Toujours sur son Tumblr, voici ma traduction :
“Aujourd’hui (21 septembre), nous avons confirmé que nous jouerons lors d’un événement à Manchester nommé “Beat Back” (“Faire reculer” ou “repousser”). Il est organisé par la People’s Assembly Against Austerity et a lieu durant la semaine de la conférence du parti conservateur. Le reste de l’affiche comprend Super Furry Animals et Charlotte Church, avec plus à être annoncés.
J’ai énormément réfléchi à propos de rejoindre cette affiche quand on nous a contactés. Je ne suis pas vraiment du genre à courtiser la controverse, la démagogie style tribune improvisée ou à lancer des débats en général. J’ai une peur quasi-pathologique de la confrontation. Et en tant que musicien, on a l’impression que, prendre des risques pour une cause, sur le plan politique, est devenu beaucoup plus risqué aujourd’hui, période où les groupes acceptent le sponsoring de marques sans même y réfléchir, et les marques sont à peu près partout sur le processus d’enregistrement, de la performance et, effectivement, de la vente de la musique. Néanmoins, nous en avons tous discuté, et nous avons décidé que c’était quelque chose que nous ressentons fortement pour y répondre “oui”.
Il est difficile de localiser exactement quand il a été démodé, ou que c’est devenu la chose à ne pas faire, pour les groupes d’être des bêtes politiques explicites. Certainement pas les années 1980 – l’existence continue du Clash réfuterait cela par elle-même, sans compter le grand nombre d’artistes et musiciens qui ont soutenu les mineurs durant leur grève d’un an. Même bien dans les années 1990, des groupes comme les Manic Street Preachers ouvraient férocement une voie très politique, et continuent à le faire aujourd’hui. Radiohead ont soutenu une variété de campagnes, dont une pour Friends of the Earth, et tandis que les Levellers ont été vivement moqués (en particulier par les Manics !), il serait difficile de nier que leur musique avait un côté politique. Sans utiliser Google, je me souviens des Beastie Boys, de Massive Attack, et même de Noel Gallagher jouant lors de concerts de protestation et les promouvant. (Aujourd’hui, je parierais que beaucoup de musiciens rechigneraient devant l’opportunité de jouer lors d’un concert Free Tibet, pressés par leurs labels de ne pas vexer un marché chinois émergeant et probablement très lucratif.)
Avancez très rapidement jusqu’aux groupes qui ont émergé ces dix dernières années et il est plus difficile pour moi de penser à des exemples de personnes qui ont volontiers pris des risques sur le front ou se sont explicitement alignées avec certaines causes. La position de Young Fathers après le Mercury Prize a été admirable, mais c’est l’exception qui confirme la règle. C’est presque comme si le marché musical, oppressé par des forces externes de toutes parts, était devenu plus conservateur et centralisé sur l’appel de masse pour survivre. “Ne vexez personne – on pourrait ne pas vendre autant de disques”. C’est assez ironique pour moi que je m’attends à plus de critiques en ligne aujourd’hui pour vouloir partager une scène en soutien d’idées de gauche traditionnelles ou libérales que nous en avons eu pour apparaître sur une scène avec “Barclaycard” blasonné dessus. Je sais laquelle je trouve plus perturbante, certainement.
Peut-être que jouer un peu plus prudemment, c’est ce que les groupes doivent faire aujourd’hui pour survivre, je ne sais pas. Moi, certainement, je ne m’en prendrais pas à ceux qui ne veulent pas de tapage, d’attention ou de critique qu’ils affrontent pour avoir défendu une cause (je ne sais simplement pas comment Charlotte Church supporte les injures qu’elle reçoit simplement pour avoir une opinion, et l’exprimer, sur les problèmes politiques d’aujourd’hui), et ce n’est certainement pas le sujet de ce post. Mais je crois fermement que les artistes, les écrivains et les musiciens devraient être libres de défier l’orthodoxie là et quand (et comme) ils le jugent bon. Nous n’existons pas dans un vide. Nous ne devrions pas nous excuser pour avoir exprimé des croyances politiques ou pris position pour quelque chose. Je ne m’excuse pas de cela.
Pour en revenir à l’annonce d’aujourd’hui, s’il y a une certaine surprise et résistance à ce que nous révélions une opinion politique ou deux, il y a peut-être également une certaine surprise que ces opinions ne soient pas aussi conservatrices que certains critique pourraient aimer à le croire. Cela a toujours été facile – et paresseux, je dirais – pour les critiques et ceux qui ne nous aiment pas de nous rejeter comme de la pure nostalgie, distraits par certains samples que nous utilisons et les associer à la pénible école “keep calm” de l’histoire fétichisée relookée. Ce ne serait pas vraiment un bond en avant d’extrapoler cela vers l’extérieur en assumant que nous épousions des valeurs conservatrices (petit ou grand C), ou quelque chose qui veuille revenir à ces mythiques “bons vieux jours”. Cela n’a jamais été ce dont nous parlons, en ce qui me concerne – l’indice se trouve dans le nom, tout d’abord (combien de Conservateurs aujourd’hui plaident en faveur du service public ? – “Public Service Broadcasting” en anglais, NDLT).
En regardant de plus près, le sentiment d’ensemble de The War Room est voulu comme l’un de peur et de perte, s’ouvrant avec le premier et se refermant très définitivement avec le deuxième. Ce n’est pas une célébration de conflit. Même la seule chanson la plus festive, Spitfire, est mélangée à de l’ironie ; elle aborde explicitement le beau design et la belle créativité qui agissent dans la fabrication d’un véhicule de mort et de destruction. En même temps, elle salue une machine qui a aidé à repousser le fascisme hors du pays et, finalement, a contribué en grande partie à sa chute. Je n’ai jamais trouvé qu’il y avait du mal à cela, et je ne crois pas que la gauche devrait reculer devant la célébration de machines qui ont aidé à battre les maux du fascisme, sous n’importe quelle forme. Le fait que la chanson fasse tout cela sur l’accompagnement du krautrock, utilisant des samples d’un film de propagande conçu pour susciter des sentiments patriotiques tout en s’éloignant considérablement des véritables événements, ne fait que souligner encore plus les ironies pour moi. Mais je comprends comment certains pourraient, à un niveau plus superficiel (et sans y réfléchir de manière plus sérieuse), vouloir la peindre et nous de manière plus conservatrice que nous le sommes. Ils ont tort, cependant. *
Des pensées et des thèmes similaires se trouvaient derrière l’écriture de The Race For Space, période d’énormes avancées technologiques rendues uniquement possibles par les uniques alignements géopolitiques de l’époque. À quel autre moment l’Amérique aurait pu justifier la dépense de milliards de Dollars pour envoyer un géologue sur la Lune ? Et plutôt que lire l’album comme une sorte de célébration de vols impérialistes de bêtises fantaisistes de plantage de drapeau, on pourrait tout aussi facilement le considérer comme un soutien des bénéfices énormes que les pays et les économies peuvent récolter d’un énorme engagement de dépenses publiques. Pensez à combien d’emplois, d’industries même, ont été créées par l’investissement d’environ 110 milliards de $ en argent d’aujourd’hui dans le programme Apollo. 110 milliards de $ investis dans ce qui était essentiellement de la recherche scientifique et technologique ! Imaginez si nous pouvions persuader les gouvernements d’aujourd’hui à faire des engagements similaires aux changements environnementaux que nous déclenchons (et oui, on pourrait ironiquement ajouter les millions et millions de tonnes de carburant utilisé à la poursuite des étoiles dans ces changements).
En tout cas, je crois fermement que ce n’est pas à moi de dire ce que veut dire notre musique. Cela fait partie du processus de la sortir – une fois qu’elle n’est plus dans nos mains, on n’a plus de contrôle sur sa signification et elle appartient aux personnes qui l’écoutent. Je pense qu’il serait juste de dire, cependant, que notre musique semble presque toujours se retrouver à célébrer le triomphe sur l’adversité, l’effort humain et les choses que nous pouvons atteindre lorsque nous travaillons ensemble. Ce sont des choses dans lesquelles je crois sérieusement et fortement, et ce sont ces croyances qui me font avoir mal au cœur quand je vois les photos de ce petit garçon sur la plage, ou quand je lis à propos de ces familles qui meurent dans des vans, des canots pneumatiques ou n’importe quel autre moyen de transport désespéré ils en sont réduits à prendre. Ce sont ces croyances qui me poussent à plaider contre les coupes budgétaires qui touchent les plus pauvres et les plus vulnérables de la société, et un fossé qui s’agrandit entre les riches et les pauvres ; de manière similaire, contre la privatisation en cachette de la sécurité sociale et le délabrement de la BBC pour apaiser les propriétaires privés des médias. Vous pouvez ne pas être nécessairement d’accord avec nos croyances, mais je ne crois pas que quelqu’un puisse nous nier le droit de les avoir ou de les exprimer. Au contraire, je pense que ce devrait être encouragé – il se peut que je n’ai pas à dire ce que veut, ou pas, dire notre musique, mais je peux certainement dire ce en quoi je crois.
Risquement vôtre,
J. Willgoose, Esq.
(*) Ayant dit cela à propos de Spitfire, il est difficile de faire passer une telle description nuancée dans une performance live, surtout quand nous n’utilisons pas de micro pour parler au public, je ne me suis toujours pas décidé si oui ou non c’est “juste” de la jouer lors d’un événement soutenu par Stop The War. Nous verrons.”