et lancée depuis ce site. Entre 1964 et 1965 Tchelomeï fait édifier un complexe dédié au missile balistique UR‑100 qui comprend deux plates-formes de lancement. Quatorze silos contenant des missiles dérivés de l’UR‑100 (SS‑11 puis SS‑19) sont opérationnels sur la base dans les années 1970 et 1980. Le lanceur Rokot est développé entre 1987 et 1990 à partir de la dernière version du missile et est tiré à plusieurs reprises depuis ce complexe. Le neuvième complexe de lancement est édifié à compter de 1963 pour tirer le missile UR‑500 de Tchelomeï. Un complexe d’assemblage et deux plates-formes de tir sont achevés en 1965. Le lanceur mi-lourd Proton dérivé de l’UR‑500 est tiré pour la première fois en 1967 et continue sa carrière aujourd’hui. Deux autres plates-formes de lancement sont construites pour ce lanceur entre 1971 et 1976. Un dixième complexe de lancement est édifié dans les années 1970 pour tester des missiles balistiques de Yanguel. La construction d’un nouveau complexe dédié à la fusée géante lunaire N-1 est réalisée entre 1964 et 1969. Deux plates-formes de lancement et un bâtiment d’assemblage de très grande taille sont édifiés. Les quatre lancements de la N‑1 entre 1969 et 1972 sont des échecs et le complexe est abandonné. Il est réactivé et reconverti entre 1978 et 1988 pour le lanceur Energia porteur de la navette spatiale Bourane qui effectue un vol unique en 1988. Depuis le bâtiment (dénommé 112) est réutilisé pour la préparation des satellites. Entre 1978 et 1983 un complexe de lancement est édifié non loin des anciens pas de tir de la R-16 pour la fusée Zenit qui a été mise au point sur la base d’un accélérateur d’appoint d’Energia. En 1990 un des deux pas de tir est détruit par l’explosion au lancement d’une Zenit. L’autre pas de tir est réactivé en 2005 pour lancer la Zenit 3SLB commercialisée par la société Sea Launch. Le 25 juin 1966 le général de Gaulle devient le premier dirigeant occidental à visiter la base. Il assiste au tir de deux missiles R-16 et d’une fusée Cosmos. Par ailleurs un lancement a été annoncé pour le 6 février 2013 d’une fusée Soyouz avec, à bord, six satellites Globalstar.

À la suite de l’effondrement de l’Union soviétique, le Kazakhstan, autrefois république intégrée dans le pays, devient indépendant. La Fédération de Russie, qui a repris l’essentiel des installations de lancement et de l’activité spatiale de l’ex-URSS, ne dispose pas de base de lancement sur son territoire permettant le lancement de charges importantes en orbite géostationnaire. Par ailleurs un déménagement des activités spatiales de Baïkonour nécessiterait de reconstruire un très grand nombre d’installations pour les lanceurs qui n’étaient tirés jusque-là que de Baïkonour. Les nouveaux dirigeants russes décident de continuer à utiliser le cosmodrome de Baïkonour sous autorité kazakhe, et en 1994, les deux pays signent un contrat portant sur la location d’un espace de plus de 6 700 km² . Les lancements de missions habitées et de satellites géostationnaires russes continuent à être réalisés depuis le cosmodrome de Baïkonour.

En 1997, le président Boris Eltsine inaugure le cosmodrome de Svobodny en Sibérie orientale dans la région de l’Oblast d’Amour, sur la base d’anciennes installations militaires, et dont la latitude (51° 42) autorise des lancements vers l’orbite géostationnaire. Mais par manque de moyens financiers, la Russie ne parvient pas à construire des pas de tir permettant l’envoi de charges importantes et elle reste donc tributaire du Kazakhstan.

En 1999, deux fusées russes Proton qui utilisent des ergols particulièrement toxiques sont victimes de défaillance et s’écrasent en territoire kazakh. Ces accidents amènent le Kazakhstan à réexaminer le “contrat de location” de Baïkonour, et exiger une taxe supplémentaire sur les lancements commerciaux. Du côté russe, cette nouvelle exigence a pour conséquence d’accroître la volonté de se rendre indépendant du Kazakhstan. La Russie annonce alors son intention de délocaliser la quasi-totalité des activités de lancement de Baïkonour vers le cosmodrome de Plessetsk. Début 2002 Alexandre Kosovan, alors ministre de la Défense, confirme cet engagement pour l’horizon 2005. Mais dans les faits, seules les quelques activités spatiales militaires restantes sont réellement transférées à Plesetsk.

En outre, les instances gouvernementales russes, dont les forces spatiales de la Fédération de Russie, n’ont plus le monopole des décisions face aux industriels russes comme étrangers. Qu’il s’agisse de l’entreprise russo-européenne Starsem qui commercialise la fusée Soyouz, ou la firme russo-américaine International Launch Services qui possède le lanceur Proton 3, la manne financière fournie par le secteur privé contribue largement à maintenir le cosmodrome de Baïkonour opérationnel. La coentreprise Sea Launch envisage quant à elle d’ouvrir un service de lancement terrestre baptisé “Land-Launch” à partir de Baïkonour.

Le gouvernement russe a signé le 9 janvier 2004 un nouvel accord avec le Kazakhstan fixant le statut de Baïkonour, prolongeant la location du site jusqu’en 2050 et accroissant considérablement le rôle du Kazakhstan dans la gestion du site : les Kazakhs ont notamment insisté sur la nécessité de développer des lanceurs plus respectueux de l’environnement. Astana collaborera avec Moscou pour le développement du futur lanceur “Baïterek” qui sera une fusée Angara modifiée, réutilisable (prévenant ainsi la retombée des boosters sur le pays) et utilisant un combustible moins polluant. Par ailleurs, le Kazakhstan affiche désormais des ambitions spatiales, prévoyant de se doter de ses propres satellites de télécommunications.

La base a une superficie de 6 717 km² et s’étend sur 75 km du nord au sud et sur 90 km de l’est à l’ouest. Les installations spatiales sont regroupées en trois sous-ensembles qui portent chacune le nom du responsable de bureau d’études qui a été à l’origine de sa création :

  • La région centrale (zone Korolev) regroupe les premières installations qui ont permis le lancement du missile balistique intercontinental R-7 Semiorka puis des lanceurs dérivés de celui-ci qui a placé en orbite le premier satellite artificiel et le premier homme dans l’espace. C’est encore de là que partent les fusées Soyouz descendantes de la R‑7 qui vont notamment ravitailler la Station spatiale internationale et relever les équipages. C’est également dans cette zone qu’ont été construits les pas de tir de la fusée lunaire géante N‑1 et du lanceur Energia porteur de la navette spatiale Bourane. Cette zone comprenant également des pas de tir pour le missile R‑9 conçu par les équipes de Korolev avant d’être complètement dédié au spatial.
  • La partie orientale de la base dite flanc droit (zone Yanguel) regroupe les complexes de lancement des missiles et lanceurs développés par ce constructeur. Le premier pas de tir a été construit pour tester le missile balistique R‑16 et ses différentes déclinaisons. Les premiers tests du lanceur Cosmos‑1 ont été effectués là. Enfin tous les tirs de la Zenit 2 ont été effectués dans cette zone.
  • La partie occidentale de la base dite flanc gauche (zone Tchelomeï) regroupe les complexes de lancement des missiles et lanceurs développés par ce constructeur dont les missiles UR‑200, plusieurs générations de missiles UR‑100 et les différentes versions de la fusée Proton.

La base comprenait en 1990 notamment une installation de production d’oxygène et d’azote capable de produire 300 tonnes d’ergols cryogéniques par jour, trois installations de ravitaillement en ergols, une centrale électrique, deux aéroports et 470 km de voies ferrées. Baïkonour comprend également de nombreuses installations de lancement de missiles balistiques. Depuis sa création en 1955 jusqu’à l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, Baïkonour a joué un rôle central dans les tests de missiles balistiques à ergols liquides. La base était d’ailleurs placée sous la direction du ministère de la Défense jusqu’en 1995.

La quasi-totalité des lancements russes sont effectués soit de Baïkonour soit du cosmodrome de Plessetsk. Ces deux bases sont complémentaires : Plessetsk est idéalement placée pour des lancements sur orbites très inclinées du fait de sa haute latitude (62° 8 nord, proche du cercle polaire arctique), Baïkonour, plus proche de l’équateur, permet d’atteindre plus facilement l’orbite géostationnaire, ou d’autres orbites peu inclinées comme celle de la Station spatiale internationale. La base de Baïkonour est principalement utilisée pour les lancements civils russes ou internationaux, sa position en plein territoire kazakh ne favorisant guère son emploi à des fins militaires russes. Au 1er janvier 2005, 1 195 missiles et 1 230 lanceurs porteurs d’une charge utile ont été tirés depuis Baïkonour.

Lorsque l’activité spatiale était à son pic au cosmodrome de Baïkonour au milieu des années 1980, la ville édifiée à proximité du cosmodrome comptait environ 100 000 personnes. Lorsque l’activité spatiale s’est effondrée à la suite de l’éclatement de l’Union soviétique en 1991, l’agglomération s’est transformée en une ville fantôme rendue invivable par la disparition des services les plus basiques tels que la distribution de l’eau. La reprise en partie liée à l’ouverture à l’international des activités spatiales russes ainsi que l’injection de fonds par le gouvernement russe ont permis de restaurer une certaine activité et qualité de vie. En 1995 le gouvernement kazakh a accepté de céder aux autorités russes locales la gestion de la ville. Celle-ci a été rebaptisée Baïkonour comme l’agglomération située à 300 km de là dont le nom avait été retenu pour le cosmodrome.

Le 24 octobre 1960, un prototype de fusée (R-16) a explosé sur l’aire de lancement, provoquant la mort de nombreux ingénieurs et techniciens soviétiques. Connu sous le nom de catastrophe de Nedelin, cet accident a porté un coup au programme de missile balistique intercontinental soviétique. Un mémorial a été érigé à Baïkonour et les techniciens de l’Agence spatiale fédérale russe s’y recueillent avant chaque lancement.

Baïkonour signifie en kazakh “la riche ou la belle steppe“, “l’endroit où pousse l’absinthe”, “la richesse brune”…

Source : Wikipédia France

SERGUEÏ KOROLEV

Mentionné sur Korolev

Sergueï Pavlovitch Korolev (en russe : Серге́й Па́влович Королёв ; en ukrainien : Сергій Павлович Корольов), né le  à Jytomyr (gouvernement de Volhynie, Empire russe) et mort le à Moscou (RSFS de Russie, URSS), est un ingénieur, fondateur du programme spatial soviétique. Grâce à son génie visionnaire, sa force de caractère et ses talents d’organisateur l’Union soviétique acquiert une position dominante dans le domaine spatial à la fin des années 1950 et au début des années 1960.

Korolev reçoit une formation d’ingénieur puis travaille dans le bureau d’études du constructeur d’avions Tupolev avant d’intégrer en 1931 le petit centre de recherche du GIRD qui effectue un travail de pionnier dans le domaine des fusées. Au sein du RNII soutenu par les militaires soviétiques, il travaille sur un avion-fusée et sur un missile propulsé par fusée. En 1938, il est arrêté au cours des purges staliniennes qui déciment les cadres du pays et est envoyé dans le bagne de la Kolyma dont il est sauvé grâce à l’intervention de parents et d’amis. Il est interné dans une charachka où il contribue, durant la Seconde Guerre mondiale, à mettre au point des fusées d’assistance au décollage d’avions. Mi 1945, il est libéré et envoyé en Allemagne comme tous les spécialistes des fusées soviétiques pour tenter de récupérer le savoir-faire que l’équipe de Wernher von Braun a acquis en concevant et produisant le missile V2. En mai 1946, alors que les relations avec les pays occidentaux se tendent, le dirigeant de l’Union soviétique Staline décide de lancer son pays dans la réalisation de missiles balistiques. Korolev qui a été identifié pour ses talents d’organisateur joue un rôle clé dans le plan de Staline.

Il est placé à la tête d’un des bureaux d’études du NII-88 où il est chargé de développer une copie améliorée du missile V-2. Par la suite plusieurs missiles aux capacités croissantes sont mis au point par son équipe : R-2, R-3, R-5. En 1953 les dirigeants soviétiques donnent leur accord pour le développement de son projet de missile balistique intercontinental R-7 porteur d’une tête nucléaire. Après avoir surmonté de nombreux problèmes de développement le missile effectue son premier vol en 1957 ; celui-ci est suivi de peu par le lancement du premier satellite artificiel Spoutnik 1. Korolev parvient à convaincre ses donneurs d’ordre militaires de l’intérêt de missions spatiales habitées. Le vol de Youri Gagarine, premier homme dans l’espace, et les premiers succès des sondes lunaires du programme Luna consacrent le triomphe de Korolev. Mais celui-ci doit lutter pour garder la faveur de ses donneurs d’ordre car, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, il n’existe pas à l’époque de véritable instance de pilotage du programme spatial civil en Union soviétique. Il a du mal à imposer ses projets contre des concurrents comme Vladimir Tchelomeï et Mikhail Yanguel tandis que ses relations avec d’autres responsables de bureau d’études dont dépendent ses réalisations, comme le constructeur de moteurs Valentin Glouchko, se tendent. Les dirigeants soviétiques décident tardivement en 1964 de relever le défi du programme Apollo et demandent à Korolev de battre les américains alors que le retard technique de l’industrie soviétique s’est creusé. Korolev, épuisé par l’ampleur de la tâche décède à 59 ans en 1966 au cours d’une opération chirurgicale qui tourne mal.

Korolev est né le 12 janvier 1907 à Jytomyr, ville provinciale du centre de l’Ukraine, qui fait partie à l’époque de la Russie impériale. Ses parents sont Maria Mykolayivna Moskalenko (Ukrainienne) et Pavel Iakovlevitch Korolev (Russe). Il s’agit d’un mariage arrangé et leur union n’est pas très heureuse. Trois ans après sa naissance, ses parents se séparent en raison de difficultés financières. Sa mère lui annonce le décès de son père alors que celui-ci n’est survenu qu’en 1929 (il n’a jamais revu son père après le divorce de ses parents). Korolev grandit à Nejine, sous la garde de ses grands-parents. Sa mère voulant qu’il ait une formation supérieure, il suit des cours à Kiev. C’est un enfant solitaire avec peu d’amis, mais il est bon élève, notamment en mathématiques. En 1916, sa mère épouse Grigori Mikhaïlovitch Balanine, un ingénieur électricien, qui a une bonne influence sur l’enfant. Grigori ayant obtenu un emploi aux chemins de fer régionaux, la famille déménage à Odessa en 1917. L’année 1918 est tumultueuse en Russie, avec la fin de la guerre mondiale et la Révolution russe. Les luttes intestines continuent jusqu’en 1920. Pendant cette période, les locaux des écoles restent fermés et le jeune Korolev doit poursuivre ses études à la maison. En 1923, il adhère à une société aéronautique locale. En 1925, Korolev part à Moscou et y termine ses études à l’Université Technique d’État de Moscou en 1929.

Après avoir obtenu son diplôme, Korolev obtient un premier emploi dans un bureau d’études chargé de la conception d’un aéronef baptisé OPO-4, ou 4ème section expérimentale. Ce projet rassemble certains des meilleurs concepteurs russes. Il est dirigé par Paul Aimé Richard, constructeur français d’avions, arrivé en URSS en 1928. Korolev ne se distingue pas particulièrement dans le groupe, mais s’emploie dans plusieurs projets personnels. L’un d’eux est la mise au point d’un planeur capable d’accomplir de la voltige. En 1930, il devient ingénieur principal chargé de la conception du bombardier lourd Tupolev TB-3.

C’est au cours de l’année 1930 que Korolev s’intéresse à l’utilisation de carburant liquide pour la propulsion par moteur-fusée. À l’époque, il cherche à utiliser cette technologie pour la propulsion des avions. Les dirigeants soviétiques ont lancé à la fin des années 1920 une politique très volontariste misant sur l’industrialisation à marche forcée et la recherche. Dans ce contexte la principale association paramilitaire soviétique, l’OSOAIAKHIM, crée en 1931 le GIRD, qui réunit des ingénieurs et des techniciens pour effectuer des recherches dans le domaine des fusées. Korolev participe à la fondation de la section moscovite en tant qu’adjoint de Friedrich Tsander, un des pionniers soviétiques de l’astronautique. Il y rencontre Mikhaïl Tikhonravov qui deviendra un de ses plus proches collaborateurs. La section moscovite du GIRD, qui compte une soixantaine de personnes, travaille sur une dizaine de projets utilisant plusieurs types de propulsion. Korolev met au point un planeur propulsé par un moteur-fusée RP-1 brûlant un mélange d’oxygène et de kérosène. En 1932 Tsander tombe malade et Korolev le remplace à la tête du GIRD moscovite. La même année, les militaires s’intéressent aux efforts déployés par le groupe et commencent à fournir des fonds. En 1933, le groupe réalise le premier tir d’une fusée à propulsion liquide, baptisée GIRD-09, soit sept ans après Robert Goddard et son lancement peu médiatisé de 1926.

En 1932 le GIRD moscovite a des contacts informels avec le GDL : ce laboratoire de recherche militaire installé à Léningrad rassemble 200 ingénieurs et techniciens travaillant dans le domaine de la propulsion à ergols liquides et la propulsion à propergol solide. Valentin Glouchko, qui concevra par la suite la majeure partie des moteurs propulsant les fusées de Korolev, y est responsable d’une section qui effectue des recherches méthodiques sur la propulsion à ergols liquides. Le GDL joue un rôle central dans la mise au point des roquettes.

Certains militaires soviétiques et en particulier le maréchal Mikhaïl Toukhatchevski, militaire novateur et très influent, ont pris conscience du potentiel des fusées. Toukhatchevski œuvre pour rapprocher le GDL et la section moscovite du GIRD . En septembre 1933, les deux structures sont fusionnées au sein de l’Institut de recherche scientifique sur les moteurs à réaction ou RNII (Реактивный научно-исследовательский институт, РНИИ ; Reaktivny naoutchno-issledovatelski institout, RNII). Le nouvel ensemble est dirigé par l’ancien responsable du GDL Ivan Kleïmenov, avec comme adjoint Korolev. Peu après la création du RNII, des divergences se font jour entre Korolev et Kleïmenov sur les objectifs de l’institut de recherche. Ce dernier considère que la mise au point des roquettes, constitue le projet de recherche prioritaire. Korolev est remplacé par Gueorgui Langemak ce qui sauvera sans doute la vie de Korolev par la suite. Au sein du RNII Korolev est responsable d’un projet de “missile de croisière” (projet 212) et surtout de l’avion-fusée RP-318-1. Ces deux engins sont propulsés par des moteurs développés par Glouchko. Le RNII met ainsi au point des systèmes automatisés de gyroscopes permettant de stabiliser le vol le long d’une trajectoire programmée. En 1934, Korolev publie l’ouvrage Une fusée dans la stratosphère.

En 1937 les purges staliniennes, manifestation de la paranoïa de Staline qui décime l’armée et les cadres du régime soviétique, frappent aveuglément les principaux membres du RNII. Le bureau d’études a été placé sous surveillance par la police secrète soviétique (le NKVD), car il avait été patronné par le maréchal Toukhatchevski qui a été une des premières victimes des purges. Un des ingénieurs du RNII qui brigue la direction du RNII rédige de fausses accusations contre les responsables du centre de recherches : Kleïmenov et son adjoint Langemak sont arrêtés sous l’accusation de déviationnisme trotskyste. Langemak avoue ses “crimes” sous la torture et sans doute aussi dans l’espoir d’éviter une condamnation à mort. Il dénonce à son tour Glouchko et Korolev. Kleïmenov et Langemak sont exécutés peu après. Glouchko est arrêté en mars 1938 et, tout en avouant ses actes de sabotage fictifs, dénonce ses collègues dont Korolev. Alors que Glouchko est interné dans la charachka TsKB-4, une prison pour ingénieurs, Korolev est envoyé dans la Kolyma, le pire bagne du Goulag soviétique. Il a la mâchoire fracassée pendant un interrogatoire et, victime du scorbut, il perd la moitié de sa dentition. Il sort à temps du bagne de la Kolyma libéré sur ordre de Lavrenti Beria grâce à l’intervention de sa mère et du constructeur d’avions Andreï Tupolev. Ce dernier obtient, en 1940, son transfert dans la charachka dont il est responsable. Peu après, Korolev est muté dans la charachka que dirige Glouchko et qui développe des fusées d’assistance au décollage pour avions. Glouchko en fait son adjoint et le responsable des tests.

Le 27 juin 1944, Korolev – ainsi que Tupolev, Glouchko et d’autres – est libéré par un décret spécial du gouvernement, mais les charges retenues contre lui ne seront abandonnées qu’en 1957. Le bureau d’études du NKVD passe sous l’autorité de la commission de l’aviation du gouvernement. Korolev continue à travailler dans ce bureau pendant encore un an, comme concepteur adjoint sous les ordres de Glouchko et étudie différents modèles de fusée.

À la fin des années 1930, les ingénieurs allemands dirigés par Wernher von Braun ont pris une énorme avance dans le domaine de la propulsion et du guidage des fusées en développant le missile V2. Après la défaite de l’Allemagne nazie en 1945, les Alliés tentent chacun de leur côté de récupérer ce savoir-faire. Les Américains, dans le cadre de l’opération Paperclip, mettent la main sur les responsables du projet, dont Von Braun, ainsi que sur un grand nombre de fusées. Staline envoie en Allemagne, avant même la fin des combats, tous les spécialistes soviétiques travaillant dans le domaine des fusées, y compris Korolev qui a été libéré à cette occasion. Les ingénieurs et techniciens soviétiques ont pour mission de collecter les informations, tenter de remettre en marche les installations de production des V2 et embaucher les experts et les techniciens allemands.

En mai 1946, Staline décide de lancer l’Union soviétique dans le développement des missiles balistiques. Les outils de production des V2 sont rapatriés sur le territoire soviétique. Korolev qui a été identifié pour ses talents d’organisateur est placé à la tête du bureau d’études spécial n°1 OKB-1, rattaché au NII-88 (ОКБ-1 НИИ-88), où il est chargé de développer une version améliorée du V-2. Un deuxième bureau d’études du NII-88 rassemble environ 150 spécialistes allemands du V-2 que les autorités soviétiques ont transféré de manière autoritaire en URSS avec familles et bagages. Ils sont dirigés par Helmut Gröttrup et sont installés dans un camp situé sur l’île de Gorodomlia sur le lac Seliger à 200 km de Moscou. Les autorités soviétiques leur demandent également de développer une version améliorée de la V-2. Parallèlement un établissement baptisé OKB-456 spécialisé dans la construction de moteurs-fusées à ergols liquides est créé dans une ancienne usine d’aviation à Khimki, dans la banlieue de Moscou ; Glouchko, nommé responsable de son bureau d’études, est chargé de fabriquer une copie du moteur du missile V2 avec l’aide de spécialistes et de techniciens allemands.

L’équipe de Korolev met au point plusieurs missiles aux capacités croissantes. Le missile R-1 est une copie du V2 dont plusieurs exemplaires sont tirés à partir d’ avec un taux de réussite proche de celui obtenu par les Allemands durant la guerre. Mais la production industrielle met beaucoup plus de temps car comme l’avait diagnostiqué un ingénieur allemand, l’Union soviétique a un retard de 15 ans. Les premiers missiles ne sortent de l’usine OKB-586, située à Dnipropetrovsk, en Ukraine, que fin 1952. Le missile R-1 sera déployé dans quelques unités opérationnelles. Une version sera utilisée comme fusée-sonde à des fins scientifiques. Le missile R-2 est une version agrandie de la R-1 avec une portée doublée (550 km) et une charge constituée d’un liquide radioactif qui devait être dispersé en altitude pour former une pluie mortelle. La R-2 est jugée moins bonne que la G-1 produite par l’équipe des ingénieurs allemands de Gröttrup. Korolev défend son projet mais incorpore certaines des innovations allemandes et son missile est finalement accepté et entre en production en juin 1953. La licence de construction de la R-2, cédée en décembre 1957 à la Chine, constituera le point de départ de l’industrie des missiles balistiques dans ce pays.

En , un décret du gouvernement soviétique officialise le lancement du projet de missile R-3 capable de délivrer une bombe nucléaire de 3 tonnes à 3 000 km de distance. Korolev a commencé à travailler sur sa conception dès 1947. De nombreuses solutions sont envisagées dans le document en 20 volumes que Korolev et ses ingénieurs finalisent en juin 1949. La solution du missile de croisière est tout autant mise en avant que celle du missile balistique ce qui reflète peut-être les préférences personnelles de Korolev. Pour le missile balistique trois architectures sont envisagées : fusée à plusieurs étages, fusée mono-étage avec réservoirs largables, étages assemblés “en fagot” et allumés simultanément avec un étage central ayant un temps de combustion plus long. Compte tenu du saut technologique nécessaire pour développer la R-3, Korolev préconise que la solution adoptée puisse servir de point de départ pour le missile balistique intercontinental de 8 000 km de portée demandé par les dirigeants soviétiques. Pour le missile intercontinental, sa préférence va à l’architecture en fagot préconisée dès 1947 par Tikhonravov tandis qu’il retient la solution de la fusée mono-étage pour la R-3. Mais cela suppose d’introduire pour cette dernière un grand nombre d’innovations :

  • diviser par 3 la masse à vide en utilisant des réservoirs intégraux et en remplaçant les gouvernes par le recours à un moteur-fusée monté sur cardan
  • améliorer l’impulsion spécifique de 22 % en utilisant le mélange oxygène liquide/kérosène plus performant à la place du mélange oxygène liquide/alcool tout en fournissant une poussée de 120 tonnes.

Le missile d’une longueur totale de 27 mètres doit atteindre une vitesse maximale de 4,7 km/s. Sa structure réalisée dans un nouvel alliage aluminium/magnésium a une masse au lancement de 71,72 tonnes et une masse à vide de 8,5 tonnes. Le saut technologique est trop important et il est décidé de valider certaines des innovations sur un lanceur aux caractéristiques intermédiaires : le R-3A est en fait un R-2 avec des réservoirs intégraux et sans dérive ce qui fait passer sa portée à 935 km. Le R-3A doit voler en 1951 tandis que le R-3 ne peut être lancé au plus tôt qu’en 1952. Alors que les travaux sur le R-3A avancent selon le planning prévu, Glouchko est bloqué dans le développement du propulseur RD-110 de 120 tonnes de poussée qui doit propulser la R-3 : le nouveau mélange d’ergols est plus efficace mais nécessite plus de pression dans la chambre de combustion nécessitant d’épaissir les parois, qui deviennent du coup plus difficiles à refroidir. Fin 1951, ne parvenant pas à régler ce problème, Glouchko arrête temporairement ses travaux sur le moteur.

Korolev s’est engagé à développer le missile R-3 qui constitue une priorité aux yeux des militaires, mais celui-ci ne peut pas être développé dans les délais compte tenu des difficultés rencontrées par Glouchko. Il décide pour faire patienter ses donneurs d’ordres d’améliorer les caractéristiques du démonstrateur R3-A et d’en faire un missile à part entière, le R-5 capable de placer une charge explosive d’une tonne à une distance de 1 200 km. Deux séries de tests réalisés entre avril et décembre 1953 confirment le fonctionnement du missile et sa relative fiabilité (2 échecs pour 13 tirs). Le missile entrera en production peu après. le R-5 est également le premier missile à avoir la capacité de lancer une arme nucléaire. Le missile subit un certain nombre de modifications pour pouvoir emporter la nouvelle arme au cours de l’année 1954. Après une campagne de tests de 17 tirs et 4 tirs de qualification, un essai réel du missile rebaptisé R-5M, baptisé “opération Baïkal”, est effectué le 2 février 1956 depuis la base de lancement de Kapoustine Iar. Le missile remplit parfaitement son office et la charge nucléaire explose sur la cible visée : pour Korolev et ses collaborateurs c’est un moment de triomphe. Ce succès lève les doutes que beaucoup de dirigeants politiques et militaires avaient vis-à-vis des travaux de Korolev. Désormais ils ne ménageront plus leur appui aux travaux sur les missiles. Korolev et ses principaux collaborateurs se voient décerner en avril 1956 le titre de Héros du travail socialiste la plus haute récompense de l’Union soviétique.

Le missile de croisière constitue une solution de rechange au missile balistique. À la fin des années 1940, l’institut de recherche NII-1 dirigé par Mstislav Keldych bute sur des difficultés insurmontables dans sa tentative de développer le bombardier suborbital Silbervogel allemand de Eugen Sänger. Fin 1950, Keldych redirige ses travaux sur un projet plus modeste, utilisant des solutions techniques déjà testées : un missile de croisière intercontinental utilisant un premier étage propulsé par le moteur RD-100 du missile R-1 puis un couple de statoréacteurs permettant d’amener une tête nucléaire de 3 tonnes à une distance d’environ 7 000 km. À cette époque l’institut de recherche sur la propulsion des avions, le TsIAM, a effectué des tests poussés sur les statoréacteurs ayant une poussée de 21 tonnes capable d’aller jusqu’à Mach 4. Mais ce projet rencontre également des difficultés dans la mise au point de la motorisation. Au début des années 1950, les responsables soviétiques semblent pencher à la lumière des développements sur le R-3 pour le missile balistique. Néanmoins le développement des deux missiles continuera d’être financé jusqu’à la fin des années 1950.

Korolev a décidé de se concentrer sur la conception du missile balistique intercontinental que souhaitent les dirigeants soviétiques sans passer par la mise au point de missiles à portée intermédiaire. Le missile doit être capable de transporter une bombe H de 5 tonnes sur 8 000 km. En 1953 les dirigeants soviétiques donnent leur accord pour le développement de la R-7 Semiorka et Korolev sous-traite le développement des missiles de portée intermédiaire à un de ses adjoints, Mikhail Yanguel.

Pour propulser le R-7, Glouchko choisit de développer une version pratiquement 10 fois plus puissante (65 tonnes de poussée) du moteur-fusée ED-140. Mais la mise au point du moteur qui sera baptisé RD 105/RD-106 se heurte de nouveau à des problèmes d’instabilité de combustion. Par ailleurs la masse de la tête nucléaire que doit transporter par le missile s’est accrue pour atteindre 5,4 tonnes ce qui nécessite d’accroître les performances du système de propulsion. Le missile doit être opérationnel en 1956 ; Glouchko, pour contourner le problème créé par la taille de la chambre de combustion, décide de développer le moteur RD 107/RD-108 comportant quatre chambres de combustion et quatre tuyères alimentées par une turbopompe commune. Cette solution toutefois accroît la complexité du missile qui comportera pas moins de 20 ensembles chambres de combustion/tuyères et 12 moteurs-verniers.

Pour lancer un satellite dans l’espace, Korolev doit convaincre les membres du parti ainsi que les militaires, qui sont sceptiques. L’objectif de Korolev est purement scientifique mais pour obtenir un accord, il trouve des arguments susceptibles de plaire aux militaires (forte charge utile et grande portée), et aux politiques (propagande de la réussite technique soviétique face aux États-Unis) voire stratégique (développements de satellite espion). Après de nombreux échecs, dus successivement à des fuites de carburant, à des allumages tardifs ou prématurés d’un moteur, à un mauvais calcul de trajectoire ou aux vibrations de la fusée lors de son ascension, Korolev réussit un lancement. Il en informe ses supérieurs haut placés, et obtient auprès des dirigeants (politiques et militaires) du programme spatial soviétique l’autorisation d’effectuer un autre lancement, afin de confirmer la fiabilité de la R7 et permettre la mise en orbite d’un satellite. Korolev qui suit l’avancée des travaux des Américains décide de gagner du temps. La charge utile initialement prévue est abandonnée (elle sera lancée dans le cadre de la mission Spoutnik 3) pour laisser place à un petit satellite à la masse et à l’équipement scientifique minimal : un émetteur radio juste capable de lancer des signaux audibles autour de la Terre pendant quelques jours.

Le , une fusée R-7 lance le premier satellite artificiel dans l’espace, le Spoutnik-1, qui après débat, a pris la forme d’une sphère selon le vœu de Korolev. À la suite du succès de Spoutnik 1, Korolev accorde des congés à tous ses responsables qui n’avaient pas pris un seul jour de vacances depuis plusieurs années. Le vol de Spoutnik 1 a un retentissement mondial auquel les dirigeants de l’Union soviétique ne s’attendaient pas. Nikita Khrouchtchev décide de faire des succès soviétiques dans le domaine de l’astronautique un des piliers de la propagande du régime soviétique. Quelques jours après le lancement de Spoutnik 1, Khrouchtchev convoque Korolev pour avoir des détails sur le déroulement du vol. Il lui demande incidemment si son équipe peut réaliser une nouvelle mission pour marquer avec éclat le quarantième anniversaire de la Révolution d’Octobre, qui doit avoir lieu le soit dans seulement un mois. Korolev répond que ses équipes peuvent à coup sûr placer en orbite à cette date un chien. Krouchtchev demande à Korolev de réaliser cette mission en lui donnant pour consigne impérative de respecter la date de lancement visée, mais en lui accordant une priorité absolue pour tous les aspects logistiques. La décision est officialisée le 12 octobre. Korolev fait rappeler en urgence ses ingénieurs partis en congé pour travailler sur la nouvelle mission qui doit être lancée dans quatre semaines. Les dirigeants américains, poussés par leur opinion publique et désireux de démontrer leur supériorité, décident d’investir massivement dans le programme spatial, déclenchant une course à l’espace entre l’Union soviétique et les États-Unis qui va constituer le cadre de travail de Korolev jusqu’à la fin de sa vie.

Un satellite relativement sophistiqué, baptisé objet D et pouvant emporter à son bord un être vivant, était à l’époque à l’étude, mais il ne pouvait être prêt avant décembre ; cet engin spatial sera lancé dans le cadre de la mission Spoutnik 3. Pour respecter l’échéance imposée, un nouvel engin spatial, moins sophistiqué, est conçu à la hâte. En conséquence, Spoutnik 2 a été réalisé dans l’urgence, la plupart des éléments du vaisseau étant construits à partir de croquis approximatifs, sans essais préalables. En plus de sa mission principale – envoyer un être vivant dans l’espace – Spoutnik 2 emporte une série d’instruments scientifiques, notamment des spectromètres pour étudier les radiations solaires et les rayons cosmiques.

Le 3 novembre 1957, il envoie le premier animal terrestre dans l’espace, une chienne nommée Laïka. Elle y reste 6 heures, mais décède d’hyperthermie, le système de régulation de température de sa capsule étant tombé en panne.

Dès 1955, alors que le la R-7 Semiorka est encore en cours de mise au point, Korolev envisage de lancer une sonde spatiale vers la Lune avec cette fusée. Selon ses calculs, il suffit d’ajouter un étage supplémentaire au missile pour pouvoir lancer un engin spatial de quelques centaines de kilogrammes vers notre satellite naturel. Korolev adresse à l’Académie des sciences d’URSS une proposition de plan d’exploration de la Lune en avril 1957. L’Académie y répond favorablement. Après le succès retentissant de Spoutnik 1, Korolev crée au sein de l’OKB-1, trois nouveaux bureaux d’études dédiés respectivement aux satellites de télécommunications, aux missions habitées et aux sondes lunaires. Cette dernière structure est placée sous la responsabilité de Mikhail Tikhonravov et de Gleb Maximov. Par ailleurs un programme comportant une série de missions lunaires avec des difficultés croissantes est élaboré par l’académicien Mstislav Keldych. Ce plan prévoit :

  • un premier vol (Ye-1) consistant à s’écraser sur la Lune
  • une mission de photographie de la face cachée de la Lune (Ye-3)
  • la troisième mission (Ye-4) proposée par l’académicien Zeldovich consiste à faire exploser une bombe atomique à la surface de la Lune. Cette proposition est abandonnée après évaluation des risques en cas d’échec et de l’impact négatif sur la communauté scientifique.
  • Ye-5 consiste à effectuer un relevé photographique détaillé de la surface de la Lune
  • Ye-6 doit couronner le programme avec un atterrissage en douceur et la transmission d’un panorama lunaire.

Cette liste est soumise à l’Académie des sciences et au dirigeant soviétique Khrouchtchev. Un décret formalise l’accord de ces autorités le 20 mars 1958. Korolev fait développer le moteur du troisième étage par Sémion Kosberg, un nouvel arrivant dans le domaine des fusées transfuge de l’aviation car le fournisseur de moteurs attitré de Korolev, Valentin Glouchko, ne peut fournir dans les délais l’étage souhaité. L’ensemble formé par la Semiorka et le troisième étage “Bloc Ye” reçoit le nom de code 8k72 mais est baptisée Luna dans les communiqués officiels.

Six missions destinées à s’écraser sur la Lune, dont deux réussies, sont lancées en 1958 et 1959 en utilisant le modèle de sonde Ye-1. Au printemps 1958, Korolev sait que les États-Unis, avec lesquels l’Union soviétique a entamé une course de prestige, préparent l’envoi d’une sonde vers la Lune au cours de l’été dans le cadre du programme Pioneer. Bien que le troisième étage, qui n’a jamais encore volé, ne soit pas parfaitement au point, Korolev fait préparer un lancement d’une sonde lunaire Ye-1 à la date prévue pour le lancement de la sonde américaine ; la trajectoire calculée par l’équipe soviétique est plus courte et la sonde de Korolev est assurée d’arriver avant la sonde américaine. Pour ce lancement comme pour tous les suivants, les américains annoncent à l’avance la date tandis que les soviétiques n’officialisent leurs lancements qu’après coup et seulement s’ils sont réussis. Les échecs soviétiques sont ainsi dissimulés accentuant l’impression de domination de l’astronautique soviétique durant les premières années de l’ère spatiale. Le 17 août, jour du lancement, le lanceur américain explose en vol. Korelev décide de reporter son propre lancement pour améliorer la fiabilité de son lanceur. Le premier lancement de la sonde lunaire soviétique a lieu le 23 septembre mais il échoue. Un problème de résonance entraîne la désintégration du lanceur en cours de vol. Le jour de la deuxième tentative américaine, le 11 octobre, Korolev dispose d’un lanceur également prêt. Le troisième étage du lanceur de la sonde américaine Pioneer 1 est à nouveau victime d’une défaillance mais la fusée soviétique qui est lancée dans la foulée est de nouveau victime du phénomène de résonance. Le problème est corrigé et une troisième tentative est effectuée le 4 décembre. Le lancement échoue à nouveau à la suite d’une défaillance de la turbopompe injectant l’oxygène dans la chambre de combustion du troisième étage. Les américains sont aussi peu chanceux avec leur lanceur puisque leurs deux tentatives des 8 novembre et 6 décembre échouent également.

Lors de la quatrième tentative, le , le lanceur fonctionne jusqu’au bout et la sonde parvient enfin à s’arracher à l’orbite terrestre. Mais la trajectoire suivie n’est pas parfaite car l’arrêt du second étage, qui est radio-commandé, est déclenché trop tard. La sonde qui devait s’écraser sur la Lune passe à 5965 km de distance et se trouve placée sur une orbite héliocentrique. C’est donc un demi-succès pour l’équipe de Korolev mais les autorités soviétiques s’empressent néanmoins d’annoncer que la sonde a parfaitement rempli ses objectifs en réalisant trois premières : s’arracher à l’orbite terrestre, survoler à faible distance la Lune, et se placer sur une orbite héliocentrique. La sonde est sur le moment baptisée Mechta (rêve en russe) mais sera renommée un an plus tard Luna 1. Ses instruments permettent de découvrir le vent solaire. Aucun champ magnétique significatif d’origine lunaire n’est mis en évidence. La sonde lunaire soviétique est légèrement modifiée (version Ye-1A) et est lancée le 18 juin 1959 mais le lanceur est victime d’une défaillance d’un de ses gyroscopes. Le le sixième tir qui emporte Luna 2 est un succès total. Pour la première fois, un engin construit par l’homme atteint la surface d’un autre corps céleste. La sonde s’écrase à l’est de la Mare Imbrium. Tous les instruments scientifiques ont parfaitement fonctionné et l’absence de champ magnétique lunaire significatif est confirmé.

C’est également lui qui, le 12 avril 1961, via le programme Vostok, permet à Youri Gagarine de devenir le premier homme dans l’espace.

Dès 1957, Korolev étudie les plans d’un lanceur capable de lancer une mission habitée autour de la Lune. Malgré le désintérêt des militaires soviétiques, il demande en 1959 à un de ses collaborateurs de travailler sur l’avant-projet d’un vaisseau spatial habité, baptisé Sever (Nord) capable d’effectuer le tour de la Lune. Fin 1959, il parvient à attirer l’attention du dirigeant soviétique de l’époque Nikita Khrouchtchev sur le sujet en lui faisant part des premiers travaux de la NASA sur un lanceur lourd qui deviendra la fusée Saturn : il obtient ainsi le feu vert pour réaliser une étude de la fusée N-1. Celle-ci n’a toutefois pas de mission définie. En avril 1962, les constructeurs astronautiques ainsi que les principaux décideurs soviétiques se réunissent à Pitsounda dans la villégiature du dirigeant de l’Union soviétique, Nikita Khrouchtchev pour définir la stratégie spatiale soviétique. Au grand dépit de Korolev, son principal rival Vladimir Tchelomeï, qui a su s’attirer l’appui de Khrouchtchev et, contrairement à Korolev, celui des militaires, obtient le feu vert pour son projet de lanceur lourd UR500 rebaptisé par la suite Proton. Celui-ci doit, entre autres, être utilisé pour le lancement d’un vaisseau spatial habité chargé d’une mission circumlunaire.

Fin 1962, Korolev travaille sur le successeur de sa capsule spatiale Vostok qui ne peut transporter qu’un seul cosmonaute et a des capacités de manœuvre limitées. Le nouvel engin doit pouvoir changer d’orbite, transporter plusieurs cosmonautes, effectuer des vols de longue durée, s’amarrer à un autre vaisseau et permettre des sorties extravéhiculaires ; il doit enfin pouvoir effectuer une rentrée atmosphérique après une mission lunaire c’est-à-dire à la deuxième vitesse cosmique (11 km/s) beaucoup plus élevée que la vitesse de rentrée d’un vaisseau ayant effectué une mission en orbite basse. Pour lancer le futur vaisseau, Korolev choisit de combiner les premiers étages renforcés de la fusée Vostok, utilisée pour mettre en orbite les premiers vaisseaux habités soviétiques, et le puissant troisième étage de la fusée Molnia utilisée pour lancer les sondes spatiales. Le lanceur résultant est capable de placer 6,5 tonnes en orbite basse. Pour contrer le projet de son rival Tchelomeï, il propose une mission circumlunaire utilisant le nouveau vaisseau spatial baptisé 7K, qui doit emporter un équipage de 2 personnes ; deux autres vaisseaux sont chargés, après avoir été lancés indépendamment, de s’amarrer au premier vaisseau en formant un ensemble spatial baptisé Soyouz (Union). Le deuxième vaisseau 9K (ou Soyouz B) est chargé d’accélérer le train spatial tandis que le 11 K emporte du carburant supplémentaire. Ce projet, bien que concurrent de celui de Tchelomeï, reçoit, de manière paradoxale, en mars 1963 l’aval du Conseil Spatial chargé de coordonner la politique spatiale soviétique.

Courant 1963, le bureau d’étude de Korolev avance sur la conception de Soyouz sans toutefois disposer de budget. Les principales caractéristiques du vaisseau 7K, tel qu’il sera développé par la suite, sont figées à cette époque. Le vaisseau comporte deux modules habitables dont un seul, le module de descente, revient sur Terre tandis que le module orbital est utilisé uniquement en orbite. Le 7K comporte un troisième module qui regroupe propulsion et panneaux solaires. Le premier exemplaire du nouveau lanceur, qui doit placer en orbite chacun des éléments du train spatial et qui est également baptisé Soyouz, est lancé avec succès le 16 novembre 1963. La fusée entame une longue carrière de lanceur qui se poursuit toujours en 2011 : il n’évoluera que faiblement au fil des décennies avec la version Soyouz-U (6,8 tonnes) en 1973 et la version Soyuz-FG qui peut placer 7,1 tonnes en orbite basse à compter de 2002. Fin 1963, Korolev reçoit la commande de deux versions militaires de son nouveau vaisseau 7K : un vaisseau de reconnaissance Soyouz-R et un intercepteur de satellites Soyouz-P. Il va en fait utiliser les moyens financiers fournis par cette commande pour développer la version civile. À la même époque, Korolev choisit un système de rendez-vous automatique pour son futur vaisseau à l’opposé de la solution retenue par la NASA qui s’en remet à ses astronautes pour les manœuvres de rendez-vous. Ce choix résulte en partie de la formation des ingénieurs des bureaux d’étude soviétiques qui viennent du monde des missiles et connaissent mal l’aéronautique ; mais cette option découle également de la volonté des autorités soviétiques, réticentes pour des raisons idéologiques à donner trop d’autonomie aux cosmonautes. Mais le rendez-vous automatique va contribuer à handicaper le projet en imposant une grande complexité technique dans un domaine, l’électronique, qui constitue un point faible de l’industrie et de la recherche soviétique.

Jusque-là l’astronautique soviétique n’avait pas de véritable projet d’atterrissage sur la Lune mais fin 1964 les dirigeants soviétiques, constatant les progrès de la NASA, décident de relever le défi du programme Apollo. Korolev a profondément remanié le scénario d’atterrissage sur la Lune qu’il avait communiqué précédemment aux responsables soviétiques et qui impliquait jusque là le lancement de 3 fusées géantes N-1. La solution proposée reprend la formule du rendez-vous en orbite lunaire retenue par la NASA : elle repose sur l’envoi par une unique fusée N-1 de deux vaisseaux formant le train spatial L3 dont l’un, le vaisseau orbital LOK (Lunniy Orbitalny Korabl), reste en orbite tandis que le second, le module lunaire LK (Lunniy Korabl), se pose sur la Lune. Le vaisseau LOK est en fait un Soyouz 7K avec un bouclier thermique et un système de propulsion renforcés ce qui porte son poids à 9,4 tonnes. Le scénario présenté est accepté par les dirigeants soviétiques et Korolev reçoit la commande en janvier 1965 de 16 ensembles L3/N-1. Les premiers vols doivent avoir lieu en 1966 avec un atterrissage fin 1968.

