Personnes

ANITA BERBER

Son poème Kokain a inspiré à EERA les paroles de Gib mir das Licht

Wände
Tisch
Schatten und Katzen
Grüne Augen
Viele Augen
Millionenfache Augen
Das Weib
Nervöses zerflatterndes Begehren
Aufflackerndes Leben
Schwälende Lampe
Tanzender Schatten
Kleiner Schatten
Großer Schatten
Der Schatten
Oh – der Sprung über den Schatten
Er quält dieser Schatten
Er martert dieser Schatten
Er frißt mich dieser Schatten
Was will dieser Schatten
Kokain
Aufschrei
Tiere
Blut
Alkohol
Schmerzen
Viele Schmerzen
Und die Augen
Die Tiere
Die Mäuse
Das Licht
Dieser Schatten
Dieser schrecklich große schwarze Schatten
Des murs
Une table
Des ombres et des chats
Des yeux verts
Beaucoup d'yeux
Des millions d'yeux
La femme
Le désir nerveux qui se désintègre
La vie qui rebondit
La lumière qui se consume
L'ombre qui danse
La petite ombre
La grande ombre
L'ombre
Oh – le saut par-dessus l'ombre
Il tourmente cette ombre
Il torture cette ombre
Il me donne cette ombre à manger
Que veut cette ombre
De la cocaïne
Un cri
Des animaux
Du sang
De l'alcool
La douleur
Beaucoup de douleur
Et les yeux
Les animaux
Les souris
La lumière
Cette ombre
Cette ombre terriblement grosse et noire

Anita Berber, née le 10 juin 1899 probablement à Leipzig et morte le 10 novembre 1928 à Berlin, est une praticienne de la danse libre, mannequin et actrice allemande. Artiste de cabaret avant-gardiste et bisexuelle affichée, elle a fait de sa vie elle-même une Gesamtkunstwerk aux frontières de la délinquance.

En concevant, produisant et dansant des chorégraphies qui, sur le thème de l’érotisation de la mort, mêlent l’orientalisme des costumes à la musique moderne, elle devient dès 1917 l’icône dérangeante du courant expressionniste dans les domaines de la pantomime et du burlesque américain. Figure underground de la femme affranchie et professionnelle de la provocation vilipendée, elle est à la suite d’Adorée Villany et Mata Hari une des premières performeuses avec Claire Bauroff à danser nue. Laissant la scène à des femmes artistes moins outrancières, Mary Wigman, Valeska Gert, Verena Skoronel, Berthe Trümpy ou Leni Riefenstahl, elle meurt de tuberculose à l’âge de vingt-neuf ans en ex-starlette victime de ses excès toxicomaniaques.

“Elle n’avait pas seulement besoin de scandaliser la morale, mais aussi de se mettre physiquement en danger”

— Klaus Mann, qui lui a rendu visite plusieurs fois à l’automne 1924, goûtant auprès d’elle à la cocaïne, et une dernière fois à la fin 1926.

Biographie

Fille d’artiste sans père (1899-1914)

Anita Berber est la fille d’une chanteuse de cabaret, Anna Lucie Thiem, dite Lucie, et de Félix Berber, premier violon du Gewandhaus de Leipzig qui se mariera cinq fois dans sa vie. Elle a trois ans et demi le 8 novembre 1902 quand ses parents divorcent pour “opposition de caractères irréconciliables”. À partir de 1906, elle est élevée à Dresde par sa grand-mère maternelle, Louise, dans un confort bourgeois.

Elle a six ans et ne voit plus sa mère partie à Berlin, où Rudolf Nelson a embauchée celle ci dans la revue du Chat Noir, cabaret de l’avenue Unter den Linden. À dix ans, soit un an avant Mary Wigman qui deviendra la promotrice de la danse expressionniste, elle est inscrite dans ce qui devient en 1912 l’Établissement d’enseignement Jacques Delcroze de Hellerau, où est mise en œuvre une pédagogie nouvelle basée sur la rythmique Jacques Dalcroze.

À quatorze ans, en 1913, elle rejoint sa mère à Weimar. Inscrite à la rentrée dans le coûteux Institut de formation pour jeunes filles Curt Weiss, elle apprend le français et la couture. Elle fait sa confirmation luthérienne le 5 avril 1914 à l’église Saint-Luc de Dresde avec le pasteur Johannes Kessler.


L’avant-garde berlinoise (1915-1918)

En 1915, après que la guerre a éclaté, Anita Berber suit avec sa grand-mère sa mère à Wilmersdorf, une banlieue de Berlin où s’entassent les immigrés de l’intérieur. L’adolescente vit là, 13 rue Zähringer, entourée de femmes, dont ses deux tantes maternelles, Else et Margarete, toutes deux vieilles filles. Tout en se produisant dans des cabarets, elle suit des cours à l’École de théâtre Maria Moissi Berlin.

Elle apprend la danse moderne et la pantomime en même temps que Dinah Nelken auprès de Rita Sacchetto, une actrice adepte d’Isadora Duncan et amie de Gustave Klimt qui, après avoir donné des spectacles de tableaux vivants à travers le monde, a ouvert dans sa villa une école. Elle monte sur scène pour la première fois le 24 février 1916 à la Salle Blüthner, où elle participe à une chorégraphie au côté d’une autre débutante, Valeska Gert. Le chef de la censure Ernest von Glasenapp, qui est présent, préfère celle-ci et déclare à propos de la première “ça va vraiment trop loin”. Elle part toutefois en tournée avec la troupe Sacchetto à travers l’Allemagne, Hanovre, Leipzig, Hambourg et Francfort. Sa rousseur naturelle la distingue parmi les nombreuses autres jolies filles.

Le 6 mars 1917, elle donne son premier solo, Danse coréenne, dans la salle des fêtes de la Haute école de musique de Berlin. Elle n’a pas encore dix-huit ans et elle est remarquée par le propriétaire du magazine féminin Le Monde de l’élégance (Elegante Welte), Franz Koebner, un passionné de danse, mais c’est du concurrent Die Dame qu’elle fait la une.

Elle se produit dès lors en solo à l’Apollo, puis au Wintergarten sous la direction d’un certain Pirelli, qui bouleverse le style de danse qu’elle a pratiquée jusqu’alors au sein des sages tableaux vivants de Sacchetto. Elle danse sur des musiques de compositeurs contemporains, tels Claude Debussy, Richard Strauss ou Camille Saint-Saëns, mais aussi Léo Delibes. Elle répète auprès d’Hélène Grimm-Reiter dans l’École pour la danse artistique et la culture physique, Kurfürstendamm, là même où sa jeune cadette Leni Riefenstahl réussit à s’offrir quelques cours à l’insu de ses parents.

Richard Oswald l’introduit dans le cinématographe en 1918 et elle devient un mannequin recherché par les magazines féminins, une figure des ateliers photographiques Alex Binder et Eberth. C’est aussi en 1918 qu’elle fait sa première tournée à l’étranger, en Suisse, en Hongrie et en Autriche. Elle est à Budapest quand l’armistice est signé. Au cours d’une soirée de retour de scène, dans un hôtel de Vienne, complètement ivre, elle se livre pour la première fois en public à une danse entièrement déshabillée.


Mondanité décadente (1919-1920)

En janvier 1919, Anita Berber épouse un héritier, Eberhard von Nathusius, qui est un scénariste employé par Richard Oswald. Elle tient le second rôle, au côté de Conrad Veidt, dans Différent des autres, film qui sort au printemps et qui milite pour la cause homosexuelle. C’est une œuvre engagée pour laquelle Richard Oswald a fait appel aux conseils du sexologue Magnus Hirschfeld.

Dans une capitale défaite et traversée par la révolution spartakiste, Anita Berber dépense sans compter en vêtements, chapeaux, chaussures et bijoux. Elle habite une suite de l’hôtel Adlon et entretient son image d’excentrique en se promenant un singe sur l’épaule et en s’habillant en homme. Elle lance la mode “à la Berber”, smoking et monocle. Anorexique, elle consomme éther, chloroforme, opium, cocaïne et cognac. La consommation de poudre lui vaut le surnom de Reine des neiges. Elle découvre le sadomasochisme et fréquente grands restaurants et palaces. Elle a l’habitude de s’injecter de la morphine devant les autres clients. Elle parait une fois dans la salle à manger de l’Adlon entourée de deux jeunes hommes peints, vêtue d’un seul manteau de fourrure noire, qu’elle laisse tomber en prenant le Champagne et qu’aussitôt le maître d’hôtel remet délicatement sur ses épaules. Punk avant l’heure, elle se teint les cheveux rouge sang et peint ses lèvres d’un grand cœur noir.

Si son personnage scandaleux lui attire le public du Schall und Rauch que dirige Max Reinhardt, sa toxicomanie compromet sa carrière cinématographique.


La scandaleuse de Berlin (1921)

En 1921, son mari obtient le divorce. La mode berlinoise est à la vedette sexuellement libérée. La rumeur prêtera à celle qui s’honore du titre de “mauvaise fille” de nombreuses liaisons saphiques, dont Marlene Dietrich. Anita Berber se met en ménage avec Susi Wanowsky, une femme divorcée d’un haut fonctionnaire de la police et propriétaire d’un bar pour rencontres lesbiennes, La Garçonne. Susi Wanowsky devient sa productrice et secrétaire.

Le couple pratique un triolisme saphique avec Celly de Rheidt qui vaut aux trois femmes le surnom de “pyramide de dames” par lequel elles sont tous les lundis à neuf heures du soir accueillies sous les applaudissements au Topp Keller, un cabaret clandestin situé à Schöneberg, 13 Schwerinstrasse. Sous prétexte de participer à une loterie officiellement appelée La Pyramide, les lesbiennes peuvent s’y retrouver à l’insu de la police, du propriétaire, des voisins, et pour trente pfennigs viennent écouter Claire Waldoff interpréter au milieu de quatre musiciens des chansons à boire. Anita Berber pose lascivement avec Renée Sintenis et un modèle, anonyme, pour un cliché coquin.

Elle est d’une revue de Rudolf Nelson intitulée Payez, s’il vous plaît ! sur la scène du Théâtre Nelson, 217 Kurfürstendamm, où triomphera cinq ans plus tard la Revue nègre de Joséphine Baker. Elle se produit sur la minuscule scène de La Souris blanche, qui appartient à un puissant industriel, Peter Sachse, et où certains spectateurs ne se présentent que le visage masqué. Son interprétation de Morphine, sur la musique d’une valse lente écrite pour elle par Mischa Spoliansky, est un tube repris jusqu’à Paris.

Le premier spectacle où elle se montre entièrement nue sur scène, la scène de l’Alcazar de Hambourg, suscite l’enthousiasme des uns, la réprobation des autres. Aux spectateurs qui protestent, elle répond comme à son habitude par un doigt ou même un bras d’honneur. Sous la menace d’une sanction pénale, elle reprend les séances des jours suivants revêtue d’un ultime voile.


Couple infernal (1922-1923)

“Nous dansons la mort, la maladie, la grossesse, la syphilis, la folie, la famine, le handicap, et personne ne nous prend au sérieux”.

— Anita Berber répondant en 1922 au journaliste Fred Hildenbrandt.

En juin 1922, Anita Berber rencontre au cours d’une soirée privée du Casino son prochain partenaire de scène, le poète homosexuel Sebastian Droste, qui, cocaïne aidant, prend aussitôt la place de Susi Wanowsky au poste de régisseur général. Fils de famille hambourgeois, c’est aussi un danseur qui a été membre de la compagnie de Celly de Rheidt, une des maîtresses d’Anita Berber célèbre pour ses mises en scène subversives, plus blasphématoires qu’obscènes, et qui se trouve au chômage depuis un peu moins d’un an que la troupe a été interdite, sa patronne condamnée pour emplois dissimulés à une amende qu’elle est incapable de payer.

Le spectacle que le nouveau couple met au point sans attendre se veut transgressif à la scène comme à la ville. La scénographie est confiée au viennois Harry Täuber, un élève du peintre Franz Cižek, lui-même promoteur d’une pédagogie nouvelle qui laisse l’enfant s’exprimer. Évocation ambigüe du sadomasochisme comme du tabou sexuel qui pèse alors sur un possible métissage, l’entrée du personnage féminin, armé de fouets, se fait entre deux Nègres. À Vienne, Anita Berber a une brève, et incertaine, aventure avec la baronne Léonie von Puttkamer, cocotte extravagante qui a été cinq ans plus tôt l’obsession de Margarethe Csonka, “la jeune homosexuelle” suicidaire analysée par Sigmund Freud et plus connue sous le pseudonyme de Sidonie Csillag. Après cinq semaines de répétition, elle est brièvement hospitalisée au sanatorium Loew, 20 Mariannengasse, où une tuberculose lui est diagnostiquée. Un an plus tard, l’hyperinflation aidant, un seul billet de banque aurait suffi pour régler les dettes d’Anita Berber à l’origine de sa dérive.

Pour apurer la dette de cinquante millions de couronnes qu’Anita Berber a accumulée, somme qu’il faut mesurer au regard du contexte d’hyperinflation, Sébastien Droste fait un faux en écriture. Les créanciers dupés demandent au tribunal à être remboursés sur les recettes futures du programme en cours et de laisser Sébastien Droste le vendre. Celui-ci vend les avant-premières à trois théâtres différents, en Italie, en Espagne et en France, chacune comme exclusive. L’escroquerie vaut aux deux artistes d’être bannis de l’Union internationale des artistes et interdits de représentation pour deux années sur le continent, en Grande Bretagne et en Turquie.

Revenus à Vienne pour la première, qui se déroule le 14 novembre 1922, ils sont invités plusieurs fois par la police à quitter la ville. Sébastien Droste est finalement arrêté le 15 janvier 1923 pour fraude et le couple est expulsé d’Autriche vers la Hongrie le 23. Ils transforment le spectacle en une publication au titre explicite, Danses du vice, de l’horreur et de l’extase, qui est un recueil de poèmes et de dessins illustré de seize photographies tirées par Madame d’Ora. L’ouvrage est préfacé par un proche de Franz Cižek, le promoteur de la nudité dans la danse Leopold Rochowanski.

Les deux parias se marient ce même mois de janvier 1923. De Budapest, ils partent en compagnie d’un voyant, Frederik Marion, pour l’Italie puis la Yougoslavie, où ils se produisent clandestinement de nuit, avant de retrouver Berlin, cinq mois plus tard. En octobre, Sébastien Droste s’enfuit avec l’argent, les fourrures et les bijoux de sa femme sur un paquebot à destination de New York, où il trouve sous le nom de Baron Willy Sebastian Droste un emploi de correspondant du B.Z. am Mittag et s’attèle à un projet de film autobiographique qui ne se fera pas, The Way.


Seconde chance (1923-1925)

Anita Berber retourne chez sa mère, rue Zâhringer, et reprend le travail à la Rampe, au Bruit et fumée, au Café Mégalo. Elle fonde sa propre compagnie, la Troupe Anita Berber.

Le 12 octobre 1923, elle assiste à la Salle Blüthner, qui a été sa première scène, aux débuts d’un danseur américain, Henri Châtin Hofmann. C’est le fils d’un pasteur de l’Église Sion de Baltimore. Elle danse avec lui à La Fusée, à La Souris blanche, à La Rampe. Le 10 septembre 1924, elle se marie une troisième fois, avec lui.

Le nouveau couple donne son premier spectacle conçu ensemble, Shipwrecked, en avril 1925 à Stuttgart. Le succès leur ouvre une tournée nationale, qui commence en octobre et dont les étapes, Cologne, Düsseldorf, Wiesbaden, Leipzig, Breslau, sont l’occasion d’autant d’orgies. Quand Alfred Flechtheim prend soin de ne pas l’inviter à son bal masqué, elle fait un scandale dans la rue, devant la maison, hurlant la moitié de la nuit durant.

Les tournées sont aussi l’occasion de rencontres artistiques, en particulier avec Felix Albrecht Harta, Otto et Martha Dix, admirateurs qui n’hésiteront plus à parcourir de longues distances pour l’admirer sur scène. “Si charmante, si adorable, très spontanée et très séduisante” aux yeux de Martha Dix, qui la voit pourtant vider en moins d’une heure une bouteille de cognac tout en se maquillant dans sa loge, Anita Berber est peinte par Otto Dix sous les traits d’une vieillarde moulée dans une robe rouge, portrait bien différent de la vision idéalisée qu’en a son épouse.

À l’occasion, Anita Berber se prostitue, sans gêne, voire par provocation. À Wiesbaden, en 1925, devant ses amis Martha et Otto Dix avec lesquels elle se promène au sortir d’une représentation, elle répond à tout admirateur qui l’aborde “C’est deux cents marks”. Elle justifie cette pratique par le peu que lui rapporte son métier et le prix élevé de ses costumes qu’elle doit payer elle-même.


Déchéance (1926)

Un an plus tard, en avril 1926, les Hofmann présentent leur nouveau spectacle, Danses de l’érotique et de l’extase, à l’Alcazar de Hambourg, où elle avait fait scandale en 1921, et c’est une nouvelle tournée, à Stockholm, Amsterdam puis en Europe de l’Est.

Les retards sur scène d’Anita Berber deviennent légendaires et elle ne fait plus son entrée sans avoir eu sa bouteille de cognac. Les soirs de beuverie où elle se retrouve dans son ménage se terminent par des coups. À Prague, son mari déclenche une bagarre dans le grand restaurant Pavillon Sect et finit la soirée au poste de police. À Zagreb, en juin 1926, elle insulte publiquement la mémoire de feu le roi de Yougoslavie et est emprisonnée. Son mari réussit à la faire libérer par le consul des États-Unis au bout de six semaines.

Physiquement épuisée, elle se réfugie à Berlin auprès de son ami le docteur Magnus Hirschfeld. Elle est hébergée avec son mari dans une pièce qui sert d’infirmerie. À la suite d’une plainte déposée auprès du préfet de police de Berlin, Albert Grzesinski, pour “immoralité”, elle fait l’objet d’une enquête criminelle. Le fait est qu’elle a toujours fréquenté un milieu interlope, celui des prostituées, des travestis, des boxeurs, des parieurs clandestins…

C’est au salon Eldorado, nouvellement ouvert au 31 Lutherstrasse, qu’elle s’adonne à la cocaïne. Elle y entend les chansons de rue de Claire Waldoff, qui par ailleurs tient salon avec sa compagne Olga von Roeder, ainsi que le duo Margo Lion Marlène Dietrich interprétant la chansonnette explicite Ma meilleure amie. Elle se montre aussi au Café National Hof, où se réunit le Club Violetta, association fondée cette année 1926 par Lotte Hahm, la responsable de la branche féminine de la Ligue pour le droit de l’Homme, laquelle édite le journal militant Die Freundin. Le nom du club est une référence à la Nuit de la violette, appelée aussi dans certaines villes allemandes Nuit du lilas, fête qui mélange tous les ans le bleu masculin et le rouge féminin.

L’ex-actrice essaie de se reconvertir dans le théâtre. Embauchée au Theâtre intime de la Bülowstrasse, numéro 6, par Gustave Heppner, elle joue, entre autres rôles, un des multiples personnages dans Un Jeu de rêve d’August Strindberg, qui est un hommage à la Traumdeutung de Sigmund Freud.


Dernière tournée (1927-1928)

À Berlin, le couple, désormais désuni, est sollicité de se reformer au sein d’une revue néerlandaise, qui les emmène en octobre 1926 pour deux ans au Proche-Orient dans une tournée qui commence par Athènes et se poursuit au Caire. Henri Hofman essaie de convaincre sa femme de mettre un terme à son alcoolisme. C’est durant cette tournée, le 27 juin 1927, que le précédent mari de celle-ci, Sébastien Droste, revenu de New York à cause de sa tuberculose, meurt à Hambourg, dans la maison de ses parents. Il avait vingt-neuf ans.

Durant les vacances, en juillet 1927, Anita Berber se trouve à Munich quand elle lit par hasard une affiche annonçant un concert donné par l’orchestre de chambre qu’anime son père, Félix Berber. Elle assiste au concert et quand, à la fin, elle va dans les coulisses rencontrer son père, celui-ci refuse de la recevoir.

La tournée au Proche-Orient reprend à l’automne. Dans la nuit du 13 juin 1928, Anita Berber s’effondre dans une boîte de nuit de Beyrouth. Le médecin lui diagnostique une “phtisie galopante”. Elle doit renoncer à poursuivre la tournée jusqu’à Damas.


Mort dans l’indigence (fin 1928)

Son rapatriement en compagnie d’Henri Hofman) est un calvaire dispendieux, son état imposant de longues étapes. Arrivée désargentée à Prague au bout de quatre mois, il faut qu’une collecte soit organisée dans les coulisses des cabarets de Berlin pour lui permettre d’acheter les billets de train.

Hébergée par sa mère, elle est admise à l’hôpital Béthanie, qui accueille les indigents, et reste optimiste, forme des projets, prend soin de ses jambes.

Elle meurt moins de trois semaines après son hospitalisation, sans l’assistance de son pasteur, Johannes Kessler, qu’elle a fait appeler mais qui est en voyage. Le soir même son mari doit se produire au Casino Weidenhof, 36 Friedrichstraße, avec une remplaçante, Shelda.

L’enterrement a lieu sous la pluie le 14 novembre au cimetière Saint-Thomas de NeuKölln, dont l’entrée est 2 Hermannstrasse, en présence de nombreux artistes berlinois. Ultime provocation du destin, son mari, resté très amoureux, s’y présente en retard maquillé et ivre, tenant dans sa bouche deux roses qu’il jette dans la fosse, où le cercueil est déjà enseveli. L’éloge funèbre est prononcé par le siffleur Willy Karzin. Elle est enterrée pauvrement, sans pierre tombale, rang 21, section 2.


Chorégraphies

“Elle dansait la mort, la folie, la syphilis, l’extase, la morphine, le suicide, l’agonie et l’orgasme.”

— Une critique d’aujourd’hui.
  • 1922 : Danses du vice, de l’horreur et de l’extase avec Sebastian Droste.
  • 1925 : Naufragés avec Henri Châtin Hofmann.
  • 1926 : Danses de l’érotique et de l’extase avec Henri Châtin Hofmann.
  • 1928 : avec Henri Châtin Hofmann.

Célébration

Sujet artistique choisi de son vivant

À Selb en 1918, durant sa tournée avec Pirelli, Anita Berber pose pour le sculpteur Constantin Holzer-Defanti. Celui-ci réalise deux figurines en porcelaine Rosenthal devenues depuis célèbres auprès des collectionneurs, Danse coréenne, en souvenir du premier solo que la danseuse a donné un an plus tôt, et Pierrette.

En 1919, Charlotte Berend-Corinth réalise huit lithographies pornographiques, quoique très stylisées, d’Anita Berber, qui sont publiées à un petit nombre d’exemplaires par la galerie Gurlitt, maison habituée à ce genre d’éditions confidentielles, et qui inaugurent la légende. Elles sont aujourd’hui conservées dans une collection privée à New York, où elles sont connues sous le nom d’Anita Berber Portfolio. Cette même année, la costumière Lotte Pritzel fait le portrait au crayon de la danseuse, le décolleté laissant apparaitre les seins nus. La dessinatrice en tire un de ces inquiétants mannequins qui feront sa célébrité et serviront de thème chorégraphique à Anita Berber comme à Niddy Impekoven.

Femme libre, Anita Berber devient en 1921 un sujet littéraire. Elle inspire à Vicki Baum le caractère principal d’un roman intitulé La Danse d’Ina Raffay. Ina Raffay est un pseudonyme qui lui-même fait allusion à la cinéaste Iwa Raffay. Vanity Fair publie des photographies de l’héroïne.

En 1925, durant le passage à Düsseldorf du spectacle Naufragés, avec Henri Châtin Hofmann, le peintre Otto Dix, chef de fil d’un mouvement expressionniste dit Groupe du Rhin, fait le célèbre portrait vieilli avant l’âge de la “putain écarlate de Berlin” comme une caricature de la déviance sexuelle. Le tableau entrera en 1928 dans les collections municipales de la ville de Nuremberg et est exposé aujourd’hui dans celui de la ville de Stuttgart. À Vienne, cette même année 1925, c’est Felix Albrecht Harta, compagnon de jeunesse d’Egon Schiele, Albert Paris Gütersloh et Oskar Kokoschka, qui fait les portraits de l’artiste et de son compagnon.


Damnatio memoriae nazie

Le mythe d’une Anita Berber révolutionnant les mœurs est forgé dès sa mort par son biographe Léo Lania. Elle est déjà le prototype de l’artiste fustigé par la Ligue des artistes allemands comme illustrant un art dégénéré “judéobolchévique” qui contribuerait à l’effondrement moral et économique de l’Allemagne.

Cinq ans plus tard, l’avènement du régime nazi, dont une des premières mesures est de saccager les centres de planning familial, incarcérer leurs animateurs et criminaliser l’avortement, efface durablement son souvenir. Le peintre qui a fait son célèbre portrait, Otto Dix, fait partie des artistes dénoncés par la série des Expositions d’art dégénéré, qui est inaugurée par Hans Adolphe Bühler en septembre à Dresde. L’ensemble de son œuvre, dont la Danseuse Anita Berber, est interdit d’exposition, comme le sont les créations de ses collègues qui ne choisissent pas l’“émigration intérieure”. Les jeunes allemands nés dans l’entre-deux guerres seront formés à l’“Art allemand” et ignoreront l’histoire d’Anita Berber.


Redécouverte

En 1984, à l’occasion de la publication d’une biographie écrite par Lothar Fischer, auteur d’une précédente biographie d’Otto Dix, est organisée du 15 mai au 30 juin à la Maison de la place Lützow par une association sans but lucratif, le Cercle de recherche du centre culturel de Berlin, une exposition de photographies et d’archives relatives à Anita Berber, qui est relayée par la presse et la journal télévisé de la SFB. À la galerie Bildfang, à Schöneberg, Charla Drops représente quelques danses reconstituées d’Anita Berber.

Le 9 avril de l’année suivante, l’Institut Goethe renouvelle la manifestation à Berlin-Ouest dans le cadre d’une exposition plus générale. Une conférence de Lothar Fischer restaure la mémoire d’Anita Berber et de son monde auprès des visiteurs.

Ce n’est qu’en 1987 qu’Anita Berber est rappelée au souvenir du public, grâce à un film de Rosa von Praunheim, Anita – Danses du vice. Le Théâtre de la Renaissance de Berlin donne une Revue Anita Berber. L’héroïne y est incarnée par Ingrid Caven. Pour le sept cent cinquantième anniversaire de sa fondation, Berlin présente le 27 mai à l’Espace artistique Kreuzberg de Béthanie une chorégraphie dramatique de Nada Kokodovic, directrice du ballet du Théâtre national de Subotica, intitulée Anita Berber. Le 13 février de l’année suivante, la Cinémathèque allemande prolonge le succès du film par une exposition au Musée gay de Berlin. Le 20, la troupe Sheela Na Gig danse un spectacle intitulé La nouvelle Berberie.

En 1989, quelques mois avant la chute du mur de Berlin, qui intervient dans la nuit du 9 au 10 novembre, Arila Siegert incarne Anita Berber dans l’adaptation du roman de Hermynia zur Mühlen La Peste blanche diffusée par la Télévision de DDR.

En 1991, la Poste fédérale publie un timbre représentant le tableau d’Otto Dix La Danseuse Anita Berber. À Berlin, un cabaret a depuis ouvert au nom de celle-ci.

Le 1er octobre 1993 est donné à l’Opéra national Unter den Linden, à Berlin, Dix ou Eros et Mort, un ballet de Roland Petit dont le huitième tableau est consacré à Anita Berber, incarnée par Bettina Thiel.


Le centenaire et ses suites

Le centième anniversaire de la naissance d’Anita Berber est fêté le 24 mars 1999 au musée Kolbe de Berlin par un collage de Lothar Fischer et l’actrice Claudia Jakobshagen intitulé La plus sensationnelle danseuse de Berlin, le 5 novembre à la Salle de spectacle Leipzig par une conférence et projection réalisée par les mêmes.

Le 28 novembre 1999, est organisée par Béatrice Manowsky au Café Aurora de la discothèque Trésor Berlin une nuit Anita Berber Danse en lumière, avec entre autres la ballerine Jutta Deutschland. Six mois plus tard, le 2 juin 2000, c’est Sylvia Schmid qui présente un ballet dans le cadre d’une exposition au BAT. La danse nue de Sylvia Schmid passe sur la chaine MDR Fernsehen à l’occasion de la diffusion d’un entretien de Lothar Fischer.

Pendant dix ans, de 2000 à 2010, l’actrice Claudia Jakobshagen, sous la direction musicale de Dietrich Bartsch, incarne Anita Berber sur la scène berlinoise du Tanztheater de Sylvia Schmid, la Petite revue de nuit (Kleine Nachtrevue).

La figure d’Anita Berber passe à l’ouest le 10 février 2005, quand Nina Kurzeja, ballerine qui sera primée par le Prix de danse et de théâtre de Stuttgart, interprète aux côtés de Christian Alexander Koch et quatre danseurs un spectacle qu’elle a conçu et intitulé Connaissez-vous Anita Berber ? à la Maison du théâtre Stuttgart.


Icône post punk

En avril 1994 à San Francisco, la boîte de nuit Bimbos produit une chorégraphie de Marni Thomas subventionnée par l’Institut Goethe, Les sept toxicomanies et les cinq métiers d’Anita Berber. Nina Hagen réalise une performance Anita Berber.

En décembre 1998, le perfomeur transformiste Bridge Markland présente Pièce Anita Berber à la salle des fêtes de Berlin Centre, au Bal de la rue Naunyn et à la galerie Bildfang. Le groupe Death in Vegas consacre en 2004 un titre de son album Satan’s Circus à Anita Berber.

