LA GRÈVE DES MINEURS BRITANNIQUES DE 1984-85
Thème principal de All Out
La grève des mineurs britanniques de 1984-1985 est un épisode important de l’histoire de l’industrie britannique, car son déroulement et son aboutissement ont modifié profondément la place des syndicats dans le paysage social et politique en Grande-Bretagne. La grève a duré de mars 1984 à mars 1985. Elle marquait l’opposition de l’Union nationale des mineurs (National Union of Mineworkers) au projet de la Commission nationale du charbon (National Coal Board), soutenu par le gouvernement de Margaret Thatcher, de fermer d’abord 20 mines de charbon déficitaires, puis d’autres par la suite.
Histoire
Grève imposée
Lorsqu’elle est déclenchée, la grève de 1984-1985 n’était soutenue que par 40 % des adhérents à l’Union nationale des mineurs (National Union of Mineworkers, ou NUM, puissant syndicat britannique), à l’époque moins revendicatifs que les dirigeants, notamment Arthur Scargill. Ce dernier refusait par principe une quelconque fermeture de puits déficitaires, réclamant des investissements publics.
La décision des dirigeants de déclarer la grève sans passer par un vote, la rendant ainsi illégale, s’explique par le fait, qu’au niveau national, la majorité des mineurs ne la souhaitait pas. Pourtant, la fermeture des mines de charbon signifiait la perte de plusieurs dizaines de milliers d’emplois, notamment dans la région du Yorkshire : faire voter les adhérents pour décider du lancement de la grève, alors que 40 % seulement la soutenaient, signifiait le renoncement à la grève et aurait été considéré comme une trahison par les mineurs du Yorkshire.
Stratégie du gouvernement Thatcher
Fermer des puits déficitaires était l’objectif du gouvernement, mais l’enjeu a été plus large. Pour Margaret Thatcher, il s’agissait, après avoir défait le “socialisme démocratique” dans les urnes, de battre le “socialisme non démocratique”, c’est-à-dire le syndicalisme.
Le gouvernement ayant anticipé les difficultés de la réforme du secteur minier avait pris des mesures pour prévenir les conséquences des grèves :
- en prévision d’une pénurie en charbon, conséquence possible de la grève, le Premier ministre avait ordonné la constitution d’importants stocks, géographiquement proches des centrales électriques utilisant cette source d’énergie ;
- une loi a été votée obligeant les syndicats à procéder à un vote de leurs adhérents à bulletins secrets pour le lancement d’une grève ;
- les fermetures ont été annoncées en un moment de faible demande de charbon ;
- un dispositif d’importation de charbon a été mis en place ;
- des conducteurs non syndiqués ont été recrutés pour le transport.
Pour la grève elle-même, le gouvernement avait décidé :
- de la réduction au maximum de l’emploi du charbon dans les centrales en se servant des ressources d’appoint comme le pétrole ;
- du recours aux forces policières pour faire respecter la loi. Il s’agissait notamment d’empêcher la formation de piquets de grève (en bloquant par exemple les routes) mais aussi de faire face aux manifestations et d’escorter les non-grévistes vers leur lieu de travail, parfois même en fourgon blindé ; le conflit fera trois morts (deux grévistes, David Jones et Joe Green, sur des piquets de grève et un chauffeur de taxi, David Wilkie, tué par des grévistes alors qu’il transportait un non-gréviste) et 20 000 blessés ; 11 300 manifestants ont été arrêtés et plus de 200 traduits en justice;
- de limiter les aides sociales aux familles des grévistes ;
- du vote d’une loi empêchant les travailleurs non-mineurs de soutenir les grévistes mineurs et rendant nul le fait de faire des piquets de grève (non pas en les interdisant mais en obligeant les piquets à “se placer là où ils ne gênent le passage de personne”).