Malgré le lancement officiel du programme d’atterrissage sur la Lune, le projet de mission circumlunaire de Tchelomeï est maintenu car il s’agit d’une opération de prestige programmée pour mai ou octobre 1967 qui sont deux dates symboliques en Union soviétique car associées cette année-là au cinquantenaire de la Révolution d’Octobre. Ce programme doit permettre de marquer des points auprès de l’opinion internationale en attendant le véritable débarquement lunaire. Mais Tchelomeï, qui a perdu son principal soutien avec la chute de Khrouchtchev remplacé par Léonid Brejnev, est en difficulté car le vaisseau LK1 ne pourra manifestement pas être prêt pour l’échéance fixée. Le lanceur UR-500 a par contre brillamment réussi son premier essai et Korolev propose aux autorités d’associer le nouveau lanceur qui peut placer 20 tonnes en orbite basse avec un vaisseau développé par ses bureaux d’études. Celui-ci est en fait un vaisseau Soyouz 7K dépourvu de module orbital pour réduire sa masse et associé à un étage de fusée Bloc D qui doit le propulser sur une trajectoire lunaire. Le nouveau scénario est accepté par l’ensemble des décideurs en octobre 1965. Mais en fait Korolev a bluffé et le train spatial dit L1 constitué par le Bloc D et le vaisseau est trop lourd de 0,5 tonne. Pour contourner le problème, il remanie le scénario de la mission circumlunaire : l’équipage doit être lancé dans un vaisseau Soyouz 7K classique par une fusée Soyouz tandis que le train L1 est lancé de son côté sans équipage par une fusée UR 500/Proton. Un rendez-vous spatial est réalisé sans amarrage (il n’y a pas de pièce d’amarrage sur le L1) puis l’équipage passe dans le vaisseau du train L1 en effectuant une sortie extravéhiculaire. Korolev est désormais aux commandes de tous les programmes spatiaux habités mais le travail restant à effectuer, qui nécessite la mise au point de trois versions du vaisseau Soyouz, du lanceur N-1 et du module lunaire LK, rend la tenue des échéances peu réaliste.

Korolev avait de graves problèmes de santé depuis plusieurs années. Il souffrait notamment d’hémorragies intestinales à l’origine de douleurs insupportables. Ses problèmes étaient aggravés par la durée de ses journées de travail – il pouvait travailler 18 heures par jour pendant plusieurs semaines sans s’arrêter – et le stress intense lié à son rôle pivot dans l’ensemble des projets spatiaux soviétiques et à la désorganisation de l’industrie spatiale, source de nombreux conflits. Au cours de l’année 1965, sa santé se détériore nettement. Il se plaint de baisses de tension, de maux de têtes. Il perd son acuité auditive et des problèmes cardiaques se développent. Il s’épuise à tenter de régler les problèmes qui se multiplient dans un environnement de plus en plus hostile. Ses rapports professionnels sont de plus en plus conflictuels même avec ses collaborateurs les plus proches : fin 1965, il envisage très sérieusement de donner sa démission. À la suite d’examens effectués en décembre 1965, les médecins décident de l’opérer pour lui retirer un polype intestinal. Il s’agit d’une opération bénigne et Korolev a prévu après l’opération une petite fête chez lui, le 14 janvier pour ses 59 ans. Le 11 janvier, Korolev entre en salle d’opération. Boris Petrovski, ministre de la santé d’Union soviétique mais également chirurgien cardiaque, opère en personne. Mais l’opération ne se passe pas comme prévu. Korolev a eu la mâchoire brisée durant son séjour au goulag et les chirurgiens doivent procéder à une anesthésie générale malgré sa mauvaise condition cardiaque. Son cou très court ne permet pas de l’intuber et il faut effectuer une trachéotomie pour insérer le tube respiratoire. L’ablation du polype déclenche une hémorragie que l’équipe médicale n’arrive pas à arrêter. Les chirurgiens découvrent en l’opérant un cancer au niveau de l’anus et de la paroi pelvienne et doivent procéder à une ouverture de l’abdomen non planifiée pour retirer la tumeur qui est grosse comme le poing. Devant l’ampleur du problème, Alexandre Vichnevski, chirurgien spécialisé dans les cancers et ami de Korolev, est appelé en urgence mais il est trop tard. L’opération a duré plus de 4 heures et le cœur de Korolev lâche.

Korolev a été marié à Xenia Vincentini, qui leur donne une fille, puis ils ont divorcé, il a alors pu épouser Nina Ivanovna Kotenkova, interprète de profession.

De son vivant, Korolev a été nommé deux fois Héros du Travail socialiste (1956 et 1961). À titre posthume, il a reçu en 1971 le prix Lénine et trois ordres de Lénine. Il est élu à l’Académie des Sciences de l’URSS en 1958 bien qu’il n’ait pas les compétences scientifiques théoriquement exigées. En 1996, la ville de Kalinigrad dans la banlieue de Moscou, qui héberge depuis toujours RKK Energia, principal établissement de l’industrie spatiale mise en place par Korolev, est rebaptisée en son honneur Korolev. Son nom a été donné à une rue de Moscou (Ulitsa Akademika Korolyova) ainsi qu’à plusieurs formations planétaires et objets célestes : le cratère Korolev sur la face cachée de la Lune, le cratère Korolev sur Mars et l’astéroïde 1855 Korolev.

L’activité spatiale très proche de celles des missiles relève du secret absolu dans le régime autoritaire soviétique. Le rôle de Korolev, comme celui des autres responsables du programme spatial soviétique était tenu secret, tout comme l’organisation de l’industrie spatiale et l’emplacement des bases de lancement. Jusqu’à sa mort, le nom de Korolev n’apparaît dans aucun communiqué officiel. Le KGB présente à la presse occidentale Leonid Sedov, physicien membre de l’Académie des sciences de Russie, comme “le père du Spoutnik”.

Source : Wikipédia France

PROGRAMME APOLLO

Mentionné sur Tomorrow

Le programme Apollo est le programme spatial de la NASA mené durant la période 1961 – 1975 qui a permis aux États-Unis d’envoyer pour la première fois des hommes sur la Lune. Il a été lancé par John F. Kennedy le , essentiellement pour reconquérir le prestige américain mis à mal par les succès de l’astronautique soviétique, à une époque où la guerre froide entre les deux superpuissances battait son plein.

Le programme avait pour objectif de poser un homme sur la Lune avant la fin de la décennie. Le , cet objectif était atteint par deux des trois membres d’équipage de la mission Apollo 11, Neil Armstrong et Buzz Aldrin. Cinq autres missions se sont posées par la suite sur d’autres sites lunaires et y ont séjourné jusqu’à trois jours. Ces expéditions ont permis de rapporter 382 kilogrammes de roche lunaire et de mettre en place plusieurs batteries d’instruments scientifiques. Les astronautes ont effectué des observations in situ au cours d’excursions sur le sol lunaire d’une durée pouvant atteindre 8 heures, assistés à partir d’Apollo 15 par un véhicule tout-terrain, le rover lunaire.

Aucun vol orbital américain n’avait encore été réalisé en mai 1961. Pour remplir l’objectif fixé par le président, la NASA a lancé plusieurs programmes destinés à préparer les futures expéditions lunaires : le programme Gemini pour mettre au point les techniques de vol spatial et des programmes de reconnaissance (programme Surveyor, Ranger…) pour, entre autres, cartographier les zones d’atterrissage et déterminer la consistance du sol lunaire. Pour atteindre la Lune, les responsables ont fini par se rallier à la méthode audacieuse du rendez-vous en orbite lunaire, qui nécessitait de disposer de deux vaisseaux spatiaux dont le module lunaire destiné à l’atterrissage sur la Lune. La fusée géante de 3 000 tonnes Saturn V, capable de placer en orbite basse 118 tonnes, a été développée pour lancer les véhicules de l’expédition lunaire. Le programme drainera un budget considérable (163 milliards de dollars US actuels) et mobilisera jusqu’à 400 000 personnes. Deux accidents graves sont survenus au cours du projet : l’incendie au sol du vaisseau spatial Apollo 1 dont l’équipage a péri brûlé et qui a entraîné un report de près de deux ans du calendrier et l’explosion d’un réservoir à oxygène du vaisseau spatial Apollo 13 dont l’équipage a survécu en utilisant le module lunaire comme vaisseau de secours.

Les missions lunaires ont permis d’avoir une meilleure connaissance de notre satellite naturel. Le programme Apollo a favorisé la diffusion d’innovations dans le domaine des sciences des matériaux et a contribué à l’essor de l’informatique ainsi que des méthodes de gestion de projet et de test. Les photos de la Terre, monde multicolore isolé dans un espace hostile, ainsi que celles de la Lune, monde gris et mort, ont favorisé une prise de conscience mondiale sur le caractère exceptionnel et fragile de notre planète. Le programme est à l’origine d’une scission dans la communauté scientifique et parmi les décideurs entre partisans d’une exploration robotique jugée plus efficace et ceux pour qui l’exploration humaine a une forte valeur symbolique, qui justifie son surcoût.

Durant les années 1950, la guerre froide bat son plein entre les États-Unis et l’Union soviétique, les deux superpuissances de l’époque. Celle-ci se traduit par des affrontements militaires indirects (guerre de Corée), et une course aux armements qui porte notamment sur le développement de missiles intercontinentaux porteurs de têtes militaires nucléaires capables d’atteindre le territoire national de l’adversaire. Les deux pays développent ces fusées en s’appuyant largement sur les travaux et l’expertise de savants et techniciens allemands qui ont mis au point le premier engin de ce type lors de la Seconde Guerre mondiale, la fusée V2. L’Union soviétique prend une certaine avance en réussissant en 1956 le premier tir d’un missile intercontinental, la R-7 Semiorka, ancêtre direct de la fusée Soyouz. Cette fusée de 267 tonnes est particulièrement puissante car elle doit emporter une bombe A pesant 5 tonnes. Les missiles américains à longue portée, développés plus tardivement, car conçus pour lancer des bombes H techniquement plus avancées et beaucoup plus légères (1,5 tonne), sont de taille plus réduite et sont encore en phase de mise au point à la fin des années 1950.

En juillet 1955, les États-Unis et l’URSS annoncent, chacun de leur côté, qu’ils lanceront un satellite artificiel dans le cadre des travaux scientifiques prévus pour l’Année géophysique internationale (juillet 1957 – décembre 1958). Début 1956, le concepteur de la Semiorka, Sergueï Korolev, réussit à convaincre les dirigeants soviétiques d’utiliser son missile comme lanceur spatial. À la surprise générale, le , l’Union soviétique est la première à placer en orbite le satellite Spoutnik 1. L’opinion internationale est fascinée par cet événement qui semble présager le début d’une nouvelle ère technique et scientifique. C’est un choc pour les responsables et l’opinion publique américains, jusqu’alors persuadés de leur supériorité technique. Les dirigeants soviétiques, d’abord surpris par l’impact de ce lancement, ne tardent pas à comprendre le prestige international que le régime peut retirer des succès de sa politique spatiale ; ils décident de se lancer dans un programme ambitieux.

À la même époque, le programme Vanguard, pendant américain du programme spatial russe lancé tardivement et trop ambitieux, enchaîne les échecs. L’équipe de Wernher von Braun parvient finalement à lancer le premier satellite américain, Explorer 1, le 1er grâce au lanceur Juno I improvisé à partir d’un missile balistique Redstone. Mais la petite taille de la charge utile comparée à celle de Spoutnik semble confirmer l’avance soviétique. Bien que réticent à investir massivement dans le spatial civil, le président américain Dwight D. Eisenhower décide le de la création d’une agence spatiale civile, la NASA, qui doit permettre de fédérer les efforts américains pour mieux contrer les réussites soviétiques : la course à l’espace est lancée. La même année voit le début du programme Mercury qui doit permettre la mise en orbite des premières missions habitées américaines.

Mais les Soviétiques, qui disposent d’une avance importante et d’une fusée fiable pouvant emporter une grosse charge utile, continuent au cours des années suivantes de multiplier les premières : premier être vivant placé en orbite avec la chienne Laïka (Spoutnik 2), premier satellite à échapper à l’attraction terrestre (Luna 1), premier satellite à s’écraser sur la Lune (Luna 2), première photo de la face cachée de la Lune (Luna 3), premier être vivant à revenir vivant après un séjour dans l’espace (les chiens Belka et Strelka de Spoutnik 5), premier survol de Vénus (Venera 1).

Lorsqu’il arrive au pouvoir en janvier 1961, le président américain John F. Kennedy est, comme son prédécesseur, peu enclin à donner des moyens importants au programme spatial civil. Mais le lancement du premier homme dans l’espace par les Soviétiques (Youri Gagarine, 12 avril 1961) le convainc de la nécessité de disposer d’un programme spatial ambitieux pour récupérer le prestige international perdu. L’échec du débarquement de la baie des Cochons (avril 1961) destiné à renverser le régime de Fidel Castro installé à Cuba, qui écorne un peu plus l’image des États-Unis auprès des autres nations, contribue également sans doute à son changement de position.

John Kennedy demande à son vice-président Lyndon B. Johnson de lui désigner un objectif qui permettrait aux États-Unis de reprendre le leadership à l’Union soviétique. Parmi les pistes évoquées figurent la création d’un laboratoire spatial dans l’espace et un simple survol lunaire. Le vice-président, qui est un ardent supporter du programme spatial, lui répond que la recherche et l’industrie américaine ont la capacité d’envoyer une mission habitée sur la Lune et lui recommande de retenir cet objectif. Le , le président annonce devant le Congrès des États-Unis, lors du Special Message to the Congress on Urgent National Needs, le lancement d’un programme qui doit amener des astronautes américains sur le sol lunaire “avant la fin de la décennie”. Il confirme sa décision dans un autre discours resté célèbre, we choose to go to the Moon”, le 12 septembre 1962.

La proposition du président reçoit un soutien enthousiaste des élus de tous les horizons politiques ainsi que de l’opinion publique, traumatisés par les succès de l’astronautique soviétique. Le premier budget du nouveau programme baptisé Apollo – nom choisi par Abe Silverstein à l’époque directeur des vols spatiaux habités – est voté à l’unanimité par le Sénat américain. Les fonds alloués à la NASA vont passer de 400 millions de dollars en 1960 à 5,9 milliards de dollars en 1966, année de son budget le plus conséquent (environ 45 milliards valeur 2015). La NASA, grâce aux qualités manœuvrières de son administrateur James E. Webb, un vieux routier de la politique, put obtenir chaque année les fonds qu’elle souhaitait jusqu’au débarquement sur la Lune, même lorsque le soutien des élus a commencé à faiblir après 1963. James Webb a su en particulier s’assurer un appui solide auprès du président Lyndon B. Johnson qui avait succédé au président Kennedy assassiné en 1963.

Dès 1959 des études sont lancées au sein de l’agence spatiale américaine dans une perspective à long terme, sur la manière de poser un engin habité sur la Lune. Trois scénarios principaux se dégagent :

  • l’envoi direct d’un vaisseau sur la Lune (“Direct Ascent”) : une fusée de forte puissance, de type Nova, envoie le vaisseau complet ; celui-ci atterrit sur la Lune puis en décolle avant de retourner sur la Terre ;
  • le rendez-vous orbital autour de la Terre (EOR pour “Earth-Orbit Rendez-vous”) : pour limiter les risques et le coût de développement de la fusée Nova, les composants du vaisseau sont envoyés en orbite terrestre par deux ou plusieurs fusées moins puissantes. Ces différents éléments sont assemblés en orbite en utilisant éventuellement une station spatiale comme base arrière. Le déroulement du vol du vaisseau, par la suite, est similaire à celui du premier scénario ;
  • le rendez-vous en orbite lunaire (LOR pour “Lunar Orbital Rendez-vous”) : une seule fusée est requise mais le vaisseau spatial comporte deux sous-ensembles qui se séparent une fois que l’orbite lunaire est atteinte. Un module dit “lunaire” se pose sur la Lune avec deux des trois astronautes et en décolle pour ramener les astronautes jusqu’au module dit “de commande”, resté en orbite autour de la Lune, qui prend en charge le retour des astronautes vers la Terre. Cette solution permet d’économiser du poids par rapport aux deux autres scénarios (beaucoup moins de combustible est nécessaire pour faire atterrir puis décoller les hommes sur la Lune) et permet de concevoir un vaisseau destiné à sa mission proprement lunaire. En outre, la fusée à développer est moins puissante que celle requise par le premier scénario.

Lorsque le président américain John Kennedy donne à la NASA, en 1961, l’objectif de faire atterrir des hommes sur la Lune avant la fin de la décennie, l’évaluation de ces trois méthodes est encore peu avancée. L’agence spatiale manque d’éléments : elle n’a pas encore réalisé un seul véritable vol spatial habité (le premier vol orbital de la capsule Mercury n’a lieu qu’en septembre 1961). L’agence spatiale ne peut évaluer l’ampleur des difficultés soulevées par les rendez-vous entre engins spatiaux et elle ne maîtrise pas l’aptitude des astronautes à supporter de longs séjours dans l’espace et à y travailler ; ses lanceurs ont essuyé par ailleurs une série d’échecs qui l’incite à la prudence dans ses choix techniques.

Aussi, bien que le choix de la méthode conditionne les caractéristiques des véhicules spatiaux et des lanceurs à développer et que tout retard pris dans cette décision pèse sur l’échéance, la NASA va mettre plus d’un an, passé en études et en débats, avant que le scénario du LOR soit finalement retenu.

Au début de cette phase d’étude, la technique du rendez-vous en orbite lunaire (LOR) est la solution qui a le moins d’appui malgré les démonstrations détaillées de John C. Houbolt du Centre de Recherche de Langley, son plus ardent défenseur. Aux yeux de beaucoup de spécialistes et responsables de la NASA, le rendez-vous entre module lunaire et module de commande autour de la lune paraît instinctivement trop risqué : si les modules n’arrivent pas à se rejoindre en orbite lunaire, les astronautes occupant le module lunaire n’ont pas le recours de freiner leur engin pour se laisser redescendre vers la Terre contrairement aux autres scénarios ; ils sont alors condamnés à tourner indéfiniment autour de la Lune. Les avantages du LOR, en particulier le gain sur la masse à placer en orbite, ne sont pas appréciés à leur juste mesure. Toutefois, au fur et à mesure que les autres scénarios sont approfondis, le LOR gagne en crédibilité. Les partisans du vol direct – Max Faget et ses hommes du Centre des Vols Habités se rendent compte de la difficulté de faire atterrir un vaisseau complet sur le sol lunaire accidenté et aux caractéristiques incertaines. Wernher von Braun, qui dirige l’équipe du Centre de vol spatial Marshall qui doit développer le lanceur et est partisan d’un rendez-vous orbital terrestre, finit lui-même par être convaincu que le LOR est le seul scénario qui permettra de respecter l’échéance fixée par le président Kennedy.

Au début de l’été 1962, alors que les principaux responsables de la NASA se sont tous convertis au LOR, ce scénario se heurte au veto de Jerome B. Wiesner, conseiller scientifique du président Kennedy. Le choix du LOR est finalement entériné le . Dès juillet, 11 sociétés aérospatiales américaines sont sollicitées pour la construction du module lunaire sur la base d’un cahier des charges sommaire.

Le 5 mai 1961, quelques jours après le lancement du programme Apollo, l’astronaute Alan Shepard effectue le premier vol spatial américain (mission Mercury 3). En fait, il s’agit d’un simple vol suborbital car la fusée Mercury-Redstone utilisée (il n’y a pas d’autre lanceur disponible) n’a pas une puissance suffisante pour placer en orbite la petite capsule spatiale Mercury d’une masse un peu supérieure à une tonne. Le programme lunaire nécessite de pouvoir placer en orbite basse une charge utile de 120 tonnes. Le changement d’échelle qui en résulte est particulièrement important : la NASA va passer de la fusée de 30 tonnes qui a lancé Alan Shepard aux 3 000 tonnes de Saturn V qui nécessitera de développer des moteurs d’une puissance aujourd’hui inégalée ainsi que des technologies nouvelles comme l’utilisation de l’hydrogène liquide.

Les effectifs affectés au programme spatial civil vont croître en proportion. Entre 1960 et 1963, le nombre d’employés de la NASA passe de 10 000 à 36 000. Pour accueillir ses nouveaux effectifs et disposer d’installations adaptées au programme lunaire, la NASA crée trois nouveaux centres entièrement affectés au programme Apollo aux périmètres précisément délimités :

Le Manned Spacecraft Center (MSC), édifié en 1962 près de Houston au Texas, est destiné à la conception et la qualification des vaisseaux spatiaux (module lunaire et CSM), l’entraînement des astronautes et le suivi des missions à partir de leur décollage. Parmi les installations présentes sur le site, on trouve le centre de contrôle des missions, les simulateurs de vol et des équipements destinés à simuler les conditions spatiales et utilisés pour tester les livraisons des industriels. Le centre est dirigé par Robert Gilruth, ancien ingénieur de la NACA, qui joue un rôle de premier plan pour l’activité des vols habités américains depuis 1958. Contrairement aux deux autres établissements créés pour le programme Apollo, le MSC est activé dès le programme Gemini. Il emploie en 1964 15 000 personnes dont 10 000 employés de sociétés aérospatiales.

Le Centre de vol spatial Marshall (George C. Marshall Space Flight Center ou MSFC) est une ancienne installation de l’Armée de Terre (Redstone Arsenal) située près de Huntsville dans l’Alabama transférée en 1960 à la NASA avec les spécialistes en majorité allemands de missiles balistiques dirigés par Wernher von Braun qui y travaillaient. Von Braun en restera le responsable jusqu’en 1970. Le centre est spécialisé dans la conception et la qualification des lanceurs de la famille Saturn. On y trouve des bancs d’essais, des bureaux d’étude et des installations d’assemblage. Les premiers exemplaires de la fusée Saturn I y sont construits avant que le reste de la production soit confié à l’industrie. Il emploiera jusqu’à 20 000 personnes.

Le Centre spatial Kennedy (KSC), situé sur l’île Meritt en Floride, est le site d’où sont lancées les fusées géantes du programme Apollo. La NASA qui a besoin d’installations à l’échelle de la fusée Saturn V met en construction en 1963 cette nouvelle base de lancement qui jouxte celle de Cape Canaveral appartenant à l’Armée de l’Air américaine et d’où sont parties, jusqu’alors, toutes les missions habitées et les sondes spatiales de l’agence spatiale. Le centre effectue la qualification de la fusée assemblée (“all up”) et contrôle les opérations sur le lanceur jusqu’à son décollage. Il emploie en 1965 environ 20 000 personnes. Au cœur du centre spatial, le complexe de lancement 39 comporte 2 aires de lancement et un immense bâtiment d’assemblage, le VAB (hauteur 140 mètres), dans lequel plusieurs fusées Saturn V peuvent être préparées en parallèle. Plusieurs plates-formes de lancement mobiles permettent de transporter la fusée Saturn assemblée jusqu’au site de lancement. Le premier lancement depuis le nouveau terrain est celui d’Apollo 4 en 1967. Jusqu’en 2011, le complexe était utilisé pour lancer la navette spatiale américaine.

D’autres établissements de la NASA, jouent un rôle moins direct ou ne consacrent qu’une partie de leur activité au programme Apollo. En 1961, le Centre spatial John C. Stennis est édifié dans l’État du Mississippi. Le nouveau centre dispose de bancs d’essais utilisés pour tester les moteurs-fusées développés pour le programme. L’Ames Research Center est un centre de recherche ancien (1939) situé en Californie dont les souffleries sont utilisées pour mettre au point la forme de la capsule Apollo en vue de sa rentrée dans l’atmosphère terrestre. Le Langley Research Center (1914), situé à Hampton (Virginie) abrite également de nombreuses souffleries. Il a servi jusqu’en 1963 de siège au MSC et continue, par la suite, à abriter certains simulateurs du programme. Le Jet Propulsion Laboratory (1936), près de Los Angeles (Californie), est spécialisé dans le développement des sondes spatiales. C’est dans ce centre que sont conçues les familles de sondes spatiales qui vont permettre de reconnaître l’environnement lunaire (programme Surveyor, etc.).

Les principales entreprises de l’astronautique sont fortement impliquées dans le programme qui se traduit par un accroissement considérable des effectifs – le personnel affecté aux projets de la NASA passe durant cette période de 36 500 à 376 500 – et la construction d’établissements de grande taille. La société californienne North American, avionneur célèbre pour avoir construit les B-25 et le chasseur Mustang durant la Seconde Guerre mondiale, va jouer un rôle central dans le programme. L’arrêt et l’échec de plusieurs projets aéronautiques ont conduit son président à miser sur le développement de l’astronautique. La société s’est déjà distinguée dans le domaine en produisant l’avion fusée X-15. Pour le programme Apollo, la société fournit pratiquement tous les composants sensibles hormis le module lunaire qui est confié à la société Grumman implantée à Bethpage, Long Island (État de New York). La division moteur Rocketdyne de North American fabrique les deux principaux moteurs-fusées les J-2 et F-1 dans l’usine de Canoga Park, tandis que sa division Espace construit le deuxième étage de la Saturn V à Seal Beach et le module de commande et de service Apollo à Downey. L’incendie du vaisseau Apollo 1 et de nombreux problèmes rencontrés dans le développement du programme entraîneront la fusion de North American avec la société Rockwell Standard Corporation en 1967 ; le nouveau groupe développera dans les années 1970-1980 la navette spatiale américaine avant d’être absorbé en 1996 par Boeing. La société McDonnell Douglas construit le troisième étage de la Saturn V à Huntington Beachen Californie tandis que le premier étage est construit dans l’établissement de Michoud (Louisiane) de la NASA par la société Chrysler. Parmi les fournisseurs de premier plan figure le laboratoire des instruments du Massachusetts Institute of Technology (MIT) qui conçoit le système de pilotage et de navigation des deux vaisseaux habités Apollo.

Le projet Apollo a constitué un défi sans précédent sur le plan de la technique et de l’organisation : il fallait mettre au point un lanceur spatial dont le gigantisme générait des problèmes jamais rencontrés jusque-là, deux nouveaux moteurs innovants par leur puissance (F-1) ou leur technologie (J-2), des vaisseaux spatiaux d’une grande complexité avec une exigence de fiabilité élevée (probabilité de perte de l’équipage inférieure à 0,1 %) et un calendrier très tendu (8 ans entre le démarrage du programme Apollo et la date butoir fixée par le président Kennedy pour le premier atterrissage sur la Lune d’une mission habitée). Le programme a connu de nombreux déboires durant la phase de développement qui ont tous été résolus grâce à la mise à disposition de ressources financières exceptionnelles avec un point culminant en 1966 (5,5 % du budget fédéral alloué à la NASA), mais également une mobilisation des acteurs à tous les niveaux et la mise au point de méthodes organisationnelles (planification, gestion de crises, gestion de projet) qui ont fait école par la suite dans le monde de l’entreprise.

La mise au point du moteur F-1, d’architecture conventionnelle mais d’une puissance exceptionnelle (2,5 tonnes d’ergols brûlés par seconde) a été très longue à cause de problèmes d’instabilité au niveau de la chambre de combustion qui n’ont été résolus qu’en combinant études empiriques (comme l’utilisation de petites charges explosives dans la chambre de combustion) et travaux de recherche fondamentale. Le deuxième étage de la fusée Saturn V, qui constituait déjà un tour de force technique du fait de la taille de son réservoir d’hydrogène, a eu beaucoup de mal à faire face à la cure d’amaigrissement imposée par l’augmentation de la charge utile au fur et à mesure de son développement. Mais les difficultés les plus importantes touchèrent les deux modules habités du programme : le CSM et le module lunaire Apollo. Le lancement du développement du module lunaire avait pris un an de retard à cause des atermoiements sur le scénario du débarquement lunaire. Il s’agissait d’un engin entièrement nouveau pour lequel aucune expérience antérieure ne pouvait être utilisée, par ailleurs très complexe du fait de son rôle. Les problèmes multiples – masse nettement supérieure aux prévisions initiales, difficulté de mise au point des logiciels indispensables à la mission, qualité déficiente, motorisation –ont entraîné des retards tellement importants qu’ils mirent à un moment en danger la tenue de l’échéance du programme tout entier.

Les tests prennent une importance considérable dans le cadre du programme puisqu’ils représentent près de 50 % de la charge de travail totale. L’avancée de l’informatique permet pour la première fois dans un programme astronautique, de dérouler automatiquement la séquence des tests et l’enregistrement des mesures de centaines de paramètres (jusqu’à 1000 pour un étage de la fusée Saturn V) ce qui permet aux ingénieurs de se concentrer sur l’interprétation des résultats et réduit la durée des phases de qualification. Chaque étage de la fusée Saturn V subit ainsi quatre séquences de test : un test sur le site du constructeur, deux sur le site du MSFC, avec et sans mise à feu avec des séquences de test par sous-système puis répétition du compte à rebours et un test d’intégration enfin au centre spatial Kennedy une fois la fusée assemblée.

Le premier groupe de 7 astronautes sélectionnés pour le programme Mercury avait été recruté parmi les pilotes d’essais militaires ayant un diplôme de niveau minimum licence dans des domaines touchant à l’ingénierie, âgés de moins de 40 ans et satisfaisant une batterie de critères physiques et psychologiques. Les vagues de recrutement effectuées en 1962 (9 astronautes du groupe 2), 1963 (14 astronautes du groupe 3) et 1966 (15 astronautes du groupe 5) utilisent les mêmes critères de sélection en abaissant l’âge à 35 puis 34 ans, diminuant l’exigence en nombre d’heures de vol et élargissant la gamme des diplômes acceptés. En parallèle, deux groupes d’astronautes scientifiques détenteurs d’un doctorat sont recrutés en 1965 (groupe 4) et 1967 (groupe 6) dont un seul volera.

Les astronautes passent beaucoup de temps dans les simulateurs du CSM et du module lunaire mais reçoivent également, entre autres, des cours d’astronomie pour la navigation astronomique, de géologie pour les préparer à l’identification des roches lunaires et de photographie. Ils passent de nombreuses heures de vol sur des avions d’entraînement à réaction T-38 pour maintenir leur compétence de pilote (3 astronautes du groupe 3 se tueront en s’entraînant sur T-38). Ils sont impliqués très en amont dans le processus de conception et de mise au point des vaisseaux habités. Enfin, on leur demande de consacrer une partie de leur temps à des tâches de relations publiques qui se traduisent par des tournées dans les entreprises qui participent au projet. Deke Slayton joue un rôle officieux mais effectif de chef des astronautes en sélectionnant les équipages de chaque mission et défendant le point de vue des astronautes durant l’élaboration du projet et des missions.

Les véhicules spatiaux Apollo sont initialement conçus pour donner une autonomie complète à l’équipage en cas de coupure des communications avec le centre de contrôle à Terre. Cette autonomie procurée par les programmes du système de navigation et de pilotage sera dans les faits fortement réduite lorsque les procédures suivies par les missions Apollo seront figées : c’est le contrôle au sol à Houston qui fournira les principaux paramètres tels que la position du vaisseau spatial ainsi que le vecteur de la poussée avant chaque allumage des moteurs. Houston dispose au moment des premiers vols vers la Lune de moyens de calcul plus puissants et, grâce à la télémesure, connaît parfaitement la position des vaisseaux et leur trajectoire. Une fois une phase de vol engagée, c’est toutefois à l’ordinateur de bord d’appliquer les corrections nécessaires en se basant sur ses capteurs et ses capacités de calcul. Par ailleurs, l’ordinateur joue un rôle essentiel pour le contrôle des moteurs (fonction autopilote) et gère de nombreux sous-systèmes, ce qui lui vaut le surnom de quatrième homme de l’équipage. Sans l’ordinateur, les astronautes n’auraient pu poser le module lunaire sur la Lune car lui seul pouvait optimiser suffisamment la consommation de carburant pour se contenter des faibles marges disponibles.

La NASA est, dès le lancement du projet, très sensible aux problèmes de fiabilité. L’envoi d’astronautes sur le sol lunaire est une entreprise beaucoup plus risquée que les vols spatiaux autour de la Terre. Pour les missions en orbite terrestre, en cas d’incident grave, le retour est assuré relativement facilement par une brève poussée des rétrofusées. Par contre, une fois que le vaisseau a quitté l’orbite terrestre, un retour des astronautes sur Terre nécessite que les principaux sous-systèmes ne connaissent aucune défaillance. De manière assez empirique, la NASA avait déterminé que les composants du vaisseau devaient permettre d’atteindre une probabilité de succès de mission de 99 % tandis que la probabilité de perte de l’équipage devait être inférieure à 0,1 % en ne tenant pas compte des micro-météorites et des rayons cosmiques dont les effets étaient mal connus à l’époque. L’architecture des sous-systèmes et la qualité des composants élémentaires des véhicules et du lanceur devaient donc respecter ces objectifs.

Des choix techniques garantissant une grande fiabilité sont retenus sur le module lunaire comme sur le module de commande et de service. Les ergols liquides utilisés par les moteurs sont hypergoliques, c’est-à-dire qu’ils s’enflamment spontanément quand ils sont mis en contact et ne sont pas à la merci d’un système d’allumage défaillant. Leur mise sous pression est effectuée classiquement grâce à de l’hélium supprimant le recours à une fragile turbopompe. Pour parvenir au taux de fiabilité visé sur les autres sous-systèmes, la NASA envisage d’abord de donner aux astronautes la possibilité de réparer les composants défaillants. Mais ce choix suppose de former les astronautes à des systèmes nombreux et complexes, d’emporter des outils et des pièces de rechange et de rendre accessibles les composants à réparer, ce qui les rend vulnérables à l’humidité et à la contamination. La NASA renonce à cette solution en 1964 et décide d’intégrer dans la conception du vaisseau des solutions de contournement permettant de pallier toute anomalie affectant un sous-système critique.

En cas de panne, des systèmes de secours prennent le relais dans un mode plus ou moins dégradé. Ainsi, le système de navigation du module lunaire (ordinateur et système inertiel) est doublé par un système de secours développé par un autre constructeur pour éviter qu’une même faille logicielle mette en panne les deux systèmes. Les quatre groupes de moteurs de contrôle d’attitude sont regroupés par paires indépendantes, chacune d’entre elles pouvant couvrir le besoin en mode dégradé. Le système de régulation thermique est doublé. Les circuits d’alimentation électrique sont également doublés. L’antenne de télécommunications en bande S peut être remplacée par deux antennes plus petites en cas de défaillance. Il n’y a néanmoins pas de parade à une panne de moteur : seuls des tests poussés avec un maximum de réalisme peuvent permettre d’atteindre le taux de fiabilité attendu. Des solutions techniques conservatrices mais éprouvées sont dans certains cas retenues. C’est le cas de l’énergie électrique sur le module lunaire (choix des batteries), des systèmes pyrotechniques (choix de systèmes existants standardisés et éprouvés) ainsi que l’électronique de bord (les circuits intégrés, bien qu’acceptés dans les ordinateurs, ne sont pas retenus pour le reste de l’électronique).

Selon Neil Armstrong, les responsables du projet avaient calculé qu’il y aurait environ 1 000 anomalies à chaque mission Apollo (fusée, CSM et LEM), chiffre extrapolé du nombre de composants et du taux de fiabilité exigé des constructeurs. Il y en aura en fait en moyenne 150, ce qu’Armstrong attribue à l’implication exceptionnellement forte des personnes ayant travaillé sur le projet.

Depuis Spoutnik 1, les dirigeants de l’Union Soviétique et les responsables du programme spatial soviétique avaient toujours fait en sorte de maintenir leur avance sur le programme américain. Il ne faisait aucun doute dans l’esprit des dirigeants américains comme dans celui de l’opinion publique que l’URSS allait lancer son propre programme de vol habité vers la Lune et tenter de réussir avant les États-Unis pour conserver le prestige associé à leur domination durant la première phase de la course à l’espace. Néanmoins, après une déclaration publique en 1961 d’un dirigeant soviétique semblant relever le défi, aucune information officielle ne filtrera plus sur l’existence d’un programme lunaire habité soviétique au point de susciter le doute sur son existence chez certains représentants du congrès américain qui ont commencé, pour cette raison, à contester le budget alloué au programme Apollo à compter de 1963. Cependant, pour les dirigeants de la NASA, la menace d’une réussite soviétique a exercé une pression constante sur le calendrier du programme Apollo : la décision de lancer la mission circumlunaire Apollo 8, alors que le vaisseau spatial Apollo n’était pas complètement qualifié, constituait une certaine prise de risque, qui avait été largement motivée par la crainte de se faire devancer par les Soviétiques. Certains indices ont contribué par la suite à diminuer la pression sur les décideurs de la NASA dans la dernière ligne droite qui a précédé le lancement d’Apollo 11. Au cours des années 1970, aucune information n’a filtré sur la réalité du programme soviétique et dans l’atmosphère de désenchantement qui a suivi la fin du programme Apollo, le célèbre journaliste américain Walter Cronkite a annoncé gravement à son public que l’argent dépensé pour celui-ci avait été gaspillé, car “les Russes n’avaient jamais été dans la course”. Ce n’est qu’avec la glasnost à la fin des années 1980 que commenceront à paraître quelques informations sur le sujet et il a fallu attendre la chute de l’URSS pour que la réalité du programme lunaire soviétique soit reconnue par les dirigeants russes.

À compter du début des années 1960, le programme spatial habité soviétique, si performant jusque-là, tourne à la confusion. Sergueï Korolev, à l’origine des succès les plus éclatants de l’astronautique soviétique, commence à concevoir à cette époque la fusée géante N-1 pour laquelle il réclame le développement de moteurs cryogéniques performants (c’est-à-dire utilisant de l’hydrogène comme ceux en cours de développement chez les Américains) mais se heurte au refus de Valentin Glouchko qui possède un monopole sur la fabrication des moteurs-fusées. Aucun programme lunaire n’est lancé en 1961 car les responsables soviétiques sont persuadés que la NASA court à l’échec. Le premier secrétaire du PCUS Nikita Khrouchtchev demande en juin 1961 à son protégé Vladimir Tchelomeï, rival de Korolev, de développer un lanceur, le Proton et un vaisseau LK-1 (LK pour Lounnyï korabl’ – Лунный корабль – vaisseau lunaire) en vue d’un vol habité circumlunaire. Korolev riposte en proposant une mission de débarquement lunaire basée sur un vaisseau concurrent, le Soyouz (Союз), apte à des rendez-vous en orbite et un module d’atterrissage L3. Constatant les progrès américains, Khrouchtchev décide finalement le 3 août 1964, avec 3 ans de retard, de lancer les équipes soviétiques dans la course à la Lune : les programmes Proton (Прото́н) / Zond (Зонд, “sonde”) de survol de la Lune par une sonde inhabitée et N1-L3 de débarquement d’un cosmonaute sur la Lune de Korolev reçoivent alors le feu vert du Politburo. Toutefois, le limogeage de Khrouchtchev, remplacé par Léonid Brejnev à la tête du Parti communiste de l’URSS en octobre de la même année, se traduit par de nouveaux atermoiements et des problèmes dans la répartition des ressources budgétaires entre les deux programmes.

Gravement handicapé par la mort de Korolev en 1966 et par l’insuffisance des moyens financiers, le développement de la fusée N-1 rencontre des problèmes majeurs (4 vols, 4 échecs en 1969-1971) qui conduisent à son abandon le 2 mai 1974. C’est la fin des ambitions lunaires de l’URSS. Le lanceur Proton comme le vaisseau Soyouz après des débuts laborieux jouent aujourd’hui un rôle central dans le programme spatial russe.

Les principaux composants du programme Apollo sont la famille de lanceurs Saturn ainsi que les deux vaisseaux habités : le CSM et le module lunaire. Pour le séjour sur la Lune, un véhicule est développé ainsi qu’un ensemble d’instruments scientifiques, l’ALSEP.

Trois types de lanceurs sont développés dans le cadre du programme Apollo : Saturn I qui va permettre de confirmer la maîtrise du mélange LOX/LH2, Saturn IB utilisé pour les premiers tests du vaisseau Apollo en orbite terrestre et enfin, le lanceur lourd Saturn V dont les performances exceptionnelles et jamais dépassées depuis, permettront les missions lunaires.

Les débuts de la famille de lanceurs Saturn sont antérieurs au programme Apollo et à la création de la NASA. Début 1957, le Département de la Défense (DOD) américain identifie un besoin pour un lanceur lourd permettant de placer en orbite des satellites de reconnaissance et de télécommunications pesant jusqu’à 18 tonnes. À cette époque, les lanceurs américains les plus puissants en cours de développement peuvent tout au plus lancer 1,5 tonne en orbite basse car ils dérivent de missiles balistiques beaucoup plus légers que leurs homologues soviétiques. En 1957, Wernher von Braun et son équipe d’ingénieurs, venus comme lui d’Allemagne, travaillent à la mise au point des missiles intercontinentaux Redstone et Jupiter au sein de l’Army Ballistic Missile Agency (ABMA), un service de l’Armée de Terre situé à Huntsville (Alabama). Cette dernière lui demande de concevoir un lanceur permettant de répondre à la demande du DOD. Von Braun propose un engin, qu’il baptise Super-Jupiter, dont le premier étage, constitué de 8 étages Redstone regroupés en fagot autour d’un étage Jupiter, fournit les 680 tonnes de poussée nécessaires pour lancer les satellites lourds. La course à l’espace, qui débute fin 1957, décide le DOD, après examen de projets concurrents, à financer en août 1958 le développement de ce nouveau premier étage rebaptisé Juno V puis finalement Saturn (la planète située au-delà de Jupiter). Le lanceur utilise, à la demande du DOD, 8 moteurs-fusées H-1 simple évolution du propulseur utilisé sur la fusée Jupiter, ce qui doit permettre une mise en service rapide.

Durant l’été 1958, la NASA, qui vient tout juste d’être créée, identifie le lanceur comme un composant clé de son programme spatial. Mais début 1959, le Département de la Défense décide d’arrêter ce programme coûteux dont les objectifs sont désormais couverts par d’autres lanceurs en développement. La NASA obtient le transfert en son sein du projet et des équipes de von Braun fin 1959 ; celui-ci est effectif au printemps 1960 et la nouvelle entité de la NASA prend le nom de Centre de vol spatial Marshall (George C. Marshall Space Flight Center MSFC).

La question des étages supérieurs du lanceur était jusque-là restée en suspens : l’utilisation d’étages de fusée existants, trop peu puissants et d’un diamètre trop faible, n’était pas satisfaisante. Fin 1959, un comité de la NASA travaille sur l’architecture des futurs lanceurs de la NASA. Son animateur, Abe Silverstein, responsable du centre de recherche Lewis et partisan de la propulsion par des moteurs utilisant le couple hydrogène/oxygène en cours d’expérimentation sur la fusée Atlas-Centaur, réussit à convaincre un von Braun réticent d’en doter les étages supérieurs de la fusée Saturn. Le comité identifie dans son rapport final six configurations de lanceur de puissance croissante (codés A1 à C3) permettant de répondre aux objectifs de la NASA tout en procédant à une mise au point progressive du modèle le plus puissant. Le centre Marshall étudie en parallèle à l’époque un lanceur hors normes capable d’envoyer une mission vers la Lune : cette fusée baptisée Nova, est dotée d’un premier étage fournissant 5 300 tonnes de poussée et est capable de lancer 81,6 tonnes sur une trajectoire interplanétaire.

Lorsque le président Kennedy accède au pouvoir début 1961, les configurations du lanceur Saturn sont toujours en cours de discussion, reflétant l’incertitude sur les missions futures du lanceur. Toutefois, dès juillet 1960, Rocketdyne, sélectionné par la NASA, avait démarré les études sur le moteur J-2 consommant hydrogène et oxygène et d’une poussée de 89 tonnes retenu pour propulser les étages supérieurs. Le même motoriste travaillait depuis 1956, initialement à la demande de l’armée de l’Air, sur l’énorme moteur F-1 (677 tonnes de poussée) retenu pour le premier étage. Fin 1961, la configuration du lanceur lourd (C-5 futur Saturn V) est figée : le premier étage est propulsé par cinq F-1, le deuxième étage par cinq J-2 et le troisième par un J-2. L’énorme lanceur peut placer 113 tonnes en orbite basse et envoyer 41 tonnes vers la Lune. Deux modèles moins puissants doivent être utilisés durant la première phase du projet :

  • la C-1 (ou Saturn I), utilisée pour tester des maquettes des vaisseaux Apollo, est constituée d’un premier étage propulsé par huit moteurs H-1 couronné d’un second étage propulsé par six RL-10 ;
  • la C-1B (ou Saturn IB), chargée de qualifier les vaisseaux Apollo sur l’orbite terrestre, est constituée du 1er étage de la S-1 couronné du troisième étage de la C-5.

Fin 1962, le choix du scénario du rendez-vous en orbite lunaire (LOR) confirme le rôle du lanceur Saturn V et entraîne l’arrêt des études sur le lanceur Nova.

Le véhicule spatial Apollo (ou module de commande et de service abrégé en CSM) transporte les astronautes à l’aller et au retour. Pesant plus de 30 tonnes, il est pratiquement dix fois plus lourd que le vaisseau Gemini. La masse supplémentaire (21,5 tonnes) est en grande partie représentée par le moteur et les ergols qui fournissent un delta-v de 2 800 m/s permettant au vaisseau de s’insérer en orbite lunaire puis de quitter cette orbite. Le vaisseau Apollo reprend une disposition inaugurée avec le vaisseau Gemini : un module de commande (CM) abrite l’équipage et un module de service (SM) contient le moteur de propulsion principal, l’essentiel des sources d’énergie ainsi que l’équipement nécessaire à la survie des astronautes. Le module de service est largué juste avant l’atterrissage.

Le module de commande Apollo est la partie dans laquelle les trois astronautes séjournent durant la mission, sauf lorsque deux d’entre eux descendent sur la Lune au moyen du module lunaire. Pesant 6,5 tonnes et de forme conique, sa structure externe comporte une double paroi : une enceinte constituée de tôles et nid d’abeilles à base d’aluminium qui renferme la zone pressurisée et un bouclier thermique qui recouvre la première paroi et dont l’épaisseur varie en fonction de l’exposition durant la rentrée atmosphérique. Le bouclier thermique est réalisé avec un matériau composite constitué de fibres de silice et microbilles de résine, dans une matrice de résine époxy. Ce matériau est inséré dans un nid d’abeille en acier.

L’espace pressurisé représente un volume de 6,5 m³. Les astronautes sont installés sur 3 couchettes côte à côte parallèles au fond du cône et suspendues à des poutrelles partant du plancher et du plafond (la pointe du cône). En position allongée, les astronautes ont en face d’eux, suspendu au plafond, un panneau de commandes large de deux mètres et haut de un mètre présentant les principaux interrupteurs et voyants de contrôles. Les cadrans sont répartis en fonction du rôle de chaque membre d’équipage. Sur les parois latérales se trouvent des baies réservées à la navigation, d’autres panneaux de commande ainsi que des zones de stockage de nourriture et de déchets. Pour la navigation et le pilotage, les astronautes utilisent un télescope et un ordinateur qui exploite les données fournies par une centrale inertielle.

Le vaisseau dispose de deux écoutilles : l’une située à la pointe du cône comporte un tunnel et est utilisée pour passer dans le module lunaire lorsque celui-ci est amarré au vaisseau Apollo. L’autre placée sur la paroi latérale est utilisée à Terre pour pénétrer dans le vaisseau et dans l’espace pour les sorties extra véhiculaires (le vide est alors effectué dans la cabine car il n’y a pas de sas). Les astronautes disposent par ailleurs de 5 hublots pour effectuer des observations et réaliser les manœuvres de rendez-vous avec le module lunaire. Le module de commande dépend pour les principales manœuvres comme pour l’énergie et le support-vie du module de service. Il dispose de 4 grappes de petits moteurs d’orientation permettant les manœuvres lors de la rentrée. Celles-ci s’effectuent en orientant le module en roulis, la capsule ayant une incidence voisine de 25 à 30 degrés par rapport à son axe de symétrie. Cette incidence est obtenue par balourd statique de construction.

Le module de service (SM ou “Service Module” en anglais) est un cylindre d’aluminium non pressurisé de 5 mètres de long et 3,9 mètres de diamètre pesant 24 tonnes. Il est accouplé à la base du module de commande et la longue tuyère du moteur-fusée principal de 9 tonnes de poussée en dépasse de 2,5 mètres. Le module est organisé autour d’un cylindre central qui contient les réservoirs d’hélium servant à pressuriser les réservoirs d’ergols principaux ainsi que la partie haute du moteur principal. Autour de cette partie centrale, l’espace est découpé en six secteurs en forme de parts de gâteau. Quatre de ces secteurs abritent les réservoirs d’ergols (18,5 tonnes). Un secteur contient 3 piles à combustibles qui fournissent la puissance électrique et en sous-produit l’eau ainsi que les réservoirs d’hydrogène et d’oxygène qui les alimentent. L’oxygène est également utilisé pour renouveler l’atmosphère de la cabine. Un secteur reçoit des équipements qui ont varié en fonction des missions : appareils scientifiques, petit satellite, caméras, réservoir d’oxygène supplémentaire. Le module de service contient également les radiateurs qui dissipent l’excédent de chaleur du système électrique et qui régulent la température de la cabine. Quatre grappes de petits moteurs de contrôles d’attitude sont disposées sur le pourtour du cylindre. Une antenne comportant 5 petites paraboles, assurant les communications à grande distance, est déployée une fois le vaisseau lancé.

La tour de sauvetage est un dispositif destiné à éloigner le vaisseau spatial du lanceur Saturn V si celui-ci subit une défaillance durant les premières phases du vol. Le recours à des sièges éjectables, utilisé sur le vaisseau spatial Gemini, est exclu compte tenu du diamètre de la boule de feu que créerait l’explosion de la fusée Saturn V. La tour de sauvetage est constituée d’un propulseur à poudre situé au bout d’un treillis métallique lui-même perché au sommet du vaisseau Apollo. En cas d’incident, le moteur-fusée de la tour arrache le vaisseau de la fusée tandis qu’un petit propulseur l’écarte de la trajectoire de la fusée. La tour est alors larguée et le vaisseau entame sa descente en suivant une séquence similaire à celle d’un retour sur Terre. Si le lancement se déroule sans problème, la tour est éjectée lorsque le deuxième étage de la fusée Saturn est mis à feu.

Le module lunaire comporte deux étages : un étage de descente permet d’atterrir sur la Lune et sert par ailleurs de plate-forme de lancement au deuxième étage, l’étage de remontée, qui ramène les astronautes au vaisseau Apollo en orbite à la fin de leur séjour sur la Lune. La structure du module lunaire est, pour l’essentiel, réalisée avec un alliage d’aluminium choisi pour sa légèreté. Les pièces sont généralement soudées entre elles mais parfois également rivetées.

Le corps de l’étage de descente, qui pèse plus de 10 tonnes, a la forme d’une boîte octogonale d’un diamètre de 4,12 mètres et d’une hauteur de 1,65 mètre. Sa structure, constituée de deux paires de panneaux parallèles assemblés en croix, délimite cinq compartiments carrés (dont un central) et quatre compartiments triangulaires. La fonction principale de l’étage de descente est d’amener le LEM sur la Lune. À cet effet, l’étage dispose d’un moteur fusée à la fois orientable et à poussée variable. La modulation de la poussée permet d’optimiser la trajectoire de descente mais surtout de poser en douceur le LEM qui s’est fortement allégé en consommant ses ergols. Le comburant, du peroxyde d’azote (5 tonnes), et le carburant, de l’aérozine 50 (3 tonnes), sont stockés dans quatre réservoirs placés dans les compartiments carrés situés aux quatre coins de la structure. Le moteur se trouve dans le compartiment carré central. Le deuxième rôle de l’étage de descente est de transporter tous les équipements et consommables qui peuvent être abandonnés sur la Lune à la fin du séjour, ce qui permet de limiter le poids de l’étage de remontée.

L’étage de remontée pèse environ 4,5 tonnes. Sa forme complexe, qui résulte d’une optimisation de l’espace occupé, lui donne l’allure d’une tête d’insecte. Il est essentiellement composé de la cabine pressurisée qui héberge deux astronautes dans un volume de 4,5 m³ et du moteur de remontée avec ses réservoirs d’ergols. La partie avant de la cabine pressurisée occupe la plus grande partie d’un cylindre de 2,34 mètres de diamètre et de 1,07 mètre de profondeur. C’est là que se tient l’équipage lorsqu’il n’est pas en excursion sur la Lune. Le pilote (à gauche face à l’avant) et le commandant de bord sont debout, tenus par des harnais qui les maintiennent en place en impesanteur et durant les phases d’accélération. Sur la cloison avant, chaque astronaute a devant lui un petit hublot triangulaire (0,18 m²) incliné vers le bas, qui lui permet d’observer le sol lunaire avec un bon angle de vision, ainsi que les principales commandes de vol et cadrans de contrôle regroupés par panneaux généralement dédiés à un sous-système. Les commandes et contrôles communs sont placés entre les deux astronautes (par exemple la console d’accès à l’ordinateur de navigation), certaines commandes sont doublées (commandes pilotant l’orientation et la poussée des moteurs), les autres commandes sont réparties en fonction des tâches assignées à chaque astronaute. Les panneaux de commandes et coupe-circuit se prolongent sur les parois latérales situées de part et d’autre des astronautes.

Le pilote a au-dessus de sa tête un petit hublot (0,07 m²) qui lui permet de contrôler la manœuvre de rendez-vous avec le module de commande. L’arrière de la cabine pressurisée est beaucoup plus exigu (1,37 × 1,42 m pour 1,52 m de haut) : son plancher est plus haut de 48 cm et, de plus, encombré par un capot recouvrant le sommet du moteur de remontée. Les parois latérales sont occupées par les rangements et à gauche, par une partie du système de contrôle environnemental. Au plafond se trouve l’écoutille utilisée pour passer dans le Module de Commande derrière laquelle se trouve un tunnel court (80 cm de diamètre pour 46 cm de long) comportant un système de verrouillage utilisé pour solidariser les deux vaisseaux. Les forces en jeu au moment de l’accostage qui pourraient déformer le tunnel sont amorties par des poutres qui les répercutent sur toute la structure.

Le LEM ne dispose pas de sas, qui aurait ajouté trop de poids. Pour descendre sur le sol lunaire, les astronautes font le vide dans la cabine et, à leur retour, ils pressurisent la cabine avec les réserves d’oxygène. Pour descendre, ils se glissent dans l’écoutille : celle-ci donne sur une petite plate-forme horizontale qui débouche sur l’échelle dont les barreaux sont situés de part et d’autre d’une des jambes de l’étage de descente.

Pour remplir la mission lunaire, la NASA a dû concevoir plusieurs instruments scientifiques, équipements et véhicules destinés à être mis en œuvre sur le sol lunaire. Les principaux développements sont :

  • le rover lunaire, utilisé à partir de la mission Apollo 15, est un véhicule rustique tous-terrains à propulsion électrique, alimenté par des batteries. Pouvant atteindre la modeste vitesse de 14 km/h, il permet de porter le rayon d’action des astronautes de quelques centaines de mètres à une dizaine de kilomètres et dispose d’une capacité d’emport de 490 kg ;
  • l’ALSEP est un ensemble d’instruments scientifiques installé par les astronautes près de chaque site d’atterrissage à partir d’Apollo 12. Alimenté en énergie électrique par un générateur thermoélectrique à radioisotope (RTG) il comporte de quatre à sept instruments scientifiques dont la composition a varié selon les missions : sismomètre actif ou passif, spectromètre de masse, réflecteur laser, gravimètre, détecteur de poussière, etc. Ces instruments ont fourni en continu, jusqu’à leur arrêt en 1977, des informations sur l’atmosphère, le sol et le sous-sol lunaire : sismicité, vent solaire, température, composition de l’atmosphère, champ magnétique, etc ;
  • les combinaisons spatiales (modèle Apollo A7L) portées par les astronautes, d’une masse de 111 kg avec le système de survie, furent spécialement conçues pour les longues excursions sur le sol lunaire (plus de 7 heures pour certaines sorties des équipages d’Apollo 15, 16 et 17) au cours desquelles les astronautes devaient se déplacer dans un environnement particulièrement hostile – températures extrêmes, micro-météorites, poussière lunaire – tout en effectuant de nombreux travaux nécessitant une certaine flexibilité.

Les six missions lunaires Apollo ont été programmées pour que le module lunaire atterrisse au tout début du jour lunaire (qui dure 28 jours terrestres). Les astronautes bénéficient ainsi d’une lumière rasante pour le repérage du terrain à l’atterrissage (entre 10 et 15° d’élévation au-dessus de l’horizon selon les missions) et de températures relativement modérées : la température au sol passe progressivement de 0 à 130 °C entre le lever du Soleil et le moment où le Soleil culmine au bout de 177 heures terrestres. Compte tenu de ces conditions, pour chaque lieu d’atterrissage, la fenêtre de lancement de la fusée Saturn était réduite à 1 jour par mois pour un site donné.

Le site retenu est toujours situé sur la face visible de la Terre pour que les communications entre le vaisseau et la Terre ne soient pas interrompues ; il n’est pas trop éloigné de la bande équatoriale de la Lune pour limiter la consommation de carburant que nécessiterait un déport du vaisseau vers des latitudes plus élevées.

La fusée décolle systématiquement depuis le Pad 39 du centre spatial Kennedy. Le lancement des 3 000 tonnes de la fusée est particulièrement spectaculaire : les 5 moteurs du premier étage sont allumés simultanément consommant 15 tonnes de carburant chaque seconde puis la fusée, qui est retenue par des pinces, est lâchée dès que les ordinateurs ont vérifié que la poussée des moteurs a atteint sa puissance nominale. La fusée s’élève d’abord très lentement, mettant près de 10 secondes à se dégager de la tour de lancement. La séparation du premier étage S1-C intervient 2 minutes et demie après le lancement à une altitude de 56 km alors que la fusée a atteint une vitesse de Mach 8 (10 000 km/h). Peu après, les moteurs-fusées du deuxième étage S-II s’allument : la jupe inter-étages se détache et la tour de sauvetage est éjectée car le vaisseau spatial est suffisamment haut pour pouvoir retomber sans son aide en cas d’interruption de la mission. Le deuxième étage est à son tour largué alors que la fusée atteint une vitesse de 24 680 km/h et une altitude de 185 km. Le troisième étage S-IVB est alors mis à contribution durant 140 secondes pour placer l’ensemble de la fusée restante sur une orbite circulaire de 180 km onze minutes et demie après le décollage.

Une fois placés en orbite basse, les vaisseaux Apollo (LEM et modules de Commande et de Service) ainsi que le troisième étage de la fusée effectuent un tour et demi autour de la Terre puis le moteur du troisième étage est rallumé pour injecter l’ensemble sur une orbite de transfert vers la Lune. L’injection se traduit par une augmentation de la vitesse de 3 040 m/s (10 000 km/h). Environ une demi-heure après la fin de la poussée, le Module de Commande et de Service (CSM) se détache du reste du train spatial puis pivote de 180° pour venir repêcher le LEM dans son carénage. Après avoir vérifié l’arrimage des deux vaisseaux et pressurisé le LEM, les astronautes déclenchent par pyrotechnie la détente de ressorts situés dans le carénage du LEM : ceux-ci écartent le LEM et le CSM du troisième étage de la fusée Saturn à une vitesse d’environ 30 cm/s. Le troisième étage va alors entamer une trajectoire divergente qui, selon les missions le place en orbite autour du Soleil ou l’envoie s’écraser sur la Lune.

Durant le trajet de 70 heures vers la Lune, des corrections peuvent être apportées à la trajectoire du CSM et du LEM pour optimiser la consommation finale de propergols. Initialement, le déroulement d’une mission Apollo prévoyait une quantité relativement importante de carburant pour ces manœuvres. À l’usage, à peine 5 % de cette quantité sera consommée grâce à la précision de la navigation. Le train spatial est mis en rotation lente pour limiter l’échauffement des vaisseaux en réduisant la durée de l’exposition continue au Soleil.

Une fois arrivé à proximité de la Lune, le moteur du module de commande est allumé pour placer les vaisseaux en orbite en les freinant. Si ce freinage n’est pas réalisé, la trajectoire permet aux vaisseaux de revenir se placer en orbite terrestre après avoir fait le tour de la Lune sans utiliser leurs moteurs. Cette disposition sauvera d’ailleurs la mission Apollo 13. Un peu plus tard, le moteur du CSM est utilisé une deuxième fois pour placer les deux vaisseaux sur une orbite circulaire de 110 km d’altitude.

La descente sur la Lune repose en grande partie sur le système de guidage, navigation et contrôle (PGNCS : Primary Guidance and Control System) piloté par l’ordinateur embarqué (LGC). Celui-ci va d’une part, déterminer périodiquement la position et la trajectoire réelle du vaisseau en utilisant d’abord la centrale inertielle puis le radar d’atterrissage (fonction de navigation), et d’autre part, calculer la trajectoire à suivre en utilisant ses programmes et piloter, en fonction de tous ces éléments, la poussée et l’orientation des moteurs (fonction de guidage). Le pilote du LEM peut toutefois corriger l’altitude en cours à tout moment et, dans la dernière phase, reprendre complètement la main sur les commandes des moteurs. Mais seul le système de navigation et de pilotage permet, en optimisant trajectoire et consommation des ressources, de poser le LEM avant d’avoir épuisé tout le carburant.

L’abaissement de l’orbite est désignée par l’acronyme DOI (Descent Orbit Insertion) dans la terminologie NASA.

L’objectif de cette phase est d’abaisser l’altitude du LEM de 110 km à 15 km au-dessus du sol lunaire. À cet effet, son orbite circulaire est transformée en une orbite elliptique de 15 km sur 110 km. Cette phase permet de réduire la distance à parcourir jusqu’au sol lunaire à un faible coût en propergols (elle ne nécessite qu’une brève impulsion du moteur). La limite des 15 km a été retenue pour éviter que la trajectoire finale ne s’approche trop du relief.

Deux des trois astronautes de l’équipage prennent place dans le Module Lunaire pour descendre sur la Lune. Ils initialisent le système de navigation avant d’entamer la descente vers la Lune. Le LEM et le CSM se séparent avant que le moteur ne soit mis en marche (jusqu’à Apollo 12). Le changement d’orbite est initié lorsque le vaisseau spatial se situe aux antipodes (à une demi-orbite) du point où démarrera la phase suivante. Une fois que la distance entre le LEM et le module de commande est suffisante (une centaine de mètres), une petite accélération est d’abord imprimée par les moteurs contrôlant l’attitude pour plaquer le carburant du moteur de descente contre les vannes de distribution puis le moteur de descente est allumé brièvement pour freiner le LEM d’environ25 m/s (90 km/h).

À partir d’Apollo 14, pour économiser les propergols de l’étage de descente, c’est le moteur du Module de Commande et de Service qui est sollicité pour abaisser l’orbite. Le CSM accompagne donc le LEM dans son orbite elliptique et s’en sépare avant que la descente propulsée ne démarre.

La descente propulsée est caractérisée par une action continue du moteur de descente. Elle démarre lorsque le LEM a atteint le point le plus bas de son orbite elliptique. Elle se décompose elle-même en 3 phases : la phase de freinage, la phase d’approche et la phase d’atterrissage.

La phase de freinage vise à réduire la vitesse du vaisseau de la manière la plus efficace possible : celle-ci va passer de 1 695 m/s (6 000 km/h) à 150 m/s (550 km/h). Le moteur est allumé à 10 % de sa puissance durant 26 secondes, le temps que le moteur s’aligne grâce à son cardan sur le centre de gravité du vaisseau, puis il est poussé au maximum de sa puissance. Le module lunaire qui au début de la trajectoire est pratiquement parallèle au sol va progressivement s’incliner tandis que sa vitesse de descente nulle au départ augmente jusqu’à 45 m/s en fin de phase. Lorsque le LEM se trouve à une altitude inférieure à 12-13 km, le radar d’atterrissage accroche le sol et se met à fournir des informations (altitude, vitesse de déplacement) qui vont permettre de vérifier que la trajectoire est correcte : jusqu’alors celle-ci était extrapolée uniquement à partir de l’accélération mesurée par la centrale à inertie. Une différence trop importante entre les données fournies par le radar et la trajectoire visée ou le non fonctionnement du radar sont des motifs d’interruption de la mission.

La phase d’approche démarre à 7 km du site visé alors que LEM est à une altitude de 700 mètres. Elle doit permettre au pilote de repérer la zone d’atterrissage et de choisir le lieu précis (dégagé) où il souhaite atterrir. Son point de départ est désigné sous le terme de “porte haute” (“high gate”), expression empruntée à l’aéronautique.

Le module lunaire est progressivement redressé en position verticale fournissant au pilote une meilleure vision du terrain. Celui-ci peut ainsi localiser le point d’atterrissage auquel conduit la trajectoire grâce à une échelle gravée sur son hublot graduée en degrés (Landing Point Designator, LPD) : l’ordinateur fournit à la demande l’angle sous lequel l’astronaute peut voir le lieu d’atterrissage sur cette échelle. Si celui-ci juge que le terrain n’est pas propice à un atterrissage ou qu’il ne correspond pas au lieu prévu, il peut alors corriger l’angle d’approche en agissant sur les commandes de vol par incrément de 0,5° dans le sens vertical ou 2° en latéral.

Lorsque le module lunaire est descendu à une altitude de 150 mètres ce qui le place théoriquement à une distance de 700 mètres du lieu visé (point désigné sous le terme de low gate), démarre la phase d’atterrissage. Si la trajectoire a été convenablement suivie, les vitesses horizontale et verticale sont respectivement alors de 66 km/h et 18 km/h. La procédure prévoit que le pilote prenne la main pour amener le module lunaire au sol mais il peut, s’il le souhaite, laisser faire l’ordinateur de bord qui dispose d’un programme de pilotage pour cette dernière partie du vol. En prenant en compte les différents aléas (phase de repérage allongée de deux minutes, modification de la cible de dernière minute de 500 mètres pour éviter un relief, mauvaise combustion finale, jauge de propergol pessimiste), le pilote dispose d’une marge de 32 secondes pour poser le LEM avant l’épuisement des ergols. La dernière partie de la phase est un vol stationnaire à la manière d’un hélicoptère qui permet à la fois d’annuler toutes les composantes de vitesse mais également de mieux repérer les lieux. Des sondes situées sous les semelles du train d’atterrissage prennent contact avec le sol lunaire lorsque l’altitude est inférieure à 1,3 mètre et transmettent l’information au pilote. Celui-ci doit alors couper le moteur de descente pour éviter que le LEM ne rebondisse ou ne se renverse (la tuyère touche presque le sol).

Le séjour sur la Lune est rythmé par les sorties extra-véhiculaires : une unique sortie pour Apollo 11 mais jusqu’à trois sorties pour les dernières missions. Avant chaque sortie, les astronautes doivent faire le plein en eau et oxygène de leur système de survie portable puis enfiler leur tenue. Ils font ensuite le vide avant d’ouvrir l’écoutille qui donne accès à l’échelle.

Les outils et les instruments scientifiques sont sortis des baies de stockage de l’étage de descente puis sont déployés non loin du LEM ou à plus grande distance. À partir d’Apollo 14, les astronautes disposent d’une brouette puis dans le cadre des vols suivants du rover lunaire qui leur permet de s’éloigner d’une dizaine de kilomètres du LEM en transportant de lourdes charges. Le rover occupe une baie entière du module lunaire ; il est stocké en position repliée sur une palette que les astronautes abaissent pour libérer le véhicule. Le rover est déployé par un système de ressorts et de câbles agissant via des poulies et actionnés par les astronautes.

Avant de quitter la Lune, les échantillons géologiques placés dans des conteneurs sont hissés jusqu’à l’étage de remontée grâce à un palan. Le matériel qui n’est plus nécessaire (survie portable, appareils photos, etc.) est abandonné pour alléger au maximum l’étage de remontée.

La phase de remontée doit permettre au LEM de rejoindre le module de commande resté en orbite. Cet objectif est atteint en 2 temps : l’étage du LEM décolle du sol lunaire pour se mettre en orbite basse puis à l’aide de poussées ponctuelles du moteur-fusée, il rejoint le module de commande.

Avant le décollage, la position précise du LEM au sol est entrée dans l’ordinateur afin de déterminer la meilleure trajectoire. L’instant du départ est calculé de manière à optimiser la trajectoire de rendez-vous avec le module de Commande. L’étage de descente reste au sol et sert de plate-forme de lancement. La séparation des deux étages est déclenchée avant le décollage par de petites charges pyrotechniques qui sectionnent les quatre points solidarisant les deux étages ainsi que les câbles et tuyauteries.

Le Module Lunaire suit d’abord une trajectoire verticale jusqu’à une altitude d’environ 75 mètres pour se dégager du relief lunaire puis s’incline progressivement pour rejoindre finalement à l’horizontale le périlune (point bas) d’une orbite elliptique de 15 km sur 67 km.

Un rendez-vous en orbite lunaire est alors effectué entre le CSM (piloté par le troisième membre d’équipage, le seul de la mission à ne pas aller sur la Lune) et le LEM en orbite lunaire. Après que les pierres lunaires ont été transférées, le LEM est libéré et lancé sur une trajectoire qui l’amènera à s’écraser sur la Lune. Le vaisseau spatial peut alors entamer son retour vers la Terre. Apollo 16 et Apollo 17 resteront en orbite une journée de plus pour réaliser des expériences scientifiques et larguer un petit satellite scientifique de 36 kg.

Pour quitter l’orbite lunaire et placer le vaisseau spatial sur la trajectoire de retour vers la Terre, le moteur du module de commande et de service est sollicité durant deux minutes et demie après avoir soigneusement orienté le vaisseau ; il fournit un delta-v d’environ 1 000 m/s qui doit permettre au vaisseau de rejoindre l’orbite terrestre. C’est l’un des moments critiques de la mission car une défaillance du moteur ou une mauvaise précision dans l’orientation condamnerait les astronautes. Le moteur est allumé alors que le vaisseau se situe sur la face située à l’opposé de la Terre de manière à ce que la nouvelle trajectoire, une orbite de transfert fortement elliptique, frôle la surface de la Terre à 40 km d’altitude dans la position qu’elle occupera à l’arrivée du vaisseau. Le trajet de retour dure environ trois jours mais peut être un peu raccourci en optant pour une trajectoire plus tendue. Peu après l’injection sur le trajet de retour (trans-Earth Injection, TEI), une sortie extravéhiculaire est effectuée pour récupérer les films photographiques des caméras placés dans le module de service qui doit être largué avant l’entrée dans l’atmosphère terrestre.

De petites corrections sont effectuées au cours du trajet pour optimiser l’angle d’entrée dans l’atmosphère et le point de chute. Au fur et à mesure que le vaisseau se rapproche de la Terre, la vitesse du vaisseau, qui était tombée à 850 m/s à la limite de l’influence des champs de gravité de la Terre et de la Lune, s’accroît jusqu’à atteindre 11 km/s lorsque le vaisseau pénètre dans les couches denses de l’atmosphère ; celles-ci font sentir leur influence à compter de 120 km d’altitude. Peu avant de pénétrer dans l’atmosphère, le module de service du vaisseau est largué au moyen de systèmes pyrotechniques, emportant avec lui le moteur principal et la majorité des réserves d’oxygène et d’électricité. La rentrée dans l’atmosphère se fait sous un angle très précis fixé à 6,5° avec une tolérance de 1°. Si l’angle de pénétration est trop important, le bouclier thermique qui est porté normalement à une température de3 000 °C durant la rentrée dans l’atmosphère, subit une température supérieure à celle pour laquelle il est conçu et la décélération est plus importante ; ces deux phénomènes pouvant entraîner la mort de l’équipage. Avec un angle inférieur, le vaisseau spatial peut rebondir sur la couche atmosphérique et repartir sur une longue trajectoire elliptique condamnant son équipage incapable de manœuvrer et ne disposant de très peu de réserves d’air.

Après une phase de décélération qui atteint 4 g, le vaisseau a perdu sa vitesse horizontale et descend pratiquement à la verticale. À 7 000 mètres d’altitude, la protection située à l’extrémité conique du vaisseau est éjectée et deux petits parachutes se déploient pour stabiliser la cabine et faire chuter sa vitesse de 480 à 280 km/h. À 3 000 mètres, trois petits parachutes pilotes sont déployés latéralement par des mortiers pour extraire les trois parachutes principaux en évitant qu’ils s’emmêlent. Le vaisseau percute la surface de l’océan à une vitesse de 35 km/h. Les parachutes sont immédiatement largués et trois ballonnets se gonflent de manière à éviter que le vaisseau reste la pointe sous l’eau. Une flottille comprenant un porte-avions ou un porte-hélicoptères est positionnée à l’avance sur la zone où doit amerrir le module de commande. Des avions sont chargés de localiser le point de chute tandis que des hélicoptères amènent sur place des plongeurs qui, montés sur des embarcations légères, récupèrent les astronautes et placent des élingues sur le vaisseau pour qu’il puisse être hissé sur le pont du porte-aéronefs.

Aucun vol orbital américain n’avait encore eu lieu au lancement du programme Apollo. Le seul vol du programme Mercury – ce programme avait débuté en 1959 – avait eu lieu 3 semaines avant le discours du président Kennedy et a été un simple vol balistique faute de disposer d’une fusée suffisamment puissante. Il fallut attendre la mission Mercury-Atlas 6 du 20 février 1962 pour que John Glenn devienne le premier astronaute américain à boucler une orbite autour de la Terre. Trois autres vols habités ont eu lieu en 1962 et en 1963.

À l’issue du programme Mercury, des aspects importants du vol spatial, qui devaient être mis en application pour les vols lunaires, n’étaient toujours pas maîtrisés alors qu’il n’était pas possible de les tester au sol. Les dirigeants de la NASA ont lancé un programme destiné à acquérir ces techniques sans attendre la mise au point du vaisseau très sophistiqué de la mission lunaire : le programme Gemini devait remplir trois objectifs :

  • maîtriser les techniques de localisation, manœuvre et rendez-vous spatial ;
  • mettre au point les techniques permettant de travailler dans l’espace au cours de sorties extra-véhiculaires ;
  • étudier les conséquences de l’apesanteur sur la physiologie humaine au cours de vols de longue durée.

Le vaisseau spatial Gemini, qui devait initialement être une simple version améliorée de la capsule Mercury, s’est transformé au fur et à mesure de sa conception en un vaisseau complètement différent de 3,5 tonnes (contre environ une tonne pour le vaisseau Mercury), capable de voler avec deux astronautes durant deux semaines. Le vaisseau était lancé par une fusée Titan II, missile de l’armée de l’air américaine reconverti en lanceur. Le programme rencontra des problèmes de mise au point. Le lanceur souffrait d’effet pogo, les piles à combustible utilisées pour la première fois fuyaient et la tentative de mise au point d’une aile volante pour faire atterrir la capsule sur le sol ferme a échoué. Tous ces déboires gonflèrent le coût du programme de 350 millions de dollars à 1 milliard de dollars. Toutefois, fin 1963, tout était rentré dans l’ordre et deux vols sans équipage ont pu avoir lieu en 1964 et début 1965. Le premier vol habité Gemini 3 emporta les astronautes Virgil Grissom et John Young le 23 mars 1965. Au cours de la mission suivante, l’astronaute Edward White a réalisé la première sortie dans l’espace américaine. Huit autres missions, émaillées d’incidents sans conséquence, se sont échelonnées jusqu’en novembre 1966 : elles ont permis de mettre au point les techniques de rendez-vous spatial et d’amarrage, de réaliser des vols de longue durée (Gemini 7 est resté près de 14 jours en orbite) et d’effectuer de nombreuses autres expériences.

Parallèlement au programme Apollo, la NASA lance plusieurs programmes pour affiner sa connaissance du milieu spatial et du terrain lunaire. Ces informations sont nécessaires pour la conception des engins spatiaux et préparer les atterrissages. En 1965, trois satellites Pegasus sont placés en orbite par une fusée Saturn I pour évaluer le danger représenté par les micrométéorites ; les résultats seront utilisés pour dimensionner la protection des vaisseaux Apollo. Les sondes Ranger (1961–1965), après une longue série d’échecs, ramènent à compter de fin 1964, une série de photos de bonne qualité de la surface lunaire qui permettent d’identifier des sites propices à l’atterrissage.

Le programme Lunar Orbiter, composé de cinq sondes qui sont placées en orbite autour de la Lune en 1966–1967, complète ce travail : une couverture photographique de 99 % du sol lunaire est réalisée, la fréquence des micrométéorites dans la banlieue lunaire est déterminée et l’intensité du rayonnement cosmique est mesurée. Le programme permet également de valider le fonctionnement du réseau de télémesure. Les mesures effectuées indiquent que le champ gravitationnel lunaire est beaucoup moins homogène que celui de la Terre rendant dangereuses les orbites à basse altitude. Le phénomène, sous-estimé par la suite, réduira à 10 km l’altitude de l’orbite du Lem d’Apollo 15 dont l’équipage était endormi, alors que la limite de sécurité avait été fixée à 15 km pour disposer d’une marge suffisante par rapport aux reliefs. Le 2 juin 1966, la sonde Surveyor 1 effectue le premier atterrissage en douceur sur la Lune fournissant des informations précieuses et rassurantes sur la consistance du sol lunaire (le sol est relativement ferme) ce qui permet de dimensionner le train d’atterrissage du module lunaire.

La fusée Saturn I (ou Saturn C-1) avait été conçue alors que le cahier des charges du programme lunaire n’était pas encore figé. Sa capacité d’emport s’avéra finalement trop faible même pour remplir les objectifs des premières phases du programme. Néanmoins, dix des douze fusées commandées furent construites et lancées entre le 27 octobre 1961 et le 30 juillet 1965, dont six avec l’ensemble des étages. Aucun des composants de cette fusée n’a été réutilisé dans la suite du programme. Après cinq vols consacrés à la mise au point de la fusée (missions SA-1, SA-2, SA-3, SA-4, SA-5), Saturn I a été utilisée pour lancer deux maquettes du vaisseau Apollo (missions A-101, A-102) et placer trois satellites Pegasus en orbite (missions A-103, A-104, A-105).

Les vols de la fusée Saturn IB ont permis la mise au point du troisième étage de la fusée Saturn V (l’étage IVB dont le moteur consommait de l’hydrogène) et d’effectuer les premiers tests du vaisseau spatial Apollo :

  • AS-201 (rétrospectivement et officieusement Apollo 1a) (), mission non habitée, premier essai du lanceur Saturn IB. C’est un vol purement balistique culminant à 450 km (sans mise en orbite) qui emporte un véritable vaisseau Apollo et non une maquette. Il permet de tester avec succès l’étage IVB qui sera réutilisé sur la fusée Saturn V, le moteur principal du vaisseau Apollo qui est mis à feu pour porter la vitesse à 8 km/s, ainsi que le bouclier thermique de la capsule Apollo durant la phase de rentrée atmosphérique ;
  • AS-203 (rétrospectivement et officieusement Apollo 3) (), est une mission non habitée dont l’objectif est d’étudier le comportement de l’hydrogène et de l’oxygène liquide dans les réservoirs une fois la fusée placée en orbite. La mission est un succès ;
  • AS-202 (rétrospectivement et officieusement Apollo 2) () est une mission non habitée. La fusée Saturn 1-B, comme dans le premier vol AS-201, lance sa charge utile sur une longue trajectoire balistique qui lui fait parcourir les trois-quarts du tour de la Terre. La mission doit permettre de tester le comportement du vaisseau Apollo et de la tour de sauvetage fournis dans des versions complètement opérationnelles. Le vaisseau Apollo dispose pour la première fois de ses programmes de pilotage et de navigation et de ses piles à combustible. Le moteur du vaisseau Apollo est allumé à quatre reprises. La rentrée dans l’atmosphère à 8 500 m/s permet de tester le comportement du bouclier thermique soumis à un échauffement prolongé.

Le , alors que l’équipage du premier vol habité Apollo 1 (initialement AS-204) qui doit décoller un mois plus tard effectue une répétition au sol en conditions réelles, un incendie se déclare dans le vaisseau Apollo (CMS) dans lequel les 3 astronautes se trouvent sanglés sur leurs couchettes. Les flammes font rage dans l’atmosphère confinée composée uniquement d’oxygène ; Virgil Grissom, Edward White et Roger Chaffee décèdent asphyxiés sans être parvenus à ouvrir l’écoutille dont le mécanisme complexe ne permettait pas une ouverture rapide. Le vaisseau avait rencontré de nombreux problèmes de mise au point avant l’accident. Le déclenchement de l’incendie sera attribué, sans être clairement identifié, à un court-circuit dû à un fil électrique dénudé. L’enquête révèle l’utilisation de nombreux matériaux inflammables dans la cabine et beaucoup de négligences dans le câblage électrique et la plomberie. Le déclenchement et l’extension de l’incendie avait été favorisé par l’atmosphère d’oxygène pur (dépourvu d’azote) donc extrêmement inflammable, une solution qui était déjà celle des vaisseaux Mercury et Gemini.

De nombreuses modifications ont été apportées pour que la cabine du vaisseau offre une meilleure résistance au feu. L’écoutille a été modifiée pour pouvoir être ouverte en moins de 10 secondes. Une atmosphère d’azote et d’oxygène était utilisée durant la première phase du vol. L’ensemble du programme Apollo subit une revue qui a entraîné la modification de nombreux composants. Les exigences de qualité et les procédures de test ont été renforcées. Tout le programme subit un décalage de 21 mois accroissant la pression sur les équipes : la fin de la décennie approchait. Par ailleurs, tout le monde s’inquiétait de l’avancement du programme soviétique, même si aucune information officielle ne filtrait de l’Union soviétique.

Les déboires du vaisseau spatial Apollo ont permis au programme de développement de la fusée géante Saturn V de rattraper son retard. Celle-ci avait en effet rencontré de nombreux problèmes touchant en particulier le deuxième étage (le S-II qui est encore aujourd’hui le plus gros étage à hydrogène jamais conçu) : excès de poids, phénomènes de vibration (effet pogo), etc.

  • Apollo 4 (), mission non habitée, premier essai du lanceur Saturn V.

La mission Apollo 4 est le premier vol du lanceur géant Saturn V. À cette occasion, un vaisseau Apollo effectue pour la première fois une rentrée atmosphérique qui restera la rentrée terrestre la plus rapide jusqu’à Stardust. Afin de recueillir un maximum d’informations sur le comportement de la fusée, 4098 capteurs sont installés. Le premier lancement de Saturn V est un succès complet.

  • Apollo 5 (), mission non habitée, essai du lanceur Saturn IB et du module lunaire.

La mission Apollo 5 doit permettre de tester le module lunaire dans des conditions de vol réelles, c’est-à-dire dans le vide spatial. Il s’agit en particulier de vérifier le fonctionnement de ses moteurs d’ascension et de descente, ainsi que sa capacité à effectuer les manœuvres de séparation prévues. La mission est également destinée à tester une manœuvre d’urgence consistant à mettre à feu les moteurs d’ascension sans avoir largué l’étage de descente (manœuvre d’interruption de la phase d’atterrissage). Malgré quelques caprices de l’électronique du module lunaire, le fonctionnement de celui-ci peut être validé par ce vol.

  • Apollo 6 () deuxième vol de Saturn V, mission non habitée.

La mission Apollo 6 est une répétition plus complète d’Apollo 4. Le test est peu satisfaisant : deux des moteurs J-2 du 2ème étage cessent prématurément de fonctionner ce qui ne peut être compensé que par une durée de fonctionnement prolongée des autres moteurs de l’étage. Alors que la fusée est sur son orbite de parking, l’unique moteur J-2 du 3ème étage refuse de se rallumer pour simuler l’injection sur une trajectoire lunaire. En sollicitant le moteur du vaisseau Apollo, les équipes de la NASA parviennent malgré tout à effectuer les tests attendus. Malgré ces péripéties, la NASA a estimé que désormais la fusée Saturn V et les véhicules Apollo pouvaient embarquer des équipages en toute sécurité.

Le premier vol habité n’a lieu qu’en octobre 1968 mais les missions destinées à valider le fonctionnement des différents composants du programme et à effectuer une répétition presque complète d’une mission lunaire, se succèdent rapidement. Quatre missions préparatoires se déroulent sans anomalie majeure sur une période de 7 mois.

  • Apollo 7 ( – ).

Apollo 7 est la première mission habitée du programme Apollo. Son but est de valider les modifications effectuées sur le vaisseau spatial à la suite de l’incendie d’Apollo 1 (CMS version 2). Une fusée Saturn 1 B est utilisée car le module lunaire ne fait pas partie de l’expédition. Au cours de son séjour en orbite, l’équipage répète les manœuvres qui seront effectuées lors des missions lunaires. Après avoir quitté l’orbite terrestre et effectué leur rentrée dans l’atmosphère, la capsule et son équipage sont récupérés sans incident dans l’Atlantique. C’était la première mission américaine à envoyer une équipe de trois hommes dans l’espace et à diffuser des images pour la télévision. La fusée Saturn IB ne sera plus utilisée par la suite dans le cadre du programme d’exploration lunaire.

  • Apollo 8 ( – )

La mission Apollo 8 est le premier vol habité à quitter l’orbite terrestre. À ce stade d’avancement du programme, il s’agit d’une mission risquée car une défaillance du moteur du vaisseau Apollo au moment de sa mise en orbite lunaire ou de son injection sur la trajectoire de retour aurait pu être fatale à l’équipage d’autant que le module lunaire a été remplacé par une maquette. Mais les dirigeants de la NASA redoutent un coup d’éclat des Soviétiques pour la fin de l’année et décident de courir le risque. Les astronautes font au total 10 révolutions autour de la Lune. Durant ce vol, ils réalisent de nombreux clichés de la Lune dont le premier lever de Terre. Apollo 8 permet pour la première fois à un homme d’observer directement la “face cachée” de la Lune. L’une des tâches assignées à l’équipage consistait à effectuer une reconnaissance photographique de la surface lunaire, notamment de la mer de la Tranquillité où devait se poser Apollo 11.

  • Apollo 9 ( – )

Apollo 9 constitue le premier essai en vol de l’ensemble des équipements prévus pour une mission lunaire : fusée Saturn V, module lunaire et vaisseau Apollo. Pour la première fois, on baptise le vaisseau Apollo (Gumdrop) et le Lem (Spider), une décision destinée à faciliter les communications avec le sol lorsque les deux vaisseaux ont un équipage. Les astronautes effectuent toutes les manœuvres de la mission lunaire tout en restant en orbite terrestre. Le module lunaire simule un atterrissage puis réalise le premier rendez-vous réel avec le vaisseau Apollo. Les astronautes effectuent également une sortie extravéhiculaire de 56 minutes pour simuler le transfert d’équipage du module lunaire au vaisseau Apollo en passant par l’extérieur (manœuvre de secours mise en œuvre en cas d’amarrage infructueux entre les deux vaisseaux). En outre, ils testent l’utilisation du module lunaire comme “canot de sauvetage” dans la perspective d’une défaillance du vaisseau Apollo ; c’est cette procédure qui sera utilisée avec succès par l’équipage d’Apollo 13.

  • Apollo 10 ( – )

Les dirigeants de la NASA ont envisagé que cette mission soit celle du premier atterrissage sur le sol lunaire, car l’ensemble des véhicules et des manœuvres avait été testé sans qu’aucun problème majeur n’ait été détecté. Mais, dans la mesure où les Soviétiques ne semblaient pas préparer de mission d’éclat, ils ont préféré opter pour une dernière répétition au réalisme encore plus poussé. Peu après avoir quitté son orbite terrestre basse, le vaisseau Apollo, surnommé “Charlie Brown”, a exécuté la manœuvre d’amarrage au LEM. Après s’être séparé du troisième étage de Saturn V, il a effectué une rotation à 180° puis a arrimé son nez au sommet du module lunaire avant de l’extraire de son carénage. Une fois le train spatial placé en orbite autour de la Lune, le module lunaire, surnommé “Snoopy”, a entamé la descente vers le sol lunaire qui a été interrompue à 15,6 km de la surface. Après avoir largué l’étage de descente non sans quelques difficultés dues à une erreur de procédure, le LEM a réalisé un rendez-vous avec le vaisseau Apollo. La mission a reproduit les principales étapes du vol final, à la fois dans l’espace et au sol. Young était aux commandes du vaisseau Apollo alors que Stafford et Cernan occupaient le module lunaire.

Les sept missions suivantes lancées entre 1969 et 1972 ont toutes pour objectifs de poser un équipage en différents points de la Lune, présentant un intérêt géologique. Apollo 11 est la première mission à remplir l’objectif fixé par le président Kennedy. Apollo 12 est une mission sans histoire, contrairement à Apollo 13 qui, à la suite d’une explosion dans le module de service, frôle la catastrophe et doit renoncer à se poser sur la Lune. La NASA a modifié le modèle de module lunaire emporté par les missions à partir d’Apollo 15 pour répondre aux attentes des scientifiques : le séjour sur la Lune est prolongé grâce à des réserves de consommables plus importantes. Le module lunaire plus lourd transporte le rover lunaire qui accroît le rayon d’action des astronautes durant leurs sorties.

  • Apollo 11 ( – )

Le 21 juillet 1969, les astronautes Neil Armstrong et Buzz Aldrin, après un atterrissage mouvementé dans la mer de la Tranquillité, font leurs premiers pas sur la Lune. Armstrong, qui est le premier à sortir du module lunaire, prononce sa phrase devenue depuis célèbre “C’est un petit pas pour un homme, un bond de géant pour l’Humanité” – “That’s one small step for [a] man; one giant leap for mankind”. L’objectif principal de la mission était de réussir l’atterrissage. L’équipage installe une version simplifiée de la station scientifique ALSEP et la sortie extravéhiculaire, au cours de laquelle une vingtaine de kilogrammes de roches lunaires sont collectées, ne dure que 2 heures 30. Après un séjour de 21 heures 38 sur le sol lunaire, le module lunaire décolle sans encombre. À leur arrivée sur Terre, l’équipage et les échantillons lunaires sont placés en quarantaine durant 21 jours pour éviter une éventuelle contamination terrestre par des virus extraterrestres, une procédure exigée par les scientifiques qui sera abandonnée à partir d’Apollo 15.

  • Apollo 12 ( – )

32 secondes après son décollage, la fusée Saturn V est frappée par la foudre, entraînant une perte temporaire de la puissance électrique. Le module lunaire fait un atterrissage de précision dans l’Océan des Tempêtes à 180 m de la sonde spatiale Surveyor 3 dont certains éléments seront ramenés à Terre pour évaluer l’incidence de leur séjour prolongé sur le sol lunaire et dans le vide. Charles Conrad et Alan Bean installent une station scientifique automatisée ALSEP, mènent à bien des observations géologiques et prennent de nouvelles photographies de la Lune et de sa surface. Ils recueillent également 34,1 kg d’échantillons du sol lunaire. Durant ce séjour sur le sol lunaire de 31 heures 31 minutes, les deux astronautes réalisent deux excursions d’un total de 7 heures 45 minutes parcourant ainsi 2 km à pied et s’éloignent jusqu’à 470 m du module lunaire. De nombreuses améliorations ont été réalisées en particulier dans la précision de l’atterrissage par rapport à la mission Apollo 11. Les résultats sont si positifs qu’on projette d’envoyer Apollo 13 dans une zone plus accidentée.

  • Apollo 13 ( – )

La mission est interrompue à la suite de l’explosion d’un réservoir d’oxygène liquide situé dans le module de service d’Odyssey durant le transit de la Terre à la Lune, 55 heures 54 minutes après son envol. Le CSM est pratiquement hors service sans oxygène ni puissance électrique. Les astronautes n’osent pas se servir de son moteur pour manœuvrer. Ils se réfugient dans le module lunaire Aquarius dont ils utilisent les ressources et le moteur pour les manœuvres de correction de trajectoire qui permettent d’optimiser la trajectoire de retour vers la Terre. Heureusement, la trajectoire de transit Terre-Lune a été calculée pour que, en l’absence de manœuvre, le train spatial puisse revenir vers la Terre après avoir fait le tour de la Lune. Les astronautes réintègrent le vaisseau Odyssey immédiatement avant l’arrivée à Terre, larguent le module lunaire qui a servi de radeau de sauvetage avant d’effectuer une rentrée dans l’atmosphère sans encombre. L’explication de l’accident est déterminée sans ambiguïté : durant une vidange du réservoir d’oxygène, 15 jours avant le décollage, la gaine des fils électriques qui le traversent a fondu et ceux-ci se sont retrouvés entièrement dénudés. Lorsque Jack Swigert a actionné le brassage du réservoir, des étincelles ont jailli et déclenché son explosion.

  • Apollo 14 ( – ).

Le début du transit vers la Lune est marqué par un incident qui manque d’interrompre la mission : l’équipage doit s’y reprendre à cinq reprises pour parvenir à amarrer le module CSM au module lunaire. Apollo 14 atterrit dans la région accidentée de Fra Mauro qui était l’objectif initial d’Apollo 13. Un des moments marquants de la mission se produit lorsque Alan Shepard, qui est le premier (et le seul) des astronautes du programme Mercury à marcher sur la Lune, tire 2 balles de golf à l’aide d’un club emmené clandestinement. Shepard et Edgar Mitchell ont passé plus de 9 heures au cours de 2 sorties à explorer une zone où la NASA pensait trouver des roches figurant parmi les plus anciennes. Ils ont ramené 42,9 kg d’échantillons rocheux.

  • Apollo 15 ( – )

Apollo 15 est la première mission à emporter un module lunaire alourdi grâce, entre autres, à l’optimisation du lanceur Saturn V. Le poids supplémentaire est principalement constitué par le rover lunaire et des consommables (oxygène et puissance électrique) embarqués à bord du module lunaire Apollo qui permettent d’allonger le séjour sur la Lune de 35 heures à 67 heures. David Scott et James Irwin passent 2 jours et 18 heures sur le sol lunaire. Au cours de leurs trois sorties extravéhiculaires, qui durent en tout 18 heures 36 minutes, ils parcourent plus de 28,2 km à proximité du mont Hadley grâce au rover lunaire. Parmi les 76 kg de roches prélevées, les astronautes trouvent ce qu’on pense être un cristallin de la croûte lunaire originelle vieille d’environ 4,6 milliards d’années. Un petit satellite emportant trois expériences scientifiques est largué alors que le CMS est en orbite autour de la Lune. Worden fait une sortie spatiale de 16 minutes dans l’espace alors que le vaisseau Apollo se trouve encore à 315 000 km de la Terre. Au retour, durant la descente vers le sol terrestre, un des trois parachutes se met en torche sans dommage pour l’équipage.

  • Apollo 16 ( – )

Apollo 16 est la première mission à se poser sur les hauts-plateaux lunaires. John Watts Young et Charles Duke passent 20 heures 14 minutes sur la Lune, installant plusieurs expériences, parcourant 26,7 km à l’aide du rover lunaire et recueillant 95,4 kg d’échantillons rocheux. L’équipage largue un mini-satellite destiné à étudier les particules et le champ magnétique solaire.

  • Apollo 17 ( – )

Apollo 17 est la dernière mission sur la Lune. L’astronaute Eugene Cernan et son compagnon Harrison Schmitt, un géologue civil américain, le seul astronaute scientifique du programme Apollo à avoir volé, sont les derniers hommes à marcher sur la Lune : ils y passent 22 h 05 min, parcourant grâce à la Jeep lunaire 36 km dans la région des monts Taurus, près du cratère de Littrow. C’est l’équipage qui ramène le plus de roches lunaires (111 kg) et effectue la plus longue sortie extra-véhiculaire.

La NASA se préoccupe dès 1963 de la suite à donner au programme Apollo. En 1965, l’agence crée une structure affectée aux missions postérieures à celles déjà planifiées regroupées sous l’appellation Apollo Applications Program (AAP). La NASA propose plusieurs types de mission dont le lancement en orbite d’une station spatiale, des séjours prolongés sur la Lune mettant en œuvre plusieurs nouveaux modules dérivés du LEM, une mission habitée vers Mars, le survol de Vénus par une mission habitée, etc. Mais les objectifs scientifiques trop vagues ne réussissent pas à convaincre le Congrès américain beaucoup moins motivé par les programmes spatiaux “post-Apollo”. Par ailleurs, les priorités des États-Unis ont changé : les dispositifs sociaux mis en place par le président Lyndon Johnson dans le cadre de sa guerre contre la pauvreté (Medicare et Medicaid) et surtout un conflit vietnamien qui s’envenime prélèvent une part croissante du budget. Ce dernier ne consacre aucun fonds à l’AAP pour les années 1966 et 1967. Les budgets votés par la suite ne permettront de financer que le lancement de la station spatiale Skylab réalisée en utilisant un troisième étage de la fusée Saturn V.

En 1970, le programme Apollo lui-même est touché par les réductions budgétaires : la dernière mission planifiée (Apollo 20) est annulée tandis que les vols restants sont étalés jusqu’en 1974. La NASA doit se préparer à se séparer de 50 000 de ses employés et sous-traitants (sur 190 000) tandis que l’on annonce l’arrêt définitif de la fabrication de la fusée Saturn V qui ne survivra donc pas au programme. Un projet de mission habité vers Mars (pour un coût compris entre trois et cinq fois celui du programme Apollo) proposé par un comité d’experts sollicité par le nouveau président républicain Richard Nixon ne reçoit aucun appui ni dans la communauté des scientifiques ni dans l’opinion publique et est rejeté par le Congrès sans débat. Le 20 septembre 1970, le responsable de la NASA, démissionnaire, annonce que les contraintes budgétaires nécessitent de supprimer deux nouvelles missions Apollo 18 et Apollo 19.

L’annulation des missions laisse trois fusées Saturn V inutilisées dont l’une permettra néanmoins de lancer la station spatiale Skylab. Les deux restantes sont aujourd’hui exposées au Johnson Space Center et au centre spatial Kennedy. La station spatiale Skylab est occupée successivement par trois équipages lancés par des fusées Saturn IB et utilisant des vaisseaux Apollo (1973). Une fusée Saturn IB a été utilisée pour le lancement de la mission Apollo-Soyouz qui emportait un vaisseau spatial Apollo (1975). Ce sera la dernière mission à utiliser du matériel développé dans le cadre du programme Apollo. Le coût du programme est évalué à 25,4 milliards de dollars en 1969 (équivalent à 135 milliards de dollars, en 2006).

L’objectif fixé au programme Apollo par le président Kennedy en 1961 est rempli au-delà de toute espérance. L’astronautique américaine a su développer dans un temps record un lanceur d’une puissance inimaginable dix ans auparavant, maîtriser complètement le recours à l’hydrogène pour sa propulsion et réaliser ce qui paraissait, peu de temps auparavant, relever de la science-fiction : amener l’homme sur un autre astre. Malgré le saut technologique, le taux de réussite des lancements des fusées Saturn a été de 100 % et tous les équipages ont pu être ramenés à Terre. Aux yeux du monde entier le programme Apollo est une démonstration magistrale du savoir-faire américain et de sa supériorité sur l’astronautique soviétique qui au même moment accumule les échecs. Pour beaucoup d’Américains cette victoire démontre la supériorité de la société américaine même si cette foi dans leur système est fortement ébranlée à la même époque par l’ampleur de la contestation étudiante liée à la guerre du Viêt Nam et l’agitation sociale qui touche en particulier la minorité noire dans les grandes villes liée avec le mouvement des droits civiques.

Le programme Apollo, lorsqu’il est lancé, répond à des considérations de politique extérieure : l’architecture des missions et la conception des véhicules sont définies sans se soucier de leur pertinence et de leur pérennité du point de vue de la recherche scientifique. Celle-ci est intégrée dans le projet tardivement et avec beaucoup de difficultés. Absorbés par les défis techniques à relever, la NASA et le MSC – ce dernier était particulièrement concerné puisque chargé de la conception des vaisseaux habités et de l’entraînement des astronautes – ont du mal à consacrer des forces à la prise en compte des besoins scientifiques. Enfin, membres de la NASA et scientifiques (ceux-ci étant représentés notamment par le National Academy of Sciences et le Space Science Board) ont tâtonné longtemps pour mettre au point un mode de travail constructif, chacun voulant assumer la conduite des projets. Après avoir lancé les premières études en 1962, le Space Science Board définit au cours de l’été 1965 les points clés à traiter pour les 15 prochaines années dans le domaine de la recherche lunaire. Ce document servira de cahier des charges pour la conception des expériences scientifiques à mettre en œuvre au cours des missions Apollo.

Pour mener des recherches scientifiques sur le terrain, il valait mieux disposer de scientifiques entraînés comme astronautes que de pilotes – le vivier dans lequel avait puisé jusque-là la NASA – formés à la géologie. En 1965, malgré les réticences d’une partie du management, la NASA recrute 6 scientifiques. Seuls deux d’entre eux étaient des pilotes vétérans et les autres durent suivre une formation de pilote de chasseur à réaction. Début 1966, le MSC, après avoir été plusieurs fois relancé par la direction de la NASA, mit en place une structure destinée aux expériences scientifiques permettant d’amorcer le processus de développement des instruments embarqués. Seul le géologue Schmitt aura l’occasion d’aller sur la Lune.

Les missions Apollo ont permis de collecter en tout 382 kg de roches lunaires dans six régions différentes de notre satellite (à comparer aux 336 grammes ramenés sur Terre par les missions soviétiques robotisées du programme Luna à la même époque). Ces roches sont conservées dans un bâtiment construit à cet effet au Centre spatial de Houston. Une organisation est mise en place pour la fourniture de petits échantillons de roches aux scientifiques du monde entier qui en font la demande. Un institut consacré aux sciences planétaires, le Lunar and Planetary Institute, est créé à la même époque à Houston pour faciliter la coopération internationale et centraliser les résultats des études menées. Par ailleurs de nombreuses données scientifiques ont été collectées au cours des missions : mesures effectuées par les astronautes durant leur séjour sur le sol lunaire, photographies prises depuis l’orbite lunaire, relevés effectués par les instruments logés dans une des baies du module de service à partir de la mission Apollo 15. Enfin, les stations scientifiques ALSEP, comportant de 3 à 8 instruments et déposées sur le sol lunaire durant les sorties extravéhiculaires, ont transmis leurs mesures aux stations terrestres jusqu’à l’épuisement de leur source d’énergie radioactive en septembre 1977. Les réflecteurs laser qui faisaient partie des ALSEP mais n’ont pas besoin d’une source d’énergie, car complètement passifs, sont encore utilisés de nos jours pour mesurer les variations de distance entre la Terre et la Lune.

Contre toute attente les roches lunaires ramenées comme les observations et les mesures effectuées n’ont pas permis de trancher entre les différents scénarios de formation de la Lune : produit de la collision entre un astre vagabond et la Terre (thèse aujourd’hui privilégiée), capture d’un astre par la Terre, formation en parallèle, etc. En effet, l’interprétation de données issues d’un milieu extraterrestre s’est avérée beaucoup plus difficile que ce que les scientifiques avaient imaginé, car nécessitant entre autres, un gros effort de recherche interdisciplinaire. Les échantillons de roche collectées indiquent une géologie complexe aussi les scientifiques estiment que la Lune est, dans ce domaine, en grande partie inexplorée malgré les 6 expéditions Apollo. Les données collectées par les 4 sismomètres ont permis d’esquisser une modélisation de la structure interne de la Lune : une croûte de 60 km d’épaisseur surmontant une couche homogène et de nature différente de 1 000 km d’épaisseur avec en profondeur un cœur à moitié fondu (1 500 °C) constitué sans doute de silicates. Les altimètres laser d’Apollo 15 et 16 ont confirmé que le centre de gravité de la Lune ne coïncidait pas avec son centre géométrique. Les données géologiques et géochimiques recueillies ont été par contre beaucoup plus difficiles à interpréter et n’ont permis de tirer que des conclusions générales : les échantillons reflètent une composition chimique différente de celle de la Terre avec une proportion plus faible des éléments les plus volatils et plus d’éléments radioactifs que la moyenne cosmique. Trois types de roche semblent prédominer : des basaltes riches en fer dans les mers, des plagioclases ou anorthosites riches en aluminium dans les zones situées en altitude et des basaltes riches en uranium et en thorium avec des concentrations importantes de potassium, terres rares et phosphore (basaltes “KREEP”). Mais pour certains scientifiques de cette époque, ces roches ne reflètent pas la composition du sol de la Lune primordiale sans doute enseveli par le bombardement constant subi par celle-ci depuis plusieurs milliards d’années.

L’impact du programme Apollo et des programmes spatiaux américains contemporains sur l’évolution technologique est indirect et porte sur des domaines bien précis. Il est difficile de distinguer la contribution du programme de celle des projets militaires (missile balistique) qui le précèdent ou l’accompagnent. Si les technologies concernées peuvent être clairement identifiées, il est beaucoup moins facile de mesurer précisément l’incidence du programme spatial sur les progrès constatés.

L’industrie métallurgique, qui doit répondre à des exigences particulièrement sévères (allègement, absence de défaut) et aux contraintes de l’environnement spatial (vide entraînant la sublimation des métaux, vibration, chaleur), crée de nouvelles techniques de soudure, dont le soudage par explosion, pour obtenir des pièces sans défaut. Le recours à l’usinage chimique, qui deviendra plus tard un procédé essentiel pour la fabrication des composants électroniques, est fréquent. Il a fallu mettre au point de nouveaux alliages et recourir à des matériaux composites. Les instruments de mesure installés dans les engins spatiaux ont dû satisfaire des exigences de précision, fiabilité et rapidité beaucoup plus élevées que la norme. L’instrumentation biomédicale est née de la nécessité de contrôler l’état de santé des astronautes en vol. Enfin, les projets de la NASA des années 1960 ont permis d’affiner les techniques de calcul de la fiabilité et de mettre au point un grand nombre de techniques de gestion de projet : PERT, WBS, gestion de la valeur acquise, revue technique, contrôle qualité.

Le programme Apollo a contribué à l’essor de l’informatique : le développement des programmes de navigation et de pilotage des vaisseaux Apollo voit apparaître la scission entre matériel et logiciel. Les méthodes de programmation et de test sont également en partie nées des exigences de fiabilité et de la complexité des logiciels développés pour le programme. Enfin, le projet lance l’utilisation des circuits intégrés qui ont fait leur apparition en 1961. La NASA achète au début du programme 60 % de la production mondiale pour les besoins des ordinateurs des vaisseaux Apollo.

L’ère spatiale débute en plein âge d’or d’une science-fiction américaine inspirée par les réalisations techniques nées de la Seconde Guerre mondiale et incarnée par des écrivains comme Isaac Asimov, Robert Heinlein, Arthur C. Clarke. Leurs œuvres dressent en images saisissantes et crédibles, le portrait d’une civilisation terrestre et plus particulièrement américaine qui s’est étendue aux planètes voisines ou aux étoiles. Des ingénieurs comme le futur concepteur de la Saturn V Wernher von Braun (ce dernier à travers ses contacts avec Walt Disney) contribuent également à populariser l’idée de l’exploration de l’espace par l’homme. Lorsque le programme Apollo est lancé, la rhétorique sous-jacente de la littérature de fiction spatiale (nouvelle frontière, conquête de l’espace) est reprise dans le discours de responsables politiques et de ceux l’agence spatiale. Aiguillés par la NASA, des magazines comme Life, la télévision américaine en pleine expansion, transforment la course à l’espace et le programme Apollo en particulier, en un feuilleton haletant, suivi avec passion par les Américains et dont les astronautes sont les héros. Le film 2001, l’Odyssée de l’espace, réalisé en collaboration étroite avec les spécialistes de l’industrie spatiale et qui sort en 1968, reflète l’idée que se font beaucoup d’un futur spatial qui semble désormais à portée de main.

Lorsque les astronautes d’Apollo 8 effectuent le voyage initial vers la Lune, donnant à des millions de téléspectateurs pour la première fois la possibilité d’apercevoir leur planète plongée dans l’espace, ils sont sans doute nombreux à partager le sentiment qui inspire au poète Archibald MacLeish ce texte intitulé “Riders on Earth together, Brothers in eternal cold” (“Passagers solidaires de la Terre, frères dans le froid éternel”) qui a été imprimé le jour de Noël à la Une du New York Times :

“To see the earth as it truly is, small blue and beautiful in that eternal
Silence where it floats, is to see ourselves as riders on the Earth together,
Brothers on that bright loveliness in the eternal
Cold – brothers who know now they are truly brothers”

“Contempler la Terre telle qu’elle est réellement, petit joyau bleu flottant dans un silence éternel,
C’est réaliser que nous sommes des passagers solidaires de la Terre,
Frères pour l’éternité sur cette beauté multicolore au milieu du froid éternel,
Frères qui réalisent maintenant qu’ils sont vraiment frères”.

Les photos de la Terre prises depuis l’espace lointain par les équipages du programme Apollo frapperont les esprits à l’époque. La plus célèbre de ces photos est La Bille bleue prise par les astronautes d’Apollo 17. D’autres photos, comme celles montrant un lever de Terre au-dessus d’un sol lunaire dépourvu de couleurs ou celles mettant en évidence la minceur de la couche atmosphérique ont fait prendre conscience du caractère unique et fragile de notre planète, le vaisseau Terre. Ces images ont sans doute contribué à l’expansion des mouvements écologiques au cours des décennies suivantes.

Le 20 juillet 1969, 600 millions de téléspectateurs, soit un cinquième de la population mondiale de l’époque, assistent en direct à la télévision aux premiers pas de Neil Armstrong et Buzz Aldrin. Si presque tout le monde s’accorde sur le fait qu’il s’agit d’un événement marquant, il y a toutefois des voix pour s’élever contre le gaspillage d’argent comme certains représentants de la communauté noire américaine, à l’époque en pleine ébullition. L’écrivain de science-fiction Ray Bradbury, qui participe à un débat à la télévision à Londres, durant lequel il se heurte aux critiques émanant, entre autres, de l’activiste politique irlandaise Bernadette Devlin, s’insurge “Au bout de 6 milliards d’années d’évolution, cette nuit, nous avons fait mentir la gravité. Nous avons atteint les étoiles… et vous refusez de fêter cet événement ? Allez au diable !”.

Le mot de Neil Armstrong, “C’est un petit pas…”, a été immédiatement repris et adapté tandis que l’expression “Si on a pu envoyer des hommes sur la Lune, alors on devrait pouvoir…” devint une phrase passe-partout. Mais l’intérêt pour le programme spatial faiblit rapidement. Le déroulement de la mission Apollo 12, pourtant filmé en couleurs contrairement à Apollo 11, a été beaucoup moins suivi. Les commentaires très techniques, hors de portée de l’Américain moyen, l’absence de péripéties banalisaient l’événement. Il a fallu l’accident d’Apollo 13, qui replaçait l’homme au cœur de la mission, pour raviver l’intérêt du public.

Plusieurs films et de nombreux documentaires ont pris pour sujet le programme Apollo. On peut citer notamment Apollo 13, réalisé en 1995 par Ron Howard, qui reconstitue les péripéties du vol Apollo 13. The Dish, réalisé en 2000 par Rob Sitch, est une semi-fiction retraçant l’histoire de la construction d’une station de réception terrestre en Australie qui doit recevoir la première émission télévisuelle émise depuis la Lune par Apollo 11. In the Shadow of the Moon est un documentaire de 2008 constitué à partir de films d’actualités diffusés à l’époque, de documents internes de la NASA et d’interviews de plusieurs astronautes encore en vie.

Au début des années 1970, alors que le programme Apollo touche à sa fin, certains décideurs politiques envisagent l’arrêt des vols habités trop coûteux et aux retombées limitées. La fin de la guerre froide et l’effondrement du programme spatial soviétique a privé le projet habité américain d’une grande partie de ses justifications. Mais Richard Nixon ne veut pas être celui qui a arrêté les missions habitées auxquelles se rattache encore malgré tout une part de prestige. Par ailleurs, si l’opinion publique et la communauté scientifique s’accordent sur la nécessité de réduire le budget spatial en particulier consacré aux vols habités, le président n’est pas insensible au lobbying de l’industrie et aux considérations électorales : la Californie qui concentre une grande partie des emplois de l’astronautique – les effectifs employés par l’industrie aérospatiale en Californie passent de 455 000 à 370 000 personnes entre 1967 et 1970 – est un enjeu important pour les élections à venir. En partie pour répondre aux critiques sur le coût du programme Apollo, la NASA a élaboré à cette époque son projet de navette spatiale qui doit permettre d’abaisser de manière significative le prix du kilogramme placé en orbite par rapport aux lanceurs non réutilisables. Le président Nixon donne son feu vert au programme de la navette spatiale mais celle-ci devra s’inscrire par la suite dans un cadre budgétaire spatial civil en décroissance constante : les sommes allouées à la NASA passent progressivement de 1,7 % du budget total de l’État fédéral en 1970 à 0,7 % en 1986, son point le plus bas. Les espoirs suscités par la navette spatiale seront déçus : on estime en 2008, alors que le programme de la navette est en voie d’achèvement, que chaque vol de la navette spatiale américaine revient à 1,5 milliard de dollars en intégrant les coûts de développement : un coût non concurrentiel par rapport à celui d’un lanceur classique. La souplesse opérationnelle n’est pas non plus au rendez-vous : la cadence de lancement atteint 5 % de celle prévue initialement.

La communauté scientifique américaine tire un bilan négatif du programme Apollo. Les retombées scientifiques du programme sont limitées au regard des sommes investies et la part du programme spatial consacrée à la science (satellites scientifiques, sondes spatiales) a diminué durant les années Apollo. Le phénomène se répétera d’ailleurs au cours des décennies suivantes, les programmes scientifiques de la NASA étant régulièrement victimes soit des dépassements budgétaires des programmes spatiaux habités soit d’arbitrages en leur défaveur. Aussi, l’Académie des Sciences américaine demande à l’époque que l’activité spatiale soit recentrée sur des thèmes scientifiques et ses applications dans le domaine de la météorologie, l’agriculture, l’hydrologie, l’océanographie, etc. Elle s’oppose également au développement de la navette spatiale. La communauté scientifique est aujourd’hui dans son ensemble toujours peu favorable aux missions habitées au-delà de l’orbite basse : en 2004, à la suite de la relance des missions habitées vers la Lune et Mars, le comité chargé du financement de l’astrophysique au sein de l’American Physical Society, s’inquiétait de l’importance des fonds monopolisés par ce type de mission aux objectifs mal cernés au détriment de projets, comme les télescopes spatiaux, qui avaient largement prouvé leur intérêt scientifique.

Après les progrès fulgurants des années 1960 dont le débarquement lunaire constitue l’acmé, le vol spatial habité, contrairement à toutes les prédictions de l’époque, s’est replié durant ses cinquante dernières années sur l’orbite terrestre basse. L’astronaute Gene Cernan, dans son autobiographie publiée en 1999, écrit “Tout se passe comme si le programme Apollo avait vu le jour avant son heure, comme si le président Kennedy avait été chercher une décennie au cœur du XXIème siècle et qu’il avait réussi à l’insérer au début des années 1960”. Pour l’historien américain J.R. McNeill, l’aventure du programme Apollo et de l’exploration spatiale en général pourrait être une impasse condamnée à devenir dans le futur une simple note de bas de page de l’histoire de la civilisation, à moins que des découvertes ne relancent son intérêt ou que renaisse une course au prestige entre des nations disposant de moyens financiers suffisants.

À l’époque du débarquement sur la Lune, il existait déjà une petite minorité d’incrédules qui se recrutait aux États-Unis dans les classes sociales les plus défavorisées, coupées de toute connaissance scientifique, et les minorités. L’audience de la thèse du moon hoax (canular lunaire) s’élargit dans les années 1970 lorsqu’un climat de défiance vis-à-vis des institutions s’installe chez beaucoup d’Américains dans le sillage du scandale du Watergate et de la guerre du Viêt Nam : c’est à cette époque, symbolisée dans les médias par le film Les Trois Jours du Condor, qu’est tourné Capricorn One (1978) qui raconte l’histoire d’un faux débarquement sur Mars mis en scène par la NASA. En 2001, l’émission “Théorie du complot : avons-nous atterri sur la Lune ?”, basée sur des pseudo témoignages scientifiques et diffusée sur la chaîne de télévision Fox rencontre un succès d’audience qui témoigne surtout de l’absence de culture scientifique de ses auditeurs. Malgré ses incohérences évidentes, la théorie du faux débarquement sur la Lune continue à trouver des partisans pour les raisons déjà citées mais sans doute également parce que l’événement est si éloigné de toute expérience personnelle, qu’il dégage pour beaucoup un sentiment d’irréalité.

La stagnation du programme spatial habité américain après les succès du programme Apollo suscite un intense sentiment de frustration chez beaucoup de passionnés d’astronautique. Au moment même où le programme Apollo subit un coup d’arrêt à la fin des années 1960, naissent des associations militant pour un programme spatial habité ambitieux prolongeant l’effort spatial engagé. Selon T.E. Dark, l’apparition de ces mouvements est à mettre en relation avec la crise que subit à la fin des années 1960 l’idée de progrès, une croyance au cœur de la société américaine. L’apparition du mouvement écologique, un scepticisme naissant vis-à-vis des bienfaits de la croissance économique et la crainte d’un déclin culturel américain expliquent principalement cette crise. Promouvoir le programme spatial était un moyen de faire revivre l’idée de progrès sous une autre forme.

L’association la plus connue à l’époque, la L5 Society, préconise la colonisation de l’espace par la création de gigantesques habitats spatiaux au point de Lagrange L5. Elle reçoit l’attention du Congrès américain ainsi que de la NASA. Mais le concept d’habitats spatiaux géants ne dépassera jamais le stade de l’étude théorique, car il nécessite de lancer un million de tonnes en orbite autour de la Terre en 6 ou 10 ans, un objectif qui ne pouvait être atteint que si le coût de la mise en orbite était abaissé à 55 dollars le kg comme envisagé par l’étude de Gerard K. O’Neill et la NASA en 1975-1977. La L5 Society disparait en 1987, victime des désillusions nées de la crise de l’énergie et des déboires de la navette spatiale américaine. En 1998 est fondée la Mars Society qui milite pour la colonisation de Mars. Son créateur, Robert Zubrin, rédige plusieurs ouvrages très documentés sur les moyens de mener une mission habitée sur Mars. The Planetary Society est une association plus ancienne, née en 1980, dont le fondateur le plus connu est Carl Sagan, qui a un ancrage international et compte plus de 100 000 membres. Plus réaliste, elle milite surtout pour l’exploration du système solaire mais a tout de même apporté son soutien au programme de mission habitée vers la “planète rouge” de la Mars Society.

Depuis la mission habitée Apollo 17 de 1972, plus aucun astronaute ne s’est éloigné de plus de quelques centaines de kilomètres de la Terre. Le 20 juillet 1989, pour le 20ème anniversaire de l’atterrissage d’Apollo 11, le président des États-Unis George H. W. Bush lance un programme spatial ambitieux sur 30 ans, le Space Exploration Initiative (SEI), qui doit permettre l’installation d’une base permanente sur la Lune. Mais son coût, l’absence de soutien dans l’opinion publique et les fortes réticences du Congrès font capoter le projet. En 2004, son fils, le président George W. Bush, rend public les objectifs à long terme qu’il souhaite assigner au programme spatial américain alors que l’accident de la navette spatiale Columbia vient de clouer au sol une flotte de navettes spatiales vieillissantes et que le sort de la station spatiale internationale, dont l’achèvement approche, est en suspens. Le projet présidentiel Vision for Space Exploration veut replacer l’Homme au cœur de l’exploration spatiale : le retour d’astronautes sur la Lune est programmé avant 2020 pour une série de missions destinées à préparer une éventuelle présence permanente de l’homme sur le sol lunaire et mettre au point le matériel nécessaire à de futures missions habitées sur Mars fixées à une échéance beaucoup plus lointaine. Cette fois ci, l’opinion comme le Congrès sont favorables au projet : le programme Constellation est alors mis sur pied par la NASA pour répondre aux attentes présidentielles. Il prévoit la construction de deux types de lanceur Ares I et Ares V ainsi que, de manière similaire au programme Apollo, deux vaisseaux habités Altair et Orion. La NASA utilise, en les adaptant, des moteurs-fusées développés pour la fusée Saturn V, les propulseurs à poudre de la navette spatiale ainsi que de nombreuses installations au sol remontant à l’époque du programme Apollo. Mais le programme prend du retard et se heurte à un problème de financement qui selon les plans initiaux, doit s’effectuer sans augmentation substantielle du budget global de la NASA. À la suite de son investiture, le président américain Barack Obama fait expertiser le programme Constellation par la commission Augustine, créée à cet effet le 7 mai 2009. Celle-ci conclut qu’il manque 3 milliards de $ par an pour atteindre les objectifs fixés mais confirme l’intérêt d’une seconde exploration humaine de la Lune comme étape intermédiaire avant une mission habitée vers Mars. Début février 2010 le président Obama annonce l’annulation du programme Constellation qui est confirmée par la suite.

Source : Wikipédia France

HARRISON SCHMITT

Samplé sur Tomorrow

Harrison Hagan “Jack” Schmitt, né le à Santa Rita au Nouveau-Mexique, est un géologue, astronaute et ancien sénateur américain. Il a été le douzième et dernier homme et le seul civil à mettre le pied sur la Lune, lors de la mission Apollo 17.

Schmitt a grandi près de Silver City. Diplômé du California Institute of Technology en 1957, il a étudié un an la géologie à l’université d’Oslo en Norvège. Il obtient un doctorat de géologie à l’université Harvard en 1964. Avant de rejoindre la NASA, il travaille au U.S. Geological Survey’s Astrogeology Center à Flagstaff (Arizona), développant des techniques de géologie qui allèrent être utilisées sur les missions Apollo.

Pour le recrutement des astronautes, la NASA n’avait sélectionné depuis le début de l’ère spatiale que d’anciens pilotes militaires. Sous la pression de la communauté scientifique, la NASA commence à former, à compter de 1965, des scientifiques pour les missions lunaires du programme Apollo. Le premier d’entre eux est Harrison Schmitt. Celui-ci, après sa sélection, se forme au pilotage des avions à réaction durant un an. Il joue par ailleurs un rôle-clé dans la formation de ses camarades astronautes au domaine de la géologie et participe à la mise au point des méthodes d’investigation et de navigation sur le sol lunaire. Schmitt s’associe également aux activités d’analyse des roches ramenées de la Lune par les missions Apollo.

Lors de la mission Apollo 15, il a été l’un des membres de l’équipage de réserve. L’équipage de la mission Apollo 17 devait comprendre initialement Eugene Cernan, Ronald Evans, et Joe Engle. Il s’agissait de l’équipage de rechange de la mission Apollo 14 qui devait, selon la tradition, devenir l’équipage principal trois missions plus tard. Mais l’annulation des missions postérieures à Apollo 17 pour des raisons budgétaires a bouleversé cette règle. Pour la communauté scientifique, il n’était pas admissible qu’autant d’argent ait été dépensé pour explorer la Lune sans qu’un seul spécialiste du domaine ne participe à une mission ; un pilote formé à la géologie ne pouvait en aucun cas se substituer à un géologue professionnel. La NASA a décidé donc de remplacer Joe Engle par Harrison Schmitt qui avait par ailleurs démontré au cours des entraînements qu’il pouvait parfaitement exercer les fonctions de copilote du module lunaire.

En 1970, il est le premier scientifique à être affecté à une mission spatiale américaine et sera le seul à voler dans le cadre du programme Apollo. Pour la mission Apollo 17, il est copilote du module lunaire.

Schmitt a passé 301 heures et 51 minutes dans l’espace, dont 22 heures et 4 minutes en activité extravéhiculaire sur la surface de la Lune. Schmitt a démontré qu’il n’était pas nécessaire d’être un pilote d’avion professionnel pour devenir un bon astronaute.

Il a démissionné de la NASA en août 1975 pour se présenter aux élections sénatoriales du Nouveau-Mexique (États-Unis) sous l’étiquette républicaine, battant le sortant Joseph Montoya avec 57 % des voix. Avec la récession des années quatre-vingt, il a été battu six ans plus tard, en 1982, par Jeff Bingaman, qui a fait campagne avec le slogan : “Qu’a-t-il fait pour vous sur Terre ?”.

Source : Wikipédia France

GENE CERNAN

Samplé sur Tomorrow

Eugene Andrew Cernan dit Gene Cernan (né le à Chicago, Illinois) est un astronaute américain. Il est à ce jour le dernier humain à avoir marché sur la Lune.

Petit-fils d’émigrants tchèque et slovaque, établis dans la région de Chicago avant la Première Guerre mondiale, il naît dans cette ville et grandit dans sa banlieue, à Maywood (Illinois).

Attiré très jeune par les avions et le pilotage, il tente de suivre une formation de pilote, et vise un programme de formation d’officiers de réserve (ROTC) en quatre ans pour la Navy, à l’université Purdue. En juin 1952, finissant 14ème sur 762 à la Proviso East High School de Maywood, il est accepté dans cette formation.

Il est diplômé Bachelor en ingénierie électrique à Purdue le 6 juin 1956, avec une moyenne de 5.1 sur 6 (17/20), et commence son service militaire dans la Navy de trois ans en tant qu’aspirant sur l’USS Saipan (CVL-48). Durant les 18 semaines de service sur ce navire, il est encouragé à s’engager dans la Navy, ce qu’il accepte. Début 1957, il commence à apprendre le pilotage sur des T-34 Mentor. Il poursuit sa formation de pilote pendant six mois à la Naval Air Station Whiting Field sur des T-28 Trojan.

Au moment où il s’apprête à retourner sur l’USS Saipan en tant que pilote, les règles du jeu du service militaire changent car les autorités veulent maintenant un engagement de cinq ans au lieu de deux ans pour une formation de pilote, ce qui provoque un flux de démissions. Cernan, qui ne rêve que de piloter des jets, accepte volontiers cette prolongation et obtient ainsi la possibilité de suivre une formation de pilote de jet à la Naval Air Station Memphis et pilote bientôt des T-33 Shooting Star. Il obtient sa qualification de pilote le 22 novembre 1957.

Affecté début 1958 à la Naval Air Station Pensacola, il poursuit sa formation sur des F9F Panther où ses résultats brillants lui donnent la possibilité de choisir sa future affectation : pilote d’attaque au sol à la Marine Corps Air Station Miramar, qui deviendra connue sous la dénomination de Top Gun. En mars 1959, il participe à une grande manœuvre dans le Pacifique ouest à bord de l’USS Shangri-La (CV-38), pilotant des Douglas A-4 Skyhawk.

C’est à bord de ce porte-avion qu’il remarque la présentation au monde, en avril 1959, du premier groupe d’astronautes recruté par la NASA, les fameux Mercury Seven, et devient immédiatement fasciné par leur mission et par l’idée de partir dans l’espace. “Un nouveau rêve s’était formé dans mon crâne rasé”. Mais il dispose alors de trop peu d’expérience en tant que pilote pour postuler. Il poursuit les manœuvres sur l’USS Hancock (CV-19) jusqu’en mars 1961.

En mai, il se marie avec une hôtesse de l’air, Barbara Atchley, qui deviendra une des femmes d’astronautes les plus connues et prisée des médias lors des programmes Gemini et Apollo. Ils auront une fille, Teresa Dawn “Tracy” en mars 1963.

À l’été 1961, la Navy propose à Cernan d’obtenir une maîtrise (“master’s degree”) en sciences aéronautiques, à la Naval Postgraduate School à Monterey (Californie), avec un engagement de 3 ans par année d’étude, c’est-à-dire six ans supplémentaires, ce qu’il accepte. Cernan suit alors avec passion les exploits de Alan Shepard ou Gus Grissom dans le programme Mercury. En septembre 1962, il apprend qu’un second groupe d’astronautes – les New Nine – est sélectionné et se pose sérieusement la question de savoir s’il peut postuler. Mais il se rend à l’évidence : bien que possédant l’âge et la formation requise, il est loin d’être un pilote d’essai vétéran comme la plupart des nouveaux astronautes. Mais il tente de se rapprocher de l’univers de l’espace en spécialisant sa maîtrise sur les systèmes avancés de propulsion de fusée par propergol liquide.

Au printemps 1963, la Course à l’espace bat son plein. Aux États-Unis comme en URSS, les premiers programmes Mercury et Vostok s’achèvent. Avant de se lancer dans le programme Apollo, les Américains se mobilisent pour un programme intermédiaire, le programme Gemini dont l’objectif est de mettre au point les techniques qui seront nécessaires au débarquement sur la Lune. La NASA recrute de nouveaux pilotes.

C’est en juin 1963 qu’il reçoit un coup de téléphone en provenance de la NASA. Il apprend qu’il a été sélectionné – avec 400 autres civils et militaires – comme candidat potentiel pour le programme Apollo en train de se mettre en œuvre. Cernan accepte la proposition avec enthousiasme. Pendant la longue série de tests, d’interviews et d’examens médicaux de la NASA, il termine avec application sa thèse sur l’utilisation de l’hydrogène pour des moteurs fusée à haute énergie, toujours assez sceptique sur le fait d’être sélectionné.

Pourtant, début octobre 1963, il reçoit un coup de téléphone de Deke Slayton, le chef des astronautes de la NASA : il lui apprend qu’il est officiellement sélectionné dans le groupe d’astronautes 3, avec Dick Gordon son collègue et ami à Monterey. Sans vraiment l’avoir recherché, ni y avoir cru, mais en ayant donné son maximum lors des tests et examens, Cernan atteint son rêve de devenir astronaute. Il déménage avec sa famille à Houston (Texas) début 1964 et commence sa carrière d’astronaute.

Cernan subit la formation habituelle des astronautes : cours théoriques, entraînement à la survie, apprentissage de la géologie, simulateur, etc. En tant qu’élève astronaute, il est aussi chargé de tâches au centre de contrôle de mission du programme Gemini. Étant donné la nature de sa thèse de maîtrise, il est affecté au contrôle des systèmes de propulsion et de la pression dans les réservoirs.

En tant que “Tanks” (surnom donné à ce poste) il peut provoquer l’annulation de la mission si des dysfonctionnements interviennent pendant le lancement. Il supervise ainsi à ce poste les lancements Gemini. Il aide aussi à transformer la fusée Agena en cible de rendez-vous spatial, qui sera utilisée en tant que telle dans les missions Gemini.

Cernan se demande s’il aura une place en tant qu’astronaute dans le programme Gemini. Il tient en haute estime David Scott, Dick Gordon, Charlie Bassett et Mike Collins du groupe 3 et pense qu’ils partiront avant lui, sans compter ceux du groupe 2 qui ne sont pas encore partis. Il estime ses chances assez faibles.

Mi-1965, Slayton commence à affecter des membres du groupe 3 comme équipage de réserve de Gemini 7 et comme équipage principal pour Gemini 8 et Gemini 9. Mais Cernan n’est toujours pas mentionné.

Le 8 novembre 1965, Slayton annonce à Cernan qu’il est officiellement nommé comme pilote dans l’équipage de secours de Gemini 9 avec Tom Stafford comme commandant, ce qui lui fait entrevoir un véritable vol sur Gemini 12, dernière mission planifiée du programme Gemini.

Mais pour le moment, il doit se préparer à la mission Gemini 9 comme s’il allait réellement y participer (ce qui est possible s’il arrive quelque chose à l’équipage principal, et il va s’avérer que tel sera le cas). Gemini 9 est une mission très ambitieuse, impliquant un rendez-vous avec une cible spatiale Agena, que Cernan a contribué à développer, d’autres procédures de rendez-vous complexes et surtout une sortie extra-véhiculaire longue impliquant l’utilisation d’un dispositif expérimental de propulsion AMU, qui est effectuée par le pilote de la mission, donc potentiellement Cernan. Il passe beaucoup de temps à Saint-Louis (Missouri) chez McDonnell Douglas à suivre la construction de la capsule de Gemini 9, jusqu’à “en connaître chaque vis et boulon”, et à suivre des séances d’entraînement en simulateur.

Fin février 1966, Cernan se rend donc à Saint-Louis avec son coéquiper Thomas Stafford aux commandes d’un T-38, tandis que l’équipage principal de Gemini 9, Charlie Bassett et Elliott See font de même à bord d’un autre T-38. Les deux avions volent de concert dans des conditions météorologiques exécrables. Une tempête de neige accueille les jets à l’arrivée : le jet de Cernan arrive à atterrir de justesse, mais le jet piloté par See s’écrase sur le bâtiment où est assemblé la capsule Gemini, non loin de l’aéroport. La capsule est sauve, mais les deux astronautes de l’équipage principal de Gemini 9 trouvent la mort dans cet accident. L’équipage de réserve de Gemini 9 devient donc l’équipage principal : Cernan partira donc dans l’espace mi-mai 1966 sur Gemini 9. Un nouvel équipage de réserve est nommé : Jim Lovell et Buzz Aldrin. Selon Cernan dans ses mémoires, sans cet accident, Buzz Aldrin n’aurait pas trouvé si tôt une place dans un équipage et ne serait sans doute pas devenu le deuxième homme à marcher sur la Lune.

C’est donc à Cernan que revient la charge d’effectuer la troisième sortie dans l’espace de l’histoire, un an après celles du soviétique Leonov (Voskhod 2, mars 1965) et de l’Américain Ed White (Gemini 4, juin 1965). Le vol est semé d’embûches. Tout d’abord, le 17 mai 1966, la fusée Agena qui devait servir de cible explose en vol. Puis, le 1er juin, a lieu un nouveau report de vol, quelques secondes avant le décollage. Le 3 juin, peu après avoir été mis sur orbite, nouvelle déconvenue de l’équipage : la coiffe de la nouvelle cible (ATDA) ne s’est pas déployée correctement, ce qui rend impossible toute jonction. La sortie extravéhiculaire est également perturbée. Cernan est relié à Gemini par un cordon ombilical de 7,5 mètres, apportant l’oxygène, l’électricité et les communications. Mais il a le plus grand mal à s’en dépêtrer et est très vite exténué. Après une pause, il se rend à l’arrière du vaisseau pour tester l’AMU. Mais il est gêné par la rigidité de sa combinaison, le manque de points d’appui pour se stabiliser et le manque de lumière, du fait qu’il est passé dans l’ombre de la Terre. Mettant cinq fois plus de temps que prévu pour endosser l’AMU, il est exténué lorsqu’il y parvient. Le test est annulé. L’intérieur de son casque étant couvert de buée, c’est dans l’urgence et à bout de souffle que Cernan réintègre la cabine.

Après Gemini 9, Cernan est membre d’équipage de réserve à deux reprises. Tout d’abord en novembre 1966 sur Gemini 12 puis – après l’accident mortel d’Apollo 1, en janvier 1967, et la restructuration complète du programme Apollo – en octobre 1968 sur Apollo 7.

C’est au retour d’Apollo 7 que son équipage de réserve de ce vol est nommé équipage principal d’Apollo 10. Une fois de plus, Cernan se retrouve sous le commandement de Thomas Stafford, John Young est pilote du module de commande tandis que lui-même est pilote du module lunaire. Tous trois ont pour mission d’effectuer l’ultime répétition du tout premier débarquement sur la Lune. La tâche échoit à Stafford et Cernan de se rapprocher à 15 km du sol lunaire puis de rejoindre Young en orbite haute avant de regagner la Terre. Le vol se déroule du 18 au .

Après avoir été commandant de réserve du vol Apollo 14, en février 1971 (doublure d’Alan Shepard), Cernan est nommé commandant de la toute dernière mission sur la Lune : Apollo 17. Ses coéquipiers sont Ronald Evans, un ami de longue date, et le géologue Harrison “Jack” Schmitt, avec qui il séjourne plus de trois jours dans la vallée Taurus-Littrow (en bordure de la Mer de la Sérénité), y parcourant, en trois sorties, 37,7 km. Le vol s’achève le .

Totalisant 23 jours 1 heure et 15 minutes de vol dans l’espace, Cernan, reste à ce jour le dernier homme à avoir foulé le sol de la Lune et celui à y avoir marché le plus longtemps.

De 1973 à 1975, Cernan participe à la préparation du tout premier et unique vol américano soviétique (vol Apollo Suyuz Test Project), qui se déroule en juillet 1975, le vaisseau Apollo étant commandé par son ami Stafford. Il quitte la NASA l’année suivante, le 1er.

Divorcé en 1981, il se remarie avec Jan Nanna en 1987, de qui il a deux filles.

Apparaissant assez régulièrement dans les commémorations des vols Apollo, il est l’un des astronautes les plus connus et les plus respectés dans son pays. Le 15 avril 2010, en compagnie de Neil Armstrong et James Lovell, Cernan conteste avec vigueur la décision de Barack Obama d’abandonner le programme lunaire Constellation (pour des raisons budgétaires) qui avait été initié par l’administration Bush et qui devait marquer le retour des Américains sur la Lune. Le 13 septembre 2012, après la mort d’Armstrong, il prononcera un discours officiel en sa mémoire à la cathédrale nationale de Washington.

Source : Wikipédia France

APOLLO 17

Mentionné sur Tomorrow

Apollo 17 () est la dernière mission du programme spatial Apollo à emmener des hommes à la surface de la Lune. Avec cette mission, l’agence spatiale américaine, la NASA, conclut le projet lancé en 1961 par le président John F. Kennedy qui avait pour objectif d’amener des hommes sur la Lune. Apollo 17 est, comme Apollo 15 et 16, une mission de type J, caractérisée par un important volet scientifique. Le module lunaire utilisé permet aux astronautes de séjourner 3 jours sur la surface de la Lune ; les sorties extra-véhiculaires peuvent durer jusqu’à huit heures tandis que la mobilité des astronautes est accrue grâce au rover lunaire ; le vaisseau Apollo emporte des expériences scientifiques mises en œuvre en surface mais également en orbite.

Le site d’atterrissage retenu, la vallée Taurus-Littrow, fait partie d’une région de hauts plateaux : ceux-ci constituent un objectif scientifique majeur car cette formation géologique, fréquente sur la Lune, n’a pu être étudiée par les missions précédentes. La vallée semble par ailleurs avoir conservé des traces d’activité volcanique récente. L’étude sur place de ces formations, ainsi que les échantillons de roches et de sol ramenés sur Terre, doivent fournir des informations structurantes sur la géologie de la Lune. Pour remplir cette mission l’équipage d’Apollo 17 comprend le pilote du vaisseau Apollo, Ronald Evans, qui reste en orbite autour de la Lune, le commandant Eugene Cernan et le copilote du module lunaire Harrison H. Schmitt qui est le premier scientifique à faire partie d’une mission spatiale de la NASA. Schmitt est un géologue dont les connaissances vont faciliter l’étude sur le terrain et la collecte des roches lunaires.

La fusée Saturn V emportant le vaisseau Apollo 17 décolle du Centre spatial Kennedy le 7 décembre 1972. Le module lunaire se pose le 11 décembre sur le site d’alunissage prévu. Cernan et Schmitt enchaînent au cours de leur séjour trois sorties extravéhiculaires sur le sol lunaire d’une durée totale de 22 heures 4 minutes, au cours desquelles ils collectent 110 kilogrammes de roches lunaires et parcourent à bord de leur véhicule 36 kilomètres, établissant un nouveau record dans tous ces domaines. Le module lunaire redécolle sans encombre de la surface de la Lune et le vaisseau Apollo, après un voyage de retour sans incident, amerrit dans l’océan Pacifique le 19 décembre. Apollo 17 est un succès sur le plan scientifique et démontre la fiabilité remarquable des équipements. Mais le programme Apollo, victime d’arbitrages budgétaires et d’un certain désintérêt des politiques pour les enjeux scientifiques, se conclut avec cette mission qui reste à ce jour la dernière à avoir emmené des hommes sur la Lune.


Contexte

La dernière excursion sur la Lune

Le programme Apollo est lancé par le président John F. Kennedy le 2 mai 1961 avec comme objectif d’envoyer un homme à la surface de la Lune et de l’en ramener sain et sauf avant la fin de la décennie ; il s’agit de démontrer la supériorité des États-Unis sur l’Union soviétique dans le domaine spatial, devenu un enjeu politique dans le contexte de la guerre froide. Le 20 juillet 1969, l’objectif fixé à l’agence spatiale américaine, la NASA, est atteint lorsque les astronautes de la mission Apollo 11 parviennent à se poser sur la Lune. À cette date neuf autres missions sont programmées. Mais les ambitions du programme sont rapidement revues à la baisse. Les priorités des États-Unis ont changé : les dispositifs sociaux mis en place par le président Lyndon Johnson dans le cadre de sa guerre contre la pauvreté (Medicare et Medicaid) et surtout un conflit vietnamien qui s’envenime prélèvent une part croissante du budget du pays. Pour les décideurs politiques américains, le programme Apollo a rempli son principal objectif en prouvant la supériorité technique des États-Unis sur l’Union soviétique, et la science ne justifie pas les dépenses envisagées pour les missions à venir. En 1970, la dernière mission planifiée, Apollo 20, est annulée tandis que les vols restants sont étalés jusqu’en 1974 ; la chaîne de fabrication de la fusée Saturn V, chargée de lancer les vaisseaux du programme, est également arrêtée, mettant fin à tout espoir d’une prolongation du programme. Le 20 septembre 1970, le responsable de la NASA, démissionnaire, annonce que les contraintes budgétaires nécessitent de supprimer deux nouvelles missions Apollo 18 et Apollo 19 ; les économies attendues sont d’environ 50 millions de dollars. Désormais Apollo 17, septième mission ayant pour objectif de déposer des hommes sur la Lune, doit être la dernière et aucun retour vers le satellite naturel de la Terre n’est plus envisagé par la suite.