En janvier 2007, le couturier Michael Michalsky présente à l’hôtel de ville rouge de Berlin une collection qui revisite la mode “à la Berber”. En 2008, Lena Braun présente un Hommage à Anita à l’Espace artistique Kreuzberg-Béthanie, dans les bâtiments de l’hôpital Béthanie, Mariannenplatz, où est morte Anita Berber et qui ont été transformés en 1973 en cité d’artistes. C’est un ensemble d’autoportraits sérigrahiés reconstituant des scènes qui représentent Anita Berber et ses danses du vice. L’année suivante, Vogue Allemagne publie une série de clichés réalisés par Karl Lagerfeld faisant revivre le personnage d’Anita Berber.

À l’autre bout de Berlin, à Wedding, un centre Anita Berber est ouvert en 2013, dans les locaux d’un autre hôpital désaffecté, 17 Pankstrasse. Différentes manifestations, conférences, concerts électro, spectacles de striptease, y sont organisés. En 2014, le peintre Markus Manowski y expose un nu d’Anita Berber renversé. Au début de cette année 2014, le MS Stimulateur cardiaque, compagnie de danse fondée en 1998, réédite l’ouvrage que le chorégraphe Joe Jentchik consacrait en 1930 à Anita Berber défunte et s’appuie sur ce document pour produire à l’Espace artistique Béthanie mais aussi au Théâtre national de la Sarre, une rétrospective, série de performances et de reconstitutions expérimentales.

En 2017, au terme d’une tournée d’un an, Jan Moritz, soliste du groupe Van Canto, enregistre avec le groupe Opera chaotique une chanson de l’album New EP « MUSES » (of the Damned Artists) consacrée à Anita Berber.


Consécration séculaire

Le 17 juin 2016, à l’occasion du cent vingt cinquième anniversaire de la naissance d’Otto Dix, a lieu au théâtre de la Grande maison, à Gera, la première d’un ballet de Yiri Boubénitchèque évoquant les épisodes de la vie d’Anita Berber, Anita Berber, déesse de la nuit. La chorégraphie est dansée par le ballet national de Thuringe. La musique, interprétée par la Philharmonique d’Altenbourg, a été composée par Simon Wills.

Le 10 juillet 2017, après deux années de travaux émaillés de quelques profanations accidentelles de tombes, l’ancien cimetière Saint-Thomas de Berlin, où est enterrée Anita Berber, est rouvert sous la forme d’un parc de 6,6 hectares à son nom, lequel a été au dernier moment préféré à celui de la militante communiste Olga Benário.

Source : Wikipedia

MARLENE DIETRICH

A inspiré Blue Heaven

Marie Magdalene Dietrich, dite Marlene Dietrich (parfois francisé en Marlène Dietrich), est une actrice et chanteuse allemande naturalisée américaine, née le 27 décembre 1901 à Schöneberg et morte le 6 mai 1992 à Paris 8ème.

Après s’être destinée à une carrière musicale dans un premier temps, elle se tourne vers le théâtre et le cinéma au début des années 1920. Lancée par le film L’Ange bleu de Josef von Sternberg, produit par le UFA en 1930, elle est repérée par le studio américain Paramount et poursuit sa carrière à Hollywood. Sa collaboration artistique avec von Sternberg produit sept films dont Morocco (1930), Shanghaï Express (1932) ou L’Impératrice rouge (1934), faisant de l’actrice l’incarnation parfaite de la femme fatale.

Par la suite, elle tourne avec les plus grands réalisateurs, dans divers genres de films. La comédie avec Ernst Lubitsch (Angel, 1937), René Clair (La Belle Ensorceleuse, 1941) ou Billy Wilder (La Scandaleuse de Berlin, 1948), le western avec George Marshall (Femme ou Démon, 1939) ou Fritz Lang (L’Ange des maudits, 1952), le film policier avec Alfred Hitchcock (Le Grand Alibi, 1950), Billy Wilder (Témoin à charge, 1957) ou Orson Welles (La Soif du mal, 1959).

Elle s’engage contre le nazisme dès les années 1930, et participe activement à la Seconde Guerre mondiale entre 1944 et 1945, rendant célèbre la chanson Lili Marleen, et obtenant en 1947 la Medal of Freedom, plus haute distinction militaire américaine que peut recevoir un civil. Alors que ses rôles au cinéma se font moins nombreux, elle se tourne vers la radio puis vers le music-hall, faisant le tour du monde avec son tour de chant entre 1953 et 1975. Pour protéger son image, elle vit recluse les quinze dernières années de sa vie, dans son appartement du 12, avenue Montaigne à Paris, refusant de se faire photographier, tout en restant présente médiatiquement.

Marlene Dietrich marque aussi son époque par son style et son élégance au cours de ses apparitions publiques, s’habillant chez les grands couturiers, français notamment, comme Hermès, Dior, Chanel ou Balenciaga. Surnommée “L’Ange bleu” ou “La Vénus blonde”, elle est classée en 1999 par l’American Film Institute à la neuvième place des actrices de légende.


Biographie

Enfance

Marie Magdalene Dietrich naît le 27 décembre 1901 à Schöneberg (aujourd’hui un quartier de Berlin), au numéro 65 de la Sedanstraße (aujourd’hui Leberstraße), dans le quartier de la Rote Insel, de Louis Erich Otto Dietrich (1868-1908), lieutenant de la police impériale prussienne, et de Wilhelmina Elisabeth Joséphine Felsing (1876-1945), riche héritière d’une famille d’horlogers. Le couple qui s’est marié en décembre 1898 a déjà une première fille, Elisabeth, née en 1900.

Ils donnent à leurs deux jeunes filles une éducation très stricte, entièrement basée sur la discipline. Celles-ci prennent notamment des cours de maintien, des leçons de français et d’anglais. Alors que sa sœur aînée est une enfant obéissante, Marie Magdalene est plus dissipée et s’envisage espionne ou artiste. C’est dans cette perspective qu’elle contracte ses deux premiers prénoms en Marlene. Elle perd son père le 5 août 1908. Les biographies divergent sur les circonstances de sa mort : il est probablement emporté par la syphilis après être entré dans un sanatorium.

Sa mère se remarie en 1916 avec le meilleur ami de celui-ci, Eduard von Losch, capitaine de cavalerie, qui meurt sur le front de l’Est en juillet 1917 lors de la Première Guerre mondiale, sans avoir eu le temps d’adopter officiellement ses deux belles-filles.


Formation et études

Marlene fréquente l’école des filles Auguste-Viktoria de 1907 à 1917 puis est diplômée de l’école Victoria-Luise (actuel lycée Goethe). Elle cultive parallèlement ses dons pour la musique et le chant. En 1918, elle s’inscrit à l’École supérieure de musique Franz-Liszt de Weimar et prend des cours privés de violon avec le professeur suisse Robert Reitz, qui devient son premier amant. Elle envisage une carrière de violoniste de concert, mais doit abandonner l’usage intensif de cet instrument à la suite d’une blessure au poignet (ganglion douloureux ou inflammation du ligament de l’annulaire gauche selon les biographies). Elle jouera plus tard de la scie musicale quand elle attendait son tour pour jouer une scène. Son premier emploi est celui de violoniste dans un orchestre qui accompagne la projection de films muets dans un cinéma de Berlin.


Débuts

“Marlene Dietrich refuse de parler de ses débuts de comédienne, c’est-à-dire de la période comprise entre 1922 et 1930. Ce n’est pas négociable.”

— Louis Bozon

Marlene Dietrich prend ses premiers cours de théâtre auprès de Max Reinhardt en 1921. En 1922, elle joue ses premiers petits rôles au théâtre, notamment au Großes Schauspielhaus, et joue dans des revues, comme celle du théâtre Komoedie dans le Kurfürstendamm de Berlin, aux côtés de la vedette française Margo Lion. Elle obtient aussi des rôles mineurs au cinéma. Son premier rôle crédité est Lucy dans Tragédie de l’amour de Joe May. Elle se marie le 17 mai 1923 avec le régisseur Rudolf Sieber et donne naissance à sa fille Maria Elisabeth, le 13 décembre 1924. Elle n’aura pas d’autres enfants, vivra peu avec son mari, et ne se remariera jamais (bien qu’un mariage avec Jean Gabin semble avoir été, plus tard, sérieusement envisagé).

Marlene Dietrich enregistre à la fin des années 1920 ses premières chansons, et les chante dans la revue Es liegt in der Luft (“C’est dans l’air”, 1928) où elle se fait remarquer par le metteur en scène Josef von Sternberg.


Von Sternberg et L’Ange bleu

En 1929, Dietrich tourne son premier rôle important dans L’Énigme sous la direction de Curtis Bernhardt. Mais c’est L’Ange bleu tourné par von Sternberg l’année suivante, et notamment la chanson Ich bin von Kopf bis Fuß auf Liebe eingestellt (“Je suis faite pour l’amour de la tête aux pieds¨), qui lui apportent la gloire.

Tourné dans les studios de l’UFA à Babelsberg, ce film, qui réunit Emil Jannings (immense vedette à l’époque) dans le rôle du professeur Rath, et Dietrich dans celui de Lola-Lola, est le premier film parlant du cinéma allemand. Von Sternberg, qui entrevoit le potentiel de la jeune actrice, la recommande, avant même la sortie, au studio américain Paramount Pictures pour lequel il vient de tourner et dont le bureau berlinois cherche une actrice pour concurrencer Greta Garbo lancée par la Metro-Goldwyn-Mayer. La Paramount lui offre un cachet de 1 250 dollars par semaine.

Le soir de la première, le 1er avril 1930 au Gloria Palast, en long manteau de fourrure blanche, une gerbe de roses dans les bras, Marlene arbore sur sa robe un bouquet de violettes épinglé au niveau du pubis. À 23 heures, elle prend le train à la gare de Lehrter vers le port de Bremerhaven, d’où elle embarque pour New York. D’une actrice encore inconnue hors d’Allemagne, Sternberg va façonner un mythe.


Naissance d’un mythe

Dès son arrivée, Marlene interprète à nouveau une chanteuse de cabaret dans Morocco aux côtés de Gary Cooper. Premier des six longs métrages que tourneront ensemble Sternberg et Dietrich aux États-Unis, le film vaut à Marlene une nomination à l’Oscar de la meilleure actrice en 1931 et lui confère une notoriété internationale. L’écrivain allemand Franz Hessel publie la même année la première biographie de l’actrice, Marlene: Ein Porträt, dans lequel il tente de brosser le portrait de la femme derrière la vedette. L’usage dans le titre de l’ouvrage du seul prénom de l’actrice donne une idée de sa célébrité déjà à ce moment-là ; la fascination pour Dietrich ne fait que commencer.

Von Sternberg et sa muse vont en effet asseoir définitivement au cours de leur collaboration le personnage de femme fatale sur lequel Dietrich a construit sa renommée à partir de L’Ange bleu et qu’elle va s’atteler à entretenir tout au long de sa vie, tout en jouant sur une certaine ambiguïté sexuelle (elle apparaît régulièrement en habits masculins et exerce son charme autant sur les hommes que sur les femmes).

“Après Lola-Lola, Marlene restera l’image parfaite de la femme fatale : mystérieuse et indomptable, sculptée par la lumière, dans le nuage irréel de la fumée de sa cigarette. On la suivrait au bout du monde… Dans son sillage, les personnes les plus sérieuses et les plus dignes deviennent des petits enfants.”

— Vincent Pinel

Le couple enchaîne ainsi avec Agent X 27 (1931), Shanghaï Express (1932), véritable succès du box-office jusqu’au Japon qui récompense l’actrice d’un kimono de cérémonie ; puis viennent Blonde Vénus en 1932 et L’Impératrice rouge en 1934, délire baroque qui sert davantage la gloire de Marlene que celle de Catherine de Russie qu’elle interprète, et qui, malgré un échec financier deviendra avec le temps un chef-d’œuvre reconnu.

Même en dehors de l’écran, Marlene Dietrich subjugue les foules :

“Avec son profond regard mélancolique, ses cils longs de trois centimètres, le nimbe doux de ses cheveux, ses traits classiques, son air mystique et son corps de panthère, elle n’aurait pas pu entrer dans une église sans aussitôt troubler le sermon.”

— Josef von Sternberg

La fille de l’actrice, Maria Riva, raconte une soirée avec sa mère à l’Opéra Garnier en 1933, et notamment l’entracte : “Tout le monde buvait du champagne et essayait de se rapprocher de ma mère, qui se comportait à son habitude, comme si elle était seule sur une île déserte, et fumait tranquillement sa cigarette pendant que les dames et les messieurs la dévoraient des yeux, comme si de rien n’était.”

Cette fructueuse – mais houleuse ” collaboration s’achève en 1935 par La Femme et le Pantin d’après le roman homonyme de Pierre Louÿs, film préféré de l’actrice.

La Femme et le Pantin est une superbe adaptation de Pierre Louÿs et l’apogée du mythe de la femme fatale symbolisée par Marlene.”

— Jean Tulard

Après sa séparation artistique d’avec Sternberg, Marlene ne continuera pas moins à incarner les femmes fatales, notamment dans La Maison des sept péchés (1940), La Belle Ensorceleuse et L’Entraîneuse fatale (1941), La Scandaleuse de Berlin en 1948, Le Grand Alibi (1950) ou encore Témoin à charge (1957).

“Il est exact que cette actrice a fait de la vamp la reine des écrans, il est exact qu’elle incarne la féminité, il est exact que le sex-appeal n’a jamais de représentante plus brillante, plus attirante, plus persuasive qu’elle.”

— Sydney W. Carroll, The Times (1933)

L’après-Sternberg

Alors que ses films avec Sternberg sont reconnus aujourd’hui comme des chefs-d’œuvre du patrimoine cinématographique, ceux que Dietrich tourne en 1936 et 1937 marquent moins les esprits. L’actrice peine en effet à trouver ses marques sans son pygmalion. Le tournage de I Loved a Soldier, est ainsi interrompu au bout d’un mois à la suite d’un désaccord entre Dietrich et la production, alors qu’il a déjà coûté près de 900 000 dollars. Désir de Frank Borzage (sorti en 1936, mais tourné avant I Loved a Soldier en 1935) et Le Jardin d’Allah de Richard Boleslawski, un des tout premiers films en couleurs, ne font pas recette.

La Paramount laisse Dietrich partir pour l’Europe en 1937 tourner Le Chevalier sans armure de Jacques Feyder aux studios de Denham près de Londres. Elle rentre ensuite à Hollywood pour jouer dans Ange sous la direction d’Ernst Lubitsch (qui avait assisté Borzage sur Désir). Le nouvel échec de ces films la fait taxer dans la presse de “poison du box-office” (“Box Office Poison”) par l’association des propriétaires de salles de cinéma (Independent Theater Owners of America), comme Greta Garbo, Joan Crawford, Katharine Hepburn ou Bette Davis. Ce à quoi l’actrice répond : “Tout ce que je sais, c’est que lorsqu’un des gars de la direction a besoin de rembourser son emprunt, ils m’appellent avec une idée de film”.

Elle choisit alors de s’éloigner des studios et entame une liaison avec l’écrivain pacifiste Erich Maria Remarque. La même année, séjournant avec lui au Cap d’Antibes, elle entretient une liaison discrète avec Joseph Kennedy, ambassadeur des États-Unis à Londres favorable à une politique d’apaisement envers l’Allemagne nazie. Elle accorde également ses faveurs au fils de celui-ci, le jeune John Fitzgerald. C’est aussi à cette époque qu’elle entretient une liaison avec Suzanne Baulé dite Frede, une entraîneuse puis animatrice de cabaret qu’elle rencontre en 1936 au Monocle, une boîte de nuit féminine située boulevard Edgar-Quinet, à Paris ; les deux femmes restèrent amies jusque dans les années 1970, ainsi qu’en témoigne la correspondance conservée aux archives Marlene Dietrich de Berlin.

À l’été 1939, le producteur Joe Pasternak lui propose un western, Femme ou Démon, sous la direction de George Marshall, à condition que son cachet soit revu à la baisse. Sur les conseils de son mari et de Sternberg, elle accepte néanmoins et remporte un triomphe qui apporte un second souffle à sa carrière.

Elle enchaîne alors avec La Maison des sept péchés de Tay Garnett en 1940, premier des trois films qu’elle tourne avec John Wayne, suivi de La Belle Ensorceleuse de René Clair et L’Entraîneuse fatale de Raoul Walsh en 1941. Trois films suivent en 1942, dont Les Écumeurs et La Fièvre de l’or noir, dans lesquels elle retrouve Wayne.


Engagement contre le nazisme

Résolument opposée au régime nazi, Marlene Dietrich rompt peu à peu, bien qu’à contre-cœur, les liens qui l’attachent à l’Allemagne. Devenue citoyenne américaine en juin 1939, elle met, comme de nombreuses vedettes de l’époque, sa célébrité au service de l’effort de guerre après l’entrée en guerre des États-Unis dans le conflit mondial en décembre 1941. Elle participe ainsi à la Hollywood Canteen, et récolte des bons du trésor avec Orson Welles.

De 1941 à 1943, elle héberge chez elle Jean Gabin qui, refusant de tourner pour les Allemands, a quitté la France occupée. Les deux acteurs ne tardent pas à entamer une liaison passionnée alors que Gabin est encore marié à Jeanne Mauchain, demeurée en France (le divorce sera prononcé le 18 janvier 1943 aux torts “entiers et reconnus” de l’acteur, bien qu’en son absence).

Au début de l’année 1944, elle tourne Kismet, film musical dans lequel ses jambes peintes en or font autant parler la presse que la percée des Alliés en Italie puis apparaît dans le film de propagande Hollywood Parade aux côtés du tout-Hollywood.

Dietrich pousse plus loin son engagement en intégrant l’United Service Organizations (USO). Elle part pour le front européen en avril 1944, chantant pour les troupes américaines et britanniques stationnées au Royaume-Uni, avant d’accompagner la 3ème armée américaine du général Patton en Italie, en France puis en Allemagne et en Tchécoslovaquie pendant la campagne de libération, donnant plus de 60 concerts en quinze mois. Son interprétation de Lili Marleen, chanson popularisée par le régime nazi, devient l’emblème de la résistance à celui-ci.


L’après-guerre

L’âge avançant, trouvant moins de rôles à Hollywood, elle retrouve, à la libération de Paris, Jean Gabin qui a rejoint la 2ème division blindée. Un mariage entre eux semble avoir été alors envisagé. Elle refuse le scénario des Portes de la nuit de Marcel Carné, ne souhaitant pas interpréter la fille d’un collaborateur, pour tourner avec Gabin Martin Roumagnac (1946). S’il reçoit un succès en salles, le film n’est pas apprécié par la critique française.

Après sa rupture avec Gabin, elle rentre à Hollywood et tourne, teinte en brune, dans Les Anneaux d’or de Mitchell Leisen, puis dans La Scandaleuse de Berlin de Billy Wilder l’année suivante, même si elle met du temps à accepter le rôle, étant confrontée au même problème que pour Les Portes de la nuit (les liens de son personnage avec le régime nazi). Devenue la même année “la grand-mère la plus fabuleuse du monde” avec la naissance de son premier petit-fils, elle part en 1949 à Londres tourner Le Grand Alibi sous la direction d’Alfred Hitchcock. Habillée par Dior, elle y interprète La Vie en rose, que lui a “prêtée” son amie Édith Piaf.

En 1951, elle joue pour la première fois pour Fritz Lang dans le western L’Ange des maudits mais, tout comme avec Sternberg quelques années plus tôt, la collaboration entre le réalisateur et sa vedette, également compatriotes, est houleuse, le premier traitant l’actrice de “bonniche allemande”, la seconde estimant qu’“un homme qui est capable de faire un film comme M le maudit ne peut être qu’un sadique.”

En parallèle de sa carrière au cinéma, Dietrich participe aux émissions radiophoniques de son amie Tallulah Bankheadx, jouant avec son image, son âge, et multipliant les sous-entendus. Loin de son image de vamp mythique, l’actrice révèle également un réel talent de cuisinière comme le montre le livre Dîner chez Marlene. Passionnée par la cuisine, elle adore concocter pour ses amis ou amants le chou farci, les œufs brouillés, le rognon braisé ou son plat fétiche le pot-au-feu.

Témoin du mariage de Piaf avec Jacques Pills en juillet 1952, elle fait une apparition remarquée en 1953 dans un gala au profit des enfants handicapés du cirque Ringling Bros. and Barnum & Bailey Circus au Madison Square Garden à New York, vêtue de l’uniforme de Monsieur Loyal en mini-short (une tenue dont elle revendiquera plus tard l’“invention” : “J’ai inventé le mini-short, qu’on appellera plus tard le hot pants”). Cette prestation lui sert de tremplin pour monter son propre spectacle de cabaret à Las Vegas. Pour 30 000 dollars par semaine, elle monte pour la première fois le 15 décembre 1953 sur la scène du night club du Sahara Hotel, vêtue d’un fourreau semé d’étoiles de strass.


Une seconde carrière

Accompagnée par son dernier amant en date, l’arrangeur Burt Bacharach, Dietrich transporte son tour de chant sur les scènes du monde entier à partir de 1960 en Europe, et à l’été en Israël où elle chante en allemand et a droit à une standing-ovation. Elle enregistre en hébreu la chanson Shir Hatan. Elle se produit sur le continent américain et en URSS en 1964.

Plusieurs disques sont les témoins de cette tournée : Dietrich in Rio (1959), Wiedersehen mit Marlene (1960) et Marlene Dietrich in London (1964). Dans Sag mir, wo die Blumen sind (Dis-moi où sont les fleurs), composée par Pete Seeger et traduite en allemand par Max Colpet, elle dénonce la guerre froide.

En 1960, elle fait une tournée triomphale en Allemagne, est acclamée à Munich et Düsseldorf (mais dans cette dernière ville, au moment où elle sortait de son hôtel, une jeune fille parmi la foule lui crache au visage – fait relaté dans Blue Heaven).

Seule la France lui réserve un accueil mitigé, au grand dam de cette francophile. Son ami le poète Jean Cocteau lui dit : “Votre nom commence par une caresse et finit par un coup de cravache”.

En 1961, convaincue que le national-socialisme n’était pas encore mort et que le peuple allemand était responsable de sa prolifération, elle accepte de jouer dans Jugement à Nuremberg, film de Stanley Kramer inspiré d’un des procès de Nuremberg.

Elle assiste aux obsèques d’Édith Piaf le 14 octobre 1963.

Lorsque Burt Bacharach la quitte en 1965, elle songe dans un premier temps à abandonner les récitals. Elle continue pourtant et triomphe à Broadway en 1967, obtenant un Special Tony Award pour sa prestation l’année suivante. L’abus d’alcool va cependant assombrir les dernières années de sa carrière : en 1973, elle tombe dans la fosse d’orchestre lors d’un concert à New York, puis fait une seconde chute juste avant d’entrer en scène à l’opéra de Sydney, le 29 septembre 1975, se fracturant le col du fémur et mettant ainsi un terme définitif à sa carrière de music-hall.


Fin de vie

Après une dernière apparition au cinéma en 1978, après dix-sept ans d’absence, dans C’est mon gigolo de David Hemmings, elle se cloître dans son appartement parisien du 12 avenue Montaigne, fréquentant peu de gens en dehors de sa fille et de quelques amis fidèles, car “Marlene n’est pas facile à vivre au quotidien.” Parmi ceux qui la côtoient car ils ont sa confiance totale, outre sa fille, on compte l’animateur de radio Louis Bozon, le comédien Sacha Briquet, et sa secrétaire Norma Bosquet, femme de l’écrivain Alain Bosquet.

À partir de 1980, elle ne quitte plus son appartement et installe le téléphone près de son lit car elle téléphone à peu de gens mais beaucoup et à toute heure. Néanmoins, elle reste présente médiatiquement :

  • En 1977, le jeune chanteur Daniel Balavoine, sortira la chanson Lady Marlène, issu de son second album intégralement consacré à l’évocation du mur de Berlin. La chanson évoque Marlene Dietrich, confrontée à une Allemagne divisée en deux pays rivaux. Elle appréciera beaucoup cet hommage. La chanson passera de nombreuses fois à la radio.
  • En 1979, son autobiographie sort en Allemagne.
  • En 1982, Maximilian Schell réalise une interview de l’actrice, laborieuse, dont il tirera le documentaire Marlene, récompensé dans divers festivals et nommé à l’Oscar du meilleur documentaire de la 57ème cérémonie des Oscars en 1985 ;
  • En 1984, son autobiographie est publiée en France ;
  • Le 14 novembre 1989, elle exprime sa joie en français à la suite de la chute du mur de Berlin sur les ondes de France Inter ;
  • Le 25 novembre 1989, elle intervient par téléphone lors de la deuxième cérémonie de remise des Prix du cinéma européen au théâtre des Champs Elysées ;
  • Lors de la promotion du 31 décembre 1989, le président François Mitterrand la fait Commandeur de la Légion d’Honneur, mais elle refuse d’apparaître à l’Élysée pour recevoir sa décoration ;
  • En 1989-1990, elle intervient, selon Frédéric Mitterrand, pour éviter la fermeture des studios de Babelsberg à Berlin, les plus anciens du monde, où elle a tourné L’Ange bleu en 1929.

Marlene Dietrich meurt à Paris le 6 mai 1992. Ses obsèques ont lieu à l’église de la Madeleine. Son cercueil y est recouvert d’un drapeau français, sur lequel est épinglée, notamment, sa croix de la Légion d’honneur. Bien qu’elle ait toujours eu des rapports conflictuels avec son pays d’origine, Dietrich se sentait berlinoise et avait décidé de s’y faire inhumer. Elle est ainsi enterrée non loin de sa mère dans le petit cimetière Friedhof Schöneberg III de Friedenau, dans l’arrondissement de Schöneberg.

En 1993, le sénateur berlinois chargé des affaires culturelles, Ulrich Roloff-Momin, parvient à faire racheter, grâce à l’État fédéral et à la loterie nationale, l’ensemble des biens de l’actrice, comptant notamment trois mille vêtements, mille objets de la garde-robe, quelque seize mille cinq cents photographies, des documents écrits (correspondance, papiers d’état civil, partitions…), des affiches, des objets de bagagerie et des meubles ayant appartenu à la star. Cette collection, la plus grande au monde pour des archives cinématographiques, fait l’objet d’expositions au Filmmuseum Berlin où elle est entreposée, et à travers le monde. En décembre de la même année, la tombe de l’actrice est profanée par des néo-nazis qui n’acceptent pas son départ du pays dans les années 1930, sa naturalisation et son refus de rentrer en Allemagne après la guerre.

À l’occasion du centenaire de sa naissance, le 28 décembre 2001 à Berlin, le président de la République fédérale d’Allemagne, Johannes Rau, lui rend hommage. Cette cérémonie s’accompagne de révélations sur les causes de sa mort. Selon sa confidente et secrétaire Norma Bosquet, l’actrice se serait vraisemblablement suicidée après lui avoir demandé de lui fournir des somnifères.

Source : Wikipedia

BEF (CORPS EXPÉDITIONNAIRE BRITANNIQUE)

Mentionné sur Waltz For George

La British Expeditionary Force ou (BEF) est un Corps expéditionnaire britannique envoyé, pour participer aux combats en France et en Belgique suite au déclenchement de la Première Guerre mondiale.

Le même nom a été donné aux forces britanniques, envoyées en France, à partir de 1939-1940 au cours de la Seconde Guerre mondiale.


Historique

Le BEF a été créé par le Secrétaire d’État à la Guerre Britannique Richard Haldane après la Seconde Guerre des Boers dans le cas où le Royaume-Uni, puisse en cas de nécessité, déployer rapidement une force de la British Army capable de prendre part à une guerre outre-mer.

Après l’invasion allemande de la Pologne en 1939, la British Expeditionary Force a été envoyée à la frontière franco-belge.

En mai 1940, lors de l’attaque allemande, elle était constituée de :

  • 10 divisions d’infanterie en trois corps (I, II et III),
  • 1 brigade blindée d’armée (1st Army Tank Brigade)
  • 1 détachement d’environ 500 avions.

Cette force aérienne, la BAFF (British Air Forces in France) était sous le commandement de l’Air Marshal Barratt et se subdivisait à son tour en Advanced Air Striking Force (AASF) supposée épauler l’armée de l’air française et l’Air Component of the British Expeditionary Force (BEF) chargée de soutenir la BEF.

La BEF était commandée par le général Lord Gort. Cette force ne constituait qu’un dixième des forces alliées en face des forces allemandes sur le front allant du Rhin à l’Atlantique, mais une partie prépondérante du mécanisme anglo-franco-belge qui défendait la frontière Allemagne-Belgique puis Belgique-France. Prise de front puis dépassée par les forces allemandes qui contournent la ligne Maginot par la percée de Sedan, la force britannique s’effondre. Elle a subit de lourdes pertes et se retrouve encerclée dans une poche autour de Dunkerque. Une partie (environ 330 000 hommes) ont été évacués de Dunkerque entre le 26 mai et le 4 juin 1940 grâce à la défense fournie par les troupes françaises, qui ont subit de lourdes pertes pour permettre la retraite des forces britanniques ainsi que de contingents français. La force britannique laisse une grande partie de son équipement, dont tous les équipements lourds, sur le sol belge et français. Cette défaite cuisante a été transformée en élément de propagande par Churchill qui présente l’évacuation comme une victoire paradoxale, au point d’oublier le rôle des forces françaises et belges qui ont couvert le retrait britannique. Environ 61 000 soldats de la force britannique ont cependant été fait prisonniers par les Allemands.

La 51ème (Highland) Division d’infanterie, n’ayant pas été enfermée dans la poche de Dunkerque, s’est battue à Saint-Valery-en-Caux et, encerclée, a capitulé.

Le second corps expéditionnaire commandé par le général Alan Brooke et débarqué après Dunkerque, a été rapidement évacué dans ouest de la France au cours de l’opération Ariel.

Source : Wikipedia

GWALIA DESERTA PAR IDRIS DAVIES

Poème utilisé sur Turn No More

Idris Davies (6 janvier 1905 – 6 avril 1953) était un poète gallois. Né à Rhymney, près de Merthyr Tydfil dans le Sud du Pays de Galles, il est devenu poète, écrivant à l’origine en gallois, mais plus tard exclusivement en anglais.

Il a été le seul poète à couvrir les événements importants du début du XXème siècle dans les Vallées du Sud du Pays de Galles et du bassin houiller du Sud du Pays de Galles, et d’une perspective littéralement du front de taille. Il est aujourd’hui plus connu pour les vers “Bells of Rhymney” extraits de Gwalia Deserta (1938 – littéralement “Désert de Galles”), qui ont été plus tard adaptés en une chanson folk populaire.


Vie et Carrière

Davies est né au 16 Field Street de Rhymney dans le Monmouthshire, le fils galloisant du principal winderman (moulineur) de la houillière, Evan Davies et de sa femme Elizabeth Ann. Après avoir quitté l’école locale à l’âge de 14 ans, pendant les sept ans à suivre, Davies a travaillé en sous-terrain comme mineur dans la McLaren Pit de la ville voisine de Abertysswg et plus tard la Maerdy Pit de Pontlottyn. Après un accident durant lequel il a perdu un doigt au front de taille, et la participation active dans la grève générale de 1926, la mine a fermé et il s’est retrouvé au chômage. Il a passé les quatre années suivantes à suivre ce qu’il appelait “le long jeu solitaire de l’auto-éducation”, ayant été initié à l’œuvre de Shelley par un autre mineur.

Il s’est qualifié comme professeur via des cours au Loughborough College et l’Université de Nottingham. Durant la seconde guerre mondiale, il a accepté des postes d’enseignant dans diverses écoles à Londres, où il s’est lié d’amitié avec Dylan Thomas. Avant la publication de son premier livre en 1938, l’œuvre de Davies est apparue dans le Western Mail, le Merthyr Express, le Daily Herald, le Left Review et Comment (périodique hebdomadaire de poésie, critiques et nouvelles, édité par Victor Neuburg et Sheila Macleod).

En 1947, il est retourné enseigner dans la Vallée Rhymney. Les poèmes de sa deuxième anthologie, publiée chez Faber and Faber en 1945, ont été choisis par T.S. Eliot. Eliot pensait que les poèmes de Davies pouvaient prétendre à la postérité, les décrivant comme “le meilleur document poétique que je connaisse sur une époque particulière dans un lieu particulier”.

Son dernier recueil, Selected Poems, a été publié peu de temps avant sa mort. À cette époque, Dylan Thomas a écrit à Davies une lettre étonnamment touchante. Thomas venait à lire à la radio “Bells of Rhymney” dans le cadre des festivités de la Saint David, mais a dit à Davies qu’il ne trouvait pas que le poème représentait particulièrement l’œuvre de Davies, étant donné qu’il n’était pas “assez en colère”.


Décès et héritage

Davies est mort d’un cancer abdominal, à l’âge de 48 ans, chez sa mère au 7, Victoria Road à Rhymney le lundi de Pâques 6 avril 1953. Il est enterré au cimetière public de Rhymney. Il y a des plaques commémoratives sur Victoria Road et à la bibliothèque de la ville.

Après sa mort, plus de 200 poèmes manuscrits et une courte pièce en vers, avec les manuscrits tapés de ses journaux de guerre complets, ont été déposés à la bibliothèque nationale du Pays de Galles à Aberystwyth. Plus tard, d’autres poèmes inédits et la majeure partie de sa prose – un roman non terminé, des essais, des notes de conférences et certaines de ses lettres – ont été découverts. Une partie est apparue à titre posthume dans The Collected Poems of Idris Davies (1972) ; Idris Davies (1972) et Argo Record No. ZPL. 1181: Idris Davies (1972).

Il existe une sculpture moderne érigée à la mémoire de Davies à Rhymney, avec une inscription qui dit “When April came to Rhymney with shower and sun and shower” – le vers d’ouverture de son poème Rhymney.

En septembre 2006, une tombe commémorative rénovée a été dévoilée, lors d’une cérémonie de redédicace, dans le cimetière de la ville.


Opinions

Dans son journal, Davies a écrit : “Je suis un socialiste. C’est pourquoi je veux autant de beauté que possible dans notre vie de tous les jours, et ainsi je suis l’ennemi de la pseudo-poésie et le pseudo-art de toutes sortes. Trop de poètes de la Gauche, tels qu’ils se nomment, ont sérieusement besoin d’instruction quant à la différence entre la poésie et la propagande… Ces personnes devraient lire William Blake à propos de l’imagination jusqu’à ce qu’ils montrent des signes de le comprendre. Alors l’air sera à nouveau clair, et la terre, si remplie, digne de chanson”.


Œuvre

Le premier recueil publié de Davies a été l’œuvre poétique étendue de 1938 Gwalia Deserta. Les vers qu’elle contenait ont été inspirés en partie par les catastrophes minières telles que celle de Marine Colliery à Cwm près de Ebbw Vale en 1927 et par l’échec de la grève générale de 1926 au Royaume-Uni, la Grande Dépression au Royaume-Uni et leurs effets combinés sur les vallées du Sud du Pays de Galles.

Les vers “Bells of Rhymney”, l’œuvre de Davies peut-être la plus connue ; apparaissent comme la partie XV du livre. Les strophes suivent le motif d’une comptine connue, Oranges and Lemons. À la fin des années 1950, les vers ont été adaptés en une chanson folk par Pete Seeger et est devenue un standard folk rock. La chanson, intitulée The Bells of Rhymney, a été reprise par de nombreux artistes depuis. Plus récemment, certaines autres strophes de Gwalia Deserta de Davies ont également été mis en musique par l’artiste gallois Max Boyce sous la chanson When We Walked to Merthyr Tydfil in the Moonlight Long Ago.

En février 2010, l’œuvre de Davies a été mentionnée, par le député conservateur David Davies et le député de Plaid Cymru Hywel Williams, durant un débat parlementaire concernant les services de santé au Pays de Galles.

Source : Wikipedia, traduit de l’anglais

GEORGE MALLORY

Mentionné sur The Race For Space

George Herbert Leigh Mallory, né le à Mobberley dans le comté de Cheshire, et aperçu pour la dernière fois le sur la crête nord de l’Everest, est un alpiniste britannique.

Dans une conférence à New York, il a répondu aux journalistes, qui lui demandaient sans relâche pourquoi il voulait escalader le mont Everest, “Parce qu’il est là” (Because it is there). Ce sont les quatre mots les plus célèbres de l’alpinisme.

Fils d’un ecclésiastique anglican, il est le frère aîné de Trafford Leigh-Mallory, commandant de la Royal Air Force. Enfant, il est un grimpeur passionné qui exerce ses qualités naissantes en escaladant des arbres ou de nombreux bâtiments.

À l’âge de 14 ans, il obtient une bourse pour étudier les mathématiques au Winchester College. En octobre 1905, il commence des études d’histoire au Magdalene College de Cambridge où il se lie d’amitié avec John Maynard Keynes.

Le , il épouse Ruth Turner. Le Royaume-Uni étant alors impliqué dans la Première Guerre mondiale, une lune de miel dans les Alpes est inenvisageable, et le jeune couple part camper. Les habitants locaux se méfient de ces jeunes gens vivant dans les bois, et ils sont arrêtés car soupçonnés d’être des espions allemands. George est artilleur durant le conflit, qu’il termine comme premier lieutenant.

De l’union de George et de Ruth naissent deux filles, Frances Clare le et Beridge Ruth le , puis un fils John le , une demi-heure avant que son père ne rentre d’une course dans les Alpes.

En 1904, Mallory et un ami essaient de gravir le mont Vélan dans les Alpes, mais doivent faire demi-tour peu avant le sommet à cause du mal de l’altitude. En 1911, il escalade le Mont Blanc.

En 1913 il était au sommet de ses qualités de grimpeur, et a escaladé seul le Pillar Rock, dans le parc national de Lake District, ce qui est maintenant connu comme la “voie Mallory”. Elle a été pendant de longues années considérée comme la voie la plus difficile au Royaume-Uni (cotée 5a selon la cotation anglaise, 6a en cotation française).

En 1921, dans le cadre d’une expédition explorant des voies menant au col Nord (col reliant le Changtse à l’Everest), il escalade plusieurs sommets proches de l’Everest afin de s’approprier la géographie de la région.

Lors de l’expédition britannique à l’Everest de 1922, alors que Mallory dirige une expédition en contrebas du col Nord, une avalanche emporte le groupe, tuant sept sherpas.

Mallory fait à nouveau partie de l’expédition britannique à l’Everest de 1924. Le groupe est composé d’une douzaine de britanniques et de porteurs tibétains et sherpas. Le , George Mallory et Andrew Irvine essaient d’atteindre le sommet de l’Everest par la voie passant par le col Nord. Leur compagnon d’expédition Noel Odell a rapporté les avoir vus à 12h50 dans l’ascension d’un des ressauts de la crête nord, et progressant fortement vers le sommet, mais aucune preuve n’a montré qu’ils ont effectivement atteint le sommet. Ils n’ont jamais rejoint le camp avancé et sont morts quelque part dans la montagne.

En 1933, Percy Wyn-Harris découvre, à 8 460 mètres d’altitude, un piolet qui aurait appartenu à Mallory ou Irvine. Le 1er, une expédition américaine en partie commanditée par la BBC et Nova (une série télévisée scientifique) et organisée et dirigée par Eric Simonson, retrouve le corps de George Mallory, à l’altitude de 8 290 mètres sur la face nord de l’Everest. Sa dépouille, congelée et momifiée est très bien conservée. Un altimètre en cuivre, un couteau et des lunettes de neige intactes sont également retrouvées. Avant de quitter le site, l’expédition réalise une cérémonie anglicane pour l’alpiniste et laisse le corps sur place, le recouvrant avec des pierres.

Aucun des deux appareils photo que les deux alpinistes avaient emportés avec eux n’a pu être localisé. Des experts de chez Kodak ont estimé qu’en cas de découverte d’un des appareils photo avec sa pellicule, ils seraient en mesure de la développer de manière à produire des images de qualité “imprimable”. Cela est dû à la nature de la pellicule utilisée, et à sa conservation dans un froid extrême. Les images tirées de ces appareils photo pourraient permettre de définir s’ils ont effectivement atteint le sommet avant de périr.

En 2004, une nouvelle expédition est formée afin de trouver les appareils photo, mais sans résultats. Une troisième expédition a également échoué dans cette quête en 2005. La question du succès ou de l’échec de Mallory et Irvine restera sans réponse, à moins que des preuves ne soient retrouvées au cours d’une autre expédition de recherche de Mallory et Irvine, mais les chances de retrouver quelque chose s’amenuisent d’année en année.

En 1975, un alpiniste chinois du nom de Wang Hongbao a rapporté à un de ses compagnons japonais avoir aperçu un vieux corps d’alpiniste britannique, lors de l’expédition chinoise de 1960, près de l’endroit où a été ultérieurement retrouvé le corps de Georges Mallory. A priori, la position du corps telle que décrite par cet alpiniste chinois à son compagnon japonais (et avec toutes les difficultés de compréhension entre les deux hommes) ne correspondait pas à la posture dans laquelle a été retrouvé Mallory. De plus la mention d’une blessure à la joue ne correspondait pas non plus à l’état de la dépouille de Mallory (atteint notamment d’une grave blessure au front). Ironie de l’histoire, cet alpiniste chinois a été emporté par une avalanche et a disparu dans une crevasse le lendemain de cette confession. C’est notamment sur ce témoignage que se sont basées les recherches de 1999 qui ont conduit à la découverte de Georges Mallory. Les différences constatées ont laissé alors à penser que non loin du corps de Mallory gisait Andrew Irvine, vu par l’alpiniste chinois en 1960. Mais aucune recherche ultérieure n’a permis de le découvrir.

Mis à part les deux appareils photo manquants, deux détails remarqués lors de la découverte du corps de Mallory sont curieux, bien que non concluants en eux-mêmes :

  • Tout d’abord, la fille de Mallory a toujours dit que son père portait sur lui une photo de sa femme avec l’intention de la laisser au sommet quand il l’aurait atteint. Cette photo n’a pas été retrouvée sur son corps. Étant donnée l’excellente conservation du corps et des vêtements de Mallory, cette absence de photo laisse à penser qu’il a pu avoir atteint le sommet et y avoir déposé la photo.
  • Ensuite, les lunettes de Mallory étaient dans sa poche lors de la découverte de son corps, ceci peut indiquer qu’il est mort de nuit, mais aussi qu’il avait retiré ses lunettes du fait du mauvais temps (la soudaine bourrasque de neige qui avait soustrait Mallory et Irvine aux yeux de Noel Odell ?). Peut-être que lui et Irvine avaient fait un effort final pour atteindre le sommet et étaient en train d’effectuer la descente très tard dans la journée. Étant donnés l’heure de leur départ et le chemin suivi, s’ils n’avaient pas atteint le sommet, il est improbable qu’ils aient encore été en chemin à la tombée de la nuit.

Toutefois, il n’est toujours pas certain qu’ils aient atteint le sommet, ce qui serait une formidable réussite, 29 ans avant l’ascension de Hillary et de Tensing Norgay. Depuis le lieu où il est généralement admis qu’ils ont commencé leur ascension – bien que le caméraman de l’expédition de 1924, Noel Odell, ait maintenu jusqu’à sa mort qu’ils sont partis d’un camp plus élevé – ils auraient mis environ onze heures. Ils disposaient de seulement huit heures d’oxygène (bien que cela dépende du débit, qui peut être modifié pour ne pas être utilisé à son maximum), ils ont pu se retrouver à court d’oxygène avant la fin de leur périple. Mais on ne peut écarter l’hypothèse selon laquelle le “bon soldat” Irvine se serait sacrifié pour son leader en lui remettant ses réserves d’oxygène pour lui permettre de terminer l’ascension. En tout état de cause, un élément déterminant serait la découverte d’un artefact laissé par les deux hommes au-dessus du second ressaut. Il est en effet impossible qu’une trace de leur passage au sommet ait pu subsister, alors que les zones rocheuses entre le 2ème et le 3ème ressaut ont pu conserver une preuve de leur passage.

Beaucoup de grimpeurs actuels expérimentés ne sont pas d’accord sur le fait que Mallory ait pu être capable d’escalader le difficile second ressaut sur la crête nord, qui se passe maintenant avec l’aide d’une échelle en aluminium placée par des chinois en 1975 pour esquiver la difficulté. Toutefois, Mallory est connu pour avoir surmonté un obstacle semblable dans le Nesthorn, et aucun de ses compagnons ne doutait de ses aptitudes et de sa motivation.

L’alpiniste italien Reinhold Messner est quant à lui formel, estimant que les deux hommes ne pouvaient pas franchir le deuxième ressaut à cette époque : “D’abord c’était impossible de le franchir en chaussures à clous. Ensuite, en 1925, le meilleur grimpeur du monde en rocher était Emil Solleder. Il est le premier à avoir gravi un passage de sixième degré. Avec corde double, assurage sur piton, et chaussure d’escalade spéciales. Et à une altitude de 3 000 mètres, dans les Dolomites. Mallory, lui n’avait pas de pitons, il ne portait pas de bonnes chaussures ; et sa corde, une fine corde de soie, n’aurait pas tenu le choc même d’une simple chute de trois mètres. En 1924, il était impossible de franchir un sixième degré à 8 600 mètres d’altitude. À cette époque-là, personne ne serait passé. Et puis Mallory était intelligent. Il savait, en le voyant du bas, qu’on ne pouvait pas escalader le Deuxième Ressaut comme on escalade une falaise en Angleterre”.

Même si la preuve est un jour faite que Mallory et Irvine ont effectivement atteint le sommet de l’Everest, peu considèrent qu’il faudrait alors réécrire l’histoire pour leur attribuer la première ascension. Les montagnards s’accordent généralement sur le fait qu’une ascension victorieuse implique non seulement d’atteindre le sommet, mais aussi de redescendre en vie.

Le groupe de rock belge Girls in Hawaii fait référence à George Mallory dans sa chanson Mallory’s Height sur l’album Everest.

Le groupe anglais Public Service Broadcasting fait référence à George Mallory et l’ascension de l’Everest dans le morceau Everest.

L’intrige du roman Le Sommet des dieux de Yumemakura Baku, adapté en manga par Jirō Taniguchi, raconte l’histoire de la dernière ascension de Georges Mallory, et de la découverte de son appareil photo.

En 1995, le petit-fils de Mallory, George Mallory II, atteint le sommet de l’Everest.

Source : Wikipédia France

SERGUEÏ KOROLEV

Mentionné sur Korolev

Sergueï Pavlovitch Korolev (en russe : Серге́й Па́влович Королёв ; en ukrainien : Сергій Павлович Корольов), né le  à Jytomyr (gouvernement de Volhynie, Empire russe) et mort le à Moscou (RSFS de Russie, URSS), est un ingénieur, fondateur du programme spatial soviétique. Grâce à son génie visionnaire, sa force de caractère et ses talents d’organisateur l’Union soviétique acquiert une position dominante dans le domaine spatial à la fin des années 1950 et au début des années 1960.

Korolev reçoit une formation d’ingénieur puis travaille dans le bureau d’études du constructeur d’avions Tupolev avant d’intégrer en 1931 le petit centre de recherche du GIRD qui effectue un travail de pionnier dans le domaine des fusées. Au sein du RNII soutenu par les militaires soviétiques, il travaille sur un avion-fusée et sur un missile propulsé par fusée. En 1938, il est arrêté au cours des purges staliniennes qui déciment les cadres du pays et est envoyé dans le bagne de la Kolyma dont il est sauvé grâce à l’intervention de parents et d’amis. Il est interné dans une charachka où il contribue, durant la Seconde Guerre mondiale, à mettre au point des fusées d’assistance au décollage d’avions. Mi 1945, il est libéré et envoyé en Allemagne comme tous les spécialistes des fusées soviétiques pour tenter de récupérer le savoir-faire que l’équipe de Wernher von Braun a acquis en concevant et produisant le missile V2. En mai 1946, alors que les relations avec les pays occidentaux se tendent, le dirigeant de l’Union soviétique Staline décide de lancer son pays dans la réalisation de missiles balistiques. Korolev qui a été identifié pour ses talents d’organisateur joue un rôle clé dans le plan de Staline.

Il est placé à la tête d’un des bureaux d’études du NII-88 où il est chargé de développer une copie améliorée du missile V-2. Par la suite plusieurs missiles aux capacités croissantes sont mis au point par son équipe : R-2, R-3, R-5. En 1953 les dirigeants soviétiques donnent leur accord pour le développement de son projet de missile balistique intercontinental R-7 porteur d’une tête nucléaire. Après avoir surmonté de nombreux problèmes de développement le missile effectue son premier vol en 1957 ; celui-ci est suivi de peu par le lancement du premier satellite artificiel Spoutnik 1. Korolev parvient à convaincre ses donneurs d’ordre militaires de l’intérêt de missions spatiales habitées. Le vol de Youri Gagarine, premier homme dans l’espace, et les premiers succès des sondes lunaires du programme Luna consacrent le triomphe de Korolev. Mais celui-ci doit lutter pour garder la faveur de ses donneurs d’ordre car, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, il n’existe pas à l’époque de véritable instance de pilotage du programme spatial civil en Union soviétique. Il a du mal à imposer ses projets contre des concurrents comme Vladimir Tchelomeï et Mikhail Yanguel tandis que ses relations avec d’autres responsables de bureau d’études dont dépendent ses réalisations, comme le constructeur de moteurs Valentin Glouchko, se tendent. Les dirigeants soviétiques décident tardivement en 1964 de relever le défi du programme Apollo et demandent à Korolev de battre les américains alors que le retard technique de l’industrie soviétique s’est creusé. Korolev, épuisé par l’ampleur de la tâche décède à 59 ans en 1966 au cours d’une opération chirurgicale qui tourne mal.

Korolev est né le 12 janvier 1907 à Jytomyr, ville provinciale du centre de l’Ukraine, qui fait partie à l’époque de la Russie impériale. Ses parents sont Maria Mykolayivna Moskalenko (Ukrainienne) et Pavel Iakovlevitch Korolev (Russe). Il s’agit d’un mariage arrangé et leur union n’est pas très heureuse. Trois ans après sa naissance, ses parents se séparent en raison de difficultés financières. Sa mère lui annonce le décès de son père alors que celui-ci n’est survenu qu’en 1929 (il n’a jamais revu son père après le divorce de ses parents). Korolev grandit à Nejine, sous la garde de ses grands-parents. Sa mère voulant qu’il ait une formation supérieure, il suit des cours à Kiev. C’est un enfant solitaire avec peu d’amis, mais il est bon élève, notamment en mathématiques. En 1916, sa mère épouse Grigori Mikhaïlovitch Balanine, un ingénieur électricien, qui a une bonne influence sur l’enfant. Grigori ayant obtenu un emploi aux chemins de fer régionaux, la famille déménage à Odessa en 1917. L’année 1918 est tumultueuse en Russie, avec la fin de la guerre mondiale et la Révolution russe. Les luttes intestines continuent jusqu’en 1920. Pendant cette période, les locaux des écoles restent fermés et le jeune Korolev doit poursuivre ses études à la maison. En 1923, il adhère à une société aéronautique locale. En 1925, Korolev part à Moscou et y termine ses études à l’Université Technique d’État de Moscou en 1929.

Après avoir obtenu son diplôme, Korolev obtient un premier emploi dans un bureau d’études chargé de la conception d’un aéronef baptisé OPO-4, ou 4ème section expérimentale. Ce projet rassemble certains des meilleurs concepteurs russes. Il est dirigé par Paul Aimé Richard, constructeur français d’avions, arrivé en URSS en 1928. Korolev ne se distingue pas particulièrement dans le groupe, mais s’emploie dans plusieurs projets personnels. L’un d’eux est la mise au point d’un planeur capable d’accomplir de la voltige. En 1930, il devient ingénieur principal chargé de la conception du bombardier lourd Tupolev TB-3.

C’est au cours de l’année 1930 que Korolev s’intéresse à l’utilisation de carburant liquide pour la propulsion par moteur-fusée. À l’époque, il cherche à utiliser cette technologie pour la propulsion des avions. Les dirigeants soviétiques ont lancé à la fin des années 1920 une politique très volontariste misant sur l’industrialisation à marche forcée et la recherche. Dans ce contexte la principale association paramilitaire soviétique, l’OSOAIAKHIM, crée en 1931 le GIRD, qui réunit des ingénieurs et des techniciens pour effectuer des recherches dans le domaine des fusées. Korolev participe à la fondation de la section moscovite en tant qu’adjoint de Friedrich Tsander, un des pionniers soviétiques de l’astronautique. Il y rencontre Mikhaïl Tikhonravov qui deviendra un de ses plus proches collaborateurs. La section moscovite du GIRD, qui compte une soixantaine de personnes, travaille sur une dizaine de projets utilisant plusieurs types de propulsion. Korolev met au point un planeur propulsé par un moteur-fusée RP-1 brûlant un mélange d’oxygène et de kérosène. En 1932 Tsander tombe malade et Korolev le remplace à la tête du GIRD moscovite. La même année, les militaires s’intéressent aux efforts déployés par le groupe et commencent à fournir des fonds. En 1933, le groupe réalise le premier tir d’une fusée à propulsion liquide, baptisée GIRD-09, soit sept ans après Robert Goddard et son lancement peu médiatisé de 1926.

En 1932 le GIRD moscovite a des contacts informels avec le GDL : ce laboratoire de recherche militaire installé à Léningrad rassemble 200 ingénieurs et techniciens travaillant dans le domaine de la propulsion à ergols liquides et la propulsion à propergol solide. Valentin Glouchko, qui concevra par la suite la majeure partie des moteurs propulsant les fusées de Korolev, y est responsable d’une section qui effectue des recherches méthodiques sur la propulsion à ergols liquides. Le GDL joue un rôle central dans la mise au point des roquettes.

Certains militaires soviétiques et en particulier le maréchal Mikhaïl Toukhatchevski, militaire novateur et très influent, ont pris conscience du potentiel des fusées. Toukhatchevski œuvre pour rapprocher le GDL et la section moscovite du GIRD . En septembre 1933, les deux structures sont fusionnées au sein de l’Institut de recherche scientifique sur les moteurs à réaction ou RNII (Реактивный научно-исследовательский институт, РНИИ ; Reaktivny naoutchno-issledovatelski institout, RNII). Le nouvel ensemble est dirigé par l’ancien responsable du GDL Ivan Kleïmenov, avec comme adjoint Korolev. Peu après la création du RNII, des divergences se font jour entre Korolev et Kleïmenov sur les objectifs de l’institut de recherche. Ce dernier considère que la mise au point des roquettes, constitue le projet de recherche prioritaire. Korolev est remplacé par Gueorgui Langemak ce qui sauvera sans doute la vie de Korolev par la suite. Au sein du RNII Korolev est responsable d’un projet de “missile de croisière” (projet 212) et surtout de l’avion-fusée RP-318-1. Ces deux engins sont propulsés par des moteurs développés par Glouchko. Le RNII met ainsi au point des systèmes automatisés de gyroscopes permettant de stabiliser le vol le long d’une trajectoire programmée. En 1934, Korolev publie l’ouvrage Une fusée dans la stratosphère.

En 1937 les purges staliniennes, manifestation de la paranoïa de Staline qui décime l’armée et les cadres du régime soviétique, frappent aveuglément les principaux membres du RNII. Le bureau d’études a été placé sous surveillance par la police secrète soviétique (le NKVD), car il avait été patronné par le maréchal Toukhatchevski qui a été une des premières victimes des purges. Un des ingénieurs du RNII qui brigue la direction du RNII rédige de fausses accusations contre les responsables du centre de recherches : Kleïmenov et son adjoint Langemak sont arrêtés sous l’accusation de déviationnisme trotskyste. Langemak avoue ses “crimes” sous la torture et sans doute aussi dans l’espoir d’éviter une condamnation à mort. Il dénonce à son tour Glouchko et Korolev. Kleïmenov et Langemak sont exécutés peu après. Glouchko est arrêté en mars 1938 et, tout en avouant ses actes de sabotage fictifs, dénonce ses collègues dont Korolev. Alors que Glouchko est interné dans la charachka TsKB-4, une prison pour ingénieurs, Korolev est envoyé dans la Kolyma, le pire bagne du Goulag soviétique. Il a la mâchoire fracassée pendant un interrogatoire et, victime du scorbut, il perd la moitié de sa dentition. Il sort à temps du bagne de la Kolyma libéré sur ordre de Lavrenti Beria grâce à l’intervention de sa mère et du constructeur d’avions Andreï Tupolev. Ce dernier obtient, en 1940, son transfert dans la charachka dont il est responsable. Peu après, Korolev est muté dans la charachka que dirige Glouchko et qui développe des fusées d’assistance au décollage pour avions. Glouchko en fait son adjoint et le responsable des tests.

Le 27 juin 1944, Korolev – ainsi que Tupolev, Glouchko et d’autres – est libéré par un décret spécial du gouvernement, mais les charges retenues contre lui ne seront abandonnées qu’en 1957. Le bureau d’études du NKVD passe sous l’autorité de la commission de l’aviation du gouvernement. Korolev continue à travailler dans ce bureau pendant encore un an, comme concepteur adjoint sous les ordres de Glouchko et étudie différents modèles de fusée.

À la fin des années 1930, les ingénieurs allemands dirigés par Wernher von Braun ont pris une énorme avance dans le domaine de la propulsion et du guidage des fusées en développant le missile V2. Après la défaite de l’Allemagne nazie en 1945, les Alliés tentent chacun de leur côté de récupérer ce savoir-faire. Les Américains, dans le cadre de l’opération Paperclip, mettent la main sur les responsables du projet, dont Von Braun, ainsi que sur un grand nombre de fusées. Staline envoie en Allemagne, avant même la fin des combats, tous les spécialistes soviétiques travaillant dans le domaine des fusées, y compris Korolev qui a été libéré à cette occasion. Les ingénieurs et techniciens soviétiques ont pour mission de collecter les informations, tenter de remettre en marche les installations de production des V2 et embaucher les experts et les techniciens allemands.

En mai 1946, Staline décide de lancer l’Union soviétique dans le développement des missiles balistiques. Les outils de production des V2 sont rapatriés sur le territoire soviétique. Korolev qui a été identifié pour ses talents d’organisateur est placé à la tête du bureau d’études spécial n°1 OKB-1, rattaché au NII-88 (ОКБ-1 НИИ-88), où il est chargé de développer une version améliorée du V-2. Un deuxième bureau d’études du NII-88 rassemble environ 150 spécialistes allemands du V-2 que les autorités soviétiques ont transféré de manière autoritaire en URSS avec familles et bagages. Ils sont dirigés par Helmut Gröttrup et sont installés dans un camp situé sur l’île de Gorodomlia sur le lac Seliger à 200 km de Moscou. Les autorités soviétiques leur demandent également de développer une version améliorée de la V-2. Parallèlement un établissement baptisé OKB-456 spécialisé dans la construction de moteurs-fusées à ergols liquides est créé dans une ancienne usine d’aviation à Khimki, dans la banlieue de Moscou ; Glouchko, nommé responsable de son bureau d’études, est chargé de fabriquer une copie du moteur du missile V2 avec l’aide de spécialistes et de techniciens allemands.

L’équipe de Korolev met au point plusieurs missiles aux capacités croissantes. Le missile R-1 est une copie du V2 dont plusieurs exemplaires sont tirés à partir d’ avec un taux de réussite proche de celui obtenu par les Allemands durant la guerre. Mais la production industrielle met beaucoup plus de temps car comme l’avait diagnostiqué un ingénieur allemand, l’Union soviétique a un retard de 15 ans. Les premiers missiles ne sortent de l’usine OKB-586, située à Dnipropetrovsk, en Ukraine, que fin 1952. Le missile R-1 sera déployé dans quelques unités opérationnelles. Une version sera utilisée comme fusée-sonde à des fins scientifiques. Le missile R-2 est une version agrandie de la R-1 avec une portée doublée (550 km) et une charge constituée d’un liquide radioactif qui devait être dispersé en altitude pour former une pluie mortelle. La R-2 est jugée moins bonne que la G-1 produite par l’équipe des ingénieurs allemands de Gröttrup. Korolev défend son projet mais incorpore certaines des innovations allemandes et son missile est finalement accepté et entre en production en juin 1953. La licence de construction de la R-2, cédée en décembre 1957 à la Chine, constituera le point de départ de l’industrie des missiles balistiques dans ce pays.

En , un décret du gouvernement soviétique officialise le lancement du projet de missile R-3 capable de délivrer une bombe nucléaire de 3 tonnes à 3 000 km de distance. Korolev a commencé à travailler sur sa conception dès 1947. De nombreuses solutions sont envisagées dans le document en 20 volumes que Korolev et ses ingénieurs finalisent en juin 1949. La solution du missile de croisière est tout autant mise en avant que celle du missile balistique ce qui reflète peut-être les préférences personnelles de Korolev. Pour le missile balistique trois architectures sont envisagées : fusée à plusieurs étages, fusée mono-étage avec réservoirs largables, étages assemblés “en fagot” et allumés simultanément avec un étage central ayant un temps de combustion plus long. Compte tenu du saut technologique nécessaire pour développer la R-3, Korolev préconise que la solution adoptée puisse servir de point de départ pour le missile balistique intercontinental de 8 000 km de portée demandé par les dirigeants soviétiques. Pour le missile intercontinental, sa préférence va à l’architecture en fagot préconisée dès 1947 par Tikhonravov tandis qu’il retient la solution de la fusée mono-étage pour la R-3. Mais cela suppose d’introduire pour cette dernière un grand nombre d’innovations :

  • diviser par 3 la masse à vide en utilisant des réservoirs intégraux et en remplaçant les gouvernes par le recours à un moteur-fusée monté sur cardan
  • améliorer l’impulsion spécifique de 22 % en utilisant le mélange oxygène liquide/kérosène plus performant à la place du mélange oxygène liquide/alcool tout en fournissant une poussée de 120 tonnes.

Le missile d’une longueur totale de 27 mètres doit atteindre une vitesse maximale de 4,7 km/s. Sa structure réalisée dans un nouvel alliage aluminium/magnésium a une masse au lancement de 71,72 tonnes et une masse à vide de 8,5 tonnes. Le saut technologique est trop important et il est décidé de valider certaines des innovations sur un lanceur aux caractéristiques intermédiaires : le R-3A est en fait un R-2 avec des réservoirs intégraux et sans dérive ce qui fait passer sa portée à 935 km. Le R-3A doit voler en 1951 tandis que le R-3 ne peut être lancé au plus tôt qu’en 1952. Alors que les travaux sur le R-3A avancent selon le planning prévu, Glouchko est bloqué dans le développement du propulseur RD-110 de 120 tonnes de poussée qui doit propulser la R-3 : le nouveau mélange d’ergols est plus efficace mais nécessite plus de pression dans la chambre de combustion nécessitant d’épaissir les parois, qui deviennent du coup plus difficiles à refroidir. Fin 1951, ne parvenant pas à régler ce problème, Glouchko arrête temporairement ses travaux sur le moteur.

Korolev s’est engagé à développer le missile R-3 qui constitue une priorité aux yeux des militaires, mais celui-ci ne peut pas être développé dans les délais compte tenu des difficultés rencontrées par Glouchko. Il décide pour faire patienter ses donneurs d’ordres d’améliorer les caractéristiques du démonstrateur R3-A et d’en faire un missile à part entière, le R-5 capable de placer une charge explosive d’une tonne à une distance de 1 200 km. Deux séries de tests réalisés entre avril et décembre 1953 confirment le fonctionnement du missile et sa relative fiabilité (2 échecs pour 13 tirs). Le missile entrera en production peu après. le R-5 est également le premier missile à avoir la capacité de lancer une arme nucléaire. Le missile subit un certain nombre de modifications pour pouvoir emporter la nouvelle arme au cours de l’année 1954. Après une campagne de tests de 17 tirs et 4 tirs de qualification, un essai réel du missile rebaptisé R-5M, baptisé “opération Baïkal”, est effectué le 2 février 1956 depuis la base de lancement de Kapoustine Iar. Le missile remplit parfaitement son office et la charge nucléaire explose sur la cible visée : pour Korolev et ses collaborateurs c’est un moment de triomphe. Ce succès lève les doutes que beaucoup de dirigeants politiques et militaires avaient vis-à-vis des travaux de Korolev. Désormais ils ne ménageront plus leur appui aux travaux sur les missiles. Korolev et ses principaux collaborateurs se voient décerner en avril 1956 le titre de Héros du travail socialiste la plus haute récompense de l’Union soviétique.

Le missile de croisière constitue une solution de rechange au missile balistique. À la fin des années 1940, l’institut de recherche NII-1 dirigé par Mstislav Keldych bute sur des difficultés insurmontables dans sa tentative de développer le bombardier suborbital Silbervogel allemand de Eugen Sänger. Fin 1950, Keldych redirige ses travaux sur un projet plus modeste, utilisant des solutions techniques déjà testées : un missile de croisière intercontinental utilisant un premier étage propulsé par le moteur RD-100 du missile R-1 puis un couple de statoréacteurs permettant d’amener une tête nucléaire de 3 tonnes à une distance d’environ 7 000 km. À cette époque l’institut de recherche sur la propulsion des avions, le TsIAM, a effectué des tests poussés sur les statoréacteurs ayant une poussée de 21 tonnes capable d’aller jusqu’à Mach 4. Mais ce projet rencontre également des difficultés dans la mise au point de la motorisation. Au début des années 1950, les responsables soviétiques semblent pencher à la lumière des développements sur le R-3 pour le missile balistique. Néanmoins le développement des deux missiles continuera d’être financé jusqu’à la fin des années 1950.

Korolev a décidé de se concentrer sur la conception du missile balistique intercontinental que souhaitent les dirigeants soviétiques sans passer par la mise au point de missiles à portée intermédiaire. Le missile doit être capable de transporter une bombe H de 5 tonnes sur 8 000 km. En 1953 les dirigeants soviétiques donnent leur accord pour le développement de la R-7 Semiorka et Korolev sous-traite le développement des missiles de portée intermédiaire à un de ses adjoints, Mikhail Yanguel.

Pour propulser le R-7, Glouchko choisit de développer une version pratiquement 10 fois plus puissante (65 tonnes de poussée) du moteur-fusée ED-140. Mais la mise au point du moteur qui sera baptisé RD 105/RD-106 se heurte de nouveau à des problèmes d’instabilité de combustion. Par ailleurs la masse de la tête nucléaire que doit transporter par le missile s’est accrue pour atteindre 5,4 tonnes ce qui nécessite d’accroître les performances du système de propulsion. Le missile doit être opérationnel en 1956 ; Glouchko, pour contourner le problème créé par la taille de la chambre de combustion, décide de développer le moteur RD 107/RD-108 comportant quatre chambres de combustion et quatre tuyères alimentées par une turbopompe commune. Cette solution toutefois accroît la complexité du missile qui comportera pas moins de 20 ensembles chambres de combustion/tuyères et 12 moteurs-verniers.

Pour lancer un satellite dans l’espace, Korolev doit convaincre les membres du parti ainsi que les militaires, qui sont sceptiques. L’objectif de Korolev est purement scientifique mais pour obtenir un accord, il trouve des arguments susceptibles de plaire aux militaires (forte charge utile et grande portée), et aux politiques (propagande de la réussite technique soviétique face aux États-Unis) voire stratégique (développements de satellite espion). Après de nombreux échecs, dus successivement à des fuites de carburant, à des allumages tardifs ou prématurés d’un moteur, à un mauvais calcul de trajectoire ou aux vibrations de la fusée lors de son ascension, Korolev réussit un lancement. Il en informe ses supérieurs haut placés, et obtient auprès des dirigeants (politiques et militaires) du programme spatial soviétique l’autorisation d’effectuer un autre lancement, afin de confirmer la fiabilité de la R7 et permettre la mise en orbite d’un satellite. Korolev qui suit l’avancée des travaux des Américains décide de gagner du temps. La charge utile initialement prévue est abandonnée (elle sera lancée dans le cadre de la mission Spoutnik 3) pour laisser place à un petit satellite à la masse et à l’équipement scientifique minimal : un émetteur radio juste capable de lancer des signaux audibles autour de la Terre pendant quelques jours.

Le , une fusée R-7 lance le premier satellite artificiel dans l’espace, le Spoutnik-1, qui après débat, a pris la forme d’une sphère selon le vœu de Korolev. À la suite du succès de Spoutnik 1, Korolev accorde des congés à tous ses responsables qui n’avaient pas pris un seul jour de vacances depuis plusieurs années. Le vol de Spoutnik 1 a un retentissement mondial auquel les dirigeants de l’Union soviétique ne s’attendaient pas. Nikita Khrouchtchev décide de faire des succès soviétiques dans le domaine de l’astronautique un des piliers de la propagande du régime soviétique. Quelques jours après le lancement de Spoutnik 1, Khrouchtchev convoque Korolev pour avoir des détails sur le déroulement du vol. Il lui demande incidemment si son équipe peut réaliser une nouvelle mission pour marquer avec éclat le quarantième anniversaire de la Révolution d’Octobre, qui doit avoir lieu le soit dans seulement un mois. Korolev répond que ses équipes peuvent à coup sûr placer en orbite à cette date un chien. Krouchtchev demande à Korolev de réaliser cette mission en lui donnant pour consigne impérative de respecter la date de lancement visée, mais en lui accordant une priorité absolue pour tous les aspects logistiques. La décision est officialisée le 12 octobre. Korolev fait rappeler en urgence ses ingénieurs partis en congé pour travailler sur la nouvelle mission qui doit être lancée dans quatre semaines. Les dirigeants américains, poussés par leur opinion publique et désireux de démontrer leur supériorité, décident d’investir massivement dans le programme spatial, déclenchant une course à l’espace entre l’Union soviétique et les États-Unis qui va constituer le cadre de travail de Korolev jusqu’à la fin de sa vie.

Un satellite relativement sophistiqué, baptisé objet D et pouvant emporter à son bord un être vivant, était à l’époque à l’étude, mais il ne pouvait être prêt avant décembre ; cet engin spatial sera lancé dans le cadre de la mission Spoutnik 3. Pour respecter l’échéance imposée, un nouvel engin spatial, moins sophistiqué, est conçu à la hâte. En conséquence, Spoutnik 2 a été réalisé dans l’urgence, la plupart des éléments du vaisseau étant construits à partir de croquis approximatifs, sans essais préalables. En plus de sa mission principale – envoyer un être vivant dans l’espace – Spoutnik 2 emporte une série d’instruments scientifiques, notamment des spectromètres pour étudier les radiations solaires et les rayons cosmiques.

Le 3 novembre 1957, il envoie le premier animal terrestre dans l’espace, une chienne nommée Laïka. Elle y reste 6 heures, mais décède d’hyperthermie, le système de régulation de température de sa capsule étant tombé en panne.

Dès 1955, alors que le la R-7 Semiorka est encore en cours de mise au point, Korolev envisage de lancer une sonde spatiale vers la Lune avec cette fusée. Selon ses calculs, il suffit d’ajouter un étage supplémentaire au missile pour pouvoir lancer un engin spatial de quelques centaines de kilogrammes vers notre satellite naturel. Korolev adresse à l’Académie des sciences d’URSS une proposition de plan d’exploration de la Lune en avril 1957. L’Académie y répond favorablement. Après le succès retentissant de Spoutnik 1, Korolev crée au sein de l’OKB-1, trois nouveaux bureaux d’études dédiés respectivement aux satellites de télécommunications, aux missions habitées et aux sondes lunaires. Cette dernière structure est placée sous la responsabilité de Mikhail Tikhonravov et de Gleb Maximov. Par ailleurs un programme comportant une série de missions lunaires avec des difficultés croissantes est élaboré par l’académicien Mstislav Keldych. Ce plan prévoit :

  • un premier vol (Ye-1) consistant à s’écraser sur la Lune
  • une mission de photographie de la face cachée de la Lune (Ye-3)
  • la troisième mission (Ye-4) proposée par l’académicien Zeldovich consiste à faire exploser une bombe atomique à la surface de la Lune. Cette proposition est abandonnée après évaluation des risques en cas d’échec et de l’impact négatif sur la communauté scientifique.
  • Ye-5 consiste à effectuer un relevé photographique détaillé de la surface de la Lune
  • Ye-6 doit couronner le programme avec un atterrissage en douceur et la transmission d’un panorama lunaire.

Cette liste est soumise à l’Académie des sciences et au dirigeant soviétique Khrouchtchev. Un décret formalise l’accord de ces autorités le 20 mars 1958. Korolev fait développer le moteur du troisième étage par Sémion Kosberg, un nouvel arrivant dans le domaine des fusées transfuge de l’aviation car le fournisseur de moteurs attitré de Korolev, Valentin Glouchko, ne peut fournir dans les délais l’étage souhaité. L’ensemble formé par la Semiorka et le troisième étage “Bloc Ye” reçoit le nom de code 8k72 mais est baptisée Luna dans les communiqués officiels.

Six missions destinées à s’écraser sur la Lune, dont deux réussies, sont lancées en 1958 et 1959 en utilisant le modèle de sonde Ye-1. Au printemps 1958, Korolev sait que les États-Unis, avec lesquels l’Union soviétique a entamé une course de prestige, préparent l’envoi d’une sonde vers la Lune au cours de l’été dans le cadre du programme Pioneer. Bien que le troisième étage, qui n’a jamais encore volé, ne soit pas parfaitement au point, Korolev fait préparer un lancement d’une sonde lunaire Ye-1 à la date prévue pour le lancement de la sonde américaine ; la trajectoire calculée par l’équipe soviétique est plus courte et la sonde de Korolev est assurée d’arriver avant la sonde américaine. Pour ce lancement comme pour tous les suivants, les américains annoncent à l’avance la date tandis que les soviétiques n’officialisent leurs lancements qu’après coup et seulement s’ils sont réussis. Les échecs soviétiques sont ainsi dissimulés accentuant l’impression de domination de l’astronautique soviétique durant les premières années de l’ère spatiale. Le 17 août, jour du lancement, le lanceur américain explose en vol. Korelev décide de reporter son propre lancement pour améliorer la fiabilité de son lanceur. Le premier lancement de la sonde lunaire soviétique a lieu le 23 septembre mais il échoue. Un problème de résonance entraîne la désintégration du lanceur en cours de vol. Le jour de la deuxième tentative américaine, le 11 octobre, Korolev dispose d’un lanceur également prêt. Le troisième étage du lanceur de la sonde américaine Pioneer 1 est à nouveau victime d’une défaillance mais la fusée soviétique qui est lancée dans la foulée est de nouveau victime du phénomène de résonance. Le problème est corrigé et une troisième tentative est effectuée le 4 décembre. Le lancement échoue à nouveau à la suite d’une défaillance de la turbopompe injectant l’oxygène dans la chambre de combustion du troisième étage. Les américains sont aussi peu chanceux avec leur lanceur puisque leurs deux tentatives des 8 novembre et 6 décembre échouent également.

Lors de la quatrième tentative, le , le lanceur fonctionne jusqu’au bout et la sonde parvient enfin à s’arracher à l’orbite terrestre. Mais la trajectoire suivie n’est pas parfaite car l’arrêt du second étage, qui est radio-commandé, est déclenché trop tard. La sonde qui devait s’écraser sur la Lune passe à 5965 km de distance et se trouve placée sur une orbite héliocentrique. C’est donc un demi-succès pour l’équipe de Korolev mais les autorités soviétiques s’empressent néanmoins d’annoncer que la sonde a parfaitement rempli ses objectifs en réalisant trois premières : s’arracher à l’orbite terrestre, survoler à faible distance la Lune, et se placer sur une orbite héliocentrique. La sonde est sur le moment baptisée Mechta (rêve en russe) mais sera renommée un an plus tard Luna 1. Ses instruments permettent de découvrir le vent solaire. Aucun champ magnétique significatif d’origine lunaire n’est mis en évidence. La sonde lunaire soviétique est légèrement modifiée (version Ye-1A) et est lancée le 18 juin 1959 mais le lanceur est victime d’une défaillance d’un de ses gyroscopes. Le le sixième tir qui emporte Luna 2 est un succès total. Pour la première fois, un engin construit par l’homme atteint la surface d’un autre corps céleste. La sonde s’écrase à l’est de la Mare Imbrium. Tous les instruments scientifiques ont parfaitement fonctionné et l’absence de champ magnétique lunaire significatif est confirmé.

C’est également lui qui, le 12 avril 1961, via le programme Vostok, permet à Youri Gagarine de devenir le premier homme dans l’espace.

Dès 1957, Korolev étudie les plans d’un lanceur capable de lancer une mission habitée autour de la Lune. Malgré le désintérêt des militaires soviétiques, il demande en 1959 à un de ses collaborateurs de travailler sur l’avant-projet d’un vaisseau spatial habité, baptisé Sever (Nord) capable d’effectuer le tour de la Lune. Fin 1959, il parvient à attirer l’attention du dirigeant soviétique de l’époque Nikita Khrouchtchev sur le sujet en lui faisant part des premiers travaux de la NASA sur un lanceur lourd qui deviendra la fusée Saturn : il obtient ainsi le feu vert pour réaliser une étude de la fusée N-1. Celle-ci n’a toutefois pas de mission définie. En avril 1962, les constructeurs astronautiques ainsi que les principaux décideurs soviétiques se réunissent à Pitsounda dans la villégiature du dirigeant de l’Union soviétique, Nikita Khrouchtchev pour définir la stratégie spatiale soviétique. Au grand dépit de Korolev, son principal rival Vladimir Tchelomeï, qui a su s’attirer l’appui de Khrouchtchev et, contrairement à Korolev, celui des militaires, obtient le feu vert pour son projet de lanceur lourd UR500 rebaptisé par la suite Proton. Celui-ci doit, entre autres, être utilisé pour le lancement d’un vaisseau spatial habité chargé d’une mission circumlunaire.

Fin 1962, Korolev travaille sur le successeur de sa capsule spatiale Vostok qui ne peut transporter qu’un seul cosmonaute et a des capacités de manœuvre limitées. Le nouvel engin doit pouvoir changer d’orbite, transporter plusieurs cosmonautes, effectuer des vols de longue durée, s’amarrer à un autre vaisseau et permettre des sorties extravéhiculaires ; il doit enfin pouvoir effectuer une rentrée atmosphérique après une mission lunaire c’est-à-dire à la deuxième vitesse cosmique (11 km/s) beaucoup plus élevée que la vitesse de rentrée d’un vaisseau ayant effectué une mission en orbite basse. Pour lancer le futur vaisseau, Korolev choisit de combiner les premiers étages renforcés de la fusée Vostok, utilisée pour mettre en orbite les premiers vaisseaux habités soviétiques, et le puissant troisième étage de la fusée Molnia utilisée pour lancer les sondes spatiales. Le lanceur résultant est capable de placer 6,5 tonnes en orbite basse. Pour contrer le projet de son rival Tchelomeï, il propose une mission circumlunaire utilisant le nouveau vaisseau spatial baptisé 7K, qui doit emporter un équipage de 2 personnes ; deux autres vaisseaux sont chargés, après avoir été lancés indépendamment, de s’amarrer au premier vaisseau en formant un ensemble spatial baptisé Soyouz (Union). Le deuxième vaisseau 9K (ou Soyouz B) est chargé d’accélérer le train spatial tandis que le 11 K emporte du carburant supplémentaire. Ce projet, bien que concurrent de celui de Tchelomeï, reçoit, de manière paradoxale, en mars 1963 l’aval du Conseil Spatial chargé de coordonner la politique spatiale soviétique.

Courant 1963, le bureau d’étude de Korolev avance sur la conception de Soyouz sans toutefois disposer de budget. Les principales caractéristiques du vaisseau 7K, tel qu’il sera développé par la suite, sont figées à cette époque. Le vaisseau comporte deux modules habitables dont un seul, le module de descente, revient sur Terre tandis que le module orbital est utilisé uniquement en orbite. Le 7K comporte un troisième module qui regroupe propulsion et panneaux solaires. Le premier exemplaire du nouveau lanceur, qui doit placer en orbite chacun des éléments du train spatial et qui est également baptisé Soyouz, est lancé avec succès le 16 novembre 1963. La fusée entame une longue carrière de lanceur qui se poursuit toujours en 2011 : il n’évoluera que faiblement au fil des décennies avec la version Soyouz-U (6,8 tonnes) en 1973 et la version Soyuz-FG qui peut placer 7,1 tonnes en orbite basse à compter de 2002. Fin 1963, Korolev reçoit la commande de deux versions militaires de son nouveau vaisseau 7K : un vaisseau de reconnaissance Soyouz-R et un intercepteur de satellites Soyouz-P. Il va en fait utiliser les moyens financiers fournis par cette commande pour développer la version civile. À la même époque, Korolev choisit un système de rendez-vous automatique pour son futur vaisseau à l’opposé de la solution retenue par la NASA qui s’en remet à ses astronautes pour les manœuvres de rendez-vous. Ce choix résulte en partie de la formation des ingénieurs des bureaux d’étude soviétiques qui viennent du monde des missiles et connaissent mal l’aéronautique ; mais cette option découle également de la volonté des autorités soviétiques, réticentes pour des raisons idéologiques à donner trop d’autonomie aux cosmonautes. Mais le rendez-vous automatique va contribuer à handicaper le projet en imposant une grande complexité technique dans un domaine, l’électronique, qui constitue un point faible de l’industrie et de la recherche soviétique.

Jusque-là l’astronautique soviétique n’avait pas de véritable projet d’atterrissage sur la Lune mais fin 1964 les dirigeants soviétiques, constatant les progrès de la NASA, décident de relever le défi du programme Apollo. Korolev a profondément remanié le scénario d’atterrissage sur la Lune qu’il avait communiqué précédemment aux responsables soviétiques et qui impliquait jusque là le lancement de 3 fusées géantes N-1. La solution proposée reprend la formule du rendez-vous en orbite lunaire retenue par la NASA : elle repose sur l’envoi par une unique fusée N-1 de deux vaisseaux formant le train spatial L3 dont l’un, le vaisseau orbital LOK (Lunniy Orbitalny Korabl), reste en orbite tandis que le second, le module lunaire LK (Lunniy Korabl), se pose sur la Lune. Le vaisseau LOK est en fait un Soyouz 7K avec un bouclier thermique et un système de propulsion renforcés ce qui porte son poids à 9,4 tonnes. Le scénario présenté est accepté par les dirigeants soviétiques et Korolev reçoit la commande en janvier 1965 de 16 ensembles L3/N-1. Les premiers vols doivent avoir lieu en 1966 avec un atterrissage fin 1968.

Malgré le lancement officiel du programme d’atterrissage sur la Lune, le projet de mission circumlunaire de Tchelomeï est maintenu car il s’agit d’une opération de prestige programmée pour mai ou octobre 1967 qui sont deux dates symboliques en Union soviétique car associées cette année-là au cinquantenaire de la Révolution d’Octobre. Ce programme doit permettre de marquer des points auprès de l’opinion internationale en attendant le véritable débarquement lunaire. Mais Tchelomeï, qui a perdu son principal soutien avec la chute de Khrouchtchev remplacé par Léonid Brejnev, est en difficulté car le vaisseau LK1 ne pourra manifestement pas être prêt pour l’échéance fixée. Le lanceur UR-500 a par contre brillamment réussi son premier essai et Korolev propose aux autorités d’associer le nouveau lanceur qui peut placer 20 tonnes en orbite basse avec un vaisseau développé par ses bureaux d’études. Celui-ci est en fait un vaisseau Soyouz 7K dépourvu de module orbital pour réduire sa masse et associé à un étage de fusée Bloc D qui doit le propulser sur une trajectoire lunaire. Le nouveau scénario est accepté par l’ensemble des décideurs en octobre 1965. Mais en fait Korolev a bluffé et le train spatial dit L1 constitué par le Bloc D et le vaisseau est trop lourd de 0,5 tonne. Pour contourner le problème, il remanie le scénario de la mission circumlunaire : l’équipage doit être lancé dans un vaisseau Soyouz 7K classique par une fusée Soyouz tandis que le train L1 est lancé de son côté sans équipage par une fusée UR 500/Proton. Un rendez-vous spatial est réalisé sans amarrage (il n’y a pas de pièce d’amarrage sur le L1) puis l’équipage passe dans le vaisseau du train L1 en effectuant une sortie extravéhiculaire. Korolev est désormais aux commandes de tous les programmes spatiaux habités mais le travail restant à effectuer, qui nécessite la mise au point de trois versions du vaisseau Soyouz, du lanceur N-1 et du module lunaire LK, rend la tenue des échéances peu réaliste.

Korolev avait de graves problèmes de santé depuis plusieurs années. Il souffrait notamment d’hémorragies intestinales à l’origine de douleurs insupportables. Ses problèmes étaient aggravés par la durée de ses journées de travail – il pouvait travailler 18 heures par jour pendant plusieurs semaines sans s’arrêter – et le stress intense lié à son rôle pivot dans l’ensemble des projets spatiaux soviétiques et à la désorganisation de l’industrie spatiale, source de nombreux conflits. Au cours de l’année 1965, sa santé se détériore nettement. Il se plaint de baisses de tension, de maux de têtes. Il perd son acuité auditive et des problèmes cardiaques se développent. Il s’épuise à tenter de régler les problèmes qui se multiplient dans un environnement de plus en plus hostile. Ses rapports professionnels sont de plus en plus conflictuels même avec ses collaborateurs les plus proches : fin 1965, il envisage très sérieusement de donner sa démission. À la suite d’examens effectués en décembre 1965, les médecins décident de l’opérer pour lui retirer un polype intestinal. Il s’agit d’une opération bénigne et Korolev a prévu après l’opération une petite fête chez lui, le 14 janvier pour ses 59 ans. Le 11 janvier, Korolev entre en salle d’opération. Boris Petrovski, ministre de la santé d’Union soviétique mais également chirurgien cardiaque, opère en personne. Mais l’opération ne se passe pas comme prévu. Korolev a eu la mâchoire brisée durant son séjour au goulag et les chirurgiens doivent procéder à une anesthésie générale malgré sa mauvaise condition cardiaque. Son cou très court ne permet pas de l’intuber et il faut effectuer une trachéotomie pour insérer le tube respiratoire. L’ablation du polype déclenche une hémorragie que l’équipe médicale n’arrive pas à arrêter. Les chirurgiens découvrent en l’opérant un cancer au niveau de l’anus et de la paroi pelvienne et doivent procéder à une ouverture de l’abdomen non planifiée pour retirer la tumeur qui est grosse comme le poing. Devant l’ampleur du problème, Alexandre Vichnevski, chirurgien spécialisé dans les cancers et ami de Korolev, est appelé en urgence mais il est trop tard. L’opération a duré plus de 4 heures et le cœur de Korolev lâche.

Korolev a été marié à Xenia Vincentini, qui leur donne une fille, puis ils ont divorcé, il a alors pu épouser Nina Ivanovna Kotenkova, interprète de profession.

De son vivant, Korolev a été nommé deux fois Héros du Travail socialiste (1956 et 1961). À titre posthume, il a reçu en 1971 le prix Lénine et trois ordres de Lénine. Il est élu à l’Académie des Sciences de l’URSS en 1958 bien qu’il n’ait pas les compétences scientifiques théoriquement exigées. En 1996, la ville de Kalinigrad dans la banlieue de Moscou, qui héberge depuis toujours RKK Energia, principal établissement de l’industrie spatiale mise en place par Korolev, est rebaptisée en son honneur Korolev. Son nom a été donné à une rue de Moscou (Ulitsa Akademika Korolyova) ainsi qu’à plusieurs formations planétaires et objets célestes : le cratère Korolev sur la face cachée de la Lune, le cratère Korolev sur Mars et l’astéroïde 1855 Korolev.

L’activité spatiale très proche de celles des missiles relève du secret absolu dans le régime autoritaire soviétique. Le rôle de Korolev, comme celui des autres responsables du programme spatial soviétique était tenu secret, tout comme l’organisation de l’industrie spatiale et l’emplacement des bases de lancement. Jusqu’à sa mort, le nom de Korolev n’apparaît dans aucun communiqué officiel. Le KGB présente à la presse occidentale Leonid Sedov, physicien membre de l’Académie des sciences de Russie, comme “le père du Spoutnik”.

Source : Wikipédia France

HARRISON SCHMITT

Samplé sur Tomorrow

Harrison Hagan “Jack” Schmitt, né le à Santa Rita au Nouveau-Mexique, est un géologue, astronaute et ancien sénateur américain. Il a été le douzième et dernier homme et le seul civil à mettre le pied sur la Lune, lors de la mission Apollo 17.

Schmitt a grandi près de Silver City. Diplômé du California Institute of Technology en 1957, il a étudié un an la géologie à l’université d’Oslo en Norvège. Il obtient un doctorat de géologie à l’université Harvard en 1964. Avant de rejoindre la NASA, il travaille au U.S. Geological Survey’s Astrogeology Center à Flagstaff (Arizona), développant des techniques de géologie qui allèrent être utilisées sur les missions Apollo.

Pour le recrutement des astronautes, la NASA n’avait sélectionné depuis le début de l’ère spatiale que d’anciens pilotes militaires. Sous la pression de la communauté scientifique, la NASA commence à former, à compter de 1965, des scientifiques pour les missions lunaires du programme Apollo. Le premier d’entre eux est Harrison Schmitt. Celui-ci, après sa sélection, se forme au pilotage des avions à réaction durant un an. Il joue par ailleurs un rôle-clé dans la formation de ses camarades astronautes au domaine de la géologie et participe à la mise au point des méthodes d’investigation et de navigation sur le sol lunaire. Schmitt s’associe également aux activités d’analyse des roches ramenées de la Lune par les missions Apollo.

Lors de la mission Apollo 15, il a été l’un des membres de l’équipage de réserve. L’équipage de la mission Apollo 17 devait comprendre initialement Eugene Cernan, Ronald Evans, et Joe Engle. Il s’agissait de l’équipage de rechange de la mission Apollo 14 qui devait, selon la tradition, devenir l’équipage principal trois missions plus tard. Mais l’annulation des missions postérieures à Apollo 17 pour des raisons budgétaires a bouleversé cette règle. Pour la communauté scientifique, il n’était pas admissible qu’autant d’argent ait été dépensé pour explorer la Lune sans qu’un seul spécialiste du domaine ne participe à une mission ; un pilote formé à la géologie ne pouvait en aucun cas se substituer à un géologue professionnel. La NASA a décidé donc de remplacer Joe Engle par Harrison Schmitt qui avait par ailleurs démontré au cours des entraînements qu’il pouvait parfaitement exercer les fonctions de copilote du module lunaire.

En 1970, il est le premier scientifique à être affecté à une mission spatiale américaine et sera le seul à voler dans le cadre du programme Apollo. Pour la mission Apollo 17, il est copilote du module lunaire.

Schmitt a passé 301 heures et 51 minutes dans l’espace, dont 22 heures et 4 minutes en activité extravéhiculaire sur la surface de la Lune. Schmitt a démontré qu’il n’était pas nécessaire d’être un pilote d’avion professionnel pour devenir un bon astronaute.

Il a démissionné de la NASA en août 1975 pour se présenter aux élections sénatoriales du Nouveau-Mexique (États-Unis) sous l’étiquette républicaine, battant le sortant Joseph Montoya avec 57 % des voix. Avec la récession des années quatre-vingt, il a été battu six ans plus tard, en 1982, par Jeff Bingaman, qui a fait campagne avec le slogan : “Qu’a-t-il fait pour vous sur Terre ?”.

Source : Wikipédia France

GENE CERNAN

Samplé sur Tomorrow

Eugene Andrew Cernan dit Gene Cernan (né le à Chicago, Illinois) est un astronaute américain. Il est à ce jour le dernier humain à avoir marché sur la Lune.

Petit-fils d’émigrants tchèque et slovaque, établis dans la région de Chicago avant la Première Guerre mondiale, il naît dans cette ville et grandit dans sa banlieue, à Maywood (Illinois).

Attiré très jeune par les avions et le pilotage, il tente de suivre une formation de pilote, et vise un programme de formation d’officiers de réserve (ROTC) en quatre ans pour la Navy, à l’université Purdue. En juin 1952, finissant 14ème sur 762 à la Proviso East High School de Maywood, il est accepté dans cette formation.

Il est diplômé Bachelor en ingénierie électrique à Purdue le 6 juin 1956, avec une moyenne de 5.1 sur 6 (17/20), et commence son service militaire dans la Navy de trois ans en tant qu’aspirant sur l’USS Saipan (CVL-48). Durant les 18 semaines de service sur ce navire, il est encouragé à s’engager dans la Navy, ce qu’il accepte. Début 1957, il commence à apprendre le pilotage sur des T-34 Mentor. Il poursuit sa formation de pilote pendant six mois à la Naval Air Station Whiting Field sur des T-28 Trojan.

Au moment où il s’apprête à retourner sur l’USS Saipan en tant que pilote, les règles du jeu du service militaire changent car les autorités veulent maintenant un engagement de cinq ans au lieu de deux ans pour une formation de pilote, ce qui provoque un flux de démissions. Cernan, qui ne rêve que de piloter des jets, accepte volontiers cette prolongation et obtient ainsi la possibilité de suivre une formation de pilote de jet à la Naval Air Station Memphis et pilote bientôt des T-33 Shooting Star. Il obtient sa qualification de pilote le 22 novembre 1957.

Affecté début 1958 à la Naval Air Station Pensacola, il poursuit sa formation sur des F9F Panther où ses résultats brillants lui donnent la possibilité de choisir sa future affectation : pilote d’attaque au sol à la Marine Corps Air Station Miramar, qui deviendra connue sous la dénomination de Top Gun. En mars 1959, il participe à une grande manœuvre dans le Pacifique ouest à bord de l’USS Shangri-La (CV-38), pilotant des Douglas A-4 Skyhawk.

C’est à bord de ce porte-avion qu’il remarque la présentation au monde, en avril 1959, du premier groupe d’astronautes recruté par la NASA, les fameux Mercury Seven, et devient immédiatement fasciné par leur mission et par l’idée de partir dans l’espace. “Un nouveau rêve s’était formé dans mon crâne rasé”. Mais il dispose alors de trop peu d’expérience en tant que pilote pour postuler. Il poursuit les manœuvres sur l’USS Hancock (CV-19) jusqu’en mars 1961.

En mai, il se marie avec une hôtesse de l’air, Barbara Atchley, qui deviendra une des femmes d’astronautes les plus connues et prisée des médias lors des programmes Gemini et Apollo. Ils auront une fille, Teresa Dawn “Tracy” en mars 1963.

À l’été 1961, la Navy propose à Cernan d’obtenir une maîtrise (“master’s degree”) en sciences aéronautiques, à la Naval Postgraduate School à Monterey (Californie), avec un engagement de 3 ans par année d’étude, c’est-à-dire six ans supplémentaires, ce qu’il accepte. Cernan suit alors avec passion les exploits de Alan Shepard ou Gus Grissom dans le programme Mercury. En septembre 1962, il apprend qu’un second groupe d’astronautes – les New Nine – est sélectionné et se pose sérieusement la question de savoir s’il peut postuler. Mais il se rend à l’évidence : bien que possédant l’âge et la formation requise, il est loin d’être un pilote d’essai vétéran comme la plupart des nouveaux astronautes. Mais il tente de se rapprocher de l’univers de l’espace en spécialisant sa maîtrise sur les systèmes avancés de propulsion de fusée par propergol liquide.

Au printemps 1963, la Course à l’espace bat son plein. Aux États-Unis comme en URSS, les premiers programmes Mercury et Vostok s’achèvent. Avant de se lancer dans le programme Apollo, les Américains se mobilisent pour un programme intermédiaire, le programme Gemini dont l’objectif est de mettre au point les techniques qui seront nécessaires au débarquement sur la Lune. La NASA recrute de nouveaux pilotes.

C’est en juin 1963 qu’il reçoit un coup de téléphone en provenance de la NASA. Il apprend qu’il a été sélectionné – avec 400 autres civils et militaires – comme candidat potentiel pour le programme Apollo en train de se mettre en œuvre. Cernan accepte la proposition avec enthousiasme. Pendant la longue série de tests, d’interviews et d’examens médicaux de la NASA, il termine avec application sa thèse sur l’utilisation de l’hydrogène pour des moteurs fusée à haute énergie, toujours assez sceptique sur le fait d’être sélectionné.

Pourtant, début octobre 1963, il reçoit un coup de téléphone de Deke Slayton, le chef des astronautes de la NASA : il lui apprend qu’il est officiellement sélectionné dans le groupe d’astronautes 3, avec Dick Gordon son collègue et ami à Monterey. Sans vraiment l’avoir recherché, ni y avoir cru, mais en ayant donné son maximum lors des tests et examens, Cernan atteint son rêve de devenir astronaute. Il déménage avec sa famille à Houston (Texas) début 1964 et commence sa carrière d’astronaute.

Cernan subit la formation habituelle des astronautes : cours théoriques, entraînement à la survie, apprentissage de la géologie, simulateur, etc. En tant qu’élève astronaute, il est aussi chargé de tâches au centre de contrôle de mission du programme Gemini. Étant donné la nature de sa thèse de maîtrise, il est affecté au contrôle des systèmes de propulsion et de la pression dans les réservoirs.

En tant que “Tanks” (surnom donné à ce poste) il peut provoquer l’annulation de la mission si des dysfonctionnements interviennent pendant le lancement. Il supervise ainsi à ce poste les lancements Gemini. Il aide aussi à transformer la fusée Agena en cible de rendez-vous spatial, qui sera utilisée en tant que telle dans les missions Gemini.

Cernan se demande s’il aura une place en tant qu’astronaute dans le programme Gemini. Il tient en haute estime David Scott, Dick Gordon, Charlie Bassett et Mike Collins du groupe 3 et pense qu’ils partiront avant lui, sans compter ceux du groupe 2 qui ne sont pas encore partis. Il estime ses chances assez faibles.

Mi-1965, Slayton commence à affecter des membres du groupe 3 comme équipage de réserve de Gemini 7 et comme équipage principal pour Gemini 8 et Gemini 9. Mais Cernan n’est toujours pas mentionné.

Le 8 novembre 1965, Slayton annonce à Cernan qu’il est officiellement nommé comme pilote dans l’équipage de secours de Gemini 9 avec Tom Stafford comme commandant, ce qui lui fait entrevoir un véritable vol sur Gemini 12, dernière mission planifiée du programme Gemini.

Mais pour le moment, il doit se préparer à la mission Gemini 9 comme s’il allait réellement y participer (ce qui est possible s’il arrive quelque chose à l’équipage principal, et il va s’avérer que tel sera le cas). Gemini 9 est une mission très ambitieuse, impliquant un rendez-vous avec une cible spatiale Agena, que Cernan a contribué à développer, d’autres procédures de rendez-vous complexes et surtout une sortie extra-véhiculaire longue impliquant l’utilisation d’un dispositif expérimental de propulsion AMU, qui est effectuée par le pilote de la mission, donc potentiellement Cernan. Il passe beaucoup de temps à Saint-Louis (Missouri) chez McDonnell Douglas à suivre la construction de la capsule de Gemini 9, jusqu’à “en connaître chaque vis et boulon”, et à suivre des séances d’entraînement en simulateur.

Fin février 1966, Cernan se rend donc à Saint-Louis avec son coéquiper Thomas Stafford aux commandes d’un T-38, tandis que l’équipage principal de Gemini 9, Charlie Bassett et Elliott See font de même à bord d’un autre T-38. Les deux avions volent de concert dans des conditions météorologiques exécrables. Une tempête de neige accueille les jets à l’arrivée : le jet de Cernan arrive à atterrir de justesse, mais le jet piloté par See s’écrase sur le bâtiment où est assemblé la capsule Gemini, non loin de l’aéroport. La capsule est sauve, mais les deux astronautes de l’équipage principal de Gemini 9 trouvent la mort dans cet accident. L’équipage de réserve de Gemini 9 devient donc l’équipage principal : Cernan partira donc dans l’espace mi-mai 1966 sur Gemini 9. Un nouvel équipage de réserve est nommé : Jim Lovell et Buzz Aldrin. Selon Cernan dans ses mémoires, sans cet accident, Buzz Aldrin n’aurait pas trouvé si tôt une place dans un équipage et ne serait sans doute pas devenu le deuxième homme à marcher sur la Lune.

C’est donc à Cernan que revient la charge d’effectuer la troisième sortie dans l’espace de l’histoire, un an après celles du soviétique Leonov (Voskhod 2, mars 1965) et de l’Américain Ed White (Gemini 4, juin 1965). Le vol est semé d’embûches. Tout d’abord, le 17 mai 1966, la fusée Agena qui devait servir de cible explose en vol. Puis, le 1er juin, a lieu un nouveau report de vol, quelques secondes avant le décollage. Le 3 juin, peu après avoir été mis sur orbite, nouvelle déconvenue de l’équipage : la coiffe de la nouvelle cible (ATDA) ne s’est pas déployée correctement, ce qui rend impossible toute jonction. La sortie extravéhiculaire est également perturbée. Cernan est relié à Gemini par un cordon ombilical de 7,5 mètres, apportant l’oxygène, l’électricité et les communications. Mais il a le plus grand mal à s’en dépêtrer et est très vite exténué. Après une pause, il se rend à l’arrière du vaisseau pour tester l’AMU. Mais il est gêné par la rigidité de sa combinaison, le manque de points d’appui pour se stabiliser et le manque de lumière, du fait qu’il est passé dans l’ombre de la Terre. Mettant cinq fois plus de temps que prévu pour endosser l’AMU, il est exténué lorsqu’il y parvient. Le test est annulé. L’intérieur de son casque étant couvert de buée, c’est dans l’urgence et à bout de souffle que Cernan réintègre la cabine.

Après Gemini 9, Cernan est membre d’équipage de réserve à deux reprises. Tout d’abord en novembre 1966 sur Gemini 12 puis – après l’accident mortel d’Apollo 1, en janvier 1967, et la restructuration complète du programme Apollo – en octobre 1968 sur Apollo 7.

C’est au retour d’Apollo 7 que son équipage de réserve de ce vol est nommé équipage principal d’Apollo 10. Une fois de plus, Cernan se retrouve sous le commandement de Thomas Stafford, John Young est pilote du module de commande tandis que lui-même est pilote du module lunaire. Tous trois ont pour mission d’effectuer l’ultime répétition du tout premier débarquement sur la Lune. La tâche échoit à Stafford et Cernan de se rapprocher à 15 km du sol lunaire puis de rejoindre Young en orbite haute avant de regagner la Terre. Le vol se déroule du 18 au .

Après avoir été commandant de réserve du vol Apollo 14, en février 1971 (doublure d’Alan Shepard), Cernan est nommé commandant de la toute dernière mission sur la Lune : Apollo 17. Ses coéquipiers sont Ronald Evans, un ami de longue date, et le géologue Harrison “Jack” Schmitt, avec qui il séjourne plus de trois jours dans la vallée Taurus-Littrow (en bordure de la Mer de la Sérénité), y parcourant, en trois sorties, 37,7 km. Le vol s’achève le .

Totalisant 23 jours 1 heure et 15 minutes de vol dans l’espace, Cernan, reste à ce jour le dernier homme à avoir foulé le sol de la Lune et celui à y avoir marché le plus longtemps.

De 1973 à 1975, Cernan participe à la préparation du tout premier et unique vol américano soviétique (vol Apollo Suyuz Test Project), qui se déroule en juillet 1975, le vaisseau Apollo étant commandé par son ami Stafford. Il quitte la NASA l’année suivante, le 1er.

Divorcé en 1981, il se remarie avec Jan Nanna en 1987, de qui il a deux filles.

Apparaissant assez régulièrement dans les commémorations des vols Apollo, il est l’un des astronautes les plus connus et les plus respectés dans son pays. Le 15 avril 2010, en compagnie de Neil Armstrong et James Lovell, Cernan conteste avec vigueur la décision de Barack Obama d’abandonner le programme lunaire Constellation (pour des raisons budgétaires) qui avait été initié par l’administration Bush et qui devait marquer le retour des Américains sur la Lune. Le 13 septembre 2012, après la mort d’Armstrong, il prononcera un discours officiel en sa mémoire à la cathédrale nationale de Washington.

Source : Wikipédia France

NEIL ARMSTRONG

Samplé sur Go!

Neil Alden Armstrong, né le à Wapakoneta dans l’Ohio aux États-Unis et mort le à Cincinnati dans le même État, est un astronaute américain, pilote d’essai, aviateur de l’United States Navy et professeur. Il est le premier homme à avoir posé le pied sur la Lune le à 2 h 56 UTC, durant la mission Apollo 11, prononçant alors une phrase restée célèbre : “That’s one small step for [a] man, one giant leap for mankind” (en français : “C’est un petit pas pour un homme, un pas de géant pour l’humanité”).

Armstrong obtient une licence en aéronautique à l’Université Purdue. Ses études sont momentanément interrompues en 1950 par son service militaire dans la marine de guerre des États-Unis. Il y suit une formation de pilote d’avion à réaction. Basé sur le porte-avions USS Essex, il participe à la guerre de Corée et réalise 78 missions sur des chasseurs F9F Panther. Après avoir obtenu son diplôme, il intègre, en 1955, le NACA, organisme de recherche aéronautique ancêtre de la NASA. Devenu pilote d’essai, il effectue plus de 900 vols pour mettre au point des bombardiers et des chasseurs ; il pilote également les avions-fusées expérimentaux Bell X-1B, Bell X-5 et North American X-15 (7 vols). En 1962, il rentre dans le corps des astronautes de l’agence spatiale américaine, la NASA.

En 1966, Armstrong effectue son premier vol spatial à bord de Gemini 8 et réalise le premier amarrage de deux engins spatiaux. Il est sélectionné comme commandant d’Apollo 11, la première mission à se poser sur la Lune. Le , il pilote le module lunaire Apollo qui alunit. Avec son copilote Buzz Aldrin, Armstrong réalise une sortie extravéhiculaire d’une durée de deux heures vingt qui constitue les premiers pas de l’homme sur un autre corps que la Terre. Immédiatement après sa mission, Armstrong quitte le corps des astronautes. Il occupe un temps un poste d’enseignant dans le domaine aérospatial et sert de porte-parole pour le compte de plusieurs sociétés américaines. Il est membre des commissions d’enquête formées après l’interruption de la mission Apollo 13 (1970) et l’accident de la navette spatiale Challenger (1986).


Biographie

Jeunesse et études

Neil Armstrong naît le à Wapakoneta dans l’Ohio dans une région rurale du Middle West. Il est le fils de Stephen Koenig Armstrong (né aux États-Unis en 1898 – mort en 1990) et Viola Louise Engel (née en Irlande en 1907, morte en 1990). Sa famille a des origines écossaises par son père (clan Armstrong de Langholm dont il a emporté une pièce du tartan traditionnel lors de la mission Apollo 11), irlandaise et allemande (grands-parents maternels issus de Ladbergen) par sa mère. Son père est commissaire aux comptes pour l’État de l’Ohio, sa mère femme au foyer, la famille déménageant fréquemment pour suivre les différentes affectations de Stephen Armstrong dans la région. Au cours de ses quinze premières années, Neil va ainsi habiter dans vingt localités différentes. Armstrong est l’aîné d’une fratrie de trois qui comprend sa sœur June et son frère Dean. La famille déménage une dernière fois en 1944 à Wapakoneta où elle s’installe définitivement. Armstrong pratique le scoutisme : il entre chez les Boy Scouts of America où il parvient au rang le plus élevé d’Eagle Scout. À Wapakoneta, il étudie à la Blume High School.

Dès son plus jeune âge, Neil s’intéresse à l’aviation. À 2 ans, son père l’emmène aux courses aériennes de Cleveland et à 6 ans, il fait son baptême de l’air dans un Ford Trimotor à Warren le 26 juillet 1936. Il pratique le modélisme à partir de l’âge de 8 ans et réalise différents petits jobs pour se payer des cours de pilotage sur l’Aeronca 7 Champion à l’aéroport de Wapakoneta en 1945 : il obtient son brevet de pilote le jour de son seizième anniversaire, avant même son permis de conduire. C’est également à cet âge qu’il fait ses premières observations astronomiques grâce au télescope de Jacob Zint, voisin astronome amateur. En 1947, Armstrong commence à étudier l’aéronautique à l’université Purdue. Il est seulement la deuxième personne de sa famille qui entre à l’université. Il est accepté au Massachusetts Institute of Technology (MIT), mais le seul ingénieur qu’il connaisse et qui y ait étudié, le dissuade d’y aller, lui disant qu’il n’est pas nécessaire d’étudier à Cambridge (Massachusetts) pour recevoir une éducation de qualité. Les revenus de la famille de Neil sont modestes et les frais de scolarité pour l’université sont financés par le Plan Holloway. Celui-ci prend en charge le règlement de six années d’études en échange d’un temps de service de trois ans dans la Marine de guerre américaine. À Purdue, il obtient des notes qui le placent onzième parmi ses 78 camarades de classe.


Service dans la marine

Neil Armstrong est appelé pour effectuer son service militaire dans la marine le . Il suit une formation de pilote au Naval Air Station Pensacola durant dix-huit mois et obtient en août 1950 son diplôme de pilote d’avion à réaction embarqué sur porte-avions alors qu’il a tout juste 20 ans. Il est alors affecté à la base de Naval Air Station North Island (son appellation actuelle) située à San Diego au sud de la Californie. Peu après, il est intégré dans l’escadrille 51 composée de chasseurs embarqués Grumman F9F-2B Panther. Il réalise son premier vol sur ce type d’appareil le et, six mois plus tard, réalise son premier appontage sur l’USS Essex. Cet événement lui permet d’être promu enseigne de vaisseau. Peu après l’Essex, avec à son bord l’escadrille de Armstrong, met le cap sur la Corée pour soutenir les forces de l’ONU engagées dans la guerre de Corée. Le squadron d’Armstrong a pour mission d’effectuer des attaques au sol.

Armstrong réalise son premier vol au-dessus de la zone de conflit le  : il escorte un avion de reconnaissance photo sur Sŏngjin (Kimch’aek). Cinq jours plus tard, son avion est abattu au cours d’une mission d’attaque au sol. Neil devait bombarder une zone de stockage de marchandises et un pont situés au sud du village de Majon-ni, à l’ouest de Wonsan. Durant son passage à basse altitude à une vitesse d’environ 560 km/h son F9F Panther est touché par des projectiles de l’artillerie antiaérienne. Alors qu’il tente de reprendre le contrôle de son avion, il perd environ un mètre de l’extrémité de son aile droite cisaillée par un câble qui a été tendu à une hauteur d’environ 6 mètres au-dessus de la vallée. Armstrong parvient néanmoins à ramener son avion en territoire “ami”. Il ne peut atterrir sans risque car il a perdu un de ses ailerons. Il choisit de s’éjecter au-dessus d’un plan d’eau situé près de Pohang et d’attendre ensuite les hélicoptères de secours. Poussé par le vent après s’être éjecté, il se pose sur la terre ferme et est recueilli par une jeep conduite par un de ses camarades de chambrée de l’école de pilotage. L’épave du F9F-2 n°125122 n’a pas été retrouvée.

Au cours de la guerre de Corée, Armstrong réalise 78 missions et totalise 121 heures en vol, la plupart effectuées en janvier 1952. Il reçoit l’Air Medal pour ses 20 premières missions de combat, la Gold Star pour les 20 suivantes, et la Korean Service Medal, ainsi que l’Engagement Star. Armstrong quitte la Marine le  et est versé dans la réserve de la Marine de guerre américaine avec le grade de Lieutenant, Junior Grade (enseigne de vaisseau de première classe).

Armstrong retourne à l’université Purdue pour poursuivre ses études. Il effectue ses meilleurs semestres durant cette deuxième partie de sa scolarité et sa dernière moyenne est de 4,8 sur 6,0. Il achève ses études en 1955 en obtenant une licence en sciences dans le domaine de l’aérospatiale.


Pilote d’essai

Après avoir obtenu son diplôme de Purdue, Armstrong décide de devenir pilote d’essai. Il postule auprès de la NACA, organisme de recherche aéronautique ancêtre de la NASA, qui effectue à la fois des recherches théoriques et pratiques. Sa candidature est retenue et il y entre en mars 1955. La NACA n’ayant pas besoin de pilotes au moment de son embauche, il travaille brièvement au Lewis Flight Propulsion Laboratory du Glenn Research Center à Cleveland, Ohio, avant d’intégrer le centre de recherche aéronautique de la NACA sur la base d’Edwards, le site des essais en vol en juillet 1955.

Pour sa première journée à la base d’Edwards, Armstrong pilote un avion suiveur. Il vole par la suite sur des bombardiers reconvertis et, au cours d’une de ces missions, connaît son premier incident en vol à Edwards. Le , Armstrong est pilote dans le siège droit d’un Boeing B-29 Superfortress qui doit larguer un avion-fusée Douglas Skyrocket D-558-2. Au poste qu’il occupe, Armstrong a la responsabilité de la libération de la charge utile (l’avion-fusée), tandis que le pilote de gauche, Stan Butchart, commande le vol du B-29 quadrimoteur. En montant à 30 000 pieds (9 km), le moteur numéro quatre commence à ralentir puis, au contraire, s’emballe. Le moteur ne peut être arrêté et il menace de se désintégrer. L’avion a besoin de maintenir une vitesse de 338 km/h pour pouvoir libérer la Skyrocket, et il ne peut atterrir avec l’engin non largué. Armstrong et Butchart font piquer leur avion, pour accélérer et pouvoir libérer la Skyrocket juste avant que le moteur ne se désintègre. Des morceaux de celui-ci endommagent deux autres moteurs. Butchart et Armstrong sont contraints d’arrêter le moteur numéro trois en raison des dommages, et le moteur numéro un en raison du couple créé (les deux moteurs qui fonctionnent se trouvent du même côté). Ils réalisent une lente descente en spirale de 9 000 m en utilisant uniquement le moteur numéro deux, et parviennent à se poser sans dommage.

Armstrong réalise son premier vol dans un avion fusée, le , avec le Bell X-1B, à une altitude de 18,3 km. Le train d’atterrissage se brise à l’atterrissage, ce qui était déjà arrivé sur une dizaine de vols précédents, en raison de la conception de l’avion. Il effectue son premier vol sur le North American X-15 le , monte à cette occasion à une altitude de 14,9 km et atteint une vitesse maximale de Mach 1,75 (1 810 km/h).

En novembre 1960, Armstrong est choisi dans le cadre du projet X-20 Dyna-Soar, un corps portant militaire préfigurant la navette spatiale américaine et y participe jusqu’au bout, pendant près de 18 mois. Le , il est nommé un des six pilotes-ingénieurs, mais le projet est arrêté peu après.

Armstrong a été impliqué dans plusieurs incidents qui ont marqué le folklore de la base d’Edwards ou qui ont été cités par ses collègues. Le premier de ces incidents est un vol sur North American X-15, le , au cours duquel Armstrong devait tester un système de contrôle pouvant s’ajuster automatiquement. Il monte jusqu’à une altitude de 63 km mais, durant la descente, maintient le nez de son appareil trop longtemps levé, si bien que son appareil “rebondit” jusqu’à une altitude de 43 km. À cette altitude, l’atmosphère est si ténue que les surfaces aérodynamiques n’ont pas d’effet. Durant la phase de descente, l’avion-fusée se comporte comme un planeur car il ne dispose d’aucune propulsion. À la suite de cette mauvaise manœuvre, il passe au-dessus de sa piste d’atterrissage à Mach 3 (3 200 km/h) et à plus de 30,5 km d’altitude. Selon la légende, il parvient à faire virer son appareil alors qu’il est éloigné de 72 km de la base Edwards, au niveau du Rose Bowl Stadium. Il parvient à ramener son avion près de la zone d’atterrissage, mais arrive tout juste à atterrir en posant ses roues à l’extrémité de la piste. Cela a été le plus long vol de X-15 en durée et en éloignement depuis la piste.

Un deuxième incident se produit au cours d’un vol qu’Armstrong réalise avec Chuck Yeager, quatre jours après son aventure avec le X-15. Les deux pilotes sont à bord d’un Lockheed T-33 Shooting Star et doivent tester si le Smith Ranch Dry Lake peut servir de piste d’atterrissage d’urgence pour le X-15. Dans son autobiographie, Yeager écrit qu’il savait et avait averti son coéquipier que le lac n’était pas utilisable pour les atterrissages, après les pluies qui venaient de se produire, mais qu’Armstrong avait insisté pour effectuer ce test. Alors que l’avion effectue un atterrissage de type “Touch-and-go”, les roues restent bloquées et ils ne parviennent pas à redécoller. Les deux hommes sont obligés d’attendre les secours. Armstrong raconte une version différente des événements : selon celle-ci, Yeager n’a jamais essayé de le prévenir et l’avion a effectué un premier atterrissage réussi sur le côté est de la zone. Yeager lui aurait alors demandé d’effectuer une deuxième tentative à une vitesse moins élevée. C’est au cours de ce deuxième essai que l’avion aurait été immobilisé, déclenchant, selon Armstrong, l’hilarité de Yeager.

Beaucoup de pilotes d’essai à Edwards ont loué les talents d’ingénieur d’Armstrong. Milt Thompson a déclaré qu’il était “le plus technicien des premiers pilotes de X-15” et Bruce Peterson a dit d’Armstrong qu’il avait “un esprit qui absorbait des choses comme une éponge”. Ceux qui venaient de l’Armée de l’Air américaine avaient tendance à avoir une opinion différente, en particulier des pilotes comme Chuck Yeager et Pete Knight, qui n’avaient pas de diplôme d’ingénieur. Knight a dit que les pilotes-ingénieurs volaient d’une manière qui était “plus mécanique” et expliquait que c’était pour cette raison que certains pilotes-ingénieurs rencontraient des problèmes en vol : leurs compétences de pilote n’étaient pas innées.

Le , Armstrong est impliqué dans “l’affaire Nellis”. Il est envoyé dans un Lockheed F-104 Starfighter pour inspecter le Delamar Dry Lake, là encore pour vérifier si celui-ci permet les atterrissages d’urgence. Il a mal évalué son altitude et ne s’est pas rendu compte que son train d’atterrissage n’était pas complètement déployé. En touchant le sol, le train d’atterrissage commence à se rétracter. Armstrong met plein gaz pour reprendre de l’altitude, mais la partie ventrale de l’avion et les portes du train d’atterrissage heurtent le sol ce qui déclenche une fuite de liquide hydraulique et endommage également la radio. Armstrong se dirige alors vers la Nellis Air Force Base et, en l’absence de communication radio, survole la tour de contrôle en “battant des ailes” pour signaler qu’il va effectuer une tentative d’atterrissage sans disposer de radio. La perte de fluide hydraulique entraîne la libération du crochet d’appontage (utilisé sur les porte-avions), et celui-ci se prend dans un câble qui entraîne une chaîne d’ancre. Il faut près de trente minutes pour dégager la piste et réparer le câble. Pendant ce temps, Armstrong téléphone à Edwards et demande que quelqu’un vienne le chercher. Milt Thompson est envoyé à bord d’un F-104B, le seul avion biplace disponible, mais que Thompson n’avait jamais piloté. Thompson parvient non sans difficultés à Nellis, mais l’avion effectue un atterrissage dur car il souffle, à ce moment-là, un vent de travers violent, et un des pneus du chasseur éclate. La piste est de nouveau fermée afin d’être dégagée. Bill Dana est envoyé à son tour à Nellis, cette fois-ci dans un Lockheed T-33 Shooting Star, mais il atterrit presque trop long. Le commandement de la base de Nellis décide que le mieux est de trouver un véhicule terrestre pour rapatrier les trois pilotes, afin d’éviter un nouveau problème.

Armstrong a effectué sept vols sur North American X-15, au cours desquels il a atteint une altitude de 63 km (207 500 pieds) et une vitesse de 6 615 km/h (Mach 5,74) à bord du X-15-1. Lorsqu’il abandonne sa fonction de pilote d’essais, il a réalisé plus de 2 450 heures de vol sur plus de 200 appareils différents (dont des avions à réaction, des hélicoptères et des planeurs).


Astronaute à la NASA et premiers entraînements

La vocation d’astronaute d’Armstrong ne résulte pas d’une décision instantanée. En mai 1958, il est sélectionné pour faire partie du programme Man In Space Soonest de l’Armée de l’Air américaine. En mai 1960, il devient un des pilotes consultants pour le projet Dyna Soar et, en mars 1962, il est désigné comme un des six pilotes ingénieurs susceptibles de piloter l’avion dans l’espace si ce projet se concrétise. Au cours des mois qui suivent l’annonce du recrutement du Groupe d’astronautes 2 par la NASA, il est de plus en plus enthousiasmé par le programme Apollo et par la perspective de découvrir un nouvel environnement aéronautique. Mais la candidature d’Armstrong arrive environ une semaine après la date limite fixée au 1er. Dick Day, avec qui Armstrong avait collaboré étroitement à la base d’Edwards et qui travaillait à ce moment-là au Manned Spacecraft Center, voyant l’arrivée tardive de son dossier, le glisse dans la pile des candidatures à étudier sans que personne ne le remarque. Armstrong passe en juin à la Brooks City-Base, l’examen médical que la plupart des candidats décrivait comme douloureux et parfois inutile.

Le Deke Slayton a appelé Armstrong et lui a demandé s’il voulait faire partie du Groupe d’astronautes 2 baptisé par la presse américaine “The New Nine” (les neuf nouveaux). Armstrong a accepté sans hésitation. Les résultats des sélections ont été gardés secrets durant trois jours, mais les journaux avaient annoncé, depuis le milieu de l’été, qu’un des candidats retenus serait le “premier astronaute civil”. Armstrong est le premier astronaute américain qui ne soit pas militaire d’active au moment de sa sélection.


Programme Gemini

Gemini 8

Les astronautes de la mission Gemini 8 sont désignés le  : Armstrong est le commandant et David Scott le pilote. Ce dernier est le premier membre du groupe d’astronautes 3 à recevoir une place dans l’équipage titulaire d’une mission spatiale. La mission est lancée . Celle-ci est la plus complexe réalisée jusque là, avec un rendez-vous et un amarrage du vaisseau Gemini avec l’étage de fusée Agena et une activité extravéhiculaire (EVA) qui constitue la deuxième sortie américaine et la troisième en tout, réalisée par Scott. La mission doit durer 75 heures et le vaisseau doit effectuer 55 orbites. Après le lancement de l’étage-cible Agena à 15h00 UTC, la fusée Titan II GLV transportant Armstrong et Scott décolle à 16h41 UTC. Une fois en orbite, la poursuite de l’étage Agena par le vaisseau Gemini 8 s’engage.

Le premier rendez-vous et l’amarrage entre les deux engins qui constitue une première sont réalisés avec succès, après 6 heures et trente minutes passées en orbite. Le contact du centre de contrôle avec l’équipage est intermittent car les stations terrestres ne permettent qu’une couverture partielle de l’orbite. Pendant une de ces périodes sans liaison radio avec le sol, l’engin spatial commence à tourner sur lui-même. Armstrong essaie de corriger, sans y parvenir, ce problème d’orientation avec les moteurs fusées dédiés au contrôle d’attitude faisant partie de l’Orbital Attitude Maneuvering System (OAMS). Comme suggéré auparavant par le centre de contrôle, les astronautes choisissent de désamarrer leur vaisseau de l’étage Agena mais ne constatent aucune amélioration : la vitesse de rotation s’est encore accrue atteignant un tour par seconde. L’équipage comprend alors que l’origine du problème provient du système de contrôle d’attitude du vaisseau Gemini. Armstrong décide de désactiver le système de contrôle d’attitude OAMS et d’initialiser les rétrofusées RCS. Les procédures imposaient qu’une fois le système RCS activé, l’engin devait entamer sa rentrée sur Terre dès que possible. Il a été démontré par la suite qu’une connexion électrique endommagée avait bloqué en position allumée un des moteurs-fusées utilisé pour le contrôle d’attitude.

Quelques personnes, dont Walter Cunningham, ont déclaré publiquement par la suite que Scott et Armstrong n’avaient pas suivi les procédures en vigueur pour un tel incident et qu’Armstrong aurait pu sauver la mission s’il avait activé une seule des deux grappes de rétrofusées RCS (il y a avait une deuxième grappe en cas de défaillance de la première). Ces critiques sont sans fondement car aucune procédure n’a été écrite pour une telle défaillance, et il est seulement possible d’activer les deux grappes de rétrofusées RCS simultanément et pas l’une ou l’autre. Gene Kranz a écrit : “L’équipage a réagi conformément à sa formation, et ils ont mal réagi parce que nous les avions mal formés”. Les planificateurs et les contrôleurs de la mission n’avaient pas réalisé que lorsque deux engins spatiaux sont amarrés ensemble, ils doivent être considérés comme un seul et même véhicule spatial.

Armstrong a été déprimé et irrité que le vol ait été écourté : la plupart des objectifs de la mission n’avaient pas été remplis et Scott n’avait pu effectuer sa sortie extravéhiculaire. Armstrong n’a pas été mis au courant des critiques des autres astronautes, mais il s’est rendu compte après le vol que les moteurs de contrôle d’attitude du vaisseau Gemini auraient pu être désactivés lors de l’amarrage avec l’étage Agena, et que le système de contrôle d’attitude de l’Agena aurait peut-être pu suffire pour stabiliser l’ensemble.


Gemini 11

La dernière mission d’Armstrong lors du programme Gemini a été en tant que pilote-commandant de l’équipage de remplacement de Gemini 11, laquelle était prévue deux jours après l’atterrissage de Gemini 8. Ayant déjà reçu une formation pour les deux vols, Armstrong était très bien formé sur les systèmes et aurait été le mieux placé pour assister le pilote novice William Anders désigné avec lui. Mais l’équipage de remplacement n’a pas été mobilisé et c’est l’équipage titulaire formé par Pete Conrad et Dick Gordon qui a été lancé le . Les deux hommes ont pu remplir tous les objectifs de la mission, tandis qu’Armstrong a assuré les fonctions de Capsule Communicator (CAPCOM).

Après le vol, le président américain Lyndon Johnson a demandé à Armstrong et à sa femme de prendre part à une tournée de 24 jours en Amérique du Sud destinée à promouvoir les relations avec les États-Unis. Les Armstrong étaient accompagnés de Dick Gordon, George Low, leurs épouses et d’autres fonctionnaires du gouvernement. Ils ont voyagé dans onze pays et quatorze grandes villes. Armstrong a impressionné tous les participants en saluant les dignitaires dans leur propre langue. Au Brésil, il a parlé des exploits d’Alberto Santos-Dumont, qui est considéré dans ce pays comme le premier à avoir volé avec un aéronef “plus lourd que l’air” devançant les Américains Orville et Wilbur Wright.


Programme Apollo

Lorsqu’éclate l’incendie d’Apollo 1 le , qui est fatal aux astronautes Gus Grissom, Ed White et Roger Chaffee, Armstrong est en déplacement à Washington avec Gordon Cooper, Dick Gordon, Jim Lovell et Scott Carpenter pour la signature du Traité de l’espace de l’Organisation des Nations unies. Armstrong et le groupe passent le reste de la nuit à boire et à spéculer sur l’origine de l’accident. Le , le jour même où la mission d’enquête sur l’incendie d’Apollo 1 a publié son rapport, Armstrong et dix-sept autres astronautes sont conviés à une réunion avec Deke Slayton. Slayton leur annonce que “les gars qui vont participer à la première mission lunaire sont ceux de cette salle”. Selon Eugene Cernan, Armstrong ne se montre pas particulièrement surpris car ceux qui sont présents sont les vétérans du programme Gemini et donc les seules personnes susceptibles de participer aux missions lunaires. Slayton parle des missions prévues et nomme Armstrong comme membre de l’équipage réserve d’Apollo 9 qui, à ce stade, est planifié pour être une mission en orbite terrestre moyenne destinée à tester le fonctionnement conjoint du module lunaire Apollo et du module de commande et de service Apollo. À la suite de retards dans la conception et la fabrication du module lunaire, Apollo 9 et Apollo 8 ont échangé leurs équipages. Sur la base du système de rotation des équipages, Armstrong doit commander la mission Apollo 11.

Pour que les astronautes puissent acquérir de l’expérience en vol sur le module lunaire Apollo, deux atterrisseurs lunaires expérimentaux dits Lunar Landing Research Vehicles (LLRV) sont construits par Bell Aircraft Corporation. Par la suite trois Lunar Landing Training véhicules (LLTV) jouant le même rôle sont construits. Surnommés les “sommiers volants”, ils simulent la gravité lunaire en utilisant un turboréacteur à flux qui annule une partie du poids de l’engin. Le , à environ 30 m du sol, Armstrong a un problème technique sur l’engin. Il parvient à s’éjecter à temps mais a frôlé la mort en raison de la proximité du sol et du temps d’ouverture du parachute. Sa seule blessure est de s’être mordu la langue. Peu rancunier, Armstrong soulignera par la suite l’importance de l’expérience acquise avec ces vols simulés pour la réussite des atterrissages sur la Lune.


Apollo 11

Armstrong est désigné comme commandant de l’équipage de remplacement de la mission Apollo 8 mais c’est l’équipage titulaire qui effectue la mission. Le Slayton annonce à Armstrong qu’il a été choisi comme commandant d’Apollo 11, la première mission qui pourrait atterrir sur la Lune. Les deux autres membres de l’équipage sont Buzz Aldrin qui doit être pilote du module lunaire et Michael Collins, pilote du module de commande. Au cours d’un entretien, dont l’existence a seulement été dévoilée par la publication de la biographie d’Armstrong en 2005, Slayton propose à Armstrong, s’il le souhaite, de remplacer Aldrin par Jim Lovell. Après y avoir réfléchi une journée, Armstrong a répondu à Slayton qu’il allait garder Aldrin, car il n’avait aucune difficulté à travailler avec lui et pensait que Lovell méritait d’avoir son propre commandement. En effet, le remplacement d’Aldrin par Lovell, poste pour poste, aurait officieusement classé Lovell en numéro trois sur l’équipage, chose qui ne pouvait pas se justifier selon Armstrong pour un vétéran comme Lovell qui avait déjà effectué trois vols dans l’espace.

Aldrin pensait qu’il serait le premier à poser un pied sur la Lune, compte tenu de son expérience dans le programme Gemini, de la répartition des rôles des pilotes et du temps qu’il avait passé à se former. Toutefois, le choix du premier homme à marcher sur la Lune a été remis en question du fait de l’agencement du module et de la prééminence naturelle du commandant. En mars 1969, une rencontre a eu lieu entre Slayton, George Low, Bob Gilruth et Chris Kraft au cours de laquelle il a été décidé qu’Armstrong serait la première personne à marcher sur la Lune. Au cours d’une conférence de presse, qui a eu lieu le , Slayton a donné comme raison principale au choix d’Armstrong l’architecture intérieure du module lunaire (l’écoutille une fois ouverte constituait un obstacle difficilement franchissable pour Aldrin). Slayton a ajouté : “Ensuite, d’un simple point de vue protocolaire, il me semble normal que le commandant soit le premier gars à sortir… J’ai changé cela dès que cette question a été mise à l’ordre du jour. Bob Gilruth a approuvé ma décision. Mais comme l’a révélé l’autobiographie de Kraft publiée en 2001, à l’époque où la décision avait été prise, les quatre hommes à l’origine de celle-ci n’étaient pas au courant du problème créé par l’architecture intérieure du module. Une autre hypothèse pourrait expliquer le choix d’Armstrong : celui-ci était civil (NASA) et non militaire (USAF) comme ses deux compagnons. Armstrong semblait effectivement un bon choix : Mister Cool comme le surnommaient ses collègues, était “réputé pour son humour décalé mais surtout son sang-froid, son calme [et] sa capacité à prendre la bonne décision”. Enfin le choix d’un civil plutôt qu’un militaire pourrait être un signe de paix de l’exécutif américain en pleine guerre froide et guerre du Viêt Nam.


Transit vers la Lune et atterrissage

Le à 13h32 UTC le lanceur Saturn V, pesant plus de 3 000 tonnes, décolle du complexe de lancement 39 de Cap Canaveral en emportant Neil Armstrong et ses coéquipiers à bord du vaisseau Apollo 11. Au début du décollage le pouls d’Armstrong atteint un maximum de 109 battements par minute. Il trouve le premier étage de la fusée très bruyant, beaucoup plus que celui des fusées Titan II GLV utilisés pour Gemini 8. Par contre le module de commande et de service Apollo lui semble particulièrement spacieux par rapport à la capsule Gemini. Certains spécialistes pensent que le volume habitable disponible est à l’origine du “mal de l’espace” qui a frappé les membres de l’équipage de la mission précédente, mais aucun des équipiers de l’équipage d’Apollo n’en souffre. Armstrong en est particulièrement heureux, car il était sujet, enfant, à la cinétose et pouvait avoir des nausées après de longues périodes de mouvements.

Après un transit entre la Terre et la Lune d’une durée de quatre jours sans anomalie, Armstrong et Aldrin embarquent à bord du module lunaire Apollo, baptisé Eagle pour entamer leur descente vers le sol lunaire. L’objectif d’Apollo 11, mission pionnière, est de limiter les risques. Pour l’atterrissage, l’équipage a pour consigne de privilégier la sécurité par rapport à la précision.

L’ordinateur de bord gère le pilote automatique, assure la navigation et optimise la consommation de carburant (optimisation sans laquelle il serait difficile de se poser avec la faible quantité de carburant disponible). Sa puissance est équivalente à celle d’une calculatrice bas de gamme des années 2000.

Durant la phase de descente, l’équipage est gêné par une alarme “1202” émise par l’ordinateur de bord et qui, en simulation, était d’un type menant habituellement à l’annulation de la mission. Le jeune Steve Bales, l’un des programmeurs de l’ordinateur de bord, présent à Houston, détermine que l’alarme correspond à une saturation mémoire et peut être ignorée, et après 30 longues secondes, Houston confirme que la mission peut se poursuivre. Une analyse plus approfondie révèlera que cette saturation provenait des signaux du radar de rendez-vous qui était inutile dans la phase de descente et aurait dû normalement être désactivé à ce stade de la mission. Or, à la suite d’une erreur dans la préparation à Terre, la liste de contrôle que devaient suivre Armstrong et Aldrin ne mentionnait pas la nécessité d’effectuer cette désactivation (ultérieurement, Steve Bales sera reçu à la Maison-Blanche par le président Nixon et remercié d’avoir ainsi sauvé la mission).

Accaparé par ces alarmes, Armstrong laisse passer le moment où, selon la procédure, il aurait dû exécuter une dernière manœuvre de correction de la trajectoire. Le LEM dépasse de 7 km le site sélectionné pour l’atterrissage (“Site n° 2”) et s’approche d’une zone encombrée de rochers. Armstrong n’a pas le temps d’étudier la situation avec Houston et de reconfigurer l’ordinateur de bord. Il prend le contrôle manuel du module lunaire pour survoler à l’horizontale le terrain à la recherche d’un site adapté à l’atterrissage. À Houston, on est inquiet de la durée anormalement longue de l’atterrissage, et l’abandon de la mission est de nouveau envisagé. Lorsque s’affiche le signal indiquant qu’il ne reste plus que 60 secondes de carburant, le LEM est désormais très proche du sol et soulève un nuage de poussière qui gêne la visibilité. Armstrong avait déjà posé le simulateur du LEM, le LLTV, avec moins de quinze secondes de carburant restant à plusieurs reprises et était, par ailleurs, convaincu que le module lunaire pouvait résister à une chute de 15 m en cas de besoin. À la recherche d’une zone non accidentée, Armstrong fait avancer le LEM en rasant le sol dans la direction de sa fenêtre afin d’avoir le nuage derrière lui et de garder de la visibilité, pendant qu’Aldrin indique l’altitude, la vitesse horizontale et les secondes de carburant restant.

Le module lunaire Eagle se pose dans la mer de la Tranquillité le 20 juillet 1969 à 20:17:40 UTC (15 h 17 min 40 s CDST, heure de Houston), avec 20 secondes restant du propergol réservé à l’atterrissage, à 7 km du lieu prévu à l’origine.

Les premiers mots d’Armstrong destinés au contrôle de la mission sont : “Houston, ici la base de la Tranquillité. L’Aigle a atterri…” Armstrong et Aldrin se félicitent d’une poignée de main et une tape dans le dos avant d’entamer la check-list destinée à vérifier que le module est prêt pour un décollage d’urgence si la situation le justifie. À Houston, le CAPCOM Charlie Duke s’exclame : “Reçu, Tranquillité. Nous comprenons que vous vous êtes au sol. Vous aviez un paquet de types en train de devenir bleus. On respire à nouveau, merci”, trahissant la nervosité qui régnait au contrôle de mission.


Premier pas sur la Lune

Le plan de vol établi par la NASA prévoyait une période de repos de l’équipage immédiatement après les vérifications qui suivaient l’atterrissage. Mais Armstrong demande que la sortie extravéhiculaire sur le sol lunaire se fasse plus tôt. Les deux astronautes doivent s’équiper et lorsque Armstrong et Aldrin sont prêts à sortir il s’est écoulé près de six heures depuis qu’Eagle s’est posé sur la Lune. La cabine est dépressurisée et l’écoutille est ouverte. Armstrong descend d’abord en utilisant l’échelle située sur le flanc du module. Arrivé au dernier échelon, il déclare : “Je vais descendre du LEM (module lunaire) maintenant”. Avant de se tourner et de poser son pied gauche sur la surface lunaire, le 21 juillet 1969 à 2 h 56 UTC, il prononce la phrase restée célèbre qu’il avait préparée quelques heures auparavant : “That’s one small step for [a] man, one giant leap for mankind” ; ce qui peut se traduire par : “C’est un petit pas pour [un] homme, [mais] un bond de géant pour l’humanité”.

Note sur la citation : le “a” dans “step for [a] man” est indiqué entre crochets car il n’a pas été prononcé (ou entendu) à l’époque, ce qui créait un pléonasme car man (l’homme) est synonyme de mankind (l’humanité). Néanmoins, si les médias français titraient à l’époque “Un petit pas pour l’homme, mais un bond de géant pour l’humanité, le sens des paroles d’Armstrong, mettant en parallèle son petit pas et le bond de géant pour l’humanité que représentait l’arrivée de l’espèce humaine sur la Lune, était implicitement parfaitement compris. Armstrong dit plus tard : “j’espère que l’Histoire me pardonnera d’avoir enlevé la syllabe et comprendra que ce ne fut pas volontaire. Même si la syllabe ne fut pas dite, elle aurait aussi bien pu l’être”. Une analyse numérique de l’enregistrement audio, réalisée par l’informaticien australien Peter Shann Ford, révélerait la présence de la syllabe “a” manquante, qui aurait été inaudible en raison des limites technologiques des communications de l’époque. Ford et James R. Hansen, biographe d’Armstrong, ont présenté ces résultats à Armstrong et aux représentants de la NASA, mais l’article de Ford a été publié sur son propre site Web et non dans une revue soumise à relecture par des pairs scientifiques. Des linguistes comme David Beaver et Mark Liberman considèrent avec scepticisme les affirmations de Ford. Quoi qu’il en soit, Armstrong a exprimé sa préférence pour que cette citation soit écrite avec le “a” entre parenthèses et la transcription de ses paroles sur le site de la NASA est conforme à ce souhait.

Depuis, certains ont affirmé que l’analyse acoustique de l’enregistrement révélait la présence du mot manquant. Une analyse audio numérique réalisée par Peter Shann Ford, un informaticien australien, a fait valoir qu’Armstrong dit en fait “un homme”, mais le “un” était inaudible en raison des limitations de la technologie des communications de l’époque. Ford et James R. Hansen, biographe d’Armstrong, a présenté ces résultats à Armstrong et aux représentants de la NASA mais l’article de Ford a été publié sur son propre site Web et non dans une revue soumise à relecture par des pairs scientifiques. Des linguistes comme David Beaver et Mark Liberman considèrent avec scepticisme les affirmations de Ford. Armstrong a exprimé sa préférence pour que cette citation soit écrite avec le “un” entre parenthèses et la transcription de ses paroles sur le site de la NASA est conforme à ce souhait.

Lorsque Armstrong fait son annonce, les échanges radio entre l’équipage et la mission au sol sont diffusés en direct par la Voix de l’Amérique, par la BBC ainsi que par de nombreuses autres radios dans le monde entier. On estime que près de 450 millions d’auditeurs sur une population mondiale estimée de 3,631 milliards de personnes suivent la sortie d’Armstrong en direct, soit 13 % de la population mondiale.

Vingt minutes après la sortie d’Armstrong, Aldrin pose à son tour le pied sur le sol lunaire. Les deux hommes dévoilent une plaque commémorant leur vol, fixée sur l’étage de descente qui doit rester sur le sol lunaire puis plantent le drapeau des États-Unis. Celui-ci possède une armature faite d’une tige métallique pour le maintenir horizontalement faute d’atmosphère et donc de vent. L’apparence ondulée, chiffonnée, identique sur toutes les photos, vient de la manière dont il avait été plié et emballé pendant le voyage. Sur Terre, une discussion a eu lieu sur la pertinence de planter un drapeau, mais ce point n’a pas préoccupé Armstrong qui pensait que tout le monde aurait fait de même. Slayton avait averti Armstrong qu’ils recevraient une communication spéciale, mais ne lui avait pas dit que ce serait le président Richard Nixon qui serait en contact avec eux, juste après la mise en place du drapeau.

Il n’existe que cinq photos d’Armstrong sur la Lune : le déroulement des tâches était programmé à la minute et la majorité des photos devaient être réalisées par Armstrong à l’aide de l’unique appareil Hasselblad disponible. Après avoir aidé à mettre en place les expériences scientifiques du Apollo Lunar Surface Experiments Package, Armstrong effectue une brève excursion vers un cratère situé à 60 m à l’est du module lunaire et qui est East Crater. C’est la plus longue distance parcourue durant la mission. La dernière tâche d’Armstrong est de laisser un petit paquet d’objets en mémoire des défunts cosmonautes soviétiques Youri Gagarine et Vladimir Mikhaïlovitch Komarov, et des astronautes d’Apollo 1 “Gus” Grissom, “Ed” White et Roger Chaffee. Le temps consacré à la sortie de l’équipage d’Apollo 11 sur le sol lunaire a été limité à environ deux heures et trente minutes ; c’est la plus courte sortie des six missions Apollo. Les sorties des missions suivantes seront de plus en plus longues et, à titre d’exemple, l’équipage d’Apollo 17, la dernière mission lunaire, passera plus de 21 heures à explorer la surface lunaire.


Retour sur Terre

Les deux astronautes ont récolté 21,7 kg d’échantillons de sol lunaire et la sortie extravéhiculaire a duré 2h31 durant laquelle ils ont parcouru 250 mètres. Alors que Buzz Aldrin réintègre le module lunaire, il casse par inadvertance dans l’habitacle étroit l’interrupteur permettant de mettre à feu le moteur de l’étage de remontée du LEM. Comme il s’agit d’un bouton poussoir, Aldrin se sert de la pointe d’un stylo pour l’enclencher, et permettre aux deux astronautes de quitter la Lune. Le décollage depuis la Lune a lieu 124h22 après le début de la mission. Le drapeau américain, planté trop près du module lunaire, est couché par le souffle du décollage. Les astronautes sont restés 21 heures et 36 minutes sur la Lune. Le LEM effectue avec succès la manœuvre de Rendez-vous en orbite lunaire avec le module de commande et de service Columbia resté en orbite lunaire avec Collins à son bord.

Le module de service est largué 15 minutes avant d’entamer la rentrée atmosphérique. Le vaisseau pénètre dans l’atmosphère à environ 11 km/s et amerrit 15 minutes plus tard à 16 h 50 min 59 s TU dans l’océan Pacifique à 3 km du point visé : l’amerrissage a lieu à 2 660 km à l’est de l’atoll de Wake et à 380 km au sud de l’Atoll Johnston. Le porte-avion USS Hornet chargé de récupérer l’équipage se trouve à 22 km du point d’amerrissage. Il s’est écoulé 195 heures et 19 minutes depuis que le vaisseau a décollé.


Sur Terre

Les trois astronautes sont mis en quarantaine pendant 21 jours, une pratique qui perdura pendant les trois missions Apollo suivantes, avant que la Lune ne soit déclarée stérile et sans danger de contamination.

Le 16 septembre, une conférence de presse télévisée est organisée durant laquelle l’équipage décrit la mission puis répond aux question des journalistes.

Du 29 septembre au 5 novembre, les astronautes se rendent dans 23 pays à l’occasion d’une tournée mondiale.

Armstrong participe à des spectacles de Bob Hope de l’United Service Organizations destinés à soutenir le moral des troupes américaines principalement au Viêt Nam.

En mai 1970, Armstrong se rend en Union des républiques socialistes soviétiques pour présenter un exposé lors de la 13ème conférence annuelle du Comité international de la recherche spatiale. Arrivé à Leningrad (Saint-Pétersbourg) en provenance de Pologne, il se rend à Moscou où il rencontre le Premier ministre Alexis Kossyguine. Il est le premier Occidental à voir le supersonique Tupolev Tu-144 et à visiter le Centre d’entraînement des cosmonautes Youri Gagarine. À la fin de la journée, il assiste surpris à la retransmission en différé du lancement du vaisseau Soyouz 9 dont il ignorait tout alors que l’équipage comprenait Andrian Nikolaïev, le mari de son hôtesse Valentina Terechkova.

Le 10 juillet 1979, pour le Xème anniversaire de la mission Apollo XI, Neil Armstrong est invité aux Dossiers de L’Écran pour témoigner de son exploit.

Par la suite il restera à l’écart de la vie publique, refusant les interviews. Il avait décidé de ne plus signer d’autographes, scandalisé par le trafic qu’ils suscitaient pour d’importantes sommes d’argent à la clé.


Suite de carrière

Enseignant

Armstrong est nommé Deputy Associate Administrator pour l’aéronautique au Bureau de technologie et de recherche avancé (Office of Advanced Research and Technology), futur Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA). Il occupe ce poste pendant treize mois puis démissionne de la NASA en août 1971. Il accepte un poste de professeur au département de génie aérospatial de l’université de Cincinnati.

Il a choisi Cincinnati plutôt que d’autres universités, y compris son alma mater Purdue, car dans cette université le département de génie aérospatial a une taille modeste. Il espère que les membres de cette faculté ne seront pas dérangés par le fait qu’il occupe ce poste de professeur avec sa seule maîtrise de l’USC. Il avait commencé son mémoire lorsqu’il était à Edwards des années auparavant, et il en termine la rédaction après Apollo 11 en se basant sur divers aspects de la mission au lieu de présenter une thèse sur le vol hypersonique. Le titre de sa chaire à Cincinnati est professeur d’ingénierie aérospatiale. Après avoir enseigné pendant huit ans, il démissionne en 1979 en raison d’autres engagements, mais également à cause des changements intervenus dans la structure de l’université qui passe sous le contrôle de l’État.

L’université Purdue, quant à elle, est resté un important vivier pour les futurs astronautes au point d’être surnommée le cradle of astronauts (“berceau des astronautes”).


Participation aux commissions d’enquête des accidents d’Apollo 13 et de Challenger

Armstrong a participé à deux commissions d’enquêtes formées pour analyser les raisons d’accidents de vols spatiaux. La première en 1970, après Apollo 13. Pour Edgar Cortwright, il a produit une chronologie détaillée du vol. Armstrong s’oppose aussi personnellement à la recommandation du rapport de revoir la conception des bonbonnes d’oxygène du module de service qui étaient l’origine de l’explosion. En 1986, le président des États-Unis Ronald Reagan le nomme vice-président de la Commission Rogers formée pour enquêter sur les causes de l’accident de la navette spatiale Challenger, le plus grave qu’ait connu la NASA jusque là. En tant que vice-président, Armstrong est chargé des aspects opérationnels de la Commission.

Lors de l’abandon du programme Constellation par Barack Obama, il sort exceptionnellement de sa réserve.


Autres activités

À sa retraite de la NASA prise en 1971, il refuse les offres d’entreprises qui lui proposent de devenir leur porte-parole. La première entreprise qui ait réussi à se mettre en contact avec lui est le constructeur automobile Chrysler. Il apparaît dans un spot publicitaire de cette dernière en 1979. Ce qui avait décidé Armstrong était qu’elle avait un fort pôle d’ingénierie et qu’elle était en difficulté financière. Par la suite, il a travaillé comme porte-parole pour d’autres entreprises, telles la General Time Corporation et l’American Bankers Association. Il a agi comme porte-parole uniquement pour des entreprises américaines.

Par ailleurs, Armstrong a également siégé au conseil d’administration de plusieurs sociétés dont Marathon Oil, Learjet, Cincinnati Gas & Electric Company, Taft Broadcasting, United Airlines, Eaton Corporation, AIL Systems et Thiokol. Dans cette dernière, il a rejoint le conseil d’administration, après avoir siégé à la Commission Rogers. Ladite commission a suivi l’accident de la navette spatiale Challenger et a déduit que l’accident était dû à un problème de joint torique fabriqué par Thiokol. Il a pris sa retraite comme président du conseil d’EDO Corporation en 2002.


Mort et hommages

Le , Neil Armstrong est opéré du cœur. Le 25 du même mois, à la suite de complications cardio-vasculaires dues à cette opération, il meurt à l’âge de 82 ans à Cincinnati, dans l’Ohio.

Il reçoit un hommage unanime de la classe politique aux États-Unis. Le président Obama a déclaré : “Neil figure parmi les plus grands héros américains – non seulement de son époque, mais de tous les temps”.

Son ancien collègue de la mission Apollo, le pilote du module de commande Michael Collins, a déclaré à la NASA que Neil Armstrong lui “manquerait terriblement”. Buzz Aldrin a quant à lui déclaré qu’il était profondément attristé de la perte d’un si bon ami.

Pour sa famille il était “un héros américain contre son gré”, qui a “servi sa nation avec fierté, comme pilote de la marine, pilote d’essai, puis astronaute”.

Ses obsèques, intimes, se déroulent le 31 août 2012 à Indian Hill (Ohio), dans la banlieue de Cincinnati. En cette occasion, tous les drapeaux américains sont mis en berne. Le 14 septembre, le lendemain d’une commémoration à la cathédrale nationale de Washington, ses cendres sont dispersées dans l’océan Atlantique lors d’une cérémonie à bord du USS Philippine Sea.

En juillet 2019, peu après le cinquantenaire des premiers pas sur la Lune, le New York Times révèle que la mort d’Armstrong a fait l’objet d’une poursuite pour faute professionnelle médicale contre l’hôpital où il est mort. La famille obtient finalement une compensation de six millions de dollars en 2014, afin d’arrêter les poursuites.


Vie privée

Famille

Neil rencontre sa future femme, Janet Elizabeth Shearon (1934), à l’université Purdue. Selon Neil et Janet, il n’y a pas eu de véritable séduction et aucun d’eux n’a pu se souvenir des circonstances exactes de leur engagement mutuel, sauf que cela s’est produit alors qu’Armstrong travaillait au Lewis Flight Propulsion Laboratory.

Ils se marient le à Wilmette dans l’Illinois. Quand il a déménagé à Edwards Air Force Base, il s’est installé dans les quartiers des célibataires, alors que Janet vivait à Westwood, un quartier de Los Angeles. Après un semestre, ils ont emménagé dans une maison dans la vallée d’Antelope. Janet n’a pas terminé ses études, ce qu’elle a regretté plus tard. Le couple a eu trois enfants : Eric (1957), Karen et Mark (13/04/1959). En juin 1961, des examens ont révélé que Karen avait une tumeur maligne au cerveau. Le traitement qu’elle a dû subir ralentit sa croissance et sa santé s’est détérioré à un point tel qu’elle ne pouvait plus ni marcher ni parler. Karen est morte d’une pneumonie liée à sa santé fragile le . Janet et Neil Armstrong ont divorcé en 1994. Elle dira plus tard que “la Lune lui est montée à la tête”. En 1994, il a épousé sa seconde femme, Carol Held Knight. Ils ont vécu dans une ferme à Indian Hill, dans l’Ohio.


Caractère et personnalité

Surnommé “Mister Cool” par ses collègues, Armstrong était connu pour son humour décalé mais surtout son sang-froid, son calme, sa capacité à prendre la bonne décision”. Buzz Aldrin disait de lui : “Neil réfléchit soigneusement puis fait ce qui lui paraît bien. Et en général, c’est la chose à faire”.

Armstrong a exprimé des sentiments religieux à mi-chemin entre christianisme et déisme. Dans les années 1950, il fréquentait une église méthodiste, mais il se qualifiait alors lui-même de “déiste”. Ses proches témoignent également de ce qu’il ne se considérait pas à proprement parler comme chrétien. En 1969 après son voyage sur la Lune, interrogé sur CBS, il infirme tout athéisme : “Je ne suis certainement pas un athée”. Dix ans plus tard, il déclare à Alain Jérôme aux Dossiers de l’écran avoir eu du réconfort devant l’“ordre de l’univers” et avoir des preuves d’un “ordre suprême” créé par une “intelligence supérieure”.


Santé

En 1979, il s’est sectionné accidentellement l’annulaire de la main gauche alors qu’il travaillait dans sa ferme à Lebanon. Gardant son sang-froid, il a mis la partie coupée de son doigt dans de la glace et est parti à l’hôpital où un chirurgien a recousu son doigt.

En 1991, Armstrong a été victime d’une crise cardiaque.


Justice

L’usage de son nom, de la célèbre citation et de son image, lui a causé des problèmes au fil des ans. En 1994, il a poursuivi en justice Hallmark Cards après que l’entreprise ait utilisé son nom sans autorisation. La plainte a été réglée à l’amiable et Armstrong a fait don de l’argent à l’Université Purdue. L’affaire a incité la NASA à être plus prudente sur l’utilisation des noms, photos et enregistrements des astronautes.

En mai 2005, Armstrong a menacé d’une action en justice son coiffeur qui, après lui avoir coupé les cheveux, en a vendu une partie à un collectionneur, sans son autorisation. Le barbier devait soit rendre les cheveux, soit faire un don à un organisme de bienfaisance de son choix. Dans l’impossibilité de rendre les cheveux, le barbier a décidé de faire un don.


Postérité

Plusieurs sites et ouvrages ont été baptisés pour rendre hommage à Neil Amstrong. L’Union astronomique internationale a donné son nom au cratère d’impact situé près de l’endroit où s’était posé Apollo 11, ainsi qu’à l’astéroïde n° 6469. L’aéroport de sa ville natale de Wapakoneta porte son nom. Un musée porte également son nom dans sa ville natale : le Neil Armstrong Air and Space Museum.

En 2014, le centre de recherche de la NASA sur la base d’Edwards, où Armstrong a été pilote d’essai entre 1955 et 1962, a été renommé Neil A. Armstrong Flight Research Center.

Neil Armstrong a, avec les deux autres membres de l’équipage d’Apollo 11, son étoile au Walk of Fame d’Hollywood, au coin d’Hollywood et de Vine.

First Man : The Life of Neil A. Armstrong, la première biographie officielle consacrée à Armstrong a été publiée en 2005. Elle a été écrite à partir de 1999 par James R. Hansen, professeur à l’Université d’Auburn. Armstrong avait auparavant refusé des demandes de Stephen Ambrose et James A. Michener mais a été enthousiasmé par la biographie From the Ground Up de Fred Weickque lui avait transmise Hansen comme exemple.

Un film tiré de cette biographie sort en 2018, intitulé First Man : Le Premier Homme sur la Lune et réalisé par Damien Chazelle. Neil Armstrong est interprété par Ryan Gosling.

Il est interprété par Henry Pettigrew dans l’épisode 7 de la saison 3 de The Crown.

Source : Wikipédia

BUZZ ALDRIN

Samplé sur Go!

Buzz Aldrin, né Edwin Eugene Aldrin Jr., le 20 janvier 1930 à Glen Ridge dans le New Jersey aux États-Unis, est un militaire, pilote d’essai, astronaute et ingénieur américain. Il effectue trois sorties dans l’espace en tant que pilote de la mission Gemini 12 de 1966 et, en tant que pilote du module lunaire Apollo de la mission Apollo 11 de 1969, il est, avec le commandant de la mission Neil Armstrong, l’un des deux premiers humains à marcher sur la Lune.

Aldrin est issu de la promotion 1951 de l’Académie militaire de West Point avec un diplôme en génie mécanique. Il est affecté à l’armée de l’air américaine et devient pilote de chasseur à réaction pendant la guerre de Corée. Il effectue au total 66 missions de combat et abat deux MiG-15. Après avoir obtenu un doctorat en astronautique du Massachusetts Institute of Technology (MIT), Aldrin est choisi pour faire partie du groupe d’astronautes 3 recruté par la National Aeronautics and Space Administration (NASA). Sa thèse de doctorat portant sur les techniques de rendez-vous orbitaux avec équipage, il reçoit le surnom de “Dr. Rendezvous” de la part de ses collègues astronautes. Sa première mission spatiale est la dernière mission du programme Gemini. Elle a lieu en 1966 à bord de Gemini 12 et il réalise plus de cinq heures en sortie extravéhiculaire. Trois ans plus tard, Aldrin pose le pied sur la Lune le 21 juillet 1969, quelques minutes après Armstrong, tandis que le pilote du module de commande Michael Collins reste en orbite lunaire.

À son départ de la NASA en 1971, il devient commandant de l’école des pilotes d’essai de l’United States Air Force. Il prend sa retraite de l’armée de l’air en 1972, après 21 ans de service, et entame une difficile reconversion à la vie civile. Ses principales autobiographies, Return to Earth (1973) et Magnificent Desolation (2009), relatent ses problèmes de dépression et d’alcoolisme au cours des années qui suivent son départ de la NASA. Il continue à plaider en faveur de l’exploration spatiale, en particulier d’une mission habitée sur Mars, et développe une trajectoire particulière pour un vaisseau spatial qui rend le voyage vers cette planète plus rapide et économe en énergie. Il reçoit de nombreux honneurs, dont la médaille présidentielle de la Liberté en 1969, et fait partie de plusieurs temples de la renommée.

Il est le dernier membre encore vivant de l’équipage d’Apollo 11 depuis le décès de Neil Armstrong le 25 août 2012 et celui de Michael Collins le 28 avril 2021.


Biographie

Enfance et formation

Edwin Eugene Aldrin Jr. naît le 20 janvier 1930 au Mountainside Hospital de Glen Ridge dans le New Jersey. Ses parents, Edwin Eugene Aldrin Sr. et Marion Aldrin (née Moon), vivent dans la ville voisine de Montclair. Ils sont d’origine écossaise et suédoise. Son père est aviateur de l’armée pendant la Première Guerre mondiale et commandant adjoint de l’école de pilotes d’essai de l’armée à McCook Field dans l’Ohio de 1919 à 1922. Quittant l’armée en 1928, il devient cadre à la Standard Oil. Sa mère est la fille d’un aumônier militaire. Buzz Aldrin a deux sœurs : Madeleine, qui a quatre ans de plus, et Fay Ann, qui a un an et demi de plus. Son surnom, qui est devenu son prénom légal en 1988, provient de la déformation du mot brother (“frère” en anglais) par sa sœur Fay qui le prononce buzzer, et qui a ensuite été abrégé en “Buzz”. Il est donc connu de tous par ce surnom. Pratiquant le scoutisme, Aldrin atteint le rang tenderfoot (“pied-tendre”).

Lorsqu’en 1942 les États-Unis décident de s’engager dans la Seconde Guerre mondiale, son père, rappelé, est affecté loin de sa famille et ne fait plus que de courts séjours au domicile. Sa mère, dont le nom de jeune fille signifie “Lune” en anglais, devient dépressive et a des problèmes d’alcoolisme. Malgré cela, Aldrin réussit bien à l’école, en maintenant “A” de moyenne. Il joue au football américain dans l’équipe de la Montclair High School. En 1946, il est le centre titulaire de cette équipe, invaincue et championne de l’État de cette année. Son père voulant qu’il aille à l’Académie navale d’Annapolis dans le Maryland, l’inscrit à la Severn School, une école préparatoire située à proximité d’Annapolis. Il obtient même un rendez-vous avec Albert W. Hawkes, l’un des sénateurs du New Jersey. Aldrin fréquente la Severn School en 1946, mais il a d’autres souhaits pour sa future carrière car il a le mal de mer et considère peu les navires face aux avions. Il demande à son père de solliciter Hawkes pour modifier sa candidature pour l’Académie militaire de West Point, dans l’État de New York.

Aldrin entre à West Point en 1947. Il réussit bien sur le plan académique, terminant premier de sa classe de première année. Il est membre de l’équipe d’athlétisme de l’académie. En 1950, il voyage avec un groupe d’élèves de West Point au Japon et aux Philippines pour étudier les politiques du gouvernement militaire de Douglas MacArthur. Au cours de son voyage, la guerre de Corée éclate. Le 5 juin 1951, il obtient une licence en génie mécanique et finit troisième de la promotion de 1951.


Carrière militaire

Comme il est l’un des premiers de sa promotion, Aldrin a le choix de son affectation. Il choisit l’United States Air Force (USAF), qui est devenue une arme distincte de l’armée américaine depuis 1947, mais ne dispose pas encore de son académie. Il reçoit le grade de sous-lieutenant et suit une formation de base en vol sur T-6 Texan à la base aérienne de Bartow (futur aéroport municipal de Bartow) en Floride. Parmi ses camarades de classe figure Sam Johnson, qui devient plus tard un prisonnier de guerre notable au Viêt Nam et avec lequel il se lie d’amitié. Lors de sa formation, Aldrin évite de peu un accident mortel lorsqu’il subit un voile gris dans une tentative de double immelmann sur T-28 Trojan. Il récupère à temps à une soixantaine de mètres du sol.

Lorsqu’il décide quel type d’appareil il souhaite piloter, son père lui conseille de choisir des bombardiers, car le commandement d’un équipage de bombardiers est une occasion d’apprendre et de perfectionner ses compétences en commandement, ce qui offre généralement de meilleures perspectives professionnelles. Aldrin choisit plutôt de piloter des chasseurs. Il emménage à la base aérienne Nellis de Las Vegas, où il apprend à piloter le P-80 Shooting Star et le F-86 Sabre. Comme la plupart des pilotes de chasse à réaction de l’époque, il préfère ce dernier.

En décembre 1952, Aldrin est affecté au 16th Fighter-Interceptor Squadron (futur 16th Weapons Squadron), qui fait alors partie de la 51st Fighter Wing. À l’époque, son escadron est affecté à la base aérienne de Suwon, à environ 32 kilomètres au sud de Séoul, et participe à des opérations de combat dans le cadre de la guerre de Corée. Au cours d’un vol d’acclimatation, son système principal de carburant gèle, ce qui épuise à terme tout son carburant. Il contre manuellement cet effet mais cela nécessite de maintenir un bouton enfoncé, rendant par ricochet impossible l’utilisation de sa radio. Il peine à revenir à la base tout en subissant un silence radio imposé. Lors de la guerre, il effectue finalement 66 missions de combat sur F-86 Sabre et abat deux avions MiG-15.

Il abat un premier MiG-15 le 14 mai 1953. Aldrin vole alors à environ huit kilomètres au sud du fleuve Yalu quand il aperçoit deux chasseurs MiG-15 en dessous de lui. Il ouvre le feu sur l’un d’eux, dont le pilote ne l’a peut-être pas vu arriver. Les photographies prises par la caméra de son avion lors de cette victoire montre le pilote en train de s’éjecter de son avion endommagé. Ces dernières sont publiées dans le magazine Life car il s’agit de la première éjection filmée en combat. Il obtient sa seconde victoire aérienne le 4 juin 1953 lorsqu’il accompagne un avion du 39th Fighter-Interceptor Squadron (futur 39th Flying Training Squadron) lors d’une attaque contre une base aérienne en Corée du Nord. Cet avion, récent, est plus rapide que le sien et il a du mal à le suivre. Il repère un MiG approchant à plus haute altitude. Aldrin et son adversaire effectuent une série de ciseaux, chacun essayant de passer derrière l’autre. Aldrin est le premier à réussir, mais sa visée d’arme à feu se révèle défaillante. Il doit alors viser et tirer manuellement. Les deux avions se retrouvent finalement trop près du sol pour que le combat aérien se poursuive. Aldrin a le temps de voir la canopée du MiG s’ouvrir et le pilote s’éjecter, bien qu’il n’ait pas su s’il lui restait suffisamment de temps pour ouvrir son parachute. Pour son service en Corée, Aldrin reçoit deux Distinguished Flying Cross et trois Air Medal.

Les combats en Corée prenant fin, Aldrin quitte le pays en décembre 1953. Il est affecté en tant qu’instructeur de tir aérien à la base aérienne de Nellis. En décembre 1954, il devient aide de camp du brigadier général Don Z. Zimmerman, doyen de la faculté de l’école de l’armée de l’air inaugurée en 1955. La même année, il obtient son diplôme de la Squadron Officer School (SOS) de la base aérienne Maxwell en Alabama. De 1956 à 1959, il pilote des F-100 Super Sabre équipés d’armes nucléaires en tant que commandant de vol du 22nd Fighter Squadron (36th Wing) stationné à la base aérienne de Bitburg en Allemagne de l’Ouest. Le futur astronaute Edward White, qui appartient à la promotion suivant celle d’Aldrin à West Point, fait partie de ses collègues d’escadron. Après que White quitte l’Allemagne pour étudier le génie aéronautique à l’université du Michigan, il écrit à Aldrin pour l’encourager à faire de même.

Par l’intermédiaire de l’Air Force Institute of Technology (AFIT), Aldrin s’inscrit en tant qu’étudiant au Massachusetts Institute of Technology (MIT) en 1959 dans l’intention de passer une maîtrise. Son cours d’astrodynamique est enseigné par Richard Battin, qui va diriger plus tard la conception de l’Apollo Guidance Computer. David Scott et Edgar Mitchell, deux autres officiers de l’armée de l’air devenus ultérieurement astronautes, suivent ce cours à peu près à la même époque, tandis qu’un autre, Charles Duke, prépare sa maîtrise en 1964 au MIT sous la direction de Laurence R. Young.

Aldrin apprécie le travail scolaire et décide rapidement de poursuivre un doctorat. En janvier 1963, il obtient un doctorat en sciences en astronautique. Sa thèse de doctorat s’intitule Line-of-Sight Guidance Techniques for Manned Orbital Rendezvous (“Techniques de rendez-vous orbital à vue entre vaisseaux avec équipage”) et elle mentionne notamment le message : “Dans l’espoir que ce travail puisse contribuer d’une certaine manière à l’exploration de l’espace, il est dédié aux membres d’équipage des programmes spatiaux habités actuels et futurs de ce pays. Si seulement je pouvais les rejoindre dans leurs efforts passionnants !” En effet, Aldrin achève sa thèse dans l’espoir que cela l’aidera à être sélectionné comme astronaute, même s’il sait que la formation de pilote d’essai est une condition préalable à l’époque pour être retenu pour le programme de formation des astronautes.

À la fin de son doctorat, retournant à la vie militaire, Aldrin est affecté au Gemini Target Office de la division des systèmes spatiaux de la force aérienne à Los Angeles, travaillant avec la Lockheed Aircraft Corporation à l’amélioration des capacités de manœuvre du véhicule cible Agena qui doit être utilisé par le programme Gemini de la National Aeronautics and Space Administration (NASA). Il est ensuite affecté au bureau externe de la division des systèmes spatiaux au Manned Spacecraft Center (futur centre spatial Lyndon B. Johnson) de la NASA à Houston, où il participe à l’intégration d’expériences du département de la Défense aux vols du programme Gemini.


Carrière d’astronaute

Sélection

La demande initiale d’Aldrin de rejoindre le corps des astronautes remonte à la période de sélection du groupe d’astronautes 2 de la NASA en 1962, mais celle-ci est rejetée au motif qu’il n’est pas pilote d’essai. Au courant de cette exigence, il a demandé à ce que celle-ci soit levée, sans succès. Le 15 mai 1963, la NASA annonce une nouvelle série de sélections, cette fois en exigeant que les candidats possèdent soit une expérience de pilote d’essai, soit 1 000 heures de vol à bord d’un avion à réaction. Aldrin totalise alors plus de 2 500 heures de vol, dont 2 200 dans des jets. Sa sélection comme l’un des quatorze membres du groupe d’astronautes 3 de la NASA est annoncée le 18 octobre 1963. Cela fait de lui le premier astronaute avec un doctorat, ce qui, combiné à son expertise en mécanique orbitale, lui vaut le surnom de “Dr. Rendezvous” de la part de ses collègues astronautes. Aldrin est cependant conscient que ce n’est pas toujours utilisé comme un compliment.


Programme Gemini et Gemini 12

De même que quelques autres de ses collègues, Aldrin est affecté au programme Gemini, qui se déroule en 1965 et 1966 et dont l’objectif est de maîtriser les techniques nécessaires pour les missions du programme Apollo, notamment celles du rendez-vous spatial et des sorties extravéhiculaires. À la fin d’une formation initiale, chaque astronaute se voit attribuer des domaines d’expertises et, dans le cas d’Aldrin, il s’agit de la planification de mission, de l’analyse de trajectoire et des plans de vol pour lesquels ses connaissances en mécanique spatiale sont utiles.

En août 1965, Aldrin assure la liaison radio avec l’équipage de Gemini 5. James Lovell et lui sont sélectionnés comme membres de l’équipage de réserve de Gemini 10, respectivement comme commandant et pilote. L’équipage de réserve d’une mission étant généralement, selon la rotation prévue, l’équipage principal de la troisième mission suivante, cela n’est pas le cas pour Lovell et Aldrin car la dernière mission prévue dans le programme Gemini est Gemini 12. Les morts d’Elliot See et de Charles Bassett, membres de l’équipage principal de Gemini 9, survenues le 28 février 1966 dans un accident d’avion, avancent Lovell et Aldrin d’une mission en tant que réservistes pour Gemini 9, et donc, comme principaux pour Gemini 12. Ils sont officialisés comme équipage principal le 17 juin 1966, avec Gordon Cooper et Eugene Cernan comme réservistes.

Initialement, les objectifs de la mission de Gemini 12 sont incertains. En tant que dernière mission programmée, elle vise principalement à mener à bien des tâches qui n’ont pas été exécutées avec succès ou complétées lors des missions précédentes. Alors que la NASA réussit à réaliser un rendez-vous spatial lors du programme Gemini, l’essai de stabilisation par gradient de gravité de Gemini 11 est un échec. La NASA s’inquiète également des sorties extravéhiculaires après le constat qu’il est difficile de se mouvoir dans une combinaison spatiale. La fatigue prononcée d’Eugene Cernan (Gemini 9) et de Richard Gordon (Gemini 11) lors de l’exécution de tâches extravéhiculaires et la réussite de Michael Collins (Gemini 10) par la suite suggère que l’ordre dans lequel elles sont exécutées est un facteur important.

Aldrin doit donc compléter les objectifs de Gemini en termes de sorties extravéhiculaires. La NASA forme un comité pour lui donner une meilleure chance de réussir. Ce comité prend la décision de laisser de côté l’essai de l’unité de manœuvre des astronautes (AMU) de l’armée de l’air qui avait posé problème à Gordon sur Gemini 11 afin qu’Aldrin puisse se concentrer sur les sorties extravéhiculaires. La NASA réorganise son programme d’entraînement en optant pour un entraînement sous-marin en piscine au lieu d’un vol parabolique. En effet, les aéronefs effectuant une trajectoire parabolique procurent aux astronautes une expérience d’apesanteur en entraînement, mais il existe un délai entre chaque parabole qui donne aux astronautes plusieurs minutes de repos. Cela encourage également l’exécution rapide des tâches, alors que dans l’espace, elles doivent être effectuées lentement et délibérément. La formation dans un fluide permet une meilleure simulation. La NASA place également des poignées supplémentaires sur la capsule, qui sont passées de neuf sur Gemini 9 à 44 sur Gemini 12, et permettent des positions de travail plus nombreuses où il est aussi possible d’ancrer ses pieds.

Les objectifs principaux de Gemini 12 sont de réaliser un rendez-vous spatial avec un véhicule cible Agena, de piloter l’engin spatial et le véhicule cible ensemble en utilisant une stabilisation par gradient de gravité, d’effectuer des manœuvres conjointes en utilisant le système de propulsion Agena pour changer d’orbite, d’effectuer un exercice de maintien à l’arrêt et trois sorties extravéhiculaires et, enfin, de démontrer la possibilité d’une rentrée automatique. Gemini 12 comporte également quatorze expériences scientifiques, médicales et technologiques. Ce n’est pas une mission réalisant des actions nouvelles : des rendez-vous spatiaux avaient déjà été réalisés avec succès par Gemini 9, et l’exercice de véhicule amarré, par Gemini 11. Même une stabilisation par gradient de gravité avait été tentée par Gemini 11, bien que sans succès.

Gemini 12 est lancée à partir du complexe de lancement 19 de cap Canaveral le 11 novembre 1966. Le véhicule cible Agena l’avait été environ une heure et demie auparavant. Le premier objectif majeur de la mission est de rencontrer ce véhicule cible. À mesure que la cible et le vaisseau Gemini se rapprochent, le contact radar entre les deux engins se détériore jusqu’à devenir inutilisable, forçant l’équipage à se rendre manuellement au rendez-vous. Aldrin utilise un sextant et des cartes qu’il a contribués à créer pour donner à Lovell les informations appropriées afin que le vaisseau spatial soit en mesure de s’amarrer avec le véhicule cible. Gemini 12 réalise alors le quatrième amarrage avec un véhicule cible Agena.

La tâche suivante consiste à pratiquer le désarrimage et de renouveler la procédure d’amarrage. Lors de cette dernière, l’un des trois verrous se bloque et Lovell doit utiliser les propulseurs du Gemini pour libérer le vaisseau spatial. Aldrin s’amarre ensuite avec succès quelques minutes plus tard. Le plan de vol prévoit alors le démarrage du moteur principal de l’Agena afin de placer l’engin spatial couplé sur une orbite plus haute. Comme l’Agena avait subi une perte de pression huit minutes après son lancement dans une partie du moteur, les directeurs de mission et de vol décident de ne pas risquer l’allumage du moteur principal. Il s’agit du seul objectif de mission qui n’est pas atteint. Au lieu de cela, le système de propulsion secondaire de l’Agena est utilisé pour permettre au vaisseau spatial de voir l’éclipse solaire du 12 novembre 1966 en Amérique du Sud, que Lovell et Aldrin photographient à travers les fenêtres du vaisseau spatial.

Aldrin réalise trois sorties extravéhiculaires. La première est une sortie debout le 12 novembre, dans lequel la porte du vaisseau spatial est ouverte et Aldrin doit se lever sans quitter le vaisseau spatial. Cette sortie debout imite certaines des actions qu’il effectuera pendant sa prochaine sortie libre, afin de pouvoir comparer l’effort déployé entre les deux. Il établit un record de sorties extravéhiculaires de deux heures et vingt minutes. Le lendemain, l’astronaute effectue sa sortie libre et, relié par un cordon de neuf mètres, il avance grâce aux poignées nouvellement installées jusqu’à l’Agena pour y installer un câble nécessaire à l’expérience de stabilisation par gradient de gravité. Aldrin effectue de nombreuses tâches, notamment l’installation de connecteurs électriques et d’outils de test nécessaires au programme Apollo. Une douzaine de périodes de repos de deux minutes l’empêchent de se fatiguer et sa deuxième sortie se termine après deux heures et six minutes. Une troisième sortie, non prévue, de 55 minutes est réalisée le 14 novembre. Au cours de celle-ci, Aldrin prend des photographies, mène des expériences et met au rebut certains articles inutiles pour alléger le vaisseau.

Le 15 novembre, l’équipage active le système de rentrée automatique et amerrit dans l’océan Atlantique. Il est récupéré par un hélicoptère qui emmène Lovell et Aldrin au porte-avions USS Wasp en attente à proximité. Après la mission, la femme d’Aldrin réalise qu’il est dépressif, chose qu’elle n’avait jamais constatée auparavant.


Programme Apollo et Apollo 11

Lorsque le programme Gemini s’achève, la NASA choisit le groupe des astronautes à partir desquels seront constitués les équipages des prochaines missions du programme Apollo, celui-ci fonctionnant avec des équipages de trois hommes. Au début du programme, en janvier 1967, un incendie lors d’une répétition au sol coûte la vie à l’équipage d’Apollo 1 (Virgil GrissomEdward White et Roger B. Chaffee) et le groupe est de nouveau modifié. Lovell et Aldrin se retrouvent associés avec Neil Armstrong. Ce dernier l’est en tant que commandant, Lovell en tant que pilote du module de commande et de service et Aldrin en tant que pilote du module lunaire. L’équipage ArmstrongLovell-Aldrin est d’abord affecté comme équipage de réserve de la mission Apollo 9 le 20 novembre 1967. Finalement, Fred Haise remplace Lovell car ce dernier prend la place dans l’équipage principal de Michael Collins, qui souffre de la colonne vertébrale.

En raison de retards dans la conception et la fabrication du module lunaire, les équipages principaux et de réserve d’Apollo 8 et d’Apollo 9 s’échangent. Aldrin se retrouve donc réserviste d’Apollo 8, qui, en décembre 1968, sera la toute première mission humaine à orbiter autour de la Lune. Après un nouveau remplacement avec l’arrivée de Collins, rétabli, à la place de Haise comme pilote du module de commande et de service, le 9 janvier 1969, l’équipage Armstrong-Collins-Aldrin est finalement affecté à la mission Apollo 11 dans le cadre de la rotation normale sur trois missions.

Apollo 11 est la deuxième mission spatiale américaine entièrement composée d’astronautes qui disposent déjà d’une expérience dans l’espace, la première étant Apollo 10. La prochaine ne le sera qu’en 1988 avec la STS-26. Deke Slayton, responsable des missions de vol des astronautes, donne à Armstrong la possibilité de remplacer Aldrin par Lovell. Bien que de personnalités différentes, Armstrong décline la proposition, déclarant qu’il n’a aucun problème à travailler avec Aldrin et estimant que Lovell mérite son propre commandement.

Les premières versions de la planification d’une sortie extravéhiculaire sur la Lune mentionnent que le pilote du module lunaire est le premier à poser son pied sur la surface lunaire. Quand Aldrin apprend que cela pourrait être modifié, il fait pression au sein de la NASA pour que la procédure initiale soit suivie. Plusieurs facteurs contribuent à la décision finale, notamment le positionnement physique des astronautes dans le module lunaire très compact ou l’habitude et l’expérience de l’utilisation de certains tableaux de bord. C’est pour ces raisons qu’Armstrong est le premier à pouvoir quitter le vaisseau spatial. De plus, les points de vue d’Aldrin sont peu soutenus par les astronautes expérimentés qui commandent les missions Apollo ultérieures. Collins commente qu’il pense qu’Aldrin “[avait du ressentiment] de ne pas être le premier sur la Lune plus qu’il appréciait être le deuxième”. Aldrin et Armstrong n’ont pas le temps d’effectuer beaucoup de formation en géologie. Le premier alunissage se concentrant davantage sur la possibilité de réaliser cette action et de prévoir le retour sur Terre en toute sécurité que sur les aspects scientifiques purs. Le duo est néanmoins formé par les géologues de la NASA et de l’Institut d’études géologiques des États-Unis (USGS). Ils font une excursion géologique dans l’ouest du Texas. La présence de la presse et d’un hélicoptère rend les activités difficiles pour Aldrin, Armstrong et leurs instructeurs.