Position
Direction
La direction nationale a été soutenue tout le long du conflit par le gouvernement. Mme Thatcher craignait qu’elle ne décide un compromis trop avantageux pour le syndicat, qui aurait permis à Scargill d’éviter une défaite totale, voire de proclamer abusivement une victoire. Margaret Thatcher rapportera, dans ses Mémoires, qu’après quelques mois de grève, toutes les négociations devaient être couchées par écrit pour prévenir les intoxications opérées par le syndicat.
Autres syndicats et opposition
Le Parti travailliste a repris de nombreuses revendications des mineurs grévistes mais a désapprouvé l’extrémisme de Scargill. Le parti a essayé sur la fin de sauver la face du syndicat en incitant Mme Thatcher à négocier. Le conflit est resté essentiellement circonscrit aux mineurs.
Fin des communautés ouvrières
Indépendamment des aspects politiques ou économiques du démantèlement de l’industrie minière britannique, les protagonistes de cette grève luttaient aussi contre la fin des communautés ouvrières. La grève a été “le chant du cygne du mouvement ouvrier britannique”, selon le journaliste Owen Jones.
Fin du conflit
La grève a été l’une des plus longues de l’histoire du Royaume-Uni. Finalement, les grévistes sont retournés au travail en mars 1985 sans rien avoir obtenu, leurs pertes financières étant trop importantes. L’arrêt de la grève a marqué un succès symbolique pour le gouvernement de Margaret Thatcher.
Références culturelles
Films et télévision
Des cinéastes indépendants ont documenté la grève dont le comportement de la police, le rôle des femmes des mineurs et le rôle des médias. Le résultat a été les Miners’ Campaign Tapes.
Ken Loach a réalisé trois films sur la grève. Which Side Are You On ?, concentré sur la musique et la poésie a été réalisé pour le South Bank Show mais a été rejeté car il était trop partiel sur le plan politique pour une émission artistique. Après avoir remporté une récompense lors d’un festival du film italien, il a été diffusé sur Channel 4 le 9 janvier 1985. End of the Battle… Not the End of the War? (1985) suggérait que le parti conservateur avait projeté des tactiques pour battre la NUM dès le début des années 1970. The Arthur Legend, diffusé pour Dispatches sur Channel 4 en 1991, analysait les allégations d’inconvenance financières et les liens avec la Libye contre Arthur Scargill, et avançait que les déclarations faites par le Daily Mirror et le Cook Report étaient sans fondement.
Le film de 2000, Billy Elliot, situé en 1984, était basé autour des communautés minières de Easington Colliery et Seaham. Le père et le frère du personnage titulaire étaient des mineurs en grève. Plusieurs scènes dépeignent le chaos aux piquets de grève, les conflits entre les armées de la police et les mineurs en grève, ainsi que la honte associée avec le franchissement des piquets de grève. Il montrait l’extrême pauvreté associé à la grève et la rigueur et le désespoir de ne pas avoir de charbon pour l’hiver. Le film a été adapté en comédie musicale par Elton John.
Le film de 1996, les Virtuoses, se passait 10 ans après la grève à l’époque où de nombreux puits de mine ont fermé avant la privatisation de British Coal. Le film se réfère à la grève et une partie du dialogue fait contraster la résistance en 1984 contre la résignation avec laquelle la majeure partie des mineurs ont répondu aux fermetures de puits au début des années 1990. Il se passe dans la ville fictive de Grimley, déguisement mince de l’ancien village minier durement touché de Grimethorpe, où une partie du film a été tourné.
L’épisode “The Strike” de Comic Strip Presents (1988) dépeint le désarroi en hausse d’un scénariste gallois idéaliste tandis que son scénario sans concessions sur la grève est mutilé par un producteur hollywoodien en un thriller d’action. Le film parodie les films d’Hollywood en exagérant la grève et changeant la plupart des faits historiques importants. Il a remporté une Rose d’Or au festival de Montreux.
L’épisode “1984” de la série de téléfilms de la BBC de 1996 Our Friends in the North tourne autour de la grève, et des scènes de conflits entre la police et les grévistes ont été recréées utilisant de nombreux hommes qui avaient participé à de véritables événements du côté des mineurs. En 2005, BBC One a diffusé le drame Faith, écrit par William Ivory. Une grande partie des scènes sociales ont été tournées dans l’ancienne ville minière de Thorne, près de Doncaster. Il regardait la grève de la perspective d’à la fois la police et les mineurs.