Une mission à vocation scientifique

Apollo 17 est, la troisième mission lunaire de type J après Apollo 15 et Apollo 16. Toutes les missions de ce type profitent d’un lanceur Saturn V plus puissant que celui mis en œuvre pour Apollo 11 à 14, qui permet d’emporter une charge utile plus importante : la durée du séjour sur la Lune est doublée, passant à trois jours, les astronautes disposent d’un véhicule, le rover lunaire, les sorties extra-véhiculaires peuvent durer jusqu’à huit heures et le module de service emporte des équipements scientifiques. Comme pour les missions précédentes, l’équipage d’Apollo 17 utilise deux vaisseaux distincts :

  • Le module de commande et de service Apollo, baptisé America pour l’identifier dans les échanges radio, est le vaisseau principal dans lequel les astronautes séjournent à l’aller comme au retour. Il comporte deux sous-ensembles : le module de commande et le module de service. Le module de commande (5,8 tonnes) comprend la cabine pressurisée de 6,5 m³ dans laquelle séjournent les astronautes ; celle-ci est protégée par un bouclier thermique qui lui permet de résister à la rentrée atmosphérique au retour sur Terre. Le module de service (25,5 tonnes) comprend la propulsion principale (SPS Service Propulsion System) qui joue un rôle essentiel dans le déroulement de la mission en permettant la mise en orbite lunaire puis le retour vers la Terre, l’essentiel des consommables nécessaires à la survie des astronautes (énergie, eau, oxygène) et de l’instrumentation scientifique. Le module de service est largué juste avant la rentrée atmosphérique.
  • Le module lunaire Apollo, baptisé Challenger, est quant à lui utilisé par deux des membres d’équipage pour descendre sur le sol lunaire, y séjourner puis revenir. Il comprend deux sous-ensembles : d’une part l’étage de descente (10 tonnes) qui rassemble l’ensemble de propulsion utilisé pour la descente sur le sol lunaire, les principales réserves de consommables (eau, énergie, oxygène), l’instrumentation scientifique et le rover lunaire ; d’autre part le module de remontée (4,5 tonnes), le seul à remonter en orbite à la fin du séjour lunaire, qui comprend la partie pressurisée de 4,5 m³ dans laquelle vivent les astronautes, ainsi que la propulsion utilisée pour le retour en orbite lunaire. L’étage de remontée est abandonné une fois que les astronautes ont réintégré le vaisseau principal.

L’équipage

L’équipage de la mission Apollo 17 devait comprendre initialement Eugene Cernan, commandant de la mission et pilote du module lunaire, Ronald Evans, pilote du module de commande, et Joe Engle. Il s’agissait de l’équipage de rechange de la mission Apollo 14 qui devait, selon la tradition, devenir l’équipage principal trois missions plus tard. Mais l’annulation des missions postérieures à Apollo 17 a bouleversé cette règle. En effet, la NASA n’avait sélectionné jusque-là que des anciens pilotes militaires pour composer les équipages des missions car ils constituaient depuis le début de l’ère spatiale l’unique source de recrutement. Sous la pression de la communauté scientifique, la NASA avait commencé à former des scientifiques pour les missions lunaires du programme Apollo. Le premier d’entre eux, le géologue Harrison Schmitt devait voler dans le cadre de la mission Apollo 18 annulée en 1970. Pour la communauté scientifique il n’était pas admissible qu’autant d’argent ait été dépensé pour explorer la Lune sans qu’un seul spécialiste du domaine ne participe à une mission ; un pilote formé à la géologie ne pouvait en aucun cas se substituer à un géologue professionnel. La NASA a décidé donc de remplacer Joe Engle par Harrison Schmitt qui avait par ailleurs démontré au cours des entraînements qu’il pouvait parfaitement exercer les fonctions de copilote du module lunaire. À la suite de ce changement, l’équipage d’Apollo 17 est constitué de :

  • Eugene Cernan est un vétéran qui a déjà accompli deux missions spatiales. Après un cursus universitaire scientifique, il devient pilote d’avion de chasse de la marine de guerre américaine. Il est recruté en 1963 par la NASA. Cernan est un des deux astronautes de la mission Gemini 9 au cours de laquelle il effectue la deuxième sortie extravéhiculaire américaine. Il est copilote à bord du module lunaire de la mission Apollo 10 qui effectue une répétition en grandeur réelle de l’atterrissage sur la Lune en s’approchant à moins de 14 km de sa surface. Il est le commandant de la mission Apollo 17 et pilote le module lunaire. Cernan a 38 ans lors de son séjour sur la Lune.
  • Harrison Schmitt qui a 37 ans au moment de la mission Apollo 17, est le premier scientifique à participer à une mission de la NASA. Il a décroché un doctorat en géologie en 1964 et a travaillé dans les services géologiques américains. Il est recruté en 1965 avec le premier groupe des astronautes scientifiques et se forme au pilotage durant un an. Il joue un rôle-clé dans la formation de ses camarades astronautes au domaine de la géologie et participe à la mise au point des méthodes d’investigation et de navigation sur le sol lunaire. Schmitt s’associe également aux activités d’analyse des roches ramenées de la Lune. En 1970, il est le premier scientifique à être affecté à une mission et sera le seul à voler dans le cadre du programme Apollo. Lors de la mission Apollo 15, il est l’un des membres de l’équipage de réserve et, pour la mission Apollo 17, il est copilote du module lunaire.
  • Ronald Evans a suivi un cursus universitaire scientifique avant de devenir pilote d’avion de chasse dans la marine de guerre américaine. Il est sélectionné par la NASA en 1966 et effectue sa première mission dans le cadre d’Apollo 17. Il est l’un des astronautes de soutien de l’équipage principal lors des missions Apollo 7 et Apollo 11 puis fait partie de l’équipage de réserve de la mission Apollo 14. Il est le pilote du module de commande et de service Apollo et à ce titre restera en orbite lorsque ses deux camarades descendront sur le sol lunaire. Evans a 39 ans en 1972.

L’équipage qui doit remplacer les astronautes titulaires de la mission en cas de maladie, accident ou autre événement imprévu est constitué de John Young (commandant), Charles Duke et Stuart Roosa (pilote du module de commande). Initialement l’équipage de rechange devait être constitué par les astronautes de la mission Apollo 15 mais celui-ci a été disqualifié à la suite de la découverte d’un trafic de timbres emportés clandestinement dans l’espace puis revendus à un marchand allemand spécialisé dans la philatélie.


La préparation de l’équipage

L’entraînement de l’équipage titulaire et de celui de remplacement pour la mission Apollo 17 débute en septembre 1971 et se poursuit jusqu’à quelques jours du lancement. Il comprend des formations théoriques et pratiques sur les différents sous-systèmes et équipements scientifiques, le travail en simulateur, des formations sur les sciences lunaires ainsi que des cours dans différents domaines (médecine, photographie…). Les trois astronautes passent entre 1 500 et 1 700 heures à se former spécifiquement pour la mission. Cernan et Schmitt passent notamment 300 à 350 heures dans le simulateur du module lunaire et plus de 600 heures à se préparer à leurs excursions sur le sol lunaire à travers des formations théoriques et pratiques (prospection géologique sur Terre, simulations), tandis qu’Evans passe plus de 600 heures dans le simulateur du module de commande et de service. Par ailleurs les deux équipages sont astreints à un entraînement physique et à un certain nombre d’heures de pilotage de leurs avions d’entraînement à réaction T-33.


Objectifs de la mission

Des connaissances lunaires à approfondir

Les missions spatiales robotiques et habitées lancées au cours de la décennie qui précède la mission Apollo 17 ont fait progresser les connaissances sur la Lune dans de nombreux domaines : composition chimique du sol, origine des cratères, caractéristiques du champ magnétique, date de formation des mers, activité sismique. Mais beaucoup d’interrogations subsistent notamment sur la structure interne de la Lune, sa formation et l’histoire de son évolution, l’existence d’une activité volcanique récente. Les scientifiques ne disposent toujours pas d’échantillon de roche de la croûte originale. Pour répondre aux interrogations qui subsistent, les scientifiques souhaitent étudier en priorité les régions de hauts plateaux et le manteau sombre qui pourrait être d’origine volcanique. Les processus concernés sont la surrection des hauts plateaux, le remplissage des zones situées à basse altitude et la formation du manteau volcanique. La mission Apollo 17 doit :

  • Recueillir des échantillons de la croûte originelle et de dépôts volcaniques ;
  • Déterminer l’âge et la composition des hauts plateaux et des zones de remplissage situées en basse altitude ;
  • Déterminer la composition et l’âge du manteau sombre ;
  • Déterminer la nature des roches composant le glissement de terrain.

Les critères de sélection du site d’atterrissage

Les résultats scientifiques de la mission sont étroitement liés au site d’atterrissage retenu. Apollo 17 étant la dernière mission permettant l’étude in situ de la Lune, le comité de la NASA chargé de la sélection du site d’atterrissage n’a pris en considération que les sites ayant la plus haute priorité d’un point de vue scientifique et répondant aux critères suivants :

  • Fournir des échantillons de roches de la région des hauts plateaux qui soient plus anciens que ceux à l’origine de l’impact de la mer des Pluies. Le site doit être donc aussi éloigné que possible de cette mer ;
  • Permettre la récupération de matériau d’origine volcanique datant de moins de 3 milliards d’années, afin de comprendre l’évolution thermique de la Lune et d’étudier la nature de son volcanisme ;
  • Faire en sorte que les caractéristiques de l’orbite du module de commande et de service, qui reste en orbite durant le séjour sur la Lune, permettent de survoler de nouvelles régions par rapport à celles qui avaient été déjà étudiées par les instruments des missions Apollo 15 et Apollo 16. Mais dans la mesure où le vaisseau Apollo 17 embarque de nouveaux instruments, les responsables de la mission souhaitent également que les zones survolées soient en partie identiques à celles des deux missions précédentes pour pouvoir comparer les données collectées.

Contrairement aux missions précédentes, l’emplacement des instruments ALSEP n’est pas considéré comme un facteur déterminant pour le choix du site.


Les sites étudiés

Plusieurs sites candidats sont écartés successivement : un site situé sur la face cachée de la Lune qui, du fait de sa localisation, pose des problèmes de communications entre la mission et la Terre ; un autre présente un risque durant la phase d’atterrissage et un troisième site puisqu’il est à portée des futures missions de retour d’échantillon du programme Luna soviétique. Trois zones d’atterrissage sont l’objet d’une étude plus poussée.

À l’époque de la sélection du site d’atterrissage d’Apollo 16 le cratère Alphonsus est considéré comme le site favori pour Apollo 17 : les spécialistes pensent y trouver des échantillons de roches antérieures à la formation des mers, et la présence de matériau volcanique sur le plancher du cratère relativement récent semble probable. Mais le site est éliminé par la suite car le matériau ancien, présent sur les parois du cratère, pourrait être enfoui sous des couches plus récentes le rendant inaccessible aux astronautes. Le cratère Gassendi est un site favorable pour l’obtention de roches anciennes et il donne la possibilité de dater à la fois le cratère et le bassin d’impact occupé par la mer des Humeurs. Mais aucune trace de volcanisme a été observée près de la zone d’atterrissage et le terrain, au relief difficile, pourrait constituer un obstacle aux déplacements des astronautes.

Taurus-Littrow est une vallée étroite située dans les monts Taurus qui bordent la mer de la Sérénité. En prélevant des échantillons sur les parois nord et sud de la vallée, on doit à la fois pouvoir obtenir des roches des hauts plateaux et dater l’impact à l’origine de la mer de la Sérénité. Un glissement de terrain sur la paroi sud doit en particulier placer à portée des astronautes les échantillons des roches convoitées. Par ailleurs Al Worden, membre de l’équipage d’Apollo 15, a remarqué au cours d’observations effectuées depuis l’orbite plusieurs cratères entourés d’un matériau particulièrement sombre que certains spécialistes attribuent à d’anciens cônes volcaniques. Un de ces cratères, baptisé Shorty, proche du glissement de terrain, constitue un objectif majeur d’une éventuelle mission. Par ailleurs, bien que le site soit situé dans une vallée étroite entourée de part et d’autre de montagnes qui culminent entre 1,5 et 2 km, les photos prises par Apollo 15 montrent que la zone d’atterrissage est dégagée. La vallée est assez large pour que la marge d’erreur acceptable à l’atterrissage atteigne 4 km dans le sens longitudinal et 3 km par le travers ; or durant les précédentes missions l’écart entre le site d’atterrissage et le lieu visé a toujours été inférieur à 500 mètres. Par ailleurs, dans l’éventualité où le rover lunaire serait victime d’une défaillance, les distances sont assez faibles pour que les astronautes puissent atteindre à pied les zones géologiques permettant de remplir les objectifs principaux de la mission. C’est finalement le site de Taurus-Littrow qui est choisi au cours d’une séance du comité de sélection qui a lieu le 11 février 1972 : le risque couru par les astronautes à l’atterrissage est légèrement supérieur à ce qui était envisagé mais le retour scientifique potentiel est beaucoup plus important que celui du cratère Alphonsus également finaliste.


La vallée de Taurus-Littrow

La vallée de Taurus-Littrow est située sur la bordure sud-est de la Mer de la Sérénité. Il y a environ 3,8 à 3,9 milliards d’années un astéroïde ou un noyau de comète de grande taille s’est abattu à l’emplacement actuel de la Mer en creusant une cuvette d’environ 700 km de diamètre. De nombreux blocs de rochers arrachés par l’impact ont été projetés sur le pourtour du cratère d’impact où par ailleurs des pans du sol se sont soulevés en réaction ; le tout a formé des chaines de montagnes qui bordent la Mer. À certains endroits les blocs qui s’étaient relevés se sont affaissés immédiatement après leur surrection et ont créé un réseau de vallées radiales dont fait partie la vallée de Taurus-Littrow. Celle-ci se situe dans la partie sud-ouest des Monts Taurus immédiatement au sud du cratère Littrow. Environ 100 ou 200 millions d’années après l’événement qui a donné naissance à la Mer de la Sérénité, de grandes quantités de lave fluide ont surgi de l’intérieur de la Lune et ont rempli les régions basses telles que les mers créées par les impacts d’astéroïdes. L’éruption des laves fluides s’est souvent produite au niveau des fractures situées sur les marges des mers. Parfois ce volcanisme effusif s’est accompagné d’éruptions explosives donnant naissance à un matériau formé de petites perles de verre. Celui-ci peut être orangé ou très sombre comme ce qui avait été observé avant la mission à quelques endroits, en bordure de la Mer de la Sérénité soulevant l’espoir d’un volcanisme récent.

La vallée de Taurus-Littrow s’étire sur un axe nord-ouest/sud-est. L’extrémité nord-ouest débouche sur la partie centrale de la Mer de la Sérénité : à cet endroit la vallée qui est en partie obstruée par une colline haute d’un kilomètre (Family Mountain) a une largeur d’environ 7 kilomètres. L’autre extrémité est fermée par une montagne de grande taille baptisée Massif Est. Au sud, une passe étroite, partiellement coupée par un grand cratère, permet d’atteindre une autre vallée. À l’ouest de cette passe, le Massif Sud forme la paroi sud-ouest de la vallée. Au nord du Massif Est se trouve une passe qui débouche sur une autre vallée puis, vers l’ouest, deux massifs : les Collines Sculptées et le Massif Nord qui forment la deuxième paroi de la vallée. Un escarpement baptisé Lee-Lincoln, haut parfois de 80 mètres, barre la vallée du nord au sud.

Le site d’atterrissage retenu est situé au centre de la vallée à bonne distance des massifs et à environ 6 km avant l’escarpement qui coupe la vallée. Le site a été choisi de manière à ce que le module lunaire durant la phase d’atterrissage survole les Collines Sculptées à une altitude suffisante pour aboutir dans la vallée, sans être trop éloigné du massif sud pour permettre un retour à pied en cas de panne du rover lunaire. Le terrain visé est une zone relativement plate située au milieu d’une série de cratères de grande taille. Le plus important est le cratère Camelot de 600 mètres de diamètre qui doit fournir des échantillons de roches représentatifs du matériau de la vallée. Situé à un kilomètre à l’ouest du site visé, il doit fournir un repère pour le pilote du Module Lunaire. Trois cratères de plus petite taille, baptisés Punk, Rudolph et Poppie sont situés à proximité immédiate du site d’atterrissage et fournissent les repères pour la phase terminale de la descente du module lunaire.


Les équipements scientifiques

La mission Apollo 17 embarque, comme les précédentes missions, de nombreuses expériences scientifiques. Certaines sont montées dans le Module de commande et de service Apollo, qui reste en orbite autour de la Lune. Les autres se répartissent entre l’ensemble instrumental ALSEP, déployé sur le sol lunaire par les astronautes et destiné à collecter des données transmises en continu vers la Terre après leur départ, et des instruments à déployer au cours des sorties extravéhiculaires pour des mesures ponctuelles. La mission comprend également plusieurs expériences médicales et biologiques, nécessitant dans certains cas la participation de l’équipage.


Les expériences du module de service et de commande

Les principaux instruments scientifiques du Module de commande et de service Apollo, formant le Scientific instrument module (SIM), sont installés dans la baie n°1 du module de service. Ces instruments, qui sont activés peu avant la mise en orbite lunaire, comprennent :

  • Le sondeur lunaire (Lunar Sounder) est un radar à synthèse d’ouverture qui doit permettre d’étudier la structure géologique de la Lune jusqu’à une profondeur de 1,3 km. Ses principaux composants sont le radar CSAR (Coherent Synthetic Aperture Radar), un enregistreur optique et deux antennes, qui sont déployées une fois que l’ensemble Apollo est en orbite : une antenne HF, constituée par un dipôle de 24,4 mètres, et une antenne Yagi VHF ;
  • Le radiomètre infrarouge à balayage ISR (Infared Scanning Radiometer) doit permettre de mesurer la température du sol lunaire avec une précision de 1 kelvin et une résolution spatiale de 2 km, nettement accrue par rapport aux mesures effectuées jusque-là depuis la Terre. La partie optique du capteur pivote de 162° perpendiculairement à l’axe de progression du vaisseau spatial pour balayer les zones survolées. Cet instrument doit détecter des lieux anormalement froids ou chauds permettant de localiser d’éventuels évents de gaz chauds, des indices d’activité volcanique et des différences dans les structures de surface ;
  • Le spectromètre en ultraviolet lointain FUS (Far Ultraviolet Spectrometer) est chargé d’analyser la composition atomique et la densité de l’atmosphère très ténue qui entoure la Lune. En analysant les longueurs d’ondes comprises entre 1 175 et 1 675 Angstrœms, l’instrument doit permettre de détecter la présence des atomes d’hydrogène, de carbone, d’azote, d’oxygène, de krypton et de xénon. Le spectromètre doit permettre également de mesurer les radiations de la partie du spectre électromagnétique réfléchie par le sol lunaire et émise par les sources galactiques ;
  • Le spectromètre rayons gamma est une expérience déjà embarquée sur Apollo 15 et 16. Un cristal de iodure de sodium sensible aux rayons gamma doit fournir des informations complémentaires permettant de calibrer les résultats fournis par les missions précédentes ;
  • La caméra panoramique, dotée d’un objectif de 610 mm, fournit des photos en noir et blanc ou en couleurs, mono ou stéréo, de la surface de la Lune avec une résolution de 2 mètres couvrant une surface de 28 × 334 km (angle de vue de 11° sur 108° perpendiculaire à l’axe de progression). La cassette du film photographique, d’une capacité de 1 650 photos (masse 33 kg), est récupérée en orbite par un astronaute au cours d’une sortie extra-véhiculaire ;
  • La caméra utilisée pour cartographier la Lune utilise un objectif de 76 mm et restitue des photos couvrant une surface de 170 × 170 km à une altitude de 11,5 km. Une seconde caméra, dont l’axe optique forme un angle de 96° avec la précédente, fournit des photos du champ d’étoiles permettant de situer les photos de la surface de la Lune. Comme la caméra panoramique, il s’agit d’un équipement développé pour les satellites de reconnaissance américains de l’époque, notamment les satellites Corona ;
  • L’altimètre laser permet de mesurer l’altitude du vaisseau avec une précision de 2 mètres. Il est couplé avec les deux caméras pour fournir une altitude de référence au centre des zones photographiées.

Les équipements scientifiques utilisés sur le sol lunaire

L’ensemble instrumental ALSEP

Comme les missions lunaires Apollo précédentes, Apollo 17 emporte l’ALSEP (Apollo Lunar Surface Experiments Package), une suite d’instruments scientifiques qui doivent être installés sur le sol lunaire. Disposant d’une source d’énergie et d’un émetteur ils permettent la collecte et la transmission des données après le départ des astronautes. L’ALSEP embarqué par Apollo 17 comprend cinq instruments, dont quatre n’ont jamais été déployés au cours des missions précédentes :

  • Le détecteur de micrométéorites et éjectats LEAM (Lunar Ejecta And Meteorites) est conçu pour détecter les micrométéorites et les matériaux lunaires éjectés par l’impact de ceux-ci. L’objectif est de déterminer les variations sur le long terme des flux de poussière cosmique et leurs origines. Il s’agit notamment de déterminer la corrélation entre ces évolutions et la traversée des plans orbitaux des comètes, des nuages de météorites, de la contribution des particules interstellaires et d’un phénomène nommé “focalisation des particules de poussières par la Terre” ;
  • Le sismomètre LSPE (Lunar Seismic Profiling Experiment) est utilisé pour déterminer la composition du sous-sol lunaire sur plusieurs kilomètres de profondeur, en analysant les ondes sismiques générées par des charges explosives. Il comprend trois sous-ensembles : 4 géophones déployés par les astronautes de manière à former un triangle équilatéral (le quatrième étant positionné au centre), une antenne chargée de transmettre un signal aux charges explosives, et 8 charges explosives d’une masse comprise entre 50 g et 4 kg. Les charges sont installées à des distances comprises entre 150 et 2 500 m des capteurs par les astronautes, durant leurs excursions en rover lunaire ;
  • Le spectromètre de masse LACE (Lunar Atmospheric Composition Experiment) a comme objectif de déterminer la composition de l’atmosphère lunaire pour les particules dont la masse atomique est comprise entre 1 et 110. LACE est capable de détecter des gaz dont la pression est supérieure à 1 milliardième de milliardième de celle de l’atmosphère terrestre ;
  • Le gravimètre LSG (Lunar Surface Gravimeter) effectue des mesures très précises de la gravité lunaire et de son évolution dans le temps. Les scientifiques espéraient que les données recueillies puissent être utilisées pour confirmer l’existence des ondes gravitationnelles ;
  • L’instrument de mesure des flux thermiques HFE (Heat Flow Experiment) a déjà été installé lors des missions Apollo 15 et 16. Il mesure les variations thermiques du sous-sol pour déterminer à quel rythme la chaleur interne de la Lune s’évacue vers l’extérieur. Ces mesures doivent permettre d’estimer la radioactivité interne et permettre de comprendre l’évolution thermique de la Lune. L’instrument comporte un boîtier électronique et deux sondes. Chaque sonde est placée dans un trou de 2,5 mètres de profondeur foré par les astronautes.

L’énergie permettant aux instruments de fonctionner est fournie par un générateur thermoélectrique à radioisotope (RTG) de 70 watts : l’électricité est produite par des thermocouples qui utilisent la chaleur dégagée par la radioactivité d’une capsule de plutonium 238. Un boîtier central muni d’un émetteur/récepteur radio contrôle l’ensemble des instruments : il reçoit les instructions de la Terre et les transfère aux instruments, ainsi que l’énergie fournie par le RTG. Il recueille les données scientifiques transmises par les instruments avant de les envoyer vers la Terre.


Les autres expériences scientifiques sur le sol lunaire

Durant leur séjour à la surface de la Lune, les astronautes utilisent d’autres instruments scientifiques pour recueillir des données :

  • Le rover lunaire emporte un gravimètre (Traverse Gravimeter) qui doit permettre de mesurer les variations du champ de gravité lunaire sur les différents sites étudiés au cours des excursions des astronautes. Cet instrument est susceptible de fournir un éclairage sur la structure interne de la Lune. L’utilisation de l’instrument nécessite que le rover soit à l’arrêt ;
  • L’instrument SEP (Surface Electrical Properties) permet de mesurer les propriétés électriques du sol lunaire à différentes profondeurs. Elles sont compilées avec les données fournies par le gravimètre et le sismomètre actif, ces informations permettant de fournir une modélisation géologique des couches supérieures de la Lune. L’instrument comprend un émetteur envoyant successivement des ondes sur plusieurs fréquences comprises entre 1 et 32 MHz. L’émetteur est déployé sur le sol de la Lune à une centaine de mètres du module lunaire ; un récepteur embarqué sur le rover lunaire enregistre les ondes transmises directement et indirectement via le sol. Ces données et la localisation des différentes mesures en réception sont enregistrées et ramenées sur Terre pour être exploitées ;
  • La sonde à neutrons lunaires est chargée de déterminer le volume de neutrons captés par le régolite lunaire. Il comprend une tige de 2,4 mètres de long pour 2 cm de diamètre, qui doit être enfoncée dans le sol durant la première sortie extravéhiculaire. Elle doit être retirée et ramenée sur Terre pour être analysée ;
  • Le détecteur de rayons cosmiques LSCRE (Lunar Surface Cosmic Ray Experiment) est destiné à mesurer le nombre et l’énergie des particules lourdes ou très énergétiques du vent solaire. Cet équipement de petite taille (encombrement total 22,5 x 6,3 x 1,1 cm, pour une masse de 163 grammes) comprend deux capteurs composés d’une feuille de mica, installés par l’équipage au début de la première sortie extravéhiculaire, l’un sur le flanc exposé au Soleil du module lunaire, l’autre à l’ombre. Ils sont récupérés par les astronautes à la fin de la dernière sortie pour pouvoir être examinés sur Terre ;
  • Les observations des astronautes et les photographies prises durant les sorties extravéhiculaires doivent contribuer à déterminer les caractéristiques mécaniques et physiques du sol lunaire à proximité de la zone d’atterrissage du module lunaire.

Les expériences biologiques

Trois des expériences de la mission Apollo 17 ont pour objectif d’analyser l’impact des rayons cosmiques sur la matière vivante ; ils sont constitués en majorité de protons expulsés par des événements astronomiques violents, et contenant suffisamment d’énergie pour bousculer la structure atomique de la matière :

  • Les équipages des missions Apollo précédentes avaient observé des flashs lumineux, généralement lorsqu’ils se reposaient dans le module de commande avec les lumières éteintes. L’origine de ces phénomènes était attribuée aux rayons cosmiques. La génération des flashs lumineux pouvait relever de deux mécanismes : la génération de phosphènes ou l’effet Vavilov-Tcherenkov. Durant le transit entre la Terre et la Lune il est prévu plusieurs expériences permettant de confirmer le lien existant entre les rayons cosmiques et les flashs lumineux. Lors de l’expérience, un des astronautes doit porter sur sa tête un dispositif nommé ALFMED comportant des détecteurs capables de caractériser les rayons cosmiques incidents (date/heure, quantité d’énergie et trajectoire), tandis que les autres astronautes qui portent des masques sur les yeux signalent l’apparition de flash lumineux ;
  • Biocore est une expérience qui cherche à déterminer si les rayons cosmiques peuvent endommager les cellules non régénératives tels que les nerfs contenus dans l’œil et le cerveau. Cinq souris à poche, une espèce originaire du désert de Californie et donc très résistante, sont équipées de détecteurs de rayons cosmiques qui permettent, après la mission, de reconstituer le trajet des rayons cosmiques qui ont traversé leur crâne. Les souris sont placées dans des tubes individuels, eux-mêmes insérés dans un cylindre de 33,8 cm de long et de 17,8 cm de diamètre qui leur fournit nourriture et oxygène sans aucune intervention de l’équipage :
  • Biostack comprend 6 soucoupes contenant différents organismes vivants (spores, bactéries, œufs), entre lesquelles s’intercalent des détecteurs de rayons cosmiques. L’ensemble est contenu dans un cylindre en aluminium d’une masse de 2,4 kg. Biostack a déjà volé sur Apollo 16 et ne nécessite également aucune intervention des astronautes.

D’autres expériences biologiques sont effectuées :

  • Le pilote du module de commande doit tester une combinaison anti-G qu’il doit porter durant la rentrée atmosphérique, au retour de la mission sur Terre. Son efficacité doit être déterminée par le biais d’examens médicaux pratiqués sur l’astronaute immédiatement après l’amerrissage (“Splash down”) du module ;
  • Tout au long de la mission Apollo 17, sauf durant leur séjour sur le sol lunaire, les astronautes sont soumis à une expérience portant sur les gains et les pertes métaboliques. À cet effet, ils doivent notamment prélever quotidiennement un échantillon de leur urine qui est analysé au retour sur Terre.

Les autres expériences

D’autres expériences ou recueils de données à objectif scientifique sont réalisés dans le module de Commande :

  • Le radiomètre infrarouge et le spectromètre ultraviolet sont utilisés, après l’éjection d’une certaine quantité d’eau par le vaisseau, pour étudier l’incidence de la contamination de l’environnement proche du vaisseau sur les observations réalisées avec des instruments optiques, en prévision de la mise en œuvre de l’observatoire installé à bord de la station spatiale Skylab ;
  • Les émissions du transpondeur en bande S du vaisseau sont utilisées pour mesurer les anomalies du champ de gravité de la Lune. Les modifications de l’orbite induites par ces irrégularités sont détectées depuis la Terre par mesure de l’effet Doppler découlant des variations du vecteur vitesse du vaisseau ;
  • Dans le module de commande, les astronautes disposent d’un appareil photographique moyen format Hasselblad équipé d’un objectif Zeiss 80 mm qui peut être remplacé par un objectif Zeiss Sonnar de 250 mm pour les photos de la Lune ou de la Terre à grande distance, d’un Nikon F (format 35 mm) équipé d’un objectif Nikkor de 55 mm et d’une caméra 16 mm. Le module de commande est également équipé avec une caméra de télévision ;
  • Analyse de la cratérisation du hublot du module de commande. La surface de celui-ci est analysée après le retour à Terre pour détecter les impacts de micrométéorites d’une masse supérieure à un trillionième de gramme ;
  • Des expériences de physique portant sur l’écoulement des fluides utilisant un équipement scientifique dédié sont réalisées durant le transit entre la Terre et la Lune, pour analyser les effets de l’absence de gravité dans différents cas de figure.

Lancement et transit entre la Terre et la Lune

La fusée Saturn V emportant le vaisseau Apollo 17 décolle du Centre spatial Kennedy le 7 décembre 1972 à 0h33min51s (heure locale), après une première interruption du compte à rebours à 30 secondes du lancement qui s’avère dû à un problème technique mineur. Malgré l’heure tardive, un demi million de personnes font le déplacement pour observer le lancement. Ce sera le seul décollage nocturne d’une mission Apollo. La mise en orbite terrestre se déroule sans incident. Environ trois heures plus tard, le troisième étage de la fusée Saturn est rallumé pour injecter le vaisseau Apollo et le module lunaire sur une trajectoire de transit vers la Lune. Une demi-heure plus tard, le Module de commande et de service Apollo effectue la manœuvre consistant à s’amarrer tête bêche au Module lunaire ; le troisième étage de la fusée Saturn V est largué et inséré sur une trajectoire de collision avec la surface de la Lune. L’étage s’écrase le 10 décembre 1972 sur le sol lunaire à la vitesse de 2,55 km/s sous un angle de 55° par rapport à l’horizontale en dégageant une énergie de 4,71 × 10 ergs ; l’impact, détecté par les sismomètres déposés par les missions précédentes, fournit des indications précieuses sur la structure du sous-sol lunaire. Deux heures après le début du transit vers la Lune, un des astronautes, sans doute Schmitt, réalise une photo de l’hémisphère visible de la Terre parfaitement éclairée car le vaisseau se trouve exactement sur l’axe joignant le Soleil et la Terre. Cette photo, nommée “La Bille bleue” pour la ressemblance de la Terre avec un élément du jeu de bille, devient très rapidement populaire au point d’être, selon certaines sources, la photo la plus diffusée dans le monde.

Une correction de la vitesse d’environ 3 m/s est effectuée à mi-distance entre la Terre et la Lune pour parfaire la trajectoire. Le 10 décembre, le moteur principal SPS du vaisseau Apollo est allumé pour réduire la vitesse de 908 m/s, afin de l’insérer sur une orbite lunaire de 315 × 95 km ; celle-ci est abaissée à 109 × 28 km environ 4 heures plus tard en modifiant à nouveau la vitesse de 61 m/s. Par rapport aux missions précédentes les différents manœuvres aboutissant à l’atterrissage ont été optimisées pour permettre au module lunaire de se poser dans la vallée au plus près du point visé : les orbites ont été modifiées pour augmenter la marge de carburant disponible à l’approche du sol, et une connaissance plus précise du champ de gravité lunaire a été affinée pour réduire les manœuvres de correction de vitesse. Après avoir séjourné durant 17 heures sur cette orbite, Cernan et Schmitt embarquent dans le module lunaire Challenger puis déclenchent la séparation avec le module de Commande et de Service. Ce dernier remonte sur une orbite plus circulaire de 100 × 81 km. De son côté, Cernan déclenche 5 minutes après la séparation un changement d’orbite qui abaisse le périgée de celle-ci à 11,5 km. Une heure plus tard, alors que le vaisseau se situe à son point bas par rapport au sol, Cernan, qui pilote le module lunaire, déclenche la propulsion principale pour annuler la vitesse du vaisseau spatial. L’équipage corrige d’un kilomètre la trajectoire qui a été calculée automatiquement par l’ordinateur du bord. L’atterrissage se déroule sans incident notable et le module lunaire se pose exactement à l’endroit prévu, alors qu’il reste une marge confortable de 117 secondes d’ergols dans les réservoirs.


Le séjour sur la Lune

Cernan et Schmitt séjournent trois jours complets sur la Lune, ce qui est le maximum autorisé par les réserves de consommables emportés par le module lunaire. Ils vont effectuer au cours de cette période trois sorties extravéhiculaires sur le sol lunaire d’une durée totale de 22 heures et 4 minutes. Apollo 17 est la troisième et dernière mission consécutive à faire usage du rover lunaire mis au point dans le cadre du programme Apollo pour le déplacement des astronautes. Le rover va parcourir une distance cumulée de 35,9 km en 4h26min, établissant un nouveau record dans ce domaine. Cernan et Schmitt s’éloignent jusqu’à 7,6 km du module lunaire.


Les conditions du séjour sur le sol lunaire

Les astronautes d’Apollo 17 disposent de trois jours terrestres (75 heures) pour explorer la vallée de Taurus Littrow. Cette contrainte de temps résulte de la quantité de consommables que le module lunaire peut emporter : oxygène, énergie fournie par des batteries non rechargeables et eau destinée à l’alimentation mais également à la régulation thermique de la cabine. Durant ce laps de temps ils effectuent trois sorties d’une durée d’environ 7 heures soit une par tranche de 24 heures. Le reste du temps est consacré à l’entretien de leurs équipements, l’alimentation et le repos. La durée d’une sortie est limitée par l’autonomie de leur combinaison spatiale de type Apollo A7LB qui avec le système de survie leur permet d’effectuer des séjours de 8 heures : cet ensemble qui pèse 111 kg (mais dont le poids équivaut à seulement à 18 kg sur la Lune dont la gravité est un sixième de celle de la Terre), les protège du vide, leur fournit l’oxygène, absorbe la vapeur d’eau et l’oxyde de carbone et contient un émetteur/récepteur radio.

Le séjour sur la Lune se déroule durant la première moitié de la journée lunaire (durée 14 jours terrestres) pour bénéficier de l’éclairage du Soleil et ne pas subir les rigueurs de la nuit lunaire. Afin d’accélérer leurs déplacements sur le sol lunaire et accroître leur rayon d’action sans augmenter les risques, les astronautes disposent du rover lunaire : ce véhicule rustique tous-terrains à propulsion électrique est alimenté par des batteries non rechargeables d’une capacité totale de 230 A-h ; il dispose d’une autonomie de 92 km, peut atteindre la modeste vitesse de 14 km/h et a une capacité d’emport de 490 kg qui permet de charger des outils et les échantillons de roches et de sol.

S’orienter sur la Lune est plus difficile que sur Terre car l’absence de magnétisme naturel ne permet pas d’avoir recours à une boussole ou un compas dont le fonctionnement repose sur l’influence du champ magnétique sur un aimant ; de plus la taille réduite de la Lune rapproche l’horizon ; celui-ci se situe à environ 3 km en terrain plat rendant plus difficile les repérages à partir des reliefs environnants. Aussi le rover est doté d’un système de navigation relativement sophistiqué composé d’un gyroscope (DG), de 4 odomètres placés sur chaque roue. Un petit ordinateur embarqué (SPU) alimenté par les données fournies par ces deux types de capteur, recalcule périodiquement la position du rover par rapport au module lunaire et alimente un compas artificiel. Les astronautes disposent par ailleurs pour les guider de dessins, établis à partir des photos effectuées depuis l’orbite au cours des missions précédentes, montrant les reliefs environnants tels qu’ils devraient leur apparaître depuis différents points situés sur leurs parcours. Les astronautes communiquent entre eux grâce à leur émetteur-récepteur radio VHF et restent en permanence en contact avec le centre de contrôle sur Terre à Houston via un relais de télécommunications installé sur le rover ; celui-ci utilise une antenne hélicoïdale omnidirectionnelle (donc qu’il n’est pas nécessaire de pointer vers la Terre) et communique en bande S. À chaque arrêt prolongé, les astronautes modifient le pointage d’une antenne parabolique grand gain ; celle-ci est utilisée pour retransmettre les images d’une caméra de télévision qui est également installée sur le rover. Le pointage et les réglages de cette caméra peuvent être télécommandés depuis la Terre.

Pour collecter les échantillons les astronautes disposent de plusieurs outils :

  • Une écope, dont l’angle d’incidence peut être réglé pour creuser une tranchée, est utilisée pour les échantillons les plus fins et les petites roches de moins de 1,3 cm de diamètre.
  • Un râteau muni d’un magasin est utilisé pour les échantillons de roches allant de 1,3 à 2,5 cm.
  • Une pince permet de ramasser les échantillons dont la taille peut aller jusqu’à celle d’un poing.

L’astronaute est handicapé dans ses mouvements par la rigidité de sa combinaison, car celle-ci est pressurisée. Aussi tous ces outils peuvent être fixés sur un manche amovible de 76 cm de long qui permet d’atteindre l’échantillon convoité. Un quatrième outil de collecte, qui inclut à son extrémité un sachet à échantillon, permet à l’astronaute de ramasser une roche ou prélever un peu de sol lunaire sans descendre du rover. Les échantillons sont placés dans des sachets individuels ou dans de rares cas dans de petits containers cylindriques étanches pour les préserver de toute contamination. Les astronautes peuvent également prélever des carottes de sol à l’aide de tubes enfoncés dans le sol à coups de marteau. Une balance utilisée pour peser les roches et un gnomon permettant de donner l’échelle ainsi qu’une référence colorimétrique d’un échantillon de roche photographié complètent cet équipement. Plusieurs appareils photographiques sont utilisés pour documenter les sites sur lesquels sont prélevés les échantillons et effectuer des panoramas : deux appareils moyen format Hasselblad 70 mm équipés d’un objectif Zeiss de 60 mm, un Hasselblad comportant un téléobjectif de 500 mm et une caméra Maurer équipé d’un objectif 10 mm. Les Hasselblad disposent d’un système d’accrochage leur permettant d’être fixés sur la combinaison des astronautes au niveau de leur poitrine ce qui libère leurs mains pour leurs travaux géologiques.


Première sortie extravéhiculaire

Le montage du rover et l’installation de la station ALSEP

Environ 4 heures après avoir atterri, les astronautes entament la première sortie extravéhiculaire. Celle-ci est d’abord consacrée au montage du rover lunaire et à l’installation de l’ensemble instrumental ALSEP sur le sol lunaire. Le site retenu pour le déploiement de l’ALSEP est situé à 185 mètres à l’ouest/nord-ouest du module lunaire. Selon le planning ces deux tâches doivent prendre 4 heures. Mais Cernan a du mal à effectuer les forages nécessaires pour l’installation des sondes de l’instrument HFE sans doute à cause des caractéristiques mécaniques du sol (la même opération avait été effectuée au cours de la mission Apollo 16, sans rencontrer de problèmes) ; cet incident entame l’heure et demie allouée durant cette sortie à la prospection géologique. Schmitt, de son côté, ne parvient pas à mettre en marche le gravimètre, qui doit détecter les mythiques ondes gravitationnelles. Il renonce après de nombreuses tentatives ; on découvrira par la suite que le problème provient d’une erreur de conception de l’instrument. Alors qu’il contourne le rover lunaire, le marteau, que Cernan porte sur le côté, arrache la partie amovible du garde-boue de la roue arrière droite du rover lunaire qui protège ses occupants des projections de particules du sol lunaire au cours des déplacements. La poussière lunaire, qui a la finesse et la consistance du graphite, s’insinue partout et adhère, au point que les astronautes ont la plus grande difficulté à s’en débarrasser. Elle bloque les articulations mécaniques, contribue à l’échauffement des appareils (la poussière absorbe la chaleur solaire), rend inopérantes les attaches velcro et les rubans adhésifs. La poussière voile les optiques des caméras et obscurcit les visières mais si on tente de l’enlever de manière trop énergique ses caractéristiques abrasives peuvent être à l’origine de rayures. Elle peut également diminuer l’étanchéité des joints (combinaison spatiale, sas du module lunaire). Cernan tente d’effectuer une réparation du pare poussière avec un morceau de ruban adhésif mais à la fin de la sortie, alors que les astronautes sont sur le trajet du retour, la partie amovible se détache et par la suite les deux astronautes et leurs équipements sont recouverts de poussière soulevée par les roues du rover.


Le cratère Steno (station 1)

L’installation de l’ALSEP ayant pris beaucoup plus de temps que prévu, l’excursion géologique programmée vers le cratère Emory, à 2,5 km du module lunaire, est remplacée par une étude du cratère Steno situé à faible distance, au milieu de la vallée Taurus-Littrow. Sur ce site, nommé Station 1, des échantillons de roche éjectée au moment de l’impact qui a créé le cratère sont collectés, une charge explosive pour l’expérience sismique est déposée et un relevé de la gravité locale est effectué à l’aide du gravimètre portatif. À la fin de la sortie les astronautes installent l’émetteur de l’instrument SEP non loin du module lunaire. Mais la poussière lunaire couvre par la suite le récepteur du SEP, qui est installé sur le rover lunaire pour effectuer des relevés sur différents sites. Son électronique est très sensible à l’échauffement ; or le radiateur qui doit évacuer la chaleur est régulièrement recouvert de poussière durant les déplacements malgré les séances de dépoussiérage de Cernan ; finalement, à la suite d’une surchauffe l’instrument ne fonctionnera plus. À l’issue de cette première journée Schmitt, le géologue de l’équipage, est frustré par les résultats obtenus : faute de temps l’équipage n’a pas trouvé de roches réellement représentatives des couches géologiques les plus profondes de la zone de hauts plateaux.


Seconde sortie extravéhiculaire

Après l’équivalent d’une nuit de repos l’équipage entame une deuxième sortie extravéhiculaire qui doit être, cette fois-ci, entièrement dédiée aux investigations géologiques. Au cours de cette sortie qui va durer 7h37 l’équipage va parcourir 20,4 km dans des régions situées au sud et à l’ouest de la zone d’atterrissage et explorer de manière détaillée quatre sites distincts. Durant la période de repos Cernan s’est concerté avec le centre de contrôle à Houston sur la manière de remplacer le “garde-boue” manquant. Il bricole un “garde-boue” de remplacement avec quatre cartes lunaires assemblées par des pinces prélevées sur un des équipements du module lunaire.


Au pied du massif sud : le cratère Nansen (station 2)

Après avoir embarqué dans le rover lunaire, les astronautes se dirigent d’abord vers le cratère Nansen et le pied du Massif Sud. Ils parcourent 6 km vers l’ouest jusqu’à un endroit, nommé “Trou dans le mur” où la pente est suffisamment faible pour permettre au rover lunaire de franchir l’escarpement Lee-Lincoln de 80 mètres de haut qui barre la vallée selon un axe nord sud. Ce type de formation géologique présent à de nombreux endroits sur la Lune, résulte de la contraction de la Lune à la suite du refroidissement progressif de son noyau. Une fois arrivé à son sommet, les deux astronautes parcourent encore un kilomètre avant d’arriver au pied du massif Sud pour leur premier arrêt de la journée nommé Station 2. Le massif Sud, qui borde la Mer de la Sérénité, a été formé selon les théories en vigueur à l’époque par le soulèvement du socle lunaire d’origine au moment de l’impact qui a créé la Mer ; il devrait donc être composé de roches antérieures à la formation de la Mer dont la collecte est un des objectifs majeurs de la mission. Sur le site qu’ils viennent d’aborder, un éboulement de terrain a mis à leur portée des blocs de roches provenant du sommet du massif. Le lieu se révèle effectivement très riche sur le plan géologique et les responsables de la mission à Houston acceptent d’accorder plus de temps aux astronautes pour l’exploration de la zone en restant toutefois dans les limites de sécurité définies pour faire face à une panne du rover lunaire. Deux types de roche semblent être typiques du lieu mais il est aujourd’hui certain que le Massif Sud est constitué de brèches. Après avoir achevé la collecte des échantillons et effectué des mesures de gravité, les astronautes reprennent la route en sens inverse pour un arrêt qui aura duré 64 minutes mais qui leur a semblé bien court compte tenu de l’intérêt du site. Juste avant de franchir à nouveau l’escarpement les astronautes effectuent un bref arrêt à 600 mètres au nord-est du cratère Nansen pour mesurer la gravité à l’aide du gravimètre portatif. Cette mesure impose un temps d’attente de plusieurs minutes. Schmitt en profite pour effectuer des prélèvements du sol depuis le siège du rover tandis que Cernan réalise des photos après être descendu du rover. Lorsque ce dernier veut remonter dans le véhicule, il procède comme habituellement : compte tenu de la rigidité de la combinaison spatiale et de la faiblesse de la gravité, l’astronaute se tient d’une main à la console centrale, effectue un saut en l’air en donnant une poussée latérale et en levant les jambes pour retomber sur le siège. Mais Cernan manque sa manœuvre et chute par terre sans gravité. En tombant il retourne en partie la couche superficielle du sol lunaire et fait apparaître un matériau très clair. Comme il s’agit sans doute de sol inaltéré en provenance du glissement de terrain qui recouvre cette partie de la vallée, un échantillon est prélevé. Les astronautes remettent en marche le rover et entament la descente de l’escarpement ; Cernan en profite pour pousser une pointe de vitesse à 18 km/h qui constitue le nouveau record de vitesse officieux sur la Lune.


Le cratère Lara (station 3)

Le site d’exploration suivant est atteint après un parcours de quelques centaines de mètres : la station 3 est située au pied de l’escarpement à 50 mètres de la paroi est du cratère Lara. Il a été décidé que la durée de cet arrêt serait raccourcie (20 minutes au lieu des 45 planifiées) pour compenser le temps passé à la station 2. Les scientifiques sur Terre ont demandé le prélèvement d’une carotte du sol de 60 cm, une photographie panoramique et une mesure du champ de gravité. Cernan prend en charge le prélèvement de la carotte qui lui prend 20 minutes car on lui a demandé de stocker la partie inférieure de l’échantillon dans un container étanche tandis que Schmitt collecte des échantillons de roches. Mais ce dernier a le bras engourdi et ne maîtrise pas encore complètement les techniques permettant de compenser la rigidité de sa combinaison et la faiblesse de la gravité. À sa grande frustration il effectue une chute spectaculaire mais sans gravité et doit se faire aider par Cernan pour ramasser les sachets contenant les échantillons déjà collectés qui sont tombés du sac et se sont éparpillés sur le sol. L’arrêt a finalement duré 37 minutes lorsque Cernan et Schmitt reprennent le rover pour atteindre leur prochaine destination, le cratère Shorty (station 4).


Le sol orange du cratère Shorty (station 4)

Le cratère Shorty est une destination importante car les photos prises depuis l’orbite, ont mis en évidence un matériau sombre qui pourrait, selon certains scientifiques, être la manifestation d’un phénomène volcanique plus ou moins récent. Certains espèrent même qu’il s’agit d’un évent volcanique. Dès son arrivée sur place, Schmitt constate avec enthousiasme qu’une bande de matériau de couleur orangée fait le tour du cratère. En creusant une petite tranchée, l’astronaute découvre que le matériau sous-jacent est rouge, manifestation probable d’un événement volcanique. Pour bien mettre en évidence les nuances de couleur ces photos sont réalises avec le gnomon dans le champ de la caméra : ce dispositif fournit un référentiel pour estimer la taille des objets photographiés mais également une palette de couleurs et de gris qui permet de corriger les couleurs des photos en laboratoire en étant fidèle à l’original. Plusieurs échantillons du sol rouge sont prélevés ainsi qu’une carotte de 60 cm à la demande des scientifiques présents au centre de contrôle de Houston. Les analyses postérieures montreront que le sol rouge, mais également le sol très sombre également présents sur le site, sont effectivement du verre volcanique ; mais contrairement aux espoirs de certains scientifiques qui pensaient voir là la manifestation d’un volcanisme récent, le verre s’est formé il y a des milliards d’années et a été enfoui par la suite sous la lave. La couche de verre est restée préservée jusqu’à ce qu’elle soit mise à jour, il y a 19 millions d’années, par l’impact de la météorite à l’origine du cratère Shorty. Les deux astronautes ont pris beaucoup de retard sur le planning et ne disposent que d’une trentaine de minutes pour travailler : ils sont encore à 4 km de leur base c’est-à-dire deux heures de marche en cas de panne du rover lunaire et leurs réserves d’oxygène ne leur accordent pas beaucoup de marge dans ce scénario. Cernan prend néanmoins le temps de réaliser un panorama du site depuis le rebord sud-est du cratère (Panorama 2).


Le cratère Camelot (station 5)

Les deux astronautes prennent ensuite la direction du module lunaire ; après avoir effectué des arrêts brefs pour déposer une charge sismique puis collecter des roches sans descendre du rover, ils arrivent à proximité du cratère Camelot, le dernier site du jour (station 5). Selon les planificateurs de la mission ce cratère de grande taille (600 mètres de diamètre) doit être suffisamment récent pour qu’on puisse trouver parmi les éjectas, des roches expulsées par l’impact depuis une profondeur de 150 mètres. En passant devant le cratère à l’aller sur le chemin de la station 2 les astronautes ont repéré un vaste champ de rochers de grande taille au sud-ouest du cratère. Ils se dirigent donc immédiatement vers cette zone. Il s’agit bien de la roche dominante dans la vallée et l’absence énigmatique de basalte à grain fin (refroidi rapidement), qui devrait normalement être également présent, se confirme. Schmitt et Cernan collectent durant une vingtaine de minutes au milieu des éboulis des échantillons de roches et de sol avec une grande efficacité puis reviennent en chantant au rover. Les roches ramassées se révèlent du même type que celles collectées à la station 1 et sur le site où l’ALSEP a été déployé : il s’agit toujours d’un basalte à gros grain qui s’est formé en se refroidissant très lentement.


Troisième sortie extravéhiculaire

Le programme de la troisième et dernière sortie extravéhiculaire est tout aussi ambitieux que le précédent et les résultats des investigations géologiques effectuées vont être également très satisfaisants. Les astronautes mettent cette fois le cap vers le massif Nord dont ils vont explorer les marges.


Le rocher de Tracy (station 6)

Les astronautes se dirigent d’abord vers la base du massif Nord à environ 3 km au nord du module lunaire puis traversent une pente sur environ 400 mètres vers le nord est pour atteindre un gros rocher en partie éclaté qui a été repéré sur des photos prises depuis l’orbite par Apollo 15 et qui constitue le premier arrêt de la journée (station 6). Une fois descendu du rover, la pente s’avère beaucoup plus forte que prévu et les astronautes doivent parfois se pencher en avant pour se maintenir debout durant leur travail de collecte. Sur place, les astronautes constatent que comme d’autres gros rochers observés précédemment, celui qui est leur cible du moment, a dévalé la montagne en laissant une trace très nette avec parfois des cuvettes aux endroits où il a rebondi. Il s’est arrêté à un endroit où la pente s’adoucit après avoir éclaté en 5 morceaux dont le plus important fait 6 à 10 mètres de côté. Il est constitué en grande partie de brèches (débris de roches agglomérés par un matériau formant du ciment) dont la genèse semble initialement énigmatique. Au bout d’une heure d’exploration Schmitt avance une explication quant à l’origine des roches : l’impacteur qui a créé la Mer de la Sérénité a fracassé des couches rocheuses profondes constituées elles-mêmes de brèches nées d’impacts antérieurs ; la surrection des massifs due à l’impact s’est accompagnée de flots de roches fondues qui se sont infiltrées dans les fractures donnant naissance aux types de roche observés. Alors que Schmitt continue son travail de collecte, Cernan réalise la fameuse photo panoramique du rocher auprès duquel se tient Schmitt avec en arrière plan la vallée de Taurus-Littrow (panorama 3) ; mais il n’a pas le temps d’inscrire le prénom de sa fille Tracy dans la poussière lunaire, comme il en avait l’intention, pour baptiser le rocher. Les astronautes sont arrivés au bout du temps qu’ils peuvent consacrer à l’exploration du site et regagnent le rover. Celui-ci est arrêté à mi-pente et Schmitt qui se trouve du côté de l’à-pic n’ose pas sauter sur son siège car il craint de manquer sa manœuvre et de chuter jusqu’au pied de la colline. Il décide de descendre la pente à pied où il est rejoint par Cernan au volant du rover. Le contrôle de mission à Houston décide d’abréger l’exploration du site suivant (station 7) pour gagner du temps : le rocher de Tracy a fourni de nombreuses informations sur la géologie du lieu et ce site, situé à quelques centaines de mètres à l’est, ne devrait pas apporter de grande nouveauté. Par rapport à la station précédente, la pente du site est moins accentuée et elle ne pose aucun problème aux astronautes. Schmitt prélève quelques échantillons de roche puis le rover se dirige vers le site de Sculptured Hills.


Scuptured Hills (station 8)

Scuptured Hills (“les Collines Sculptées”) est un relief situé au nord est du module lunaire. Aucune formation géologique intéressante n’a pu être repérée sur les photos prises depuis l’orbite et le choix de la zone d’exploration est laissé à l’appréciation de Schmitt et Cernan. Sur place les astronautes ne découvrent que quelques rochers qui pour la plupart proviennent manifestement de la vallée. Toutefois un rocher situé à une cinquantaine de mètres au-dessus de l’endroit où stationne le rover attire l’attention de Schmitt qui commence à escalader le relief suivi peu après par Cernan. La pente est rude mais les deux astronautes parviennent à leur but sans avoir dépassé la limite des 130 battements cardiaques par minute. Le rocher est un morceau du vieux socle lunaire enrobé d’une couche vitrifiée : il a manifestement été projeté sur la colline depuis un autre lieu à la suite d’un impact. Après avoir prélevé quelques échantillons les deux astronautes redescendent joyeusement la pente en effectuant des bonds les jambes jointes à la manière d’un kangourou.


Le cratère Van Serg (station 9)

Le petit cratère de Van Serg a été sélectionné pour les mêmes raisons que le cratère Shorty : les photos prises depuis l’orbite montrent un matériau sombre qui pourrait avoir une origine volcanique. Lorsqu’il arrivent à proximité du cratère les astronautes constatent que le sol est parsemé de roches ayant la taille d’un ballon de football. Compte tenu de la garde au sol du rover (35 cm), Cernan doit zigzaguer pour se rapprocher du cratère. Une fois arrêté Cernan s’attelle au dépoussiérage du rover rendu d’autant plus nécessaire que le garde-boue de substitution ne joue plus son rôle. Sur le site il n’y a aucune trace d’un matériau rouge similaire à celui de Shorty ce qui exclut l’hypothèse d’une origine volcanique. Les rochers éparpillés, contrairement à ce qui est attendu, ne sont pas du basalte issu du socle rocheux sous-jacent. Les éjectas semblent avoir subi un choc violent. Ils sont généralement constitués de fragments de couleur claire noyés au sein d’un matériau plus sombre ; ils sont fragiles et peuvent être facilement brisés en morceaux. Schmitt émet l’hypothèse que l’impacteur a frappé une zone de la surface où le socle basaltique sous-jacent était remplacé par de la brèche. Schmitt et Cernan ramassent quelques échantillons de roches et effectuent deux panoramas.

Les astronautes comme le contrôle au sol sont désorientés par ce puzzle géologique et ne savent pas si le site nécessite finalement de plus amples investigations. Par ailleurs le dernier arrêt qui avait été programmé avant le lancement de la mission et qui est situé près du cratère Sherlock (station 10) présente un intérêt scientifique réduit du fait des découvertes réalisées sur les autres sites en plaine et le contrôle au sol décide de l’abandonner. Schmitt commence à effectuer des prélèvements d’échantillons systématiques sur une ligne qui va du cratère Van Serg au rover. Il manque de tomber sur les roches qui parsèment le sol en tentant de ramasser un de ses instruments. Les astronautes travaillent depuis 5 heures de manière intensive sur des zones pentues nécessitant un effort accru et la fatigue commence à se faire sentir. En ramassant un échantillon du sol, Schmitt découvre un matériau très blanc à quelques centimètres de profondeur. Cette découverte remotive les deux astronautes qui commencent à creuser une tranchée malgré l’opposition de Houston qui s’inquiète de leur fatigue et souhaiterait interrompre la sortie. Finalement les géologues à Houston décident de prolonger l’investigation et demandent à Schmitt et Cernan de prélever une carotte du sol sur 60 cm de profondeur et de ramasser quelques-unes des roches de la taille d’un ballon. L’analyse de ces roches permettra de déterminer par la suite qu’il s’agit de régolite compressé par l’impact. La météorite à l’origine du cratère a sans doute heurté le sol en un lieu où s’étaient superposées plusieurs couches de régolite à la suite d’impacts antérieurs.

Avant de réintégrer pour la dernière fois le module lunaire, une petite cérémonie a lieu pour commémorer l’achèvement des missions lunaires du programme Apollo. Cernan dévoile une plaque fixée sur le train d’atterrissage du module lunaire : sur celle-ci figurent des représentations des deux hémisphères de la Terre ainsi que de la face visible de la Lune avec l’emplacement des différents sites d’atterrissage accompagnés d’un message signé des trois astronautes et du président Nixon. Celui-ci est lu par Cernan : “Ici l’homme a achevé sa première exploration de la Lune, décembre 1972. Que l’esprit de paix dans lequel nous sommes venus s’étende à l’ensemble de l’humanité”. Après avoir effectué des photos des équipements de l’ALSEP, extrait la sonde à neutrons du sol qui doit être ramenée sur Terre et s’être quelque peu défoulés en lançant le plus loin possible le marteau et le gravimètre portable désormais inutiles, les deux astronautes réintègrent le module lunaire. Cernan est le dernier à fouler le sol lunaire ; en 2016 il est toujours le dernier homme à avoir marché sur la Lune.


Retour vers la Terre

Décollage et rendez-vous avec le module de commande

Après un séjour de 75 heures sur le sol lunaire les astronautes redécollent à bord de l’étage de remontée du Module lunaire Apollo le 14 décembre à 16 h 55. Juste avant le décollage, ils ont dépressurisé une dernière fois la cabine pour évacuer sur le sol lunaire les équipements dont ils n’ont plus besoin afin d’alléger au maximum l’étage de remontée. Pour permettre la manœuvre de rendez-vous orbital Evans à bord du module de Commande et de Service a de son côté réalisé successivement deux corrections de son orbite pour modifier l’altitude qui passe à 124,6 × 115,8 km et le plan orbital. Le décollage est filmé par la caméra du rover lunaire dont le pointage est télécommandé depuis le centre de contrôle de Houston. Après avoir fait fonctionner sa propulsion principale durant 7 minutes et 18 secondes le module lunaire réussit à se placer sur l’orbite lunaire visée de 92 km (apolune) sur 17 km (périlune) ; les caractéristiques de l’orbite ont été calculées pour que le rendez-vous en orbite lunaire avec le Module de commande et de service Apollo piloté par Evans ait lieu après avoir bouclé une orbite lunaire complète. Une fois en orbite et pour parfaire sa trajectoire, Cernan effectue une correction de vitesse avec les RCS d’environ 2 m/s ; celle-ci est minime puisque la mise en orbite a nécessité un delta-v de 1 676 m/s. Les deux vaisseaux sont désormais sur une trajectoire convergente avec le LEM à 200 km en arrière mais à une altitude plus basse. Les deux vaisseaux passent derrière la Lune et durant 45 minutes les communications avec la Terre sont coupées. Lorsque les vaisseaux sont de nouveau en vue de la Terre ils ne sont plus qu’à un peu plus de 1 km de distance l’un de l’autre et ils se rapprochent à une vitesse de 10 mètres par seconde. Cernan marque un arrêt total par rapport à sa cible à 30 mètres de distance pour contrôler visuellement la baie du module de service qui contient les instruments scientifiques puis il entame la manœuvre d’amarrage. Après une première tentative qui échoue car la vitesse relative des deux vaisseaux est trop faible pour déclencher les verrous qui sécurisent l’amarrage, le LEM parvient à s’amarrer correctement à 18 h 10 min. Quelques minutes après l’amarrage, le CapCom (l’interlocuteur privilégié des astronautes au Centre de Contrôle à Houston) leur lit un message du président Richard Nixon sur la signification du programme Apollo. Schmitt retient surtout à sa grande fureur que le président y annonce en filigrane que l’homme ne retournera sans doute pas sur la Lune au cours du siècle en cours.


Derniers travaux scientifiques en orbite lunaire

Comme c’était le cas pour les missions Apollo précédentes, la poussière lunaire transportée par les combinaisons spatiales a envahi le module lunaire au fil des sorties extravéhiculaires. À la fois abrasive et volatile elle irrite le nez et les yeux des astronautes. Aussi la première tache après l’amarrage est de passer l’aspirateur dont dispose le module de commande pour éliminer le plus gros de la poussière. Les astronautes transfèrent ensuite dans le module de commande les gants et les casques qui doivent servir durant la sortie extravéhiculaire d’Evans ainsi que les boites contenant les roches lunaires. Pour faire de la place dans le module de commande désormais bien encombré, différents équipements et déchets sont entassés dans un sac qui est transféré dans le module lunaire. Après avoir enfilé leur combinaison spatiale et effectué une vérification d’étanchéité les astronautes referment les deux écoutilles reliant le LEM et CSM puis les verrous assurant l’amarrage sont relâchés. Le module lunaire s’éloigne à faible vitesse du CSM puis une demi-heure plus tard les RCS du LEM sont mis à feu de manière à ce que celui-ci aille s’écraser précisément sur le massif Sud de la vallée de Taurus-Littrow : l’objectif est d’obtenir via le sismomètre installé par l’équipage d’Apollo 17 des informations supplémentaires sur la nature du sous-sol de la vallée. Les 2 260 kg du module lunaire chutent à une vitesse de 1,67 km/s et s’écrasent comme prévu quelques heures plus tard sur le flanc de la montagne à 8,7 km au sud-ouest du site d’atterrissage en dégageant une quantité d’énergie un peu inférieure à 3/4 tonnes de TNT fournissant un signal sismique riche en informations.

Le vaisseau continue à orbiter autour de la Lune durant 40 heures pour prolonger le temps d’observation des caméras et des autres instruments installés dans le module de service. Schmitt et Cernan profitent de ce répit dans le planning pour se décrasser, ce qu’ils n’avaient pu faire dans le module lunaire. Le reste du séjour en orbite lunaire est occupé essentiellement par des observations visuelles de la surface de la Lune. L’équipe au sol fait détoner à deux heures d’intervalle les deux premières charges explosives déposées sur le sol lunaire par Cernan et Schmitt ; le sismomètre fournit en retour les informations attendues. Au cours des trois jours suivants, l’équipe au sol fera détonner les 6 autres charges de manière séquentielle. Après une dernière nuit de repos, l’équipage se prépare à quitter l’orbite lunaire. Le propulseur principal SPS du vaisseau Apollo est mis à feu alors que celui-ci se trouve du côté de la face cachée de la Lune. La manœuvre qui place le vaisseau sur le trajet de retour vers la Terre est tellement précise que le contrôle au sol évalue la correction de vitesse à effectuer à mi-course à 10 cm/s.


Transit vers la Terre et amerrissage

Le 17 décembre l’équipage se prépare pour la sortie extravéhiculaire d’Evans. Celui-ci doit récupérer les cassettes des instruments (caméras, …) installés dans le module de service car celui-ci doit être largué avant que le vaisseau ne pénètre dans l’atmosphère terrestre. La couchette centrale dans la cabine est démontée pour permettre à Evans de sortir du vaisseau et Schmitt de se tenir debout dans l’écoutille afin d’effectuer des photos. Les déchets sont placés dans un sac qui sera expulsé au cours de la sortie et les membres de l’équipage enfilent leur combinaison, leur casque et leurs gants pour pouvoir faire le vide dans la cabine. La cabine est dépressurisée et Evans après avoir monté une caméra sur un pied fixé à l’extérieur pour filmer sa sortie, se déhale le long de la coque du vaisseau en utilisant des poignées disposées à cet effet. Comme les autres membres de l’équipage il est relié par un cordon ombilical au vaisseau qui lui fournit l’oxygène et sert également de sécurité. Il effectue trois allers-retours pour ramener les cassettes de film. Tout se déroule sans incident et Evans manifeste son contentement en chantonnant durant sa sortie avant de réintégrer la cabine après avoir démonté la caméra. Le 19 décembre, trois heures avant de pénétrer dans l’atmosphère terrestre une ultime correction de vitesse de moins d’1 m/s est effectuée. Le module de service est largué 15 minutes avant d’entamer la rentrée atmosphérique. Le vaisseau pénètre dans l’atmosphère à environ 11 km/s et amerrit 15 minutes plus tard à 19 h 24 min 59 s TU dans l’Océan Pacifique à 2 km du point visé : l’amerrissage a lieu à 560 km au sud-ouest des Samoa et à 4 km du porte-avion USS Ticonderoga chargé de récupérer l’équipage. Il s’est écoulé 301 heures et 52 minutes depuis que le vaisseau a décollé.


Conclusion

Apollo 17 a été la plus productive des missions lunaires Apollo sur le plan scientifique et s’est déroulée pratiquement sans incident technique. L’équipage Apollo 17 a fait mieux que les missions précédentes en ramenant 110,40 kg d’échantillons lunaires et a battu quatre records : le temps passé à l’extérieur d’un vaisseau spatial (21 heures 19 minutes), le nombre d’heures passés en orbite lunaire (147 heures 41 minutes), l’éloignement du module lunaire (7,37 km) et la durée d’une mission spatiale (301 heures 51 minutes). Par ailleurs Schmitt a démontré qu’il n’était pas nécessaire d’être un pilote d’avion professionnel pour devenir un bon astronaute. Les instruments scientifiques de l’ALSEP comme ceux des autres missions Apollo transmettront des données jusqu’au 10 septembre 1977 ; la décision d’arrêter la récupération des données fournies par les instruments installés sur la Lune est essentiellement liée aux contraintes budgétaires que la NASA subit à l’époque. Le module de Commande de la mission est désormais exposé dans la partie ouverte au public (le Space Center Houston) du Centre spatial Lyndon B. Johnson à Houston au Texas.

Aucun des trois astronautes de la mission ne volera plus par la suite. En 2009 puis en septembre 2011, la sonde LRO de la NASA survole à basse altitude le site d’atterrissage et effectue des photographies montrant clairement à la fois le module lunaire et les traces laissées par le rover sur le sol lunaire.


Résultats scientifiques

Géologie de la vallée de Taurus-Littrow

Les deux objectifs géologiques principaux de la mission d’Apollo 17 étaient d’une part de ramener des roches anciennes des hauts plateaux de la Lune et d’autre part de rechercher et étudier les traces d’une activité volcanique récente. Pour répondre à ces objectifs l’équipage d’Apollo 17 a collecté au cours de son séjour sur la Lune 741 roches et échantillons de sol lunaire distincts (111 kg) dont une carotte du sol prélevée jusqu’à une profondeur de 3 mètres.


Les hauts plateaux

Les roches anciennes collectées par Cernan et Schmitt au nord et au sud du site d’atterrissage au pied des massifs sont essentiellement des brèches formées de roches expulsées lors des impacts ayant créé les mers : les brèches sont constituées d’un agglomérat de fragments de roches cimentées par la chaleur générée par l’impact. Contrairement aux hypothèses formulées avant la mission, les hauts plateaux ne sont donc pas constitués de matériaux intacts de la croûte primitive. On considère aujourd’hui que tous les hauts plateaux de la Lune sont recouverts par des brèches. Certaines de ces roches ont subi une fusion lors de l’impact qui a créé la Mer de la Sérénité ce qui a permis de dater cet événement : il s’est produit il y a 3,89 milliards d’années. Les brèches contiennent des échantillons de norite, de troctolite et de dunite, qui se sont formées entre 4,2 et 4,5 milliards d’années dans la partie inférieure de la croûte lunaire dont ils ont été expulsés par l’impact. À titre de comparaison le début de la formation du système solaire remonte à 4,56 milliards d’années.


Le processus de formation de la vallée de Taurus-Littrow

La plupart des roches collectées à la surface de la vallée, issues du sous-sol rocheux de la vallée (sous la couche de régolite) sont des basaltes. Celui-ci a fondu à une profondeur comprise entre 130 et 220 km puis s’est frayé un chemin jusqu’à la surface de la Lune avant de se solidifier. La vallée est un graben qui s’est formé après la création de la Mer de la Sérénité puis a été comblé par le basalte remonté des profondeurs il y a 3,7 et 3,8 millions d’années selon le même mécanisme mis en œuvre lors du comblement des mers lunaires. Les mesures de la gravité réalisées avec le gravimètre portatif ainsi que les données recueillies par le sismomètre actif indiquent que le sous-sol de la vallée de Taurus-Littrow est constitué par une couche de basalte dont l’épaisseur est comprise entre 1 et 1,4 km. À quelques exceptions près, le basalte de la vallée comme celui collecté par l’équipage d’Apollo 11, contiennent des proportions particulièrement importantes de titane alors que les analyses effectuées par les instruments du satellite Clementine semblent indiquer une teneur beaucoup plus faible de ce métal dans la Mer de la Sérénité toute proche.

Les mers lunaires comme le sous-sol de la vallée sont le résultat d’un volcanisme effusif producteur de lave fluide mais certains géologues, au vu des photos réalisées depuis l’orbite de quelques cratères comme Shorty, avaient émis l’hypothèse avant la mission que les mers avaient pu connaitre des épisodes de volcanisme explosif. Mais l’analyse du matériau orange trouvé près du cratère Shorty par l’équipage d’Apollo 17 a démontré que celui-ci avait été formé il y 3,64 milliards d’années à une profondeur d’environ 400 km. Le cratère Shorty n’est donc pas une manifestation volcanique récente mais un cratère d’impact ordinaire.


La formation du cratère Tycho

Certains échantillons de roches collectées par l’équipage d’Apollo 17 ont subi un choc violent il y a 100 millions d’années, ce qui semble coïncider avec l’impact qui a créé le cratère Tycho situé à environ 2 000 kilomètres du site d’atterrissage. On sait que cet événement a éjecté des matériaux sur toute la surface visible de la Lune et les roches collectées pourraient contribuer à une datation plus précise de cet événement.


Cartographie et photographies à grande échelle de la surface

La caméra panoramique installée dans la baie d’équipement du Module de service a pris 1 580 photographies de la surface lunaire depuis l’orbite lunaire à une altitude moyenne de 110 km. Celles-ci couvrent la zone éclairée à l’aplomb de l’orbite du vaisseau Apollo dont l’inclinaison a dérivé au cours de son séjour de 20° à 23°. Chaque photo couvre une surface de 21 × 330 (largeur) km et utilise une surface de pellicule de 11 ×114,8 cm. Des images stéréo restituant le relief ont été obtenues en basculant périodiquement et de manière automatique l’axe optique de 12,5°. De son côté la caméra utilisée pour cartographier la Lune a réalisé 2 350 photos de la surface lunaire ; chacune couvre une surface de 150 × 150 km.


Le champ gravitationnel lunaire

Le gravimètre transporté à bord du rover lunaire a été utilisé pour mesurer le champ de gravité de la Lune à 12 emplacements répartis sur toute la largeur de la vallée de Taurus-Littrow. Les variations observées de la valeur de la gravité, qui atteignent au maximum 25 mGal, sont interprétées comme la manifestation d’une couche de basalte plus dense d’une épaisseur de 1 km qui serait située immédiatement sous la couche de sol superficiel et qui s’interromprait à l’aplomb des versants nord et sud. Les huit charges explosives (masse comprise entre 57 et 2 722 grammes) déployées à une distance comprise entre 100 et 2700 mètres du module lunaire ont généré en détonnant des ondes sismiques qui ont été mesurées par le sismomètre de l’ALSEP. La mesure de la vitesse de propagation de ces ondes recoupent les informations précédentes : elles seraient dues à la présence d’une couche de basalte située sous le plancher de la vallée d’une épaisseur de 1,2 km. À une échelle plus large les mesures effectuées depuis la Terre de l’effet Doppler sur les ondes radio émises en bande Spar le vaisseau Apollo sur son orbite lunaire ont permis de déterminer les variations de vitesse dues aux variations du champ gravitationnel en particulier au-dessus de la Mer de la Sérénité.


L’atmosphère lunaire

La Lune est entourée d’une atmosphère très peu dense qui a été étudiée par les instruments emportés par la mission Apollo 17 :

  • Les éléments les plus abondants détectés dans l’atmosphère lunaire par l’instrument LACE situé à la surface de la Lune sont l’argon-40 et l’hélium-4. La concentration de l’argon, qui est créé par désintégration du potassium-40 à l’intérieur de la Lune, décroit au cours de la nuit au point de devenir indétectable car ce gaz gèle et est absorbé par les grains de la surface du sol. Peu avant le lever du jour sur la surface de la Lune, on observe un accroissement de la concentration qui peut atteindre 3×10⁴ atomes par cm³ au niveau du terminateur. Sa concentration fluctue par ailleurs selon une périodicité de 6/7 mois qui suggère que ce gaz provient d’une source localisée qui pourrait être le cœur semi-fondu dont la dimension est estimée à 750 km de diamètre. De son côté l’hélium, qui ne gèle pas, a une concentration qui atteint 3×10⁴ atomes par cm³. Il est apporté essentiellement par le vent solaire mais 10 % proviendrait de l’intérieur de la Lune. On trouve également dans l’atmosphère lunaire des traces très faibles notamment d’argon-36 (2×10³), de méthane, d’ammoniac et de dioxyde de carbone (10³ atomes par cm³ pour chacun de ces éléments).
  • Le sondeur ultraviolet installé dans la baie du module de Commande était chargé de détecter les constituants de l’atmosphère de la Lune depuis l’orbite. Aucun composant n’a pu être détecté par cet instrument : en particulier le nombre d’atomes d’hydrogène est inférieur à 10 atomes/cm³ (limite de sensibilité de l’appareil).
  • Les rayons cosmiques émis par le Soleil et captés par le détecteur installé sur la face exposée du module lunaire montrent que la distribution énergétique des particules durant le séjour de l’expédition Apollo 17, caractérisé par une absence d’activité solaire, est identique à celle mesurée durant la mission Apollo 16 qui avait coïncidé avec une éruption solaire. Par ailleurs le deuxième détecteur, bien qu’il ait été placé à l’ombre, a été frappé par des rayons cosmiques à priori d’origine solaire ce qui semble indiquer que le champ magnétique interplanétaire a la capacité de réfléchir ce type de rayonnement.
  • L’expérience de mesure des micrométéorites et éjectas LEAM faisant partie de l’ALSEP a fourni des résultats qui reflètent, du fait d’une erreur de conception, essentiellement le transport de la poussière à la surface de la Lune et non les événements qu’il était censé mesurer. Le gravimètre LSG n’a pas fourni d’informations utilisables.

Le sous-sol lunaire

La mesure du flux thermique par les sondes de l’expérience HFE indique une température moyenne en surface sur le site, mesurée sur 4 ans, de 216 kelvins. La valeur du flux thermique (16 mW/m²) et les relevés des températures à différentes profondeurs permettent de déduire la présence d’une couche de régolite d’une épaisseur de 2 à 3 cm, peu dense (1,1 à 1,2 g/cm3) qui surmonte une couche plus dense (1,75 à 2,1 g/cm3). Les données fournies par l’instrument corrélées avec celles d’un instrument identique installé par l’équipage d’Apollo 15 permettent d’extrapoler avec une bonne fiabilité la température interne et la quantité d’isotopes radioactifs contenus dans la Lune.

En ce qui concerne la sonde à neutrons lunaires chargée de déterminer le volume de neutrons thermiques (énergie < 1eV) captés par le régolite lunaire, les données obtenues confirment les travaux théoriques qui prévoient que la pénétration est fonction de la profondeur. Or ce constat n’est pas en accord avec les analyses effectuées en laboratoire sur les échantillons de sol. Les résultats de cette expérience ne permettent donc pas de lever cette contradiction.


Biologie

Plusieurs expériences embarquées avaient pour objectif de mesurer le risque constitué par les rayons cosmiques lorsque les équipages sortaient de la protection du champ magnétique terrestre.

L’objectif de l’expérience ALFMED était d’établir l’origine du phénomène des flash lumineux observés par les astronautes des missions Apollo à l’extérieur de la protection du champ magnétique terrestre. Sur le trajet Terre-Lune, un des astronautes a porté le casque de l’expérience ALFMED, au cours de deux séances d’une heure. Ce casque permet de tracer la trajectoire des rayons cosmiques frappant la tête du cobaye et d’évaluer approximativement le poids atomique ainsi que l’énergie de la particule associée. La même expérience avait été mise en œuvre au cours de la mission Apollo 16 mais n’avait fourni aucun résultat exploitable du fait d’un trop grand nombre d’impacts dus à une activité solaire particulièrement importante (la plus importante de toutes les missions Apollo). Le casque utilisé pour Apollo 17 a enregistré 2 360 impacts de rayons cosmiques susceptibles d’avoir traversé les yeux de l’astronaute dont 483 ont interagi avec les tissus biologiques. Compte tenu de leur angle d’arrivée, seul 15 de ces rayons cosmiques sont susceptibles d’avoir déclenché un phénomène de flash lumineux. Or l’heure de survenue de deux de ces impacts coïncident avec deux des onze flash lumineux observés par l’astronaute porteur du casque. En conclusion et compte tenu des limites de l’équipement, il est probable que le phénomène des flash lumineux résulte de l’impact direct d’un rayon cosmique sur la rétine de l’œil.

L’expérience BIOSTACK, qui avait été également embarquée sur Apollo 16, a permis de mesurer l’effet des rayons cosmiques sur six types d’organismes vivants : spores de la bactérie Bacillus subtilis,kystes du protozoaire Colpoda Cuculus, graines du crucifère Arabidopsis thaliana, œufs de crevette Artemia Salina, œufs de ténébrions Tribolium confusum et œufs de phasmes Carausius morosus. Les échantillons sont situés dans la cabine du module de Commande et ont passé 304 heures dans l’espace. On estime qu’environ 50 % des rayons cosmiques sont parvenus à traverser les parois de la cabine et du récipient contenant l’expérience. La dose totale reçue durant le vol est évaluée à une dizaine de millisieverts (en France la dose moyenne que reçoit une personne durant un an est proche de 2,4 millisieverts). Les résultats ont montré que les spores de bactéries sont insensibles aux rayons cosmiques, la germination des graines est faiblement impactée par ceux-ci tandis que le développement des œufs est fortement affecté. Les résultats de l’expérience confirment que les dommages occasionnés par les particules à haute énergie des rayons cosmiques peuvent détruire un nombre significatif de cellules non remplaçables. Dans le cadre du vol spatial habité, les cellules concernées en premier plan sont celles du système nerveux central qui sont hautement différenciées. Il reste à déterminer le nombre de cellules détruites par chaque impact par rapport au nombre total de cellules formant une unité fonctionnelle. Selon les conclusions des scientifiques, il est probablement nécessaire qu’un très grand nombre d’impacts touchent la région du cerveau affectée à une fonction pour détruire celle-ci et que par conséquent les rayons cosmiques ne constituent pas une menace pour les activités spatiales envisagées à l’époque.

Des cinq souris à poche de l’expérience BIOCORE destinée à analyser l’incidence des rayons cosmiques sur leurs cerveaux et yeux, quatre ont survécu au stress de la mission. Les détecteurs de rayons cosmiques implantés sous la peau de leur crâne ont recensé l’impact de 80 particules. L’analyse au microscope des tissus des souris a mis en évidence des lésions au niveau de la peau du crâne et des tissus olfactifs sans qu’une relation puisse être établie de manière certaine avec les rayons cosmiques. Par ailleurs aucune lésion n’a pu être détectée au niveau du cerveau. Compte tenu des capacités limitées des capteurs utilisés pour l’expérience, aucune conclusion ne peut être tirée de ces résultats.

Source : Wikipédia France

T1

Mentionné sur Go!

T+1 check

Vérification que le Module Lunaire est sain et sauf et peut rester (d’où la séquence “Stay” suivante) ou doit redécoller.

Source : Genius

NEIL ARMSTRONG

Samplé sur Go!

Neil Alden Armstrong, né le à Wapakoneta dans l’Ohio aux États-Unis et mort le à Cincinnati dans le même État, est un astronaute américain, pilote d’essai, aviateur de l’United States Navy et professeur. Il est le premier homme à avoir posé le pied sur la Lune le à 2 h 56 UTC, durant la mission Apollo 11, prononçant alors une phrase restée célèbre : “That’s one small step for [a] man, one giant leap for mankind” (en français : “C’est un petit pas pour un homme, un pas de géant pour l’humanité”).

Armstrong obtient une licence en aéronautique à l’Université Purdue. Ses études sont momentanément interrompues en 1950 par son service militaire dans la marine de guerre des États-Unis. Il y suit une formation de pilote d’avion à réaction. Basé sur le porte-avions USS Essex, il participe à la guerre de Corée et réalise 78 missions sur des chasseurs F9F Panther. Après avoir obtenu son diplôme, il intègre, en 1955, le NACA, organisme de recherche aéronautique ancêtre de la NASA. Devenu pilote d’essai, il effectue plus de 900 vols pour mettre au point des bombardiers et des chasseurs ; il pilote également les avions-fusées expérimentaux Bell X-1B, Bell X-5 et North American X-15 (7 vols). En 1962, il rentre dans le corps des astronautes de l’agence spatiale américaine, la NASA.

En 1966, Armstrong effectue son premier vol spatial à bord de Gemini 8 et réalise le premier amarrage de deux engins spatiaux. Il est sélectionné comme commandant d’Apollo 11, la première mission à se poser sur la Lune. Le , il pilote le module lunaire Apollo qui alunit. Avec son copilote Buzz Aldrin, Armstrong réalise une sortie extravéhiculaire d’une durée de deux heures vingt qui constitue les premiers pas de l’homme sur un autre corps que la Terre. Immédiatement après sa mission, Armstrong quitte le corps des astronautes. Il occupe un temps un poste d’enseignant dans le domaine aérospatial et sert de porte-parole pour le compte de plusieurs sociétés américaines. Il est membre des commissions d’enquête formées après l’interruption de la mission Apollo 13 (1970) et l’accident de la navette spatiale Challenger (1986).


Biographie

Jeunesse et études

Neil Armstrong naît le à Wapakoneta dans l’Ohio dans une région rurale du Middle West. Il est le fils de Stephen Koenig Armstrong (né aux États-Unis en 1898 – mort en 1990) et Viola Louise Engel (née en Irlande en 1907, morte en 1990). Sa famille a des origines écossaises par son père (clan Armstrong de Langholm dont il a emporté une pièce du tartan traditionnel lors de la mission Apollo 11), irlandaise et allemande (grands-parents maternels issus de Ladbergen) par sa mère. Son père est commissaire aux comptes pour l’État de l’Ohio, sa mère femme au foyer, la famille déménageant fréquemment pour suivre les différentes affectations de Stephen Armstrong dans la région. Au cours de ses quinze premières années, Neil va ainsi habiter dans vingt localités différentes. Armstrong est l’aîné d’une fratrie de trois qui comprend sa sœur June et son frère Dean. La famille déménage une dernière fois en 1944 à Wapakoneta où elle s’installe définitivement. Armstrong pratique le scoutisme : il entre chez les Boy Scouts of America où il parvient au rang le plus élevé d’Eagle Scout. À Wapakoneta, il étudie à la Blume High School.

Dès son plus jeune âge, Neil s’intéresse à l’aviation. À 2 ans, son père l’emmène aux courses aériennes de Cleveland et à 6 ans, il fait son baptême de l’air dans un Ford Trimotor à Warren le 26 juillet 1936. Il pratique le modélisme à partir de l’âge de 8 ans et réalise différents petits jobs pour se payer des cours de pilotage sur l’Aeronca 7 Champion à l’aéroport de Wapakoneta en 1945 : il obtient son brevet de pilote le jour de son seizième anniversaire, avant même son permis de conduire. C’est également à cet âge qu’il fait ses premières observations astronomiques grâce au télescope de Jacob Zint, voisin astronome amateur. En 1947, Armstrong commence à étudier l’aéronautique à l’université Purdue. Il est seulement la deuxième personne de sa famille qui entre à l’université. Il est accepté au Massachusetts Institute of Technology (MIT), mais le seul ingénieur qu’il connaisse et qui y ait étudié, le dissuade d’y aller, lui disant qu’il n’est pas nécessaire d’étudier à Cambridge (Massachusetts) pour recevoir une éducation de qualité. Les revenus de la famille de Neil sont modestes et les frais de scolarité pour l’université sont financés par le Plan Holloway. Celui-ci prend en charge le règlement de six années d’études en échange d’un temps de service de trois ans dans la Marine de guerre américaine. À Purdue, il obtient des notes qui le placent onzième parmi ses 78 camarades de classe.


Service dans la marine

Neil Armstrong est appelé pour effectuer son service militaire dans la marine le . Il suit une formation de pilote au Naval Air Station Pensacola durant dix-huit mois et obtient en août 1950 son diplôme de pilote d’avion à réaction embarqué sur porte-avions alors qu’il a tout juste 20 ans. Il est alors affecté à la base de Naval Air Station North Island (son appellation actuelle) située à San Diego au sud de la Californie. Peu après, il est intégré dans l’escadrille 51 composée de chasseurs embarqués Grumman F9F-2B Panther. Il réalise son premier vol sur ce type d’appareil le et, six mois plus tard, réalise son premier appontage sur l’USS Essex. Cet événement lui permet d’être promu enseigne de vaisseau. Peu après l’Essex, avec à son bord l’escadrille de Armstrong, met le cap sur la Corée pour soutenir les forces de l’ONU engagées dans la guerre de Corée. Le squadron d’Armstrong a pour mission d’effectuer des attaques au sol.

Armstrong réalise son premier vol au-dessus de la zone de conflit le  : il escorte un avion de reconnaissance photo sur Sŏngjin (Kimch’aek). Cinq jours plus tard, son avion est abattu au cours d’une mission d’attaque au sol. Neil devait bombarder une zone de stockage de marchandises et un pont situés au sud du village de Majon-ni, à l’ouest de Wonsan. Durant son passage à basse altitude à une vitesse d’environ 560 km/h son F9F Panther est touché par des projectiles de l’artillerie antiaérienne. Alors qu’il tente de reprendre le contrôle de son avion, il perd environ un mètre de l’extrémité de son aile droite cisaillée par un câble qui a été tendu à une hauteur d’environ 6 mètres au-dessus de la vallée. Armstrong parvient néanmoins à ramener son avion en territoire “ami”. Il ne peut atterrir sans risque car il a perdu un de ses ailerons. Il choisit de s’éjecter au-dessus d’un plan d’eau situé près de Pohang et d’attendre ensuite les hélicoptères de secours. Poussé par le vent après s’être éjecté, il se pose sur la terre ferme et est recueilli par une jeep conduite par un de ses camarades de chambrée de l’école de pilotage. L’épave du F9F-2 n°125122 n’a pas été retrouvée.

Au cours de la guerre de Corée, Armstrong réalise 78 missions et totalise 121 heures en vol, la plupart effectuées en janvier 1952. Il reçoit l’Air Medal pour ses 20 premières missions de combat, la Gold Star pour les 20 suivantes, et la Korean Service Medal, ainsi que l’Engagement Star. Armstrong quitte la Marine le  et est versé dans la réserve de la Marine de guerre américaine avec le grade de Lieutenant, Junior Grade (enseigne de vaisseau de première classe).

Armstrong retourne à l’université Purdue pour poursuivre ses études. Il effectue ses meilleurs semestres durant cette deuxième partie de sa scolarité et sa dernière moyenne est de 4,8 sur 6,0. Il achève ses études en 1955 en obtenant une licence en sciences dans le domaine de l’aérospatiale.


Pilote d’essai

Après avoir obtenu son diplôme de Purdue, Armstrong décide de devenir pilote d’essai. Il postule auprès de la NACA, organisme de recherche aéronautique ancêtre de la NASA, qui effectue à la fois des recherches théoriques et pratiques. Sa candidature est retenue et il y entre en mars 1955. La NACA n’ayant pas besoin de pilotes au moment de son embauche, il travaille brièvement au Lewis Flight Propulsion Laboratory du Glenn Research Center à Cleveland, Ohio, avant d’intégrer le centre de recherche aéronautique de la NACA sur la base d’Edwards, le site des essais en vol en juillet 1955.

Pour sa première journée à la base d’Edwards, Armstrong pilote un avion suiveur. Il vole par la suite sur des bombardiers reconvertis et, au cours d’une de ces missions, connaît son premier incident en vol à Edwards. Le , Armstrong est pilote dans le siège droit d’un Boeing B-29 Superfortress qui doit larguer un avion-fusée Douglas Skyrocket D-558-2. Au poste qu’il occupe, Armstrong a la responsabilité de la libération de la charge utile (l’avion-fusée), tandis que le pilote de gauche, Stan Butchart, commande le vol du B-29 quadrimoteur. En montant à 30 000 pieds (9 km), le moteur numéro quatre commence à ralentir puis, au contraire, s’emballe. Le moteur ne peut être arrêté et il menace de se désintégrer. L’avion a besoin de maintenir une vitesse de 338 km/h pour pouvoir libérer la Skyrocket, et il ne peut atterrir avec l’engin non largué. Armstrong et Butchart font piquer leur avion, pour accélérer et pouvoir libérer la Skyrocket juste avant que le moteur ne se désintègre. Des morceaux de celui-ci endommagent deux autres moteurs. Butchart et Armstrong sont contraints d’arrêter le moteur numéro trois en raison des dommages, et le moteur numéro un en raison du couple créé (les deux moteurs qui fonctionnent se trouvent du même côté). Ils réalisent une lente descente en spirale de 9 000 m en utilisant uniquement le moteur numéro deux, et parviennent à se poser sans dommage.

Armstrong réalise son premier vol dans un avion fusée, le , avec le Bell X-1B, à une altitude de 18,3 km. Le train d’atterrissage se brise à l’atterrissage, ce qui était déjà arrivé sur une dizaine de vols précédents, en raison de la conception de l’avion. Il effectue son premier vol sur le North American X-15 le , monte à cette occasion à une altitude de 14,9 km et atteint une vitesse maximale de Mach 1,75 (1 810 km/h).

En novembre 1960, Armstrong est choisi dans le cadre du projet X-20 Dyna-Soar, un corps portant militaire préfigurant la navette spatiale américaine et y participe jusqu’au bout, pendant près de 18 mois. Le , il est nommé un des six pilotes-ingénieurs, mais le projet est arrêté peu après.

Armstrong a été impliqué dans plusieurs incidents qui ont marqué le folklore de la base d’Edwards ou qui ont été cités par ses collègues. Le premier de ces incidents est un vol sur North American X-15, le , au cours duquel Armstrong devait tester un système de contrôle pouvant s’ajuster automatiquement. Il monte jusqu’à une altitude de 63 km mais, durant la descente, maintient le nez de son appareil trop longtemps levé, si bien que son appareil “rebondit” jusqu’à une altitude de 43 km. À cette altitude, l’atmosphère est si ténue que les surfaces aérodynamiques n’ont pas d’effet. Durant la phase de descente, l’avion-fusée se comporte comme un planeur car il ne dispose d’aucune propulsion. À la suite de cette mauvaise manœuvre, il passe au-dessus de sa piste d’atterrissage à Mach 3 (3 200 km/h) et à plus de 30,5 km d’altitude. Selon la légende, il parvient à faire virer son appareil alors qu’il est éloigné de 72 km de la base Edwards, au niveau du Rose Bowl Stadium. Il parvient à ramener son avion près de la zone d’atterrissage, mais arrive tout juste à atterrir en posant ses roues à l’extrémité de la piste. Cela a été le plus long vol de X-15 en durée et en éloignement depuis la piste.

Un deuxième incident se produit au cours d’un vol qu’Armstrong réalise avec Chuck Yeager, quatre jours après son aventure avec le X-15. Les deux pilotes sont à bord d’un Lockheed T-33 Shooting Star et doivent tester si le Smith Ranch Dry Lake peut servir de piste d’atterrissage d’urgence pour le X-15. Dans son autobiographie, Yeager écrit qu’il savait et avait averti son coéquipier que le lac n’était pas utilisable pour les atterrissages, après les pluies qui venaient de se produire, mais qu’Armstrong avait insisté pour effectuer ce test. Alors que l’avion effectue un atterrissage de type “Touch-and-go”, les roues restent bloquées et ils ne parviennent pas à redécoller. Les deux hommes sont obligés d’attendre les secours. Armstrong raconte une version différente des événements : selon celle-ci, Yeager n’a jamais essayé de le prévenir et l’avion a effectué un premier atterrissage réussi sur le côté est de la zone. Yeager lui aurait alors demandé d’effectuer une deuxième tentative à une vitesse moins élevée. C’est au cours de ce deuxième essai que l’avion aurait été immobilisé, déclenchant, selon Armstrong, l’hilarité de Yeager.

Beaucoup de pilotes d’essai à Edwards ont loué les talents d’ingénieur d’Armstrong. Milt Thompson a déclaré qu’il était “le plus technicien des premiers pilotes de X-15” et Bruce Peterson a dit d’Armstrong qu’il avait “un esprit qui absorbait des choses comme une éponge”. Ceux qui venaient de l’Armée de l’Air américaine avaient tendance à avoir une opinion différente, en particulier des pilotes comme Chuck Yeager et Pete Knight, qui n’avaient pas de diplôme d’ingénieur. Knight a dit que les pilotes-ingénieurs volaient d’une manière qui était “plus mécanique” et expliquait que c’était pour cette raison que certains pilotes-ingénieurs rencontraient des problèmes en vol : leurs compétences de pilote n’étaient pas innées.

Le , Armstrong est impliqué dans “l’affaire Nellis”. Il est envoyé dans un Lockheed F-104 Starfighter pour inspecter le Delamar Dry Lake, là encore pour vérifier si celui-ci permet les atterrissages d’urgence. Il a mal évalué son altitude et ne s’est pas rendu compte que son train d’atterrissage n’était pas complètement déployé. En touchant le sol, le train d’atterrissage commence à se rétracter. Armstrong met plein gaz pour reprendre de l’altitude, mais la partie ventrale de l’avion et les portes du train d’atterrissage heurtent le sol ce qui déclenche une fuite de liquide hydraulique et endommage également la radio. Armstrong se dirige alors vers la Nellis Air Force Base et, en l’absence de communication radio, survole la tour de contrôle en “battant des ailes” pour signaler qu’il va effectuer une tentative d’atterrissage sans disposer de radio. La perte de fluide hydraulique entraîne la libération du crochet d’appontage (utilisé sur les porte-avions), et celui-ci se prend dans un câble qui entraîne une chaîne d’ancre. Il faut près de trente minutes pour dégager la piste et réparer le câble. Pendant ce temps, Armstrong téléphone à Edwards et demande que quelqu’un vienne le chercher. Milt Thompson est envoyé à bord d’un F-104B, le seul avion biplace disponible, mais que Thompson n’avait jamais piloté. Thompson parvient non sans difficultés à Nellis, mais l’avion effectue un atterrissage dur car il souffle, à ce moment-là, un vent de travers violent, et un des pneus du chasseur éclate. La piste est de nouveau fermée afin d’être dégagée. Bill Dana est envoyé à son tour à Nellis, cette fois-ci dans un Lockheed T-33 Shooting Star, mais il atterrit presque trop long. Le commandement de la base de Nellis décide que le mieux est de trouver un véhicule terrestre pour rapatrier les trois pilotes, afin d’éviter un nouveau problème.

Armstrong a effectué sept vols sur North American X-15, au cours desquels il a atteint une altitude de 63 km (207 500 pieds) et une vitesse de 6 615 km/h (Mach 5,74) à bord du X-15-1. Lorsqu’il abandonne sa fonction de pilote d’essais, il a réalisé plus de 2 450 heures de vol sur plus de 200 appareils différents (dont des avions à réaction, des hélicoptères et des planeurs).


Astronaute à la NASA et premiers entraînements

La vocation d’astronaute d’Armstrong ne résulte pas d’une décision instantanée. En mai 1958, il est sélectionné pour faire partie du programme Man In Space Soonest de l’Armée de l’Air américaine. En mai 1960, il devient un des pilotes consultants pour le projet Dyna Soar et, en mars 1962, il est désigné comme un des six pilotes ingénieurs susceptibles de piloter l’avion dans l’espace si ce projet se concrétise. Au cours des mois qui suivent l’annonce du recrutement du Groupe d’astronautes 2 par la NASA, il est de plus en plus enthousiasmé par le programme Apollo et par la perspective de découvrir un nouvel environnement aéronautique. Mais la candidature d’Armstrong arrive environ une semaine après la date limite fixée au 1er. Dick Day, avec qui Armstrong avait collaboré étroitement à la base d’Edwards et qui travaillait à ce moment-là au Manned Spacecraft Center, voyant l’arrivée tardive de son dossier, le glisse dans la pile des candidatures à étudier sans que personne ne le remarque. Armstrong passe en juin à la Brooks City-Base, l’examen médical que la plupart des candidats décrivait comme douloureux et parfois inutile.

Le Deke Slayton a appelé Armstrong et lui a demandé s’il voulait faire partie du Groupe d’astronautes 2 baptisé par la presse américaine “The New Nine” (les neuf nouveaux). Armstrong a accepté sans hésitation. Les résultats des sélections ont été gardés secrets durant trois jours, mais les journaux avaient annoncé, depuis le milieu de l’été, qu’un des candidats retenus serait le “premier astronaute civil”. Armstrong est le premier astronaute américain qui ne soit pas militaire d’active au moment de sa sélection.


Programme Gemini

Gemini 8

Les astronautes de la mission Gemini 8 sont désignés le  : Armstrong est le commandant et David Scott le pilote. Ce dernier est le premier membre du groupe d’astronautes 3 à recevoir une place dans l’équipage titulaire d’une mission spatiale. La mission est lancée . Celle-ci est la plus complexe réalisée jusque là, avec un rendez-vous et un amarrage du vaisseau Gemini avec l’étage de fusée Agena et une activité extravéhiculaire (EVA) qui constitue la deuxième sortie américaine et la troisième en tout, réalisée par Scott. La mission doit durer 75 heures et le vaisseau doit effectuer 55 orbites. Après le lancement de l’étage-cible Agena à 15h00 UTC, la fusée Titan II GLV transportant Armstrong et Scott décolle à 16h41 UTC. Une fois en orbite, la poursuite de l’étage Agena par le vaisseau Gemini 8 s’engage.

Le premier rendez-vous et l’amarrage entre les deux engins qui constitue une première sont réalisés avec succès, après 6 heures et trente minutes passées en orbite. Le contact du centre de contrôle avec l’équipage est intermittent car les stations terrestres ne permettent qu’une couverture partielle de l’orbite. Pendant une de ces périodes sans liaison radio avec le sol, l’engin spatial commence à tourner sur lui-même. Armstrong essaie de corriger, sans y parvenir, ce problème d’orientation avec les moteurs fusées dédiés au contrôle d’attitude faisant partie de l’Orbital Attitude Maneuvering System (OAMS). Comme suggéré auparavant par le centre de contrôle, les astronautes choisissent de désamarrer leur vaisseau de l’étage Agena mais ne constatent aucune amélioration : la vitesse de rotation s’est encore accrue atteignant un tour par seconde. L’équipage comprend alors que l’origine du problème provient du système de contrôle d’attitude du vaisseau Gemini. Armstrong décide de désactiver le système de contrôle d’attitude OAMS et d’initialiser les rétrofusées RCS. Les procédures imposaient qu’une fois le système RCS activé, l’engin devait entamer sa rentrée sur Terre dès que possible. Il a été démontré par la suite qu’une connexion électrique endommagée avait bloqué en position allumée un des moteurs-fusées utilisé pour le contrôle d’attitude.

Quelques personnes, dont Walter Cunningham, ont déclaré publiquement par la suite que Scott et Armstrong n’avaient pas suivi les procédures en vigueur pour un tel incident et qu’Armstrong aurait pu sauver la mission s’il avait activé une seule des deux grappes de rétrofusées RCS (il y a avait une deuxième grappe en cas de défaillance de la première). Ces critiques sont sans fondement car aucune procédure n’a été écrite pour une telle défaillance, et il est seulement possible d’activer les deux grappes de rétrofusées RCS simultanément et pas l’une ou l’autre. Gene Kranz a écrit : “L’équipage a réagi conformément à sa formation, et ils ont mal réagi parce que nous les avions mal formés”. Les planificateurs et les contrôleurs de la mission n’avaient pas réalisé que lorsque deux engins spatiaux sont amarrés ensemble, ils doivent être considérés comme un seul et même véhicule spatial.

Armstrong a été déprimé et irrité que le vol ait été écourté : la plupart des objectifs de la mission n’avaient pas été remplis et Scott n’avait pu effectuer sa sortie extravéhiculaire. Armstrong n’a pas été mis au courant des critiques des autres astronautes, mais il s’est rendu compte après le vol que les moteurs de contrôle d’attitude du vaisseau Gemini auraient pu être désactivés lors de l’amarrage avec l’étage Agena, et que le système de contrôle d’attitude de l’Agena aurait peut-être pu suffire pour stabiliser l’ensemble.


Gemini 11

La dernière mission d’Armstrong lors du programme Gemini a été en tant que pilote-commandant de l’équipage de remplacement de Gemini 11, laquelle était prévue deux jours après l’atterrissage de Gemini 8. Ayant déjà reçu une formation pour les deux vols, Armstrong était très bien formé sur les systèmes et aurait été le mieux placé pour assister le pilote novice William Anders désigné avec lui. Mais l’équipage de remplacement n’a pas été mobilisé et c’est l’équipage titulaire formé par Pete Conrad et Dick Gordon qui a été lancé le . Les deux hommes ont pu remplir tous les objectifs de la mission, tandis qu’Armstrong a assuré les fonctions de Capsule Communicator (CAPCOM).

Après le vol, le président américain Lyndon Johnson a demandé à Armstrong et à sa femme de prendre part à une tournée de 24 jours en Amérique du Sud destinée à promouvoir les relations avec les États-Unis. Les Armstrong étaient accompagnés de Dick Gordon, George Low, leurs épouses et d’autres fonctionnaires du gouvernement. Ils ont voyagé dans onze pays et quatorze grandes villes. Armstrong a impressionné tous les participants en saluant les dignitaires dans leur propre langue. Au Brésil, il a parlé des exploits d’Alberto Santos-Dumont, qui est considéré dans ce pays comme le premier à avoir volé avec un aéronef “plus lourd que l’air” devançant les Américains Orville et Wilbur Wright.


Programme Apollo

Lorsqu’éclate l’incendie d’Apollo 1 le , qui est fatal aux astronautes Gus Grissom, Ed White et Roger Chaffee, Armstrong est en déplacement à Washington avec Gordon Cooper, Dick Gordon, Jim Lovell et Scott Carpenter pour la signature du Traité de l’espace de l’Organisation des Nations unies. Armstrong et le groupe passent le reste de la nuit à boire et à spéculer sur l’origine de l’accident. Le , le jour même où la mission d’enquête sur l’incendie d’Apollo 1 a publié son rapport, Armstrong et dix-sept autres astronautes sont conviés à une réunion avec Deke Slayton. Slayton leur annonce que “les gars qui vont participer à la première mission lunaire sont ceux de cette salle”. Selon Eugene Cernan, Armstrong ne se montre pas particulièrement surpris car ceux qui sont présents sont les vétérans du programme Gemini et donc les seules personnes susceptibles de participer aux missions lunaires. Slayton parle des missions prévues et nomme Armstrong comme membre de l’équipage réserve d’Apollo 9 qui, à ce stade, est planifié pour être une mission en orbite terrestre moyenne destinée à tester le fonctionnement conjoint du module lunaire Apollo et du module de commande et de service Apollo. À la suite de retards dans la conception et la fabrication du module lunaire, Apollo 9 et Apollo 8 ont échangé leurs équipages. Sur la base du système de rotation des équipages, Armstrong doit commander la mission Apollo 11.

Pour que les astronautes puissent acquérir de l’expérience en vol sur le module lunaire Apollo, deux atterrisseurs lunaires expérimentaux dits Lunar Landing Research Vehicles (LLRV) sont construits par Bell Aircraft Corporation. Par la suite trois Lunar Landing Training véhicules (LLTV) jouant le même rôle sont construits. Surnommés les “sommiers volants”, ils simulent la gravité lunaire en utilisant un turboréacteur à flux qui annule une partie du poids de l’engin. Le , à environ 30 m du sol, Armstrong a un problème technique sur l’engin. Il parvient à s’éjecter à temps mais a frôlé la mort en raison de la proximité du sol et du temps d’ouverture du parachute. Sa seule blessure est de s’être mordu la langue. Peu rancunier, Armstrong soulignera par la suite l’importance de l’expérience acquise avec ces vols simulés pour la réussite des atterrissages sur la Lune.


Apollo 11

Armstrong est désigné comme commandant de l’équipage de remplacement de la mission Apollo 8 mais c’est l’équipage titulaire qui effectue la mission. Le Slayton annonce à Armstrong qu’il a été choisi comme commandant d’Apollo 11, la première mission qui pourrait atterrir sur la Lune. Les deux autres membres de l’équipage sont Buzz Aldrin qui doit être pilote du module lunaire et Michael Collins, pilote du module de commande. Au cours d’un entretien, dont l’existence a seulement été dévoilée par la publication de la biographie d’Armstrong en 2005, Slayton propose à Armstrong, s’il le souhaite, de remplacer Aldrin par Jim Lovell. Après y avoir réfléchi une journée, Armstrong a répondu à Slayton qu’il allait garder Aldrin, car il n’avait aucune difficulté à travailler avec lui et pensait que Lovell méritait d’avoir son propre commandement. En effet, le remplacement d’Aldrin par Lovell, poste pour poste, aurait officieusement classé Lovell en numéro trois sur l’équipage, chose qui ne pouvait pas se justifier selon Armstrong pour un vétéran comme Lovell qui avait déjà effectué trois vols dans l’espace.

Aldrin pensait qu’il serait le premier à poser un pied sur la Lune, compte tenu de son expérience dans le programme Gemini, de la répartition des rôles des pilotes et du temps qu’il avait passé à se former. Toutefois, le choix du premier homme à marcher sur la Lune a été remis en question du fait de l’agencement du module et de la prééminence naturelle du commandant. En mars 1969, une rencontre a eu lieu entre Slayton, George Low, Bob Gilruth et Chris Kraft au cours de laquelle il a été décidé qu’Armstrong serait la première personne à marcher sur la Lune. Au cours d’une conférence de presse, qui a eu lieu le , Slayton a donné comme raison principale au choix d’Armstrong l’architecture intérieure du module lunaire (l’écoutille une fois ouverte constituait un obstacle difficilement franchissable pour Aldrin). Slayton a ajouté : “Ensuite, d’un simple point de vue protocolaire, il me semble normal que le commandant soit le premier gars à sortir… J’ai changé cela dès que cette question a été mise à l’ordre du jour. Bob Gilruth a approuvé ma décision. Mais comme l’a révélé l’autobiographie de Kraft publiée en 2001, à l’époque où la décision avait été prise, les quatre hommes à l’origine de celle-ci n’étaient pas au courant du problème créé par l’architecture intérieure du module. Une autre hypothèse pourrait expliquer le choix d’Armstrong : celui-ci était civil (NASA) et non militaire (USAF) comme ses deux compagnons. Armstrong semblait effectivement un bon choix : Mister Cool comme le surnommaient ses collègues, était “réputé pour son humour décalé mais surtout son sang-froid, son calme [et] sa capacité à prendre la bonne décision”. Enfin le choix d’un civil plutôt qu’un militaire pourrait être un signe de paix de l’exécutif américain en pleine guerre froide et guerre du Viêt Nam.


Transit vers la Lune et atterrissage

Le à 13h32 UTC le lanceur Saturn V, pesant plus de 3 000 tonnes, décolle du complexe de lancement 39 de Cap Canaveral en emportant Neil Armstrong et ses coéquipiers à bord du vaisseau Apollo 11. Au début du décollage le pouls d’Armstrong atteint un maximum de 109 battements par minute. Il trouve le premier étage de la fusée très bruyant, beaucoup plus que celui des fusées Titan II GLV utilisés pour Gemini 8. Par contre le module de commande et de service Apollo lui semble particulièrement spacieux par rapport à la capsule Gemini. Certains spécialistes pensent que le volume habitable disponible est à l’origine du “mal de l’espace” qui a frappé les membres de l’équipage de la mission précédente, mais aucun des équipiers de l’équipage d’Apollo n’en souffre. Armstrong en est particulièrement heureux, car il était sujet, enfant, à la cinétose et pouvait avoir des nausées après de longues périodes de mouvements.

Après un transit entre la Terre et la Lune d’une durée de quatre jours sans anomalie, Armstrong et Aldrin embarquent à bord du module lunaire Apollo, baptisé Eagle pour entamer leur descente vers le sol lunaire. L’objectif d’Apollo 11, mission pionnière, est de limiter les risques. Pour l’atterrissage, l’équipage a pour consigne de privilégier la sécurité par rapport à la précision.

L’ordinateur de bord gère le pilote automatique, assure la navigation et optimise la consommation de carburant (optimisation sans laquelle il serait difficile de se poser avec la faible quantité de carburant disponible). Sa puissance est équivalente à celle d’une calculatrice bas de gamme des années 2000.

Durant la phase de descente, l’équipage est gêné par une alarme “1202” émise par l’ordinateur de bord et qui, en simulation, était d’un type menant habituellement à l’annulation de la mission. Le jeune Steve Bales, l’un des programmeurs de l’ordinateur de bord, présent à Houston, détermine que l’alarme correspond à une saturation mémoire et peut être ignorée, et après 30 longues secondes, Houston confirme que la mission peut se poursuivre. Une analyse plus approfondie révèlera que cette saturation provenait des signaux du radar de rendez-vous qui était inutile dans la phase de descente et aurait dû normalement être désactivé à ce stade de la mission. Or, à la suite d’une erreur dans la préparation à Terre, la liste de contrôle que devaient suivre Armstrong et Aldrin ne mentionnait pas la nécessité d’effectuer cette désactivation (ultérieurement, Steve Bales sera reçu à la Maison-Blanche par le président Nixon et remercié d’avoir ainsi sauvé la mission).

Accaparé par ces alarmes, Armstrong laisse passer le moment où, selon la procédure, il aurait dû exécuter une dernière manœuvre de correction de la trajectoire. Le LEM dépasse de 7 km le site sélectionné pour l’atterrissage (“Site n° 2”) et s’approche d’une zone encombrée de rochers. Armstrong n’a pas le temps d’étudier la situation avec Houston et de reconfigurer l’ordinateur de bord. Il prend le contrôle manuel du module lunaire pour survoler à l’horizontale le terrain à la recherche d’un site adapté à l’atterrissage. À Houston, on est inquiet de la durée anormalement longue de l’atterrissage, et l’abandon de la mission est de nouveau envisagé. Lorsque s’affiche le signal indiquant qu’il ne reste plus que 60 secondes de carburant, le LEM est désormais très proche du sol et soulève un nuage de poussière qui gêne la visibilité. Armstrong avait déjà posé le simulateur du LEM, le LLTV, avec moins de quinze secondes de carburant restant à plusieurs reprises et était, par ailleurs, convaincu que le module lunaire pouvait résister à une chute de 15 m en cas de besoin. À la recherche d’une zone non accidentée, Armstrong fait avancer le LEM en rasant le sol dans la direction de sa fenêtre afin d’avoir le nuage derrière lui et de garder de la visibilité, pendant qu’Aldrin indique l’altitude, la vitesse horizontale et les secondes de carburant restant.

Le module lunaire Eagle se pose dans la mer de la Tranquillité le 20 juillet 1969 à 20:17:40 UTC (15 h 17 min 40 s CDST, heure de Houston), avec 20 secondes restant du propergol réservé à l’atterrissage, à 7 km du lieu prévu à l’origine.

Les premiers mots d’Armstrong destinés au contrôle de la mission sont : “Houston, ici la base de la Tranquillité. L’Aigle a atterri…” Armstrong et Aldrin se félicitent d’une poignée de main et une tape dans le dos avant d’entamer la check-list destinée à vérifier que le module est prêt pour un décollage d’urgence si la situation le justifie. À Houston, le CAPCOM Charlie Duke s’exclame : “Reçu, Tranquillité. Nous comprenons que vous vous êtes au sol. Vous aviez un paquet de types en train de devenir bleus. On respire à nouveau, merci”, trahissant la nervosité qui régnait au contrôle de mission.


Premier pas sur la Lune

Le plan de vol établi par la NASA prévoyait une période de repos de l’équipage immédiatement après les vérifications qui suivaient l’atterrissage. Mais Armstrong demande que la sortie extravéhiculaire sur le sol lunaire se fasse plus tôt. Les deux astronautes doivent s’équiper et lorsque Armstrong et Aldrin sont prêts à sortir il s’est écoulé près de six heures depuis qu’Eagle s’est posé sur la Lune. La cabine est dépressurisée et l’écoutille est ouverte. Armstrong descend d’abord en utilisant l’échelle située sur le flanc du module. Arrivé au dernier échelon, il déclare : “Je vais descendre du LEM (module lunaire) maintenant”. Avant de se tourner et de poser son pied gauche sur la surface lunaire, le 21 juillet 1969 à 2 h 56 UTC, il prononce la phrase restée célèbre qu’il avait préparée quelques heures auparavant : “That’s one small step for [a] man, one giant leap for mankind” ; ce qui peut se traduire par : “C’est un petit pas pour [un] homme, [mais] un bond de géant pour l’humanité”.

Note sur la citation : le “a” dans “step for [a] man” est indiqué entre crochets car il n’a pas été prononcé (ou entendu) à l’époque, ce qui créait un pléonasme car man (l’homme) est synonyme de mankind (l’humanité). Néanmoins, si les médias français titraient à l’époque “Un petit pas pour l’homme, mais un bond de géant pour l’humanité, le sens des paroles d’Armstrong, mettant en parallèle son petit pas et le bond de géant pour l’humanité que représentait l’arrivée de l’espèce humaine sur la Lune, était implicitement parfaitement compris. Armstrong dit plus tard : “j’espère que l’Histoire me pardonnera d’avoir enlevé la syllabe et comprendra que ce ne fut pas volontaire. Même si la syllabe ne fut pas dite, elle aurait aussi bien pu l’être”. Une analyse numérique de l’enregistrement audio, réalisée par l’informaticien australien Peter Shann Ford, révélerait la présence de la syllabe “a” manquante, qui aurait été inaudible en raison des limites technologiques des communications de l’époque. Ford et James R. Hansen, biographe d’Armstrong, ont présenté ces résultats à Armstrong et aux représentants de la NASA, mais l’article de Ford a été publié sur son propre site Web et non dans une revue soumise à relecture par des pairs scientifiques. Des linguistes comme David Beaver et Mark Liberman considèrent avec scepticisme les affirmations de Ford. Quoi qu’il en soit, Armstrong a exprimé sa préférence pour que cette citation soit écrite avec le “a” entre parenthèses et la transcription de ses paroles sur le site de la NASA est conforme à ce souhait.

Depuis, certains ont affirmé que l’analyse acoustique de l’enregistrement révélait la présence du mot manquant. Une analyse audio numérique réalisée par Peter Shann Ford, un informaticien australien, a fait valoir qu’Armstrong dit en fait “un homme”, mais le “un” était inaudible en raison des limitations de la technologie des communications de l’époque. Ford et James R. Hansen, biographe d’Armstrong, a présenté ces résultats à Armstrong et aux représentants de la NASA mais l’article de Ford a été publié sur son propre site Web et non dans une revue soumise à relecture par des pairs scientifiques. Des linguistes comme David Beaver et Mark Liberman considèrent avec scepticisme les affirmations de Ford. Armstrong a exprimé sa préférence pour que cette citation soit écrite avec le “un” entre parenthèses et la transcription de ses paroles sur le site de la NASA est conforme à ce souhait.

Lorsque Armstrong fait son annonce, les échanges radio entre l’équipage et la mission au sol sont diffusés en direct par la Voix de l’Amérique, par la BBC ainsi que par de nombreuses autres radios dans le monde entier. On estime que près de 450 millions d’auditeurs sur une population mondiale estimée de 3,631 milliards de personnes suivent la sortie d’Armstrong en direct, soit 13 % de la population mondiale.

Vingt minutes après la sortie d’Armstrong, Aldrin pose à son tour le pied sur le sol lunaire. Les deux hommes dévoilent une plaque commémorant leur vol, fixée sur l’étage de descente qui doit rester sur le sol lunaire puis plantent le drapeau des États-Unis. Celui-ci possède une armature faite d’une tige métallique pour le maintenir horizontalement faute d’atmosphère et donc de vent. L’apparence ondulée, chiffonnée, identique sur toutes les photos, vient de la manière dont il avait été plié et emballé pendant le voyage. Sur Terre, une discussion a eu lieu sur la pertinence de planter un drapeau, mais ce point n’a pas préoccupé Armstrong qui pensait que tout le monde aurait fait de même. Slayton avait averti Armstrong qu’ils recevraient une communication spéciale, mais ne lui avait pas dit que ce serait le président Richard Nixon qui serait en contact avec eux, juste après la mise en place du drapeau.

Il n’existe que cinq photos d’Armstrong sur la Lune : le déroulement des tâches était programmé à la minute et la majorité des photos devaient être réalisées par Armstrong à l’aide de l’unique appareil Hasselblad disponible. Après avoir aidé à mettre en place les expériences scientifiques du Apollo Lunar Surface Experiments Package, Armstrong effectue une brève excursion vers un cratère situé à 60 m à l’est du module lunaire et qui est East Crater. C’est la plus longue distance parcourue durant la mission. La dernière tâche d’Armstrong est de laisser un petit paquet d’objets en mémoire des défunts cosmonautes soviétiques Youri Gagarine et Vladimir Mikhaïlovitch Komarov, et des astronautes d’Apollo 1 “Gus” Grissom, “Ed” White et Roger Chaffee. Le temps consacré à la sortie de l’équipage d’Apollo 11 sur le sol lunaire a été limité à environ deux heures et trente minutes ; c’est la plus courte sortie des six missions Apollo. Les sorties des missions suivantes seront de plus en plus longues et, à titre d’exemple, l’équipage d’Apollo 17, la dernière mission lunaire, passera plus de 21 heures à explorer la surface lunaire.


Retour sur Terre

Les deux astronautes ont récolté 21,7 kg d’échantillons de sol lunaire et la sortie extravéhiculaire a duré 2h31 durant laquelle ils ont parcouru 250 mètres. Alors que Buzz Aldrin réintègre le module lunaire, il casse par inadvertance dans l’habitacle étroit l’interrupteur permettant de mettre à feu le moteur de l’étage de remontée du LEM. Comme il s’agit d’un bouton poussoir, Aldrin se sert de la pointe d’un stylo pour l’enclencher, et permettre aux deux astronautes de quitter la Lune. Le décollage depuis la Lune a lieu 124h22 après le début de la mission. Le drapeau américain, planté trop près du module lunaire, est couché par le souffle du décollage. Les astronautes sont restés 21 heures et 36 minutes sur la Lune. Le LEM effectue avec succès la manœuvre de Rendez-vous en orbite lunaire avec le module de commande et de service Columbia resté en orbite lunaire avec Collins à son bord.

Le module de service est largué 15 minutes avant d’entamer la rentrée atmosphérique. Le vaisseau pénètre dans l’atmosphère à environ 11 km/s et amerrit 15 minutes plus tard à 16 h 50 min 59 s TU dans l’océan Pacifique à 3 km du point visé : l’amerrissage a lieu à 2 660 km à l’est de l’atoll de Wake et à 380 km au sud de l’Atoll Johnston. Le porte-avion USS Hornet chargé de récupérer l’équipage se trouve à 22 km du point d’amerrissage. Il s’est écoulé 195 heures et 19 minutes depuis que le vaisseau a décollé.


Sur Terre

Les trois astronautes sont mis en quarantaine pendant 21 jours, une pratique qui perdura pendant les trois missions Apollo suivantes, avant que la Lune ne soit déclarée stérile et sans danger de contamination.

Le 16 septembre, une conférence de presse télévisée est organisée durant laquelle l’équipage décrit la mission puis répond aux question des journalistes.

Du 29 septembre au 5 novembre, les astronautes se rendent dans 23 pays à l’occasion d’une tournée mondiale.

Armstrong participe à des spectacles de Bob Hope de l’United Service Organizations destinés à soutenir le moral des troupes américaines principalement au Viêt Nam.

En mai 1970, Armstrong se rend en Union des républiques socialistes soviétiques pour présenter un exposé lors de la 13ème conférence annuelle du Comité international de la recherche spatiale. Arrivé à Leningrad (Saint-Pétersbourg) en provenance de Pologne, il se rend à Moscou où il rencontre le Premier ministre Alexis Kossyguine. Il est le premier Occidental à voir le supersonique Tupolev Tu-144 et à visiter le Centre d’entraînement des cosmonautes Youri Gagarine. À la fin de la journée, il assiste surpris à la retransmission en différé du lancement du vaisseau Soyouz 9 dont il ignorait tout alors que l’équipage comprenait Andrian Nikolaïev, le mari de son hôtesse Valentina Terechkova.

Le 10 juillet 1979, pour le Xème anniversaire de la mission Apollo XI, Neil Armstrong est invité aux Dossiers de L’Écran pour témoigner de son exploit.

Par la suite il restera à l’écart de la vie publique, refusant les interviews. Il avait décidé de ne plus signer d’autographes, scandalisé par le trafic qu’ils suscitaient pour d’importantes sommes d’argent à la clé.


Suite de carrière

Enseignant

Armstrong est nommé Deputy Associate Administrator pour l’aéronautique au Bureau de technologie et de recherche avancé (Office of Advanced Research and Technology), futur Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA). Il occupe ce poste pendant treize mois puis démissionne de la NASA en août 1971. Il accepte un poste de professeur au département de génie aérospatial de l’université de Cincinnati.

Il a choisi Cincinnati plutôt que d’autres universités, y compris son alma mater Purdue, car dans cette université le département de génie aérospatial a une taille modeste. Il espère que les membres de cette faculté ne seront pas dérangés par le fait qu’il occupe ce poste de professeur avec sa seule maîtrise de l’USC. Il avait commencé son mémoire lorsqu’il était à Edwards des années auparavant, et il en termine la rédaction après Apollo 11 en se basant sur divers aspects de la mission au lieu de présenter une thèse sur le vol hypersonique. Le titre de sa chaire à Cincinnati est professeur d’ingénierie aérospatiale. Après avoir enseigné pendant huit ans, il démissionne en 1979 en raison d’autres engagements, mais également à cause des changements intervenus dans la structure de l’université qui passe sous le contrôle de l’État.

L’université Purdue, quant à elle, est resté un important vivier pour les futurs astronautes au point d’être surnommée le cradle of astronauts (“berceau des astronautes”).


Participation aux commissions d’enquête des accidents d’Apollo 13 et de Challenger

Armstrong a participé à deux commissions d’enquêtes formées pour analyser les raisons d’accidents de vols spatiaux. La première en 1970, après Apollo 13. Pour Edgar Cortwright, il a produit une chronologie détaillée du vol. Armstrong s’oppose aussi personnellement à la recommandation du rapport de revoir la conception des bonbonnes d’oxygène du module de service qui étaient l’origine de l’explosion. En 1986, le président des États-Unis Ronald Reagan le nomme vice-président de la Commission Rogers formée pour enquêter sur les causes de l’accident de la navette spatiale Challenger, le plus grave qu’ait connu la NASA jusque là. En tant que vice-président, Armstrong est chargé des aspects opérationnels de la Commission.

Lors de l’abandon du programme Constellation par Barack Obama, il sort exceptionnellement de sa réserve.


Autres activités

À sa retraite de la NASA prise en 1971, il refuse les offres d’entreprises qui lui proposent de devenir leur porte-parole. La première entreprise qui ait réussi à se mettre en contact avec lui est le constructeur automobile Chrysler. Il apparaît dans un spot publicitaire de cette dernière en 1979. Ce qui avait décidé Armstrong était qu’elle avait un fort pôle d’ingénierie et qu’elle était en difficulté financière. Par la suite, il a travaillé comme porte-parole pour d’autres entreprises, telles la General Time Corporation et l’American Bankers Association. Il a agi comme porte-parole uniquement pour des entreprises américaines.

Par ailleurs, Armstrong a également siégé au conseil d’administration de plusieurs sociétés dont Marathon Oil, Learjet, Cincinnati Gas & Electric Company, Taft Broadcasting, United Airlines, Eaton Corporation, AIL Systems et Thiokol. Dans cette dernière, il a rejoint le conseil d’administration, après avoir siégé à la Commission Rogers. Ladite commission a suivi l’accident de la navette spatiale Challenger et a déduit que l’accident était dû à un problème de joint torique fabriqué par Thiokol. Il a pris sa retraite comme président du conseil d’EDO Corporation en 2002.


Mort et hommages

Le , Neil Armstrong est opéré du cœur. Le 25 du même mois, à la suite de complications cardio-vasculaires dues à cette opération, il meurt à l’âge de 82 ans à Cincinnati, dans l’Ohio.

Il reçoit un hommage unanime de la classe politique aux États-Unis. Le président Obama a déclaré : “Neil figure parmi les plus grands héros américains – non seulement de son époque, mais de tous les temps”.

Son ancien collègue de la mission Apollo, le pilote du module de commande Michael Collins, a déclaré à la NASA que Neil Armstrong lui “manquerait terriblement”. Buzz Aldrin a quant à lui déclaré qu’il était profondément attristé de la perte d’un si bon ami.

Pour sa famille il était “un héros américain contre son gré”, qui a “servi sa nation avec fierté, comme pilote de la marine, pilote d’essai, puis astronaute”.

Ses obsèques, intimes, se déroulent le 31 août 2012 à Indian Hill (Ohio), dans la banlieue de Cincinnati. En cette occasion, tous les drapeaux américains sont mis en berne. Le 14 septembre, le lendemain d’une commémoration à la cathédrale nationale de Washington, ses cendres sont dispersées dans l’océan Atlantique lors d’une cérémonie à bord du USS Philippine Sea.

En juillet 2019, peu après le cinquantenaire des premiers pas sur la Lune, le New York Times révèle que la mort d’Armstrong a fait l’objet d’une poursuite pour faute professionnelle médicale contre l’hôpital où il est mort. La famille obtient finalement une compensation de six millions de dollars en 2014, afin d’arrêter les poursuites.


Vie privée

Famille

Neil rencontre sa future femme, Janet Elizabeth Shearon (1934), à l’université Purdue. Selon Neil et Janet, il n’y a pas eu de véritable séduction et aucun d’eux n’a pu se souvenir des circonstances exactes de leur engagement mutuel, sauf que cela s’est produit alors qu’Armstrong travaillait au Lewis Flight Propulsion Laboratory.

Ils se marient le à Wilmette dans l’Illinois. Quand il a déménagé à Edwards Air Force Base, il s’est installé dans les quartiers des célibataires, alors que Janet vivait à Westwood, un quartier de Los Angeles. Après un semestre, ils ont emménagé dans une maison dans la vallée d’Antelope. Janet n’a pas terminé ses études, ce qu’elle a regretté plus tard. Le couple a eu trois enfants : Eric (1957), Karen et Mark (13/04/1959). En juin 1961, des examens ont révélé que Karen avait une tumeur maligne au cerveau. Le traitement qu’elle a dû subir ralentit sa croissance et sa santé s’est détérioré à un point tel qu’elle ne pouvait plus ni marcher ni parler. Karen est morte d’une pneumonie liée à sa santé fragile le . Janet et Neil Armstrong ont divorcé en 1994. Elle dira plus tard que “la Lune lui est montée à la tête”. En 1994, il a épousé sa seconde femme, Carol Held Knight. Ils ont vécu dans une ferme à Indian Hill, dans l’Ohio.


Caractère et personnalité

Surnommé “Mister Cool” par ses collègues, Armstrong était connu pour son humour décalé mais surtout son sang-froid, son calme, sa capacité à prendre la bonne décision”. Buzz Aldrin disait de lui : “Neil réfléchit soigneusement puis fait ce qui lui paraît bien. Et en général, c’est la chose à faire”.

Armstrong a exprimé des sentiments religieux à mi-chemin entre christianisme et déisme. Dans les années 1950, il fréquentait une église méthodiste, mais il se qualifiait alors lui-même de “déiste”. Ses proches témoignent également de ce qu’il ne se considérait pas à proprement parler comme chrétien. En 1969 après son voyage sur la Lune, interrogé sur CBS, il infirme tout athéisme : “Je ne suis certainement pas un athée”. Dix ans plus tard, il déclare à Alain Jérôme aux Dossiers de l’écran avoir eu du réconfort devant l’“ordre de l’univers” et avoir des preuves d’un “ordre suprême” créé par une “intelligence supérieure”.


Santé

En 1979, il s’est sectionné accidentellement l’annulaire de la main gauche alors qu’il travaillait dans sa ferme à Lebanon. Gardant son sang-froid, il a mis la partie coupée de son doigt dans de la glace et est parti à l’hôpital où un chirurgien a recousu son doigt.

En 1991, Armstrong a été victime d’une crise cardiaque.


Justice

L’usage de son nom, de la célèbre citation et de son image, lui a causé des problèmes au fil des ans. En 1994, il a poursuivi en justice Hallmark Cards après que l’entreprise ait utilisé son nom sans autorisation. La plainte a été réglée à l’amiable et Armstrong a fait don de l’argent à l’Université Purdue. L’affaire a incité la NASA à être plus prudente sur l’utilisation des noms, photos et enregistrements des astronautes.

En mai 2005, Armstrong a menacé d’une action en justice son coiffeur qui, après lui avoir coupé les cheveux, en a vendu une partie à un collectionneur, sans son autorisation. Le barbier devait soit rendre les cheveux, soit faire un don à un organisme de bienfaisance de son choix. Dans l’impossibilité de rendre les cheveux, le barbier a décidé de faire un don.


Postérité

Plusieurs sites et ouvrages ont été baptisés pour rendre hommage à Neil Amstrong. L’Union astronomique internationale a donné son nom au cratère d’impact situé près de l’endroit où s’était posé Apollo 11, ainsi qu’à l’astéroïde n° 6469. L’aéroport de sa ville natale de Wapakoneta porte son nom. Un musée porte également son nom dans sa ville natale : le Neil Armstrong Air and Space Museum.

En 2014, le centre de recherche de la NASA sur la base d’Edwards, où Armstrong a été pilote d’essai entre 1955 et 1962, a été renommé Neil A. Armstrong Flight Research Center.

Neil Armstrong a, avec les deux autres membres de l’équipage d’Apollo 11, son étoile au Walk of Fame d’Hollywood, au coin d’Hollywood et de Vine.

First Man : The Life of Neil A. Armstrong, la première biographie officielle consacrée à Armstrong a été publiée en 2005. Elle a été écrite à partir de 1999 par James R. Hansen, professeur à l’Université d’Auburn. Armstrong avait auparavant refusé des demandes de Stephen Ambrose et James A. Michener mais a été enthousiasmé par la biographie From the Ground Up de Fred Weickque lui avait transmise Hansen comme exemple.

Un film tiré de cette biographie sort en 2018, intitulé First Man : Le Premier Homme sur la Lune et réalisé par Damien Chazelle. Neil Armstrong est interprété par Ryan Gosling.

Il est interprété par Henry Pettigrew dans l’épisode 7 de la saison 3 de The Crown.

Source : Wikipédia

ALARMES 1201/02

Mentionné sur Go!

Le CAPCOM Charlie Duke relaie l’une des nombres alarmes 1201 et 1202 aux directeurs de vol.

Les erreurs 1201 et 1202 indiquent à l’équipage que l’ordinateur de navigation et de guidage du module lunaire est surchargé. Ce que personne ne sait, c’est que le radar de rendez-vous – non nécessaire à l’atterrissage – est resté allumé et envoie de faux signaux à l’ordinateur.

Dans un exemple de bonne prévoyance, cependant, l’ordinateur a été programmé pour reconnaître cela et pour prioriser les processus les plus importants nécessaires à l’atterrissage du Module Lunaire, ce qui a permis au Guidance Steve Bales de prendre les bonnes décisions et permettre le succès de la mission Apollo 11.

Sources : Genius et Max Q

BUZZ ALDRIN

Samplé sur Go!

Buzz Aldrin, né Edwin Eugene Aldrin Jr., le 20 janvier 1930 à Glen Ridge dans le New Jersey aux États-Unis, est un militaire, pilote d’essai, astronaute et ingénieur américain. Il effectue trois sorties dans l’espace en tant que pilote de la mission Gemini 12 de 1966 et, en tant que pilote du module lunaire Apollo de la mission Apollo 11 de 1969, il est, avec le commandant de la mission Neil Armstrong, l’un des deux premiers humains à marcher sur la Lune.

Aldrin est issu de la promotion 1951 de l’Académie militaire de West Point avec un diplôme en génie mécanique. Il est affecté à l’armée de l’air américaine et devient pilote de chasseur à réaction pendant la guerre de Corée. Il effectue au total 66 missions de combat et abat deux MiG-15. Après avoir obtenu un doctorat en astronautique du Massachusetts Institute of Technology (MIT), Aldrin est choisi pour faire partie du groupe d’astronautes 3 recruté par la National Aeronautics and Space Administration (NASA). Sa thèse de doctorat portant sur les techniques de rendez-vous orbitaux avec équipage, il reçoit le surnom de “Dr. Rendezvous” de la part de ses collègues astronautes. Sa première mission spatiale est la dernière mission du programme Gemini. Elle a lieu en 1966 à bord de Gemini 12 et il réalise plus de cinq heures en sortie extravéhiculaire. Trois ans plus tard, Aldrin pose le pied sur la Lune le 21 juillet 1969, quelques minutes après Armstrong, tandis que le pilote du module de commande Michael Collins reste en orbite lunaire.

À son départ de la NASA en 1971, il devient commandant de l’école des pilotes d’essai de l’United States Air Force. Il prend sa retraite de l’armée de l’air en 1972, après 21 ans de service, et entame une difficile reconversion à la vie civile. Ses principales autobiographies, Return to Earth (1973) et Magnificent Desolation (2009), relatent ses problèmes de dépression et d’alcoolisme au cours des années qui suivent son départ de la NASA. Il continue à plaider en faveur de l’exploration spatiale, en particulier d’une mission habitée sur Mars, et développe une trajectoire particulière pour un vaisseau spatial qui rend le voyage vers cette planète plus rapide et économe en énergie. Il reçoit de nombreux honneurs, dont la médaille présidentielle de la Liberté en 1969, et fait partie de plusieurs temples de la renommée.

Il est le dernier membre encore vivant de l’équipage d’Apollo 11 depuis le décès de Neil Armstrong le 25 août 2012 et celui de Michael Collins le 28 avril 2021.


Biographie

Enfance et formation

Edwin Eugene Aldrin Jr. naît le 20 janvier 1930 au Mountainside Hospital de Glen Ridge dans le New Jersey. Ses parents, Edwin Eugene Aldrin Sr. et Marion Aldrin (née Moon), vivent dans la ville voisine de Montclair. Ils sont d’origine écossaise et suédoise. Son père est aviateur de l’armée pendant la Première Guerre mondiale et commandant adjoint de l’école de pilotes d’essai de l’armée à McCook Field dans l’Ohio de 1919 à 1922. Quittant l’armée en 1928, il devient cadre à la Standard Oil. Sa mère est la fille d’un aumônier militaire. Buzz Aldrin a deux sœurs : Madeleine, qui a quatre ans de plus, et Fay Ann, qui a un an et demi de plus. Son surnom, qui est devenu son prénom légal en 1988, provient de la déformation du mot brother (“frère” en anglais) par sa sœur Fay qui le prononce buzzer, et qui a ensuite été abrégé en “Buzz”. Il est donc connu de tous par ce surnom. Pratiquant le scoutisme, Aldrin atteint le rang tenderfoot (“pied-tendre”).

Lorsqu’en 1942 les États-Unis décident de s’engager dans la Seconde Guerre mondiale, son père, rappelé, est affecté loin de sa famille et ne fait plus que de courts séjours au domicile. Sa mère, dont le nom de jeune fille signifie “Lune” en anglais, devient dépressive et a des problèmes d’alcoolisme. Malgré cela, Aldrin réussit bien à l’école, en maintenant “A” de moyenne. Il joue au football américain dans l’équipe de la Montclair High School. En 1946, il est le centre titulaire de cette équipe, invaincue et championne de l’État de cette année. Son père voulant qu’il aille à l’Académie navale d’Annapolis dans le Maryland, l’inscrit à la Severn School, une école préparatoire située à proximité d’Annapolis. Il obtient même un rendez-vous avec Albert W. Hawkes, l’un des sénateurs du New Jersey. Aldrin fréquente la Severn School en 1946, mais il a d’autres souhaits pour sa future carrière car il a le mal de mer et considère peu les navires face aux avions. Il demande à son père de solliciter Hawkes pour modifier sa candidature pour l’Académie militaire de West Point, dans l’État de New York.

Aldrin entre à West Point en 1947. Il réussit bien sur le plan académique, terminant premier de sa classe de première année. Il est membre de l’équipe d’athlétisme de l’académie. En 1950, il voyage avec un groupe d’élèves de West Point au Japon et aux Philippines pour étudier les politiques du gouvernement militaire de Douglas MacArthur. Au cours de son voyage, la guerre de Corée éclate. Le 5 juin 1951, il obtient une licence en génie mécanique et finit troisième de la promotion de 1951.


Carrière militaire

Comme il est l’un des premiers de sa promotion, Aldrin a le choix de son affectation. Il choisit l’United States Air Force (USAF), qui est devenue une arme distincte de l’armée américaine depuis 1947, mais ne dispose pas encore de son académie. Il reçoit le grade de sous-lieutenant et suit une formation de base en vol sur T-6 Texan à la base aérienne de Bartow (futur aéroport municipal de Bartow) en Floride. Parmi ses camarades de classe figure Sam Johnson, qui devient plus tard un prisonnier de guerre notable au Viêt Nam et avec lequel il se lie d’amitié. Lors de sa formation, Aldrin évite de peu un accident mortel lorsqu’il subit un voile gris dans une tentative de double immelmann sur T-28 Trojan. Il récupère à temps à une soixantaine de mètres du sol.

Lorsqu’il décide quel type d’appareil il souhaite piloter, son père lui conseille de choisir des bombardiers, car le commandement d’un équipage de bombardiers est une occasion d’apprendre et de perfectionner ses compétences en commandement, ce qui offre généralement de meilleures perspectives professionnelles. Aldrin choisit plutôt de piloter des chasseurs. Il emménage à la base aérienne Nellis de Las Vegas, où il apprend à piloter le P-80 Shooting Star et le F-86 Sabre. Comme la plupart des pilotes de chasse à réaction de l’époque, il préfère ce dernier.

En décembre 1952, Aldrin est affecté au 16th Fighter-Interceptor Squadron (futur 16th Weapons Squadron), qui fait alors partie de la 51st Fighter Wing. À l’époque, son escadron est affecté à la base aérienne de Suwon, à environ 32 kilomètres au sud de Séoul, et participe à des opérations de combat dans le cadre de la guerre de Corée. Au cours d’un vol d’acclimatation, son système principal de carburant gèle, ce qui épuise à terme tout son carburant. Il contre manuellement cet effet mais cela nécessite de maintenir un bouton enfoncé, rendant par ricochet impossible l’utilisation de sa radio. Il peine à revenir à la base tout en subissant un silence radio imposé. Lors de la guerre, il effectue finalement 66 missions de combat sur F-86 Sabre et abat deux avions MiG-15.

Il abat un premier MiG-15 le 14 mai 1953. Aldrin vole alors à environ huit kilomètres au sud du fleuve Yalu quand il aperçoit deux chasseurs MiG-15 en dessous de lui. Il ouvre le feu sur l’un d’eux, dont le pilote ne l’a peut-être pas vu arriver. Les photographies prises par la caméra de son avion lors de cette victoire montre le pilote en train de s’éjecter de son avion endommagé. Ces dernières sont publiées dans le magazine Life car il s’agit de la première éjection filmée en combat. Il obtient sa seconde victoire aérienne le 4 juin 1953 lorsqu’il accompagne un avion du 39th Fighter-Interceptor Squadron (futur 39th Flying Training Squadron) lors d’une attaque contre une base aérienne en Corée du Nord. Cet avion, récent, est plus rapide que le sien et il a du mal à le suivre. Il repère un MiG approchant à plus haute altitude. Aldrin et son adversaire effectuent une série de ciseaux, chacun essayant de passer derrière l’autre. Aldrin est le premier à réussir, mais sa visée d’arme à feu se révèle défaillante. Il doit alors viser et tirer manuellement. Les deux avions se retrouvent finalement trop près du sol pour que le combat aérien se poursuive. Aldrin a le temps de voir la canopée du MiG s’ouvrir et le pilote s’éjecter, bien qu’il n’ait pas su s’il lui restait suffisamment de temps pour ouvrir son parachute. Pour son service en Corée, Aldrin reçoit deux Distinguished Flying Cross et trois Air Medal.

Les combats en Corée prenant fin, Aldrin quitte le pays en décembre 1953. Il est affecté en tant qu’instructeur de tir aérien à la base aérienne de Nellis. En décembre 1954, il devient aide de camp du brigadier général Don Z. Zimmerman, doyen de la faculté de l’école de l’armée de l’air inaugurée en 1955. La même année, il obtient son diplôme de la Squadron Officer School (SOS) de la base aérienne Maxwell en Alabama. De 1956 à 1959, il pilote des F-100 Super Sabre équipés d’armes nucléaires en tant que commandant de vol du 22nd Fighter Squadron (36th Wing) stationné à la base aérienne de Bitburg en Allemagne de l’Ouest. Le futur astronaute Edward White, qui appartient à la promotion suivant celle d’Aldrin à West Point, fait partie de ses collègues d’escadron. Après que White quitte l’Allemagne pour étudier le génie aéronautique à l’université du Michigan, il écrit à Aldrin pour l’encourager à faire de même.

Par l’intermédiaire de l’Air Force Institute of Technology (AFIT), Aldrin s’inscrit en tant qu’étudiant au Massachusetts Institute of Technology (MIT) en 1959 dans l’intention de passer une maîtrise. Son cours d’astrodynamique est enseigné par Richard Battin, qui va diriger plus tard la conception de l’Apollo Guidance Computer. David Scott et Edgar Mitchell, deux autres officiers de l’armée de l’air devenus ultérieurement astronautes, suivent ce cours à peu près à la même époque, tandis qu’un autre, Charles Duke, prépare sa maîtrise en 1964 au MIT sous la direction de Laurence R. Young.

Aldrin apprécie le travail scolaire et décide rapidement de poursuivre un doctorat. En janvier 1963, il obtient un doctorat en sciences en astronautique. Sa thèse de doctorat s’intitule Line-of-Sight Guidance Techniques for Manned Orbital Rendezvous (“Techniques de rendez-vous orbital à vue entre vaisseaux avec équipage”) et elle mentionne notamment le message : “Dans l’espoir que ce travail puisse contribuer d’une certaine manière à l’exploration de l’espace, il est dédié aux membres d’équipage des programmes spatiaux habités actuels et futurs de ce pays. Si seulement je pouvais les rejoindre dans leurs efforts passionnants !” En effet, Aldrin achève sa thèse dans l’espoir que cela l’aidera à être sélectionné comme astronaute, même s’il sait que la formation de pilote d’essai est une condition préalable à l’époque pour être retenu pour le programme de formation des astronautes.

À la fin de son doctorat, retournant à la vie militaire, Aldrin est affecté au Gemini Target Office de la division des systèmes spatiaux de la force aérienne à Los Angeles, travaillant avec la Lockheed Aircraft Corporation à l’amélioration des capacités de manœuvre du véhicule cible Agena qui doit être utilisé par le programme Gemini de la National Aeronautics and Space Administration (NASA). Il est ensuite affecté au bureau externe de la division des systèmes spatiaux au Manned Spacecraft Center (futur centre spatial Lyndon B. Johnson) de la NASA à Houston, où il participe à l’intégration d’expériences du département de la Défense aux vols du programme Gemini.


Carrière d’astronaute

Sélection

La demande initiale d’Aldrin de rejoindre le corps des astronautes remonte à la période de sélection du groupe d’astronautes 2 de la NASA en 1962, mais celle-ci est rejetée au motif qu’il n’est pas pilote d’essai. Au courant de cette exigence, il a demandé à ce que celle-ci soit levée, sans succès. Le 15 mai 1963, la NASA annonce une nouvelle série de sélections, cette fois en exigeant que les candidats possèdent soit une expérience de pilote d’essai, soit 1 000 heures de vol à bord d’un avion à réaction. Aldrin totalise alors plus de 2 500 heures de vol, dont 2 200 dans des jets. Sa sélection comme l’un des quatorze membres du groupe d’astronautes 3 de la NASA est annoncée le 18 octobre 1963. Cela fait de lui le premier astronaute avec un doctorat, ce qui, combiné à son expertise en mécanique orbitale, lui vaut le surnom de “Dr. Rendezvous” de la part de ses collègues astronautes. Aldrin est cependant conscient que ce n’est pas toujours utilisé comme un compliment.


Programme Gemini et Gemini 12

De même que quelques autres de ses collègues, Aldrin est affecté au programme Gemini, qui se déroule en 1965 et 1966 et dont l’objectif est de maîtriser les techniques nécessaires pour les missions du programme Apollo, notamment celles du rendez-vous spatial et des sorties extravéhiculaires. À la fin d’une formation initiale, chaque astronaute se voit attribuer des domaines d’expertises et, dans le cas d’Aldrin, il s’agit de la planification de mission, de l’analyse de trajectoire et des plans de vol pour lesquels ses connaissances en mécanique spatiale sont utiles.

En août 1965, Aldrin assure la liaison radio avec l’équipage de Gemini 5. James Lovell et lui sont sélectionnés comme membres de l’équipage de réserve de Gemini 10, respectivement comme commandant et pilote. L’équipage de réserve d’une mission étant généralement, selon la rotation prévue, l’équipage principal de la troisième mission suivante, cela n’est pas le cas pour Lovell et Aldrin car la dernière mission prévue dans le programme Gemini est Gemini 12. Les morts d’Elliot See et de Charles Bassett, membres de l’équipage principal de Gemini 9, survenues le 28 février 1966 dans un accident d’avion, avancent Lovell et Aldrin d’une mission en tant que réservistes pour Gemini 9, et donc, comme principaux pour Gemini 12. Ils sont officialisés comme équipage principal le 17 juin 1966, avec Gordon Cooper et Eugene Cernan comme réservistes.

Initialement, les objectifs de la mission de Gemini 12 sont incertains. En tant que dernière mission programmée, elle vise principalement à mener à bien des tâches qui n’ont pas été exécutées avec succès ou complétées lors des missions précédentes. Alors que la NASA réussit à réaliser un rendez-vous spatial lors du programme Gemini, l’essai de stabilisation par gradient de gravité de Gemini 11 est un échec. La NASA s’inquiète également des sorties extravéhiculaires après le constat qu’il est difficile de se mouvoir dans une combinaison spatiale. La fatigue prononcée d’Eugene Cernan (Gemini 9) et de Richard Gordon (Gemini 11) lors de l’exécution de tâches extravéhiculaires et la réussite de Michael Collins (Gemini 10) par la suite suggère que l’ordre dans lequel elles sont exécutées est un facteur important.

Aldrin doit donc compléter les objectifs de Gemini en termes de sorties extravéhiculaires. La NASA forme un comité pour lui donner une meilleure chance de réussir. Ce comité prend la décision de laisser de côté l’essai de l’unité de manœuvre des astronautes (AMU) de l’armée de l’air qui avait posé problème à Gordon sur Gemini 11 afin qu’Aldrin puisse se concentrer sur les sorties extravéhiculaires. La NASA réorganise son programme d’entraînement en optant pour un entraînement sous-marin en piscine au lieu d’un vol parabolique. En effet, les aéronefs effectuant une trajectoire parabolique procurent aux astronautes une expérience d’apesanteur en entraînement, mais il existe un délai entre chaque parabole qui donne aux astronautes plusieurs minutes de repos. Cela encourage également l’exécution rapide des tâches, alors que dans l’espace, elles doivent être effectuées lentement et délibérément. La formation dans un fluide permet une meilleure simulation. La NASA place également des poignées supplémentaires sur la capsule, qui sont passées de neuf sur Gemini 9 à 44 sur Gemini 12, et permettent des positions de travail plus nombreuses où il est aussi possible d’ancrer ses pieds.

Les objectifs principaux de Gemini 12 sont de réaliser un rendez-vous spatial avec un véhicule cible Agena, de piloter l’engin spatial et le véhicule cible ensemble en utilisant une stabilisation par gradient de gravité, d’effectuer des manœuvres conjointes en utilisant le système de propulsion Agena pour changer d’orbite, d’effectuer un exercice de maintien à l’arrêt et trois sorties extravéhiculaires et, enfin, de démontrer la possibilité d’une rentrée automatique. Gemini 12 comporte également quatorze expériences scientifiques, médicales et technologiques. Ce n’est pas une mission réalisant des actions nouvelles : des rendez-vous spatiaux avaient déjà été réalisés avec succès par Gemini 9, et l’exercice de véhicule amarré, par Gemini 11. Même une stabilisation par gradient de gravité avait été tentée par Gemini 11, bien que sans succès.

Gemini 12 est lancée à partir du complexe de lancement 19 de cap Canaveral le 11 novembre 1966. Le véhicule cible Agena l’avait été environ une heure et demie auparavant. Le premier objectif majeur de la mission est de rencontrer ce véhicule cible. À mesure que la cible et le vaisseau Gemini se rapprochent, le contact radar entre les deux engins se détériore jusqu’à devenir inutilisable, forçant l’équipage à se rendre manuellement au rendez-vous. Aldrin utilise un sextant et des cartes qu’il a contribués à créer pour donner à Lovell les informations appropriées afin que le vaisseau spatial soit en mesure de s’amarrer avec le véhicule cible. Gemini 12 réalise alors le quatrième amarrage avec un véhicule cible Agena.

La tâche suivante consiste à pratiquer le désarrimage et de renouveler la procédure d’amarrage. Lors de cette dernière, l’un des trois verrous se bloque et Lovell doit utiliser les propulseurs du Gemini pour libérer le vaisseau spatial. Aldrin s’amarre ensuite avec succès quelques minutes plus tard. Le plan de vol prévoit alors le démarrage du moteur principal de l’Agena afin de placer l’engin spatial couplé sur une orbite plus haute. Comme l’Agena avait subi une perte de pression huit minutes après son lancement dans une partie du moteur, les directeurs de mission et de vol décident de ne pas risquer l’allumage du moteur principal. Il s’agit du seul objectif de mission qui n’est pas atteint. Au lieu de cela, le système de propulsion secondaire de l’Agena est utilisé pour permettre au vaisseau spatial de voir l’éclipse solaire du 12 novembre 1966 en Amérique du Sud, que Lovell et Aldrin photographient à travers les fenêtres du vaisseau spatial.

Aldrin réalise trois sorties extravéhiculaires. La première est une sortie debout le 12 novembre, dans lequel la porte du vaisseau spatial est ouverte et Aldrin doit se lever sans quitter le vaisseau spatial. Cette sortie debout imite certaines des actions qu’il effectuera pendant sa prochaine sortie libre, afin de pouvoir comparer l’effort déployé entre les deux. Il établit un record de sorties extravéhiculaires de deux heures et vingt minutes. Le lendemain, l’astronaute effectue sa sortie libre et, relié par un cordon de neuf mètres, il avance grâce aux poignées nouvellement installées jusqu’à l’Agena pour y installer un câble nécessaire à l’expérience de stabilisation par gradient de gravité. Aldrin effectue de nombreuses tâches, notamment l’installation de connecteurs électriques et d’outils de test nécessaires au programme Apollo. Une douzaine de périodes de repos de deux minutes l’empêchent de se fatiguer et sa deuxième sortie se termine après deux heures et six minutes. Une troisième sortie, non prévue, de 55 minutes est réalisée le 14 novembre. Au cours de celle-ci, Aldrin prend des photographies, mène des expériences et met au rebut certains articles inutiles pour alléger le vaisseau.

Le 15 novembre, l’équipage active le système de rentrée automatique et amerrit dans l’océan Atlantique. Il est récupéré par un hélicoptère qui emmène Lovell et Aldrin au porte-avions USS Wasp en attente à proximité. Après la mission, la femme d’Aldrin réalise qu’il est dépressif, chose qu’elle n’avait jamais constatée auparavant.


Programme Apollo et Apollo 11

Lorsque le programme Gemini s’achève, la NASA choisit le groupe des astronautes à partir desquels seront constitués les équipages des prochaines missions du programme Apollo, celui-ci fonctionnant avec des équipages de trois hommes. Au début du programme, en janvier 1967, un incendie lors d’une répétition au sol coûte la vie à l’équipage d’Apollo 1 (Virgil GrissomEdward White et Roger B. Chaffee) et le groupe est de nouveau modifié. Lovell et Aldrin se retrouvent associés avec Neil Armstrong. Ce dernier l’est en tant que commandant, Lovell en tant que pilote du module de commande et de service et Aldrin en tant que pilote du module lunaire. L’équipage ArmstrongLovell-Aldrin est d’abord affecté comme équipage de réserve de la mission Apollo 9 le 20 novembre 1967. Finalement, Fred Haise remplace Lovell car ce dernier prend la place dans l’équipage principal de Michael Collins, qui souffre de la colonne vertébrale.

En raison de retards dans la conception et la fabrication du module lunaire, les équipages principaux et de réserve d’Apollo 8 et d’Apollo 9 s’échangent. Aldrin se retrouve donc réserviste d’Apollo 8, qui, en décembre 1968, sera la toute première mission humaine à orbiter autour de la Lune. Après un nouveau remplacement avec l’arrivée de Collins, rétabli, à la place de Haise comme pilote du module de commande et de service, le 9 janvier 1969, l’équipage Armstrong-Collins-Aldrin est finalement affecté à la mission Apollo 11 dans le cadre de la rotation normale sur trois missions.

Apollo 11 est la deuxième mission spatiale américaine entièrement composée d’astronautes qui disposent déjà d’une expérience dans l’espace, la première étant Apollo 10. La prochaine ne le sera qu’en 1988 avec la STS-26. Deke Slayton, responsable des missions de vol des astronautes, donne à Armstrong la possibilité de remplacer Aldrin par Lovell. Bien que de personnalités différentes, Armstrong décline la proposition, déclarant qu’il n’a aucun problème à travailler avec Aldrin et estimant que Lovell mérite son propre commandement.

Les premières versions de la planification d’une sortie extravéhiculaire sur la Lune mentionnent que le pilote du module lunaire est le premier à poser son pied sur la surface lunaire. Quand Aldrin apprend que cela pourrait être modifié, il fait pression au sein de la NASA pour que la procédure initiale soit suivie. Plusieurs facteurs contribuent à la décision finale, notamment le positionnement physique des astronautes dans le module lunaire très compact ou l’habitude et l’expérience de l’utilisation de certains tableaux de bord. C’est pour ces raisons qu’Armstrong est le premier à pouvoir quitter le vaisseau spatial. De plus, les points de vue d’Aldrin sont peu soutenus par les astronautes expérimentés qui commandent les missions Apollo ultérieures. Collins commente qu’il pense qu’Aldrin “[avait du ressentiment] de ne pas être le premier sur la Lune plus qu’il appréciait être le deuxième”. Aldrin et Armstrong n’ont pas le temps d’effectuer beaucoup de formation en géologie. Le premier alunissage se concentrant davantage sur la possibilité de réaliser cette action et de prévoir le retour sur Terre en toute sécurité que sur les aspects scientifiques purs. Le duo est néanmoins formé par les géologues de la NASA et de l’Institut d’études géologiques des États-Unis (USGS). Ils font une excursion géologique dans l’ouest du Texas. La présence de la presse et d’un hélicoptère rend les activités difficiles pour Aldrin, Armstrong et leurs instructeurs.

Le matin du 16 juillet 1969, environ un million de spectateurs assistent au lancement d’Apollo 11 depuis les autoroutes et les plages situées à proximité de la base de lancement de Cap Canaveral, en Floride. Ce lancement est diffusé en direct à la télévision dans 33 pays, avec environ 25 millions de téléspectateurs rien qu’aux États-Unis. Des millions d’autres personnes écoutent le lancement à la radio. Propulsé par une fusée Saturn V, Apollo 11 décolle du complexe de lancement 39 au centre spatial Kennedy à 13 h 32 UTC et entre en orbite terrestre douze minutes plus tard. Après une orbite et demie, le moteur du troisième étage S-IVB pousse l’engin spatial sur sa trajectoire en direction de la Lune. Environ trente minutes plus tard, les manœuvres de transposition, d’amarrage et d’extraction sont effectuées : il s’agit de séparer le module de commande et de service Columbia de l’étage S-IVB, de faire demi-tour avec et de s’amarrer avec le module lunaire Eagle. Après l’extraction du module lunaire du S-IVB, le vaisseau combiné se dirige vers la Lune, tandis que l’étage de la fusée vole sur une trajectoire au-delà du satellite naturel de la Terre.

Le 19 juillet à 17 h 21 min 50 s UTC, Apollo 11 passe derrière la Lune et démarre son moteur de propulsion de service pour entrer en orbite lunaire. Dans les trente orbites qui suivent, l’équipage examine le site d’alunissage dans le sud de la mer de la Tranquillité à environ 19 kilomètres au sud-ouest du cratère Sabine D (futur cratère Collins). Le 20 juillet à 12 h 52 UTC, Aldrin et Armstrong entrent dans le module lunaire Eagle et commencent les derniers préparatifs en vue de la descente lunaire. À 17 h 44 UTC, Eagle est séparé du module de commande et de service Columbia. Collins, seul à bord de Columbia, inspecte Eagle lors du retournement de ce dernier afin de s’assurer que le module n’est pas endommagé et que le train d’atterrissage s’est correctement déployé.

Tout au long de la descente vers la Lune, Aldrin renseigne Armstrong sur les données de navigation car il est occupé à piloter le module lunaire. Cinq minutes après le début de la descente et à 1 800 mètres d’altitude, le calculateur de guidage Apollo Guidance Computer (AGC) du module lunaire distrait l’équipage en lançant successivement plusieurs alarmes inattendues indiquant qu’il ne pourrait pas mener à bien toutes ses tâches en temps réel et doit en repousser une partie, ce qui complique l’approche finale. Eagle atterri à 20 h 17 min 40 s UTC le 20 juillet de justesse avec environ 25 secondes de carburant restant.

Dans le module lunaire, en tant que diacre presbytérien, Aldrin est le premier – et le seul – à organiser une cérémonie religieuse sur la Lune. Il envoie un message radio à la Terre : “Je voudrais saisir cette occasion pour demander à toutes les personnes qui écoutent, peu importe le lieu et l’endroit où elles se trouvent, de faire une pause un instant pour contempler les événements des dernières heures et remercier tout le monde. À sa manière”. À l’aide d’une trousse que lui a donnée son pasteur, il prend communion ainsi que le pain et le vin. Enfin, il lit les paroles de Jésus-Christ extraites du Nouveau Testament (Jean, 15:5) : “Je suis le cep, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure porte beaucoup de fruit, car sans moi vous ne pouvez rien faire”. Cependant, cette cérémonie est gardée secrète et n’est pas diffusée par la NASA par crainte de recours judiciaires ; un procès étant en cours sur la lecture de la Génèse lors de la mission Apollo 8. En 1970, il déclare : “Il [est] intéressant de penser que le tout premier liquide jamais versé sur la Lune et le premier aliment mangé [dessus sont] des éléments de communion”. Dans son livre de 2009, Aldrin ajoute : “Peut-être, si je devais recommencer, je ne choisirais pas de célébrer la communion, bien que ce fût pour moi une expérience profondément significative, mais il s’agissait d’un sacrement chrétien et nous étions venus sur la Lune au nom de l’humanité tout entière, [qu’elle soit chrétienne, juive, musulmane, animiste, agnostique ou athée]. Mais à l’époque, je ne pouvais penser à un meilleur moyen de reconnaître l’énormité de l’expérience d’Apollo 11 qu’en rendant grâce à Dieu”. Aldrin cite également quelque chose de plus universel en diffusant publiquement sa lecture du psaume 8:3–4 de l’Ancien Testament : “Quand je contemple les cieux, ouvrage de tes mains, la Lune et les étoiles que tu as créées : qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui ?” Des photographies de ces documents révèlent le développement complexe de l’expression de la foi d’Aldrin.

Les préparatifs de la sortie extravéhiculaire commencent à 23 h 43 UTC. Une fois qu’Armstrong et Aldrin sont prêts à sortir, Eagle est dépressurisé et la trappe est ouverte à 2 h 39 min 33 s le 21 juillet. Aldrin pose le pied sur la Lune à 3 h 15 min 16 s, dix-neuf minutes après le premier pas d’Armstrong. Armstrong et Aldrin deviennent respectivement la première et la deuxième personne à marcher sur la Lune. Les premiers mots d’Aldrin après son arrivée sur la Lune sont “Magnifique vue”, ce à quoi Armstrong réplique : “N’est-ce pas quelque chose [de fort] ? Une vue magnifique ici”. Aldrin répond à son tour : “Magnifique désolation”. Les deux astronautes peinent à monter le Lunar Flag Assembly, assemblage télescopique qui permet de former puis de planter le drapeau des États-Unis sur le sol lunaire, mais y parviennent finalement. Aldrin salue le drapeau et Armstrong prend une photo emblématique de la scène. Aldrin se positionne devant la caméra et commence à expérimenter différentes méthodes de locomotion pour se déplacer sur la surface lunaire afin de rapporter ses expériences aux futurs marcheurs lunaires. Au cours de leurs expériences, le président des États-Unis Richard Nixon appelle les deux hommes pour les féliciter pour la réussite de l’alunissage. Nixon conclut en disant : “Merci beaucoup, et nous avons tous hâte de vous voir jeudi sur [l’USS] Hornet”. Aldrin répond alors : “J’attends cela avec impatience, monsieur”.

Puis Aldrin inspecte le module lunaire en vue du vol retour et le photographie pour alimenter les équipes au sol en informations pour les misions suivantes. Aldrin et Armstrong installent ensuite un sismomètre pour analyser la structure interne de la Lune et un réflecteur laser qui permettra de mesurer la distance Terre-Lune avec une meilleure précision. Alors qu’Armstrong inspecte un cratère, Aldrin commence à prélever un échantillon du sol lunaire mais la tâche est difficile, le régolithe devenant particulièrement dur à quelques centimètres de profondeur.

La plupart des photographies emblématiques d’astronautes d’Apollo 11 sur la Lune montrent Aldrin. Armstrong n’apparaissait que dans seulement deux photographies en couleur. Aldrin explique : “Au fur et à mesure que la séquence des opérations lunaires évoluait, Neil avait la plupart du temps un appareil photographique, et la majorité des photos prises sur la Lune, y compris [celles avec] un astronaute [me mettent en scène]”. L’examen des photographies révèle qu’il n’existe, en effet, que peu d’images de Neil Armstrong : “C’est peut-être ma faute, mais nous ne l’avions jamais simulé pendant notre formation”. Les deux astronautes ne s’éloignent guère du module lunaire. Aldrin réintègre l’Eagle en premier, mais, avant de gravir l’échelle, il raconte amusé qu’il a dû “soulager un besoin naturel dans [sa] poche à urine”. “À chacun sa première sur la Lune”, s’explique-t-il.

Avec difficulté, Armstrong et Aldrin récupèrent le film photographique Hasselblad et hissent les boîtes d’échantillons contenant 21,55 kg de sol lunaire vers la trappe du module lunaire à l’aide d’un dispositif à poulie à câble plat. Armstrong rappelle à Aldrin qu’un sac contenant des objets commémoratifs se trouve dans la poche de sa manche et Aldrin jette le sac au sol. Il contient un bout de tissu avec l’emblème de la mission Apollo 1 (où trois astronautes ont trouvé la mort dans un incendie), des médaillons commémorant Youri Gagarine (le premier homme dans l’espace), une photo de Vladimir Komarov (le premier homme à mourir lors d’un vol spatial) et un disque de silicium gravé de messages de bonne volonté émanant de 73 nations. Aldrin, qui conserve sur lui l’autobiographie du pionnier de l’astronautique Robert Goddard, hésite à la laisser également sur place, avant de se raviser. Après être entrés dans le module lunaire, les deux hommes amorcent la procédure permettant la phase d’ascension pour le retour en orbite lunaire en jetant les équipements qui ne leur sont plus utiles. La porte est refermée à 5 h 1, ils repressurisent le module lunaire et s’endorment après 2 h 30 de sortie extravéhiculaire.

À 17 h 54 UTC, l’étage d’ascension de l’Eagle décolle pour rejoindre Collins à bord du module de commande et de service Columbia resté en orbite lunaire. Après un rendez-vous spatial avec ce dernier et un transfert des deux astronautes dans le celui-ci, l’étage d’ascension est largué dans l’espace et le retour sur Terre est mis en œuvre. La capsule amerrit dans l’océan Pacifique le 24 juillet à 2 660 kilomètres à l’est de l’atoll de Wake à 16 h 50 UTC – 5 h 50 heure locale. La durée totale de la mission est de 195 heures, 18 minutes et 35 secondes.

Pour parer à la transmission d’agents pathogènes lunaire sur la Terre, les hommes-grenouilles dépêchés par les hélicoptères de récupération fournissent des vêtements d’isolation biologique aux astronautes et les aident à monter dans le bateau pneumatique. Les trois hommes sont hélitreuillés à bord de l’Helicopter 66 à destination du porte-avions USS Hornet, où ils commencent dans la mobile quarantine facility une quarantaine de 21 jours. Le 13 août, les trois astronautes participent à des parades en leur honneur à New York et à Chicago, auxquels assistent environ six millions de personnes. Un dîner officiel est organisé ce soir-là à Los Angeles pour célébrer l’exploit. Le président des États-Unis Richard Nixon remet à chacun d’entre eux le prix civil américain le plus prestigieux, la médaille présidentielle de la Liberté.

Le 16 septembre 1969, les astronautes prennent la parole devant une session conjointe du Congrès des États-Unis où ils remercient les représentants pour leur soutien antérieur et les engagent à continuer à financer l’effort spatial. Les astronautes entreprennent une tournée mondiale de 38 jours le 29 septembre, les amenant dans 22 pays et comprenant des rencontres avec les dirigeants de nombreux pays. L’équipage revient aux États-Unis le 5 novembre 1969.

Après Apollo 11, Aldrin, moins réservé qu’Armstrong, fait de nombreuses conférences et apparitions publiques. En octobre 1970, il rejoint les cosmonautes soviétiques Andrian Nikolaïev et Vitali Sevastianov lors de leur tournée des centres spatiaux de la NASA. Il participe également à la conception de la navette spatiale américaine. À la fin du programme Apollo, Aldrin, alors colonel, a peu de perspectives à la NASA et décide de retourner dans l’armée de l’air le 1er juillet 1971. Au cours de sa carrière à la NASA, il a passé 289 heures et 53 minutes dans l’espace, dont 7 heures et 52 minutes en sortie extravéhiculaire, un record pour l’époque.


Carrière postérieure

Aerospace Research Pilot School

Aldrin espère devenir commandant des cadets à l’United States Air Force Academy (USAFA), mais ce poste revient à son camarade de classe de West Point, Hoyt S. Vandenberg Jr.. Aldrin est nommé commandant de l’Aerospace Research Pilot School (ARPS) – nom de l’école des pilotes d’essai de l’United States Air Force (USAF TPS) à cette période – à la base aérienne Edwards, en Californie. Il n’a aucune expérience de pilote expérimental ni de gestionnaire, mais un tiers du programme de formation est consacré à la formation des astronautes et les étudiants volent sur un avion d’entraînement supersonique Lockheed NF-104A jusqu’à la limite de l’espace. Alan Bean, astronaute et marcheur lunaire issu du groupe d’astronautes 3, le considère suffisamment qualifié pour le poste.

Aldrin ne s’entend pas bien avec son supérieur, le brigadier général Robert Michael White qui a gagné son badge d’astronaute en tant que pilote du North American X-15. La célébrité d’Aldrin amène à s’en remettre davantage à lui qu’au général de haut rang, ce qui pose problème parce que la chaîne de commandement est ignorée. Pendant qu’Aldrin y travaille, la base d’Edwards est le théâtre de deux accidents : les écrasements d’un LTV A-7 Corsair II et d’un Lockheed T-33 Silver Star. Personne n’a perdu la vie même si les avions sont détruits. Les accidents sont attribués à une supervision insuffisante, accusation portée contre Aldrin. Ce qu’il espérait être un travail agréable est devenu une importante source de stress.

Aldrin a consulté le médecin-chirurgien de la base. En plus des signes de dépression, il ressent des douleurs au cou et aux épaules et pense à un lien de cause à effet. Il est hospitalisé pour dépression au centre médical militaire de Wilford Hall pendant quatre semaines. Sa mère s’est suicidée en mai 1968 et il est convaincu que sa renommée après Gemini 12 a contribué à ce drame. Son grand-père maternel s’est également suicidé et il pense avoir “hérité” de la dépression. À l’époque, la stigmatisation liée aux maladies mentales est importante et il est conscient que cela peut non seulement mettre fin à sa carrière, mais également entraîner son ostracisme social.

En février 1972, le général George S. Brown rend visite à la base d’Edwards et informe Aldrin que la formation des astronautes est abandonnée. Avec la fin du programme Apollo et la réduction des budgets de la force aérienne, l’intérêt de celle-ci pour l’espace diminue. Aldrin choisit de prendre sa retraite de colonel le 1er mars 1972 après 21 ans de service. Son père et le général James H. Doolittle, un ami proche de son père, assistent à la cérémonie de départ à la retraite.


Retraite de l’armée
Écriture, dépression et alcoolisme

Le père d’Aldrin meurt le 28 décembre 1974 des complications d’une crise cardiaque. Les deux principales autobiographies d’Aldrin, Return to Earth (1973) et Magnificent Desolation (2009), relatent ses problèmes de dépression et d’alcoolisme au cours des années qui ont suivi son départ de la NASA. Encouragé par un thérapeute à occuper un emploi régulier, Aldrin travaille dans la vente de voitures d’occasion, pour laquelle il estime n’avoir aucun talent. Les périodes d’hospitalisation et de sobriété alternent avec des épisodes de forte consommation d’alcool. Finalement, il est arrêté pour “conduite inappropriée”, puis en octobre 1978, il cesse définitivement de boire. Aldrin tente d’aider d’autres personnes ayant des problèmes d’alcool, notamment l’acteur William Holden. La petite amie de Holden, Stefanie Powers, avait interprété Marianne, une femme avec laquelle Aldrin avait une liaison, dans la version télévisée de Return to Earth (1976). Aldrin est attristé par la mort de Holden en 1981, mort liée à l’alcool.

Aldrin publie principalement cinq ouvrages, rédigés en collaboration et tous centrés sur l’aventure spatiale. Trois sont écrits sous l’angle autobiographique : Return to Earth (1973), Men From Earth (1989) et Magnificent Desolation (2009) et deux sont des romans de science-fiction, écrits avec John Barnes : Encounter with Tiber (1996) et The Return (2000).


Plaidoyer pour l’exploration spatiale et Mars

Après avoir quitté la NASA, Aldrin continue à plaider en faveur de la poursuite et du développement de l’exploration spatiale. En 1985, il rejoint la John D. Odegard School of Aerospace Sciences de l’université du Dakota du Nord (UND) à l’invitation de John D. Odegard, le doyen de l’école. Aldrin contribue à l’élaboration du programme d’études spatiales de l’UND et invite David C. Webb de la NASA à présider la première chaire universitaire de l’école. Pour promouvoir davantage l’exploration spatiale et commémorer le 40ème anniversaire du premier alunissage, Aldrin s’associe à Snoop Dogg, Quincy Jones, Talib Kweli et Soulja Boy pour créer le single de rap et le clip vidéo Rocket Experience, afin de générer des fonds à ShareSpace, une fondation à but non lucratif créée par Aldrin.

En 1985, Aldrin propose une trajectoire particulière pour un vaisseau spatial qui rend le voyage spatial plus rapide en termes de temps et d’économie en énergie et elle est maintenant connue sous le nom de Aldrin cycler. Cette théorie, qui peut être répétée en cycles, est notamment pertinente pour Mars qui est la prochaine “frontière”. Il poursuit ses recherches sur ce concept avec des ingénieurs de l’université Purdue. En 1996, Aldrin fonde Starcraft Boosters, Inc. (SBI) pour concevoir des lanceurs réutilisables.

Membre de la National Space Society, il est aussi très actif sur les réseaux sociaux. En décembre 2003, Aldrin publie dans le New York Times un article d’opinion critiquant les objectifs de la NASA. Dans ce document, il s’inquiète du développement par la NASA de l’Orion, un engin spatial limité au transport de quatre astronautes à la fois, avec peu ou pas de capacité de transport de cargaison, et juge négativement le choix de renvoyer des astronautes sur la Lune car pour lui, c’est plus facile d’atteindre la gloire passée plutôt que de lutter pour de nouveaux triomphes.

Dans un article d’opinion publié dans le New York Times en juin 2013, Aldrin soutient une mission habitée vers Mars et considère la Lune non pas comme une destination, mais comme un point de départ, un chemin qui positionne l’humanité sur la trajectoire de Mars. En août 2015, en association avec l’Institut technologique de Floride, il présente un plan directeur à la NASA pour étude, dans lequel des astronautes chargés d’une mission de dix ans établissent une colonie sur Mars dans les années 2040.


Accrochage avec Bart Sibrel

Le 9 septembre 2002, Aldrin est pris à partie dans un hôtel de Beverly Hills par Bart Sibrel, un fervent partisan des théories conspirationnistes sur le programme Apollo. Ce dernier lui demande devant une équipe de tournage de jurer sur une Bible que les alunissages sur la Lune sont vrais. Aldrin lui demande de le laisser tranquille, mais Sibrel est particulièrement insistant et traite alors Aldrin de lâche et de menteur. Malgré ses 72 ans et la grande taille de Sibrel, Aldrin lui assène un direct à la mâchoire. Aucune plainte n’est retenue par la police de Beverly Hills après que l’enregistrement révèle qu’Aldrin a été injurié.


Discussions sur un supposé OVNI

En 2005, alors qu’il est interviewé pour le documentaire First on the Moon: The Untold Story de la chaîne scientifique Science Channel, Aldrin déclare qu’il a vu un objet volant non identifié (OVNI) mais qu’il s’agissait probablement de l’un des quatre grands panneaux adaptateurs situés entre le module de commande et le troisième étage de la fusée Saturn V, panneaux chargés de protéger le module lunaire Apollo et détachés du vaisseau spatial lors de l’injection trans-lunaire. Ces panneaux, largués avant la manœuvre de séparation, se trouvent sur la même trajectoire que le véhicule spatial jusqu’à la première correction à mi-parcours. Ce fait avait été également rapporté dans les mêmes termes par Neil Armstrong lors d’une interview pour la télévision française en 1979. Or, les documentaristes de Science Channel omettent les explications détaillées d’Aldrin et ne diffusent que la brève introduction relative à un OVNI. Aldrin demande à Science Channel d’apporter une correction, mais sa demande est refusée. Ultérieurement, dans The Howard Stern Show le 15 août 2007, Aldrin dit que ses propos sur l’observation supposée d’un OVNI ont été sortis de leur contexte et confirme qu’aucune observation jugée extraterrestre n’avait été observée et qu’il était sûr “à 99,9 %” que l’objet concerné était un panneau détaché.


Visite en Antarctique

En décembre 2016, par l’intermédiaire d’une entreprise de tourisme privée, il fait partie d’un groupe de touristes qui visitent la base antarctique Amundsen-Scott. Âgé alors de 86 ans, il obtient ainsi le record de la personne la plus âgée à avoir atteint le pôle Sud. Mais en raison de sa santé fragile et des rudes conditions locales, il doit être évacué vers la base antarctique McMurdo sur l’île de Ross, puis vers Christchurch en Nouvelle-Zélande. Il s’était rendu au pôle Nord en 1998.


Vie privée et apparitions publiques

Aldrin s’est marié trois fois. Son premier mariage a lieu le 29 décembre 1954 avec Joan Ann Archer, une ancienne élève de l’université Rutgers et de l’université Columbia. Ils ont trois enfants, James, Janice et Andrew. Ils demandent le divorce en 1974. Son deuxième mariage est celui avec Beverly Van Zile, qu’il épouse le 31 décembre 1975 et divorce en 1978. Il épouse ensuite Lois Driggs Cannon le 14 février 1988. Leur divorce est officialisé en décembre 2012. La presse s’est déjà fait écho, en 2018, d’une procédure judiciaire entre Aldrin et deux de ses enfants et son ancienne représentante, réglée après quelques mois.

Il a résidé principalement dans la région de Los Angeles, comme Beverly Hills, Laguna Beach, Emerald Bay ou encore Westwood. En 2018, il vit à Satellite Beach en Floride.

En 1988, il a légalement changé son nom en Buzz Aldrin. Lors de ses apparitions publiques, il est réputé pour ses tenues excentriques et patriotiques.

Aldrin est un partisan actif du Parti républicain. Il organise des collectes de fonds pour ses membres du Congrès et soutient ses candidats. Il a par exemple participé à un rassemblement pour George W. Bush en 2004 et a fait campagne pour Nick Lampson au Texas en 2006, Paul Rancatore en Floride en 2008, Mark Treadwell en Alaska en 2014 et Dan Crenshaw au Texas en 2018. Il est apparu au discours sur l’état de l’Union en 2019 en tant qu’invité du président Donald Trump. Avec l’équipage d’Apollo 11, il est régulièrement invité officiellement pour des commémorations.


Distinctions, hommages et postérité

Distinctions et hommages

Aldrin reçoit l’Air Force Distinguished Service Medal en 1969 pour son rôle de pilote du module lunaire sur Apollo 11. En 1972, des feuilles de chêne y sont ajoutés au lieu d’une seconde médaille pour son rôle dans la guerre de Corée et dans le programme spatial des États-Unis, ainsi que de la Legion of Merit pour ses rôles dans les programmes Gemini et Apollo. Lors d’une cérémonie marquant la fin du programme Gemini en 1966, Aldrin reçoit la médaille du service exceptionnel de la NASA décernée par le président des États-Unis Lyndon B. Johnson. Il est récipiendaire de la médaille du service distingué de la NASA en 1970 pour la mission Apollo 11. Aldrin est l’un des dix astronautes Gemini intronisés à l’International Space Hall of Fame du musée de l’histoire spatiale du Nouveau-Mexique en 1982. Il est également intronisé au United States Astronaut Hall of Fame du Centre spatial Kennedy en 1993, au National Aviation Hall of Fame en 2000 et au New Jersey Hall of Fame en 2008.

En 1999, alors qu’il célèbre le 30ème anniversaire de l’alunissage, le vice-président des États-Unis Al Gore, également vice-chancelier du conseil de supervision de la Smithsonian Institution, remet à l’équipage d’Apollo 11 la médaille d’or Langley pour l’aviation de la Smithsonian Institution. Après la cérémonie, l’équipage se rend à la Maison-Blanche et présente au président Bill Clinton un rocher lunaire dans un présentoir. L’équipage d’Apollo 11 reçoit la médaille d’or du Congrès (New Frontier) dans la rotonde du Capitole des États-Unis en 2011. Lors de la cérémonie, l’administrateur de la NASA, Charles F. Bolden, déclare : Ceux d’entre nous qui ont eu le privilège de voler dans l’espace ont suivi la piste qu’ils ont tracée.

L’équipage d’Apollo 11 est distingué du trophée Collier en 1969. Le président de la National Aeronautic Association (NAA) remet un trophée en double à Collins et Aldrin lors d’une cérémonie. L’équipage reçoit le trophée de l’espace du général Thomas D. White en 1969. Le National Space Club désigne l’équipage vainqueur du trophée commémoratif du Dr Robert H. Goddard pour les réalisations spatiales de 1970, décerné chaque année pour la plus grande réussite dans le domaine des vols spatiaux. Les astronautes d’Apollo 11 reçoivent le trophée Harmon pour les aviateurs en 1970, conférés par le vice-président des États-Unis Spiro Agnew en 1971. Agnew leur présente également la médaille Hubbard de la National Geographic Society (NGS) en 1970 en disant : Vous avez gagné une place aux côtés de Christophe Colomb dans l’histoire américaine. En 1970, l’équipage d’Apollo 11 est co-lauréate du prix Iven C. Kincheloe de la Society of Experimental Test Pilots (SETP) avec Darryl Greenamyer, qui a battu le record du monde de vitesse des avions à moteurs à pistons. Pour leurs contributions à l’industrie télévisuelle, ils sont aussi honorés par une plaque ronde sur le Hollywood Walk of Fame.

En 2001, le président des États-Unis George W. Bush nomme Aldrin à la Commission sur l’avenir de l’industrie aérospatiale des États-Unis, aux côtés notamment de l’astrophysicien Neil deGrasse Tyson et du directeur de Lockheed Martin Robert J. Stevens. Aldrin reçoit le prix humanitaire 2003 de Variety, the Children’s Charity, qui, selon l’organisation, est attribué à une personne qui a démontré une compréhension, une empathie et un dévouement inhabituels pour l’humanité. En 2006, la Space Foundation lui attribue sa plus haute distinction, le General James E. Hill Lifetime Space Achievement Award.

Aldrin reçoit des diplômes honorifiques de six collèges et universités et est nommé chancelier de l’International Space University (ISU) en 2015. Il est membre du conseil des gouverneurs de la National Space Society (NSS) et en assure la présidence. En 2016, la Montclair High School, où il a étudié, est renommée Buzz Aldrin Middle School. Le cratère Aldrin sur la Lune près du site de l’alunissage d’Apollo 11 et l’astéroïde (6470) Aldrin sont nommés en son honneur.


Postérité

Buzz Aldrin est apparu et a joué dans de nombreux documentaires, séries, téléfilms et films en raison de sa notoriété de deuxième marcheur lunaire. L’une de ses premières apparitions est dans L’Enfant bulle (1976) et, l’une des plus notables, dans Transformers 3 : La Face cachée de la Lune (2011). En 1994, il prête sa voix dans l’épisode Homer dans l’espace de la série d’animation Les Simpson, en 1997 dans Space Ghost Coast to Coast (épisodes Brilliant Number One et Brilliant Number Two), en 1999 dans La Cour de récré (épisode Space Cadet), en 2011 dans Futurama (épisode Cold Warriors) et dans Miles dans l’espace (dans un épisode, 2017).

Il apparaît dans les séries Da Ali G Show (2003), Numbers (épisode Toujours plus haut, 2006), 30 Rock (épisode The Moms, 2010), The Big Bang Theory (épisode The Holographic Excitation, 2012) ou encore Jorden runt på 6 steg (épisode 3, 2015). Il est présent dans les documentaires Moonwalk One (1972) et In the Shadow of the Moon (2007), le manga Space Brothers (2012) ou encore prête sa voix dans le film Fly Me to the Moon (2008) et le jeu-vidéo Mass Effect 3 (2012). Aldrin est aussi consultant sur le jeu vidéo Buzz Aldrin’s Race Into Space (1993).

En 2010, il participe à la 10ème saison de l’émission Dancing with the Stars, en 2016 comme invité à The Late Show with Stephen Colbert et en 2017 de nouveau comme invité à Hell’s Kitchen.

Aldrin est interprété par Cliff Robertson dans Return to Earth (1976) – aidant l’acteur dans sa préparation –, Larry Williams dans Apollo 13 (1995), Xander Berkeley dans Apollo 11 (1996) – il est également conseiller technique pour ce film –, Bryan Cranston dans la mini-série De la Terre à la Lune (1998) et Magnificent Desolation: Walking on the Moon 3D (2005), James Marsters dans Mission Apollo 11, les premiers pas sur la Lune (2009), Cory Tucker dans Transformers 3 : La Face cachée de la Lune (2011) et Corey Stoll dans First Man : Le Premier Homme sur la Lune (2018).

Enfin, Buzz l’Éclair est le nom utilisé pour l’un des protagonistes des longs-métrages d’animation en images de synthèse des studios Pixar Toy Story, puis dans ses suites Toy Story 2Toy Story 3 et Toy Story 4 qui forment la série de films Toy Story et ses dérivés (le film Buzz l’Éclair, le film : Le Début des aventures et la série animée télévisée Les Aventures de Buzz l’Éclair). Ce nom est directement inspiré de Buzz Aldrin. Dans la bande dessinée De cape et de crocs, scénarisée par Alain Ayroles et dessinée par Jean-Luc Masbou, les trois Cadets de la Lune se nomment Colin, Aldrin et Fort-à-Bras, faisant référence aux trois astronautes d’Apollo 11. Aldrin y est dit “de Redondie”, venant d’une région de la Lune où les habitants s’expriment systématiquement en termes redondants.

Source : Wikipédia France