Le matin du 16 juillet 1969, environ un million de spectateurs assistent au lancement d’Apollo 11 depuis les autoroutes et les plages situées à proximité de la base de lancement de Cap Canaveral, en Floride. Ce lancement est diffusé en direct à la télévision dans 33 pays, avec environ 25 millions de téléspectateurs rien qu’aux États-Unis. Des millions d’autres personnes écoutent le lancement à la radio. Propulsé par une fusée Saturn V, Apollo 11 décolle du complexe de lancement 39 au centre spatial Kennedy à 13 h 32 UTC et entre en orbite terrestre douze minutes plus tard. Après une orbite et demie, le moteur du troisième étage S-IVB pousse l’engin spatial sur sa trajectoire en direction de la Lune. Environ trente minutes plus tard, les manœuvres de transposition, d’amarrage et d’extraction sont effectuées : il s’agit de séparer le module de commande et de service Columbia de l’étage S-IVB, de faire demi-tour avec et de s’amarrer avec le module lunaire Eagle. Après l’extraction du module lunaire du S-IVB, le vaisseau combiné se dirige vers la Lune, tandis que l’étage de la fusée vole sur une trajectoire au-delà du satellite naturel de la Terre.

Le 19 juillet à 17 h 21 min 50 s UTC, Apollo 11 passe derrière la Lune et démarre son moteur de propulsion de service pour entrer en orbite lunaire. Dans les trente orbites qui suivent, l’équipage examine le site d’alunissage dans le sud de la mer de la Tranquillité à environ 19 kilomètres au sud-ouest du cratère Sabine D (futur cratère Collins). Le 20 juillet à 12 h 52 UTC, Aldrin et Armstrong entrent dans le module lunaire Eagle et commencent les derniers préparatifs en vue de la descente lunaire. À 17 h 44 UTC, Eagle est séparé du module de commande et de service Columbia. Collins, seul à bord de Columbia, inspecte Eagle lors du retournement de ce dernier afin de s’assurer que le module n’est pas endommagé et que le train d’atterrissage s’est correctement déployé.

Tout au long de la descente vers la Lune, Aldrin renseigne Armstrong sur les données de navigation car il est occupé à piloter le module lunaire. Cinq minutes après le début de la descente et à 1 800 mètres d’altitude, le calculateur de guidage Apollo Guidance Computer (AGC) du module lunaire distrait l’équipage en lançant successivement plusieurs alarmes inattendues indiquant qu’il ne pourrait pas mener à bien toutes ses tâches en temps réel et doit en repousser une partie, ce qui complique l’approche finale. Eagle atterri à 20 h 17 min 40 s UTC le 20 juillet de justesse avec environ 25 secondes de carburant restant.

Dans le module lunaire, en tant que diacre presbytérien, Aldrin est le premier – et le seul – à organiser une cérémonie religieuse sur la Lune. Il envoie un message radio à la Terre : “Je voudrais saisir cette occasion pour demander à toutes les personnes qui écoutent, peu importe le lieu et l’endroit où elles se trouvent, de faire une pause un instant pour contempler les événements des dernières heures et remercier tout le monde. À sa manière”. À l’aide d’une trousse que lui a donnée son pasteur, il prend communion ainsi que le pain et le vin. Enfin, il lit les paroles de Jésus-Christ extraites du Nouveau Testament (Jean, 15:5) : “Je suis le cep, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure porte beaucoup de fruit, car sans moi vous ne pouvez rien faire”. Cependant, cette cérémonie est gardée secrète et n’est pas diffusée par la NASA par crainte de recours judiciaires ; un procès étant en cours sur la lecture de la Génèse lors de la mission Apollo 8. En 1970, il déclare : “Il [est] intéressant de penser que le tout premier liquide jamais versé sur la Lune et le premier aliment mangé [dessus sont] des éléments de communion”. Dans son livre de 2009, Aldrin ajoute : “Peut-être, si je devais recommencer, je ne choisirais pas de célébrer la communion, bien que ce fût pour moi une expérience profondément significative, mais il s’agissait d’un sacrement chrétien et nous étions venus sur la Lune au nom de l’humanité tout entière, [qu’elle soit chrétienne, juive, musulmane, animiste, agnostique ou athée]. Mais à l’époque, je ne pouvais penser à un meilleur moyen de reconnaître l’énormité de l’expérience d’Apollo 11 qu’en rendant grâce à Dieu”. Aldrin cite également quelque chose de plus universel en diffusant publiquement sa lecture du psaume 8:3–4 de l’Ancien Testament : “Quand je contemple les cieux, ouvrage de tes mains, la Lune et les étoiles que tu as créées : qu’est-ce que l’homme, pour que tu te souviennes de lui ?” Des photographies de ces documents révèlent le développement complexe de l’expression de la foi d’Aldrin.

Les préparatifs de la sortie extravéhiculaire commencent à 23 h 43 UTC. Une fois qu’Armstrong et Aldrin sont prêts à sortir, Eagle est dépressurisé et la trappe est ouverte à 2 h 39 min 33 s le 21 juillet. Aldrin pose le pied sur la Lune à 3 h 15 min 16 s, dix-neuf minutes après le premier pas d’Armstrong. Armstrong et Aldrin deviennent respectivement la première et la deuxième personne à marcher sur la Lune. Les premiers mots d’Aldrin après son arrivée sur la Lune sont “Magnifique vue”, ce à quoi Armstrong réplique : “N’est-ce pas quelque chose [de fort] ? Une vue magnifique ici”. Aldrin répond à son tour : “Magnifique désolation”. Les deux astronautes peinent à monter le Lunar Flag Assembly, assemblage télescopique qui permet de former puis de planter le drapeau des États-Unis sur le sol lunaire, mais y parviennent finalement. Aldrin salue le drapeau et Armstrong prend une photo emblématique de la scène. Aldrin se positionne devant la caméra et commence à expérimenter différentes méthodes de locomotion pour se déplacer sur la surface lunaire afin de rapporter ses expériences aux futurs marcheurs lunaires. Au cours de leurs expériences, le président des États-Unis Richard Nixon appelle les deux hommes pour les féliciter pour la réussite de l’alunissage. Nixon conclut en disant : “Merci beaucoup, et nous avons tous hâte de vous voir jeudi sur [l’USS] Hornet”. Aldrin répond alors : “J’attends cela avec impatience, monsieur”.

Puis Aldrin inspecte le module lunaire en vue du vol retour et le photographie pour alimenter les équipes au sol en informations pour les misions suivantes. Aldrin et Armstrong installent ensuite un sismomètre pour analyser la structure interne de la Lune et un réflecteur laser qui permettra de mesurer la distance Terre-Lune avec une meilleure précision. Alors qu’Armstrong inspecte un cratère, Aldrin commence à prélever un échantillon du sol lunaire mais la tâche est difficile, le régolithe devenant particulièrement dur à quelques centimètres de profondeur.

La plupart des photographies emblématiques d’astronautes d’Apollo 11 sur la Lune montrent Aldrin. Armstrong n’apparaissait que dans seulement deux photographies en couleur. Aldrin explique : “Au fur et à mesure que la séquence des opérations lunaires évoluait, Neil avait la plupart du temps un appareil photographique, et la majorité des photos prises sur la Lune, y compris [celles avec] un astronaute [me mettent en scène]”. L’examen des photographies révèle qu’il n’existe, en effet, que peu d’images de Neil Armstrong : “C’est peut-être ma faute, mais nous ne l’avions jamais simulé pendant notre formation”. Les deux astronautes ne s’éloignent guère du module lunaire. Aldrin réintègre l’Eagle en premier, mais, avant de gravir l’échelle, il raconte amusé qu’il a dû “soulager un besoin naturel dans [sa] poche à urine”. “À chacun sa première sur la Lune”, s’explique-t-il.

Avec difficulté, Armstrong et Aldrin récupèrent le film photographique Hasselblad et hissent les boîtes d’échantillons contenant 21,55 kg de sol lunaire vers la trappe du module lunaire à l’aide d’un dispositif à poulie à câble plat. Armstrong rappelle à Aldrin qu’un sac contenant des objets commémoratifs se trouve dans la poche de sa manche et Aldrin jette le sac au sol. Il contient un bout de tissu avec l’emblème de la mission Apollo 1 (où trois astronautes ont trouvé la mort dans un incendie), des médaillons commémorant Youri Gagarine (le premier homme dans l’espace), une photo de Vladimir Komarov (le premier homme à mourir lors d’un vol spatial) et un disque de silicium gravé de messages de bonne volonté émanant de 73 nations. Aldrin, qui conserve sur lui l’autobiographie du pionnier de l’astronautique Robert Goddard, hésite à la laisser également sur place, avant de se raviser. Après être entrés dans le module lunaire, les deux hommes amorcent la procédure permettant la phase d’ascension pour le retour en orbite lunaire en jetant les équipements qui ne leur sont plus utiles. La porte est refermée à 5 h 1, ils repressurisent le module lunaire et s’endorment après 2 h 30 de sortie extravéhiculaire.

À 17 h 54 UTC, l’étage d’ascension de l’Eagle décolle pour rejoindre Collins à bord du module de commande et de service Columbia resté en orbite lunaire. Après un rendez-vous spatial avec ce dernier et un transfert des deux astronautes dans le celui-ci, l’étage d’ascension est largué dans l’espace et le retour sur Terre est mis en œuvre. La capsule amerrit dans l’océan Pacifique le 24 juillet à 2 660 kilomètres à l’est de l’atoll de Wake à 16 h 50 UTC – 5 h 50 heure locale. La durée totale de la mission est de 195 heures, 18 minutes et 35 secondes.

Pour parer à la transmission d’agents pathogènes lunaire sur la Terre, les hommes-grenouilles dépêchés par les hélicoptères de récupération fournissent des vêtements d’isolation biologique aux astronautes et les aident à monter dans le bateau pneumatique. Les trois hommes sont hélitreuillés à bord de l’Helicopter 66 à destination du porte-avions USS Hornet, où ils commencent dans la mobile quarantine facility une quarantaine de 21 jours. Le 13 août, les trois astronautes participent à des parades en leur honneur à New York et à Chicago, auxquels assistent environ six millions de personnes. Un dîner officiel est organisé ce soir-là à Los Angeles pour célébrer l’exploit. Le président des États-Unis Richard Nixon remet à chacun d’entre eux le prix civil américain le plus prestigieux, la médaille présidentielle de la Liberté.

Le 16 septembre 1969, les astronautes prennent la parole devant une session conjointe du Congrès des États-Unis où ils remercient les représentants pour leur soutien antérieur et les engagent à continuer à financer l’effort spatial. Les astronautes entreprennent une tournée mondiale de 38 jours le 29 septembre, les amenant dans 22 pays et comprenant des rencontres avec les dirigeants de nombreux pays. L’équipage revient aux États-Unis le 5 novembre 1969.

Après Apollo 11, Aldrin, moins réservé qu’Armstrong, fait de nombreuses conférences et apparitions publiques. En octobre 1970, il rejoint les cosmonautes soviétiques Andrian Nikolaïev et Vitali Sevastianov lors de leur tournée des centres spatiaux de la NASA. Il participe également à la conception de la navette spatiale américaine. À la fin du programme Apollo, Aldrin, alors colonel, a peu de perspectives à la NASA et décide de retourner dans l’armée de l’air le 1er juillet 1971. Au cours de sa carrière à la NASA, il a passé 289 heures et 53 minutes dans l’espace, dont 7 heures et 52 minutes en sortie extravéhiculaire, un record pour l’époque.


Carrière postérieure

Aerospace Research Pilot School

Aldrin espère devenir commandant des cadets à l’United States Air Force Academy (USAFA), mais ce poste revient à son camarade de classe de West Point, Hoyt S. Vandenberg Jr.. Aldrin est nommé commandant de l’Aerospace Research Pilot School (ARPS) – nom de l’école des pilotes d’essai de l’United States Air Force (USAF TPS) à cette période – à la base aérienne Edwards, en Californie. Il n’a aucune expérience de pilote expérimental ni de gestionnaire, mais un tiers du programme de formation est consacré à la formation des astronautes et les étudiants volent sur un avion d’entraînement supersonique Lockheed NF-104A jusqu’à la limite de l’espace. Alan Bean, astronaute et marcheur lunaire issu du groupe d’astronautes 3, le considère suffisamment qualifié pour le poste.

Aldrin ne s’entend pas bien avec son supérieur, le brigadier général Robert Michael White qui a gagné son badge d’astronaute en tant que pilote du North American X-15. La célébrité d’Aldrin amène à s’en remettre davantage à lui qu’au général de haut rang, ce qui pose problème parce que la chaîne de commandement est ignorée. Pendant qu’Aldrin y travaille, la base d’Edwards est le théâtre de deux accidents : les écrasements d’un LTV A-7 Corsair II et d’un Lockheed T-33 Silver Star. Personne n’a perdu la vie même si les avions sont détruits. Les accidents sont attribués à une supervision insuffisante, accusation portée contre Aldrin. Ce qu’il espérait être un travail agréable est devenu une importante source de stress.

Aldrin a consulté le médecin-chirurgien de la base. En plus des signes de dépression, il ressent des douleurs au cou et aux épaules et pense à un lien de cause à effet. Il est hospitalisé pour dépression au centre médical militaire de Wilford Hall pendant quatre semaines. Sa mère s’est suicidée en mai 1968 et il est convaincu que sa renommée après Gemini 12 a contribué à ce drame. Son grand-père maternel s’est également suicidé et il pense avoir “hérité” de la dépression. À l’époque, la stigmatisation liée aux maladies mentales est importante et il est conscient que cela peut non seulement mettre fin à sa carrière, mais également entraîner son ostracisme social.

En février 1972, le général George S. Brown rend visite à la base d’Edwards et informe Aldrin que la formation des astronautes est abandonnée. Avec la fin du programme Apollo et la réduction des budgets de la force aérienne, l’intérêt de celle-ci pour l’espace diminue. Aldrin choisit de prendre sa retraite de colonel le 1er mars 1972 après 21 ans de service. Son père et le général James H. Doolittle, un ami proche de son père, assistent à la cérémonie de départ à la retraite.


Retraite de l’armée
Écriture, dépression et alcoolisme

Le père d’Aldrin meurt le 28 décembre 1974 des complications d’une crise cardiaque. Les deux principales autobiographies d’Aldrin, Return to Earth (1973) et Magnificent Desolation (2009), relatent ses problèmes de dépression et d’alcoolisme au cours des années qui ont suivi son départ de la NASA. Encouragé par un thérapeute à occuper un emploi régulier, Aldrin travaille dans la vente de voitures d’occasion, pour laquelle il estime n’avoir aucun talent. Les périodes d’hospitalisation et de sobriété alternent avec des épisodes de forte consommation d’alcool. Finalement, il est arrêté pour “conduite inappropriée”, puis en octobre 1978, il cesse définitivement de boire. Aldrin tente d’aider d’autres personnes ayant des problèmes d’alcool, notamment l’acteur William Holden. La petite amie de Holden, Stefanie Powers, avait interprété Marianne, une femme avec laquelle Aldrin avait une liaison, dans la version télévisée de Return to Earth (1976). Aldrin est attristé par la mort de Holden en 1981, mort liée à l’alcool.

Aldrin publie principalement cinq ouvrages, rédigés en collaboration et tous centrés sur l’aventure spatiale. Trois sont écrits sous l’angle autobiographique : Return to Earth (1973), Men From Earth (1989) et Magnificent Desolation (2009) et deux sont des romans de science-fiction, écrits avec John Barnes : Encounter with Tiber (1996) et The Return (2000).


Plaidoyer pour l’exploration spatiale et Mars

Après avoir quitté la NASA, Aldrin continue à plaider en faveur de la poursuite et du développement de l’exploration spatiale. En 1985, il rejoint la John D. Odegard School of Aerospace Sciences de l’université du Dakota du Nord (UND) à l’invitation de John D. Odegard, le doyen de l’école. Aldrin contribue à l’élaboration du programme d’études spatiales de l’UND et invite David C. Webb de la NASA à présider la première chaire universitaire de l’école. Pour promouvoir davantage l’exploration spatiale et commémorer le 40ème anniversaire du premier alunissage, Aldrin s’associe à Snoop Dogg, Quincy Jones, Talib Kweli et Soulja Boy pour créer le single de rap et le clip vidéo Rocket Experience, afin de générer des fonds à ShareSpace, une fondation à but non lucratif créée par Aldrin.

En 1985, Aldrin propose une trajectoire particulière pour un vaisseau spatial qui rend le voyage spatial plus rapide en termes de temps et d’économie en énergie et elle est maintenant connue sous le nom de Aldrin cycler. Cette théorie, qui peut être répétée en cycles, est notamment pertinente pour Mars qui est la prochaine “frontière”. Il poursuit ses recherches sur ce concept avec des ingénieurs de l’université Purdue. En 1996, Aldrin fonde Starcraft Boosters, Inc. (SBI) pour concevoir des lanceurs réutilisables.

Membre de la National Space Society, il est aussi très actif sur les réseaux sociaux. En décembre 2003, Aldrin publie dans le New York Times un article d’opinion critiquant les objectifs de la NASA. Dans ce document, il s’inquiète du développement par la NASA de l’Orion, un engin spatial limité au transport de quatre astronautes à la fois, avec peu ou pas de capacité de transport de cargaison, et juge négativement le choix de renvoyer des astronautes sur la Lune car pour lui, c’est plus facile d’atteindre la gloire passée plutôt que de lutter pour de nouveaux triomphes.

Dans un article d’opinion publié dans le New York Times en juin 2013, Aldrin soutient une mission habitée vers Mars et considère la Lune non pas comme une destination, mais comme un point de départ, un chemin qui positionne l’humanité sur la trajectoire de Mars. En août 2015, en association avec l’Institut technologique de Floride, il présente un plan directeur à la NASA pour étude, dans lequel des astronautes chargés d’une mission de dix ans établissent une colonie sur Mars dans les années 2040.


Accrochage avec Bart Sibrel

Le 9 septembre 2002, Aldrin est pris à partie dans un hôtel de Beverly Hills par Bart Sibrel, un fervent partisan des théories conspirationnistes sur le programme Apollo. Ce dernier lui demande devant une équipe de tournage de jurer sur une Bible que les alunissages sur la Lune sont vrais. Aldrin lui demande de le laisser tranquille, mais Sibrel est particulièrement insistant et traite alors Aldrin de lâche et de menteur. Malgré ses 72 ans et la grande taille de Sibrel, Aldrin lui assène un direct à la mâchoire. Aucune plainte n’est retenue par la police de Beverly Hills après que l’enregistrement révèle qu’Aldrin a été injurié.


Discussions sur un supposé OVNI

En 2005, alors qu’il est interviewé pour le documentaire First on the Moon: The Untold Story de la chaîne scientifique Science Channel, Aldrin déclare qu’il a vu un objet volant non identifié (OVNI) mais qu’il s’agissait probablement de l’un des quatre grands panneaux adaptateurs situés entre le module de commande et le troisième étage de la fusée Saturn V, panneaux chargés de protéger le module lunaire Apollo et détachés du vaisseau spatial lors de l’injection trans-lunaire. Ces panneaux, largués avant la manœuvre de séparation, se trouvent sur la même trajectoire que le véhicule spatial jusqu’à la première correction à mi-parcours. Ce fait avait été également rapporté dans les mêmes termes par Neil Armstrong lors d’une interview pour la télévision française en 1979. Or, les documentaristes de Science Channel omettent les explications détaillées d’Aldrin et ne diffusent que la brève introduction relative à un OVNI. Aldrin demande à Science Channel d’apporter une correction, mais sa demande est refusée. Ultérieurement, dans The Howard Stern Show le 15 août 2007, Aldrin dit que ses propos sur l’observation supposée d’un OVNI ont été sortis de leur contexte et confirme qu’aucune observation jugée extraterrestre n’avait été observée et qu’il était sûr “à 99,9 %” que l’objet concerné était un panneau détaché.


Visite en Antarctique

En décembre 2016, par l’intermédiaire d’une entreprise de tourisme privée, il fait partie d’un groupe de touristes qui visitent la base antarctique Amundsen-Scott. Âgé alors de 86 ans, il obtient ainsi le record de la personne la plus âgée à avoir atteint le pôle Sud. Mais en raison de sa santé fragile et des rudes conditions locales, il doit être évacué vers la base antarctique McMurdo sur l’île de Ross, puis vers Christchurch en Nouvelle-Zélande. Il s’était rendu au pôle Nord en 1998.


Vie privée et apparitions publiques

Aldrin s’est marié trois fois. Son premier mariage a lieu le 29 décembre 1954 avec Joan Ann Archer, une ancienne élève de l’université Rutgers et de l’université Columbia. Ils ont trois enfants, James, Janice et Andrew. Ils demandent le divorce en 1974. Son deuxième mariage est celui avec Beverly Van Zile, qu’il épouse le 31 décembre 1975 et divorce en 1978. Il épouse ensuite Lois Driggs Cannon le 14 février 1988. Leur divorce est officialisé en décembre 2012. La presse s’est déjà fait écho, en 2018, d’une procédure judiciaire entre Aldrin et deux de ses enfants et son ancienne représentante, réglée après quelques mois.

Il a résidé principalement dans la région de Los Angeles, comme Beverly Hills, Laguna Beach, Emerald Bay ou encore Westwood. En 2018, il vit à Satellite Beach en Floride.

En 1988, il a légalement changé son nom en Buzz Aldrin. Lors de ses apparitions publiques, il est réputé pour ses tenues excentriques et patriotiques.

Aldrin est un partisan actif du Parti républicain. Il organise des collectes de fonds pour ses membres du Congrès et soutient ses candidats. Il a par exemple participé à un rassemblement pour George W. Bush en 2004 et a fait campagne pour Nick Lampson au Texas en 2006, Paul Rancatore en Floride en 2008, Mark Treadwell en Alaska en 2014 et Dan Crenshaw au Texas en 2018. Il est apparu au discours sur l’état de l’Union en 2019 en tant qu’invité du président Donald Trump. Avec l’équipage d’Apollo 11, il est régulièrement invité officiellement pour des commémorations.


Distinctions, hommages et postérité

Distinctions et hommages

Aldrin reçoit l’Air Force Distinguished Service Medal en 1969 pour son rôle de pilote du module lunaire sur Apollo 11. En 1972, des feuilles de chêne y sont ajoutés au lieu d’une seconde médaille pour son rôle dans la guerre de Corée et dans le programme spatial des États-Unis, ainsi que de la Legion of Merit pour ses rôles dans les programmes Gemini et Apollo. Lors d’une cérémonie marquant la fin du programme Gemini en 1966, Aldrin reçoit la médaille du service exceptionnel de la NASA décernée par le président des États-Unis Lyndon B. Johnson. Il est récipiendaire de la médaille du service distingué de la NASA en 1970 pour la mission Apollo 11. Aldrin est l’un des dix astronautes Gemini intronisés à l’International Space Hall of Fame du musée de l’histoire spatiale du Nouveau-Mexique en 1982. Il est également intronisé au United States Astronaut Hall of Fame du Centre spatial Kennedy en 1993, au National Aviation Hall of Fame en 2000 et au New Jersey Hall of Fame en 2008.

En 1999, alors qu’il célèbre le 30ème anniversaire de l’alunissage, le vice-président des États-Unis Al Gore, également vice-chancelier du conseil de supervision de la Smithsonian Institution, remet à l’équipage d’Apollo 11 la médaille d’or Langley pour l’aviation de la Smithsonian Institution. Après la cérémonie, l’équipage se rend à la Maison-Blanche et présente au président Bill Clinton un rocher lunaire dans un présentoir. L’équipage d’Apollo 11 reçoit la médaille d’or du Congrès (New Frontier) dans la rotonde du Capitole des États-Unis en 2011. Lors de la cérémonie, l’administrateur de la NASA, Charles F. Bolden, déclare : Ceux d’entre nous qui ont eu le privilège de voler dans l’espace ont suivi la piste qu’ils ont tracée.

L’équipage d’Apollo 11 est distingué du trophée Collier en 1969. Le président de la National Aeronautic Association (NAA) remet un trophée en double à Collins et Aldrin lors d’une cérémonie. L’équipage reçoit le trophée de l’espace du général Thomas D. White en 1969. Le National Space Club désigne l’équipage vainqueur du trophée commémoratif du Dr Robert H. Goddard pour les réalisations spatiales de 1970, décerné chaque année pour la plus grande réussite dans le domaine des vols spatiaux. Les astronautes d’Apollo 11 reçoivent le trophée Harmon pour les aviateurs en 1970, conférés par le vice-président des États-Unis Spiro Agnew en 1971. Agnew leur présente également la médaille Hubbard de la National Geographic Society (NGS) en 1970 en disant : Vous avez gagné une place aux côtés de Christophe Colomb dans l’histoire américaine. En 1970, l’équipage d’Apollo 11 est co-lauréate du prix Iven C. Kincheloe de la Society of Experimental Test Pilots (SETP) avec Darryl Greenamyer, qui a battu le record du monde de vitesse des avions à moteurs à pistons. Pour leurs contributions à l’industrie télévisuelle, ils sont aussi honorés par une plaque ronde sur le Hollywood Walk of Fame.

En 2001, le président des États-Unis George W. Bush nomme Aldrin à la Commission sur l’avenir de l’industrie aérospatiale des États-Unis, aux côtés notamment de l’astrophysicien Neil deGrasse Tyson et du directeur de Lockheed Martin Robert J. Stevens. Aldrin reçoit le prix humanitaire 2003 de Variety, the Children’s Charity, qui, selon l’organisation, est attribué à une personne qui a démontré une compréhension, une empathie et un dévouement inhabituels pour l’humanité. En 2006, la Space Foundation lui attribue sa plus haute distinction, le General James E. Hill Lifetime Space Achievement Award.

Aldrin reçoit des diplômes honorifiques de six collèges et universités et est nommé chancelier de l’International Space University (ISU) en 2015. Il est membre du conseil des gouverneurs de la National Space Society (NSS) et en assure la présidence. En 2016, la Montclair High School, où il a étudié, est renommée Buzz Aldrin Middle School. Le cratère Aldrin sur la Lune près du site de l’alunissage d’Apollo 11 et l’astéroïde (6470) Aldrin sont nommés en son honneur.


Postérité

Buzz Aldrin est apparu et a joué dans de nombreux documentaires, séries, téléfilms et films en raison de sa notoriété de deuxième marcheur lunaire. L’une de ses premières apparitions est dans L’Enfant bulle (1976) et, l’une des plus notables, dans Transformers 3 : La Face cachée de la Lune (2011). En 1994, il prête sa voix dans l’épisode Homer dans l’espace de la série d’animation Les Simpson, en 1997 dans Space Ghost Coast to Coast (épisodes Brilliant Number One et Brilliant Number Two), en 1999 dans La Cour de récré (épisode Space Cadet), en 2011 dans Futurama (épisode Cold Warriors) et dans Miles dans l’espace (dans un épisode, 2017).

Il apparaît dans les séries Da Ali G Show (2003), Numbers (épisode Toujours plus haut, 2006), 30 Rock (épisode The Moms, 2010), The Big Bang Theory (épisode The Holographic Excitation, 2012) ou encore Jorden runt på 6 steg (épisode 3, 2015). Il est présent dans les documentaires Moonwalk One (1972) et In the Shadow of the Moon (2007), le manga Space Brothers (2012) ou encore prête sa voix dans le film Fly Me to the Moon (2008) et le jeu-vidéo Mass Effect 3 (2012). Aldrin est aussi consultant sur le jeu vidéo Buzz Aldrin’s Race Into Space (1993).

En 2010, il participe à la 10ème saison de l’émission Dancing with the Stars, en 2016 comme invité à The Late Show with Stephen Colbert et en 2017 de nouveau comme invité à Hell’s Kitchen.

Aldrin est interprété par Cliff Robertson dans Return to Earth (1976) – aidant l’acteur dans sa préparation –, Larry Williams dans Apollo 13 (1995), Xander Berkeley dans Apollo 11 (1996) – il est également conseiller technique pour ce film –, Bryan Cranston dans la mini-série De la Terre à la Lune (1998) et Magnificent Desolation: Walking on the Moon 3D (2005), James Marsters dans Mission Apollo 11, les premiers pas sur la Lune (2009), Cory Tucker dans Transformers 3 : La Face cachée de la Lune (2011) et Corey Stoll dans First Man : Le Premier Homme sur la Lune (2018).

Enfin, Buzz l’Éclair est le nom utilisé pour l’un des protagonistes des longs-métrages d’animation en images de synthèse des studios Pixar Toy Story, puis dans ses suites Toy Story 2Toy Story 3 et Toy Story 4 qui forment la série de films Toy Story et ses dérivés (le film Buzz l’Éclair, le film : Le Début des aventures et la série animée télévisée Les Aventures de Buzz l’Éclair). Ce nom est directement inspiré de Buzz Aldrin. Dans la bande dessinée De cape et de crocs, scénarisée par Alain Ayroles et dessinée par Jean-Luc Masbou, les trois Cadets de la Lune se nomment Colin, Aldrin et Fort-à-Bras, faisant référence aux trois astronautes d’Apollo 11. Aldrin y est dit “de Redondie”, venant d’une région de la Lune où les habitants s’expriment systématiquement en termes redondants.

Source : Wikipédia France