Le film britannique The Big Man montre Liam Neeson en mineur écossais au chômage depuis la grève. Son personnage a été mis sur liste noire car il avait frappé un officier de police et passé six mois en prison par conséquent.
Le film de 2014 Pride, réalisé par Matthew Warchus, est adapté de la véritable histoire d’un groupe d’activistes LGBT qui ont levé des fonds pour aider et soutenir les familles d’un village minier gallois.
Littérature
Le roman de David Peace, GB84, se passe durant la grève.
Le roman de Val McDermid, Sans laisser de traces (2008) possède une intrigue située durant la grève. De multiples critiques ont acclamé le livre pour son exploration de ses répercussions sociales et émotionnelles.
Kay Sutcliffe, femme d’un mineur en grève à Aylesham, a écrit le poème “Coal not Dole”, qui est devenu populaire au sein des groupes Women Against Pit Closures de par le pays et a plus tard été adapté en chanson par Norma Waterson.
Le roman en vers Hope Now de A.L. Richards, publié en 2013 par Landfex Press, se passe dans les Vallées du Sud du Pays de Galles et se fonde sur des événements qui sont arrivés durant la grève.
Arts plastiques
En 2001, l’artiste visuel britannique Jeremy Deller a travaillé avec des sociétés historiques des acteurs spécialistes en reconstitution historiques, et des personnes qui ont participé aux conflits violents de 1984 entre les grévistes tenant les piquets de grève et la police pour reconstituer la Bataille de Orgreave. Un documentaire sur la reconstruction a été produit par Deller et le réalisateur Mike Figgis et diffusé à la télévision britannique ; et Deller a publié un livre intitulé The English Civil War Part II documentant à la fois le projet et les événements historiques sur lesquels il a enquêté.
Le 5 mars 2010, jour du 25ème anniversaire de la grève, une fresque de l’artiste visuel Dan Savage a été dévoilée au Civic Centre de Sunderland. Commissionnée par le conseil municipal de la ville, Savage a travaillé avec l’association des mineurs de Durham pour créer une fenêtre commémorative de grande échelle, qui comprend des images et des symboles de la grève et de l’héritage minier du Nord Est. En août 1984, le photographe Keith Pattison a été commissionné par l’agence des artistes de Sunderland pour photographier la grève à Easington Colliery pendant un mois. Il y est resté par intermittence en mars 1985, photographiant de derrière les lignes une communauté qui se mobilisait contre l’implacable opposition. 25 ans plus tard, le 6 mai 2010, jour d’élection, Pattison a emmené David Peace à Easington pour interviewer trois personnes qui ont été prises par les événements de la grève. Une sélection des photos avec les interviews a été publiée dans un livre – No Redemption (Flambard Press).
Musique
La grève est le sujet de chansons de nombreux groupes dont les Manic Street Preachers (A Design For Life et 1985, extrait de l’album Lifeblood), Pulp (Last Day of the Miners’ Strike), Funeral for a Friend (History), ainsi que la cassette de chansons pro NUM de Ewan MacColl, Daddy, What Did You Do In The Strike?. Sting a enregistré une chanson à propos de la grève intitulée We Work the Black Seam pour son premier album solo, The Dream of the Blue Turtles, en 1985. La version de Whise Side Are You On? de Billy Bragg résumait le sentiment de trahison des grévistes de l’indifférence perçue des éléments plus larges de la société britannique. Bragg a sensibilisé par sa musique et sa déception du gouvernement Thatcher.
Le son de la grève des mineurs apparaît au début de la chanson des Smiths Last Night I Dreamt That Somebody Loved Me (1987). Cependant, cette version n’apparaît seulement sur l’album Strangeways, Here We Come et non sur la version single qui est apparue sur d’autres compilations depuis.
Tout au long de la grève, le groupe Test Dept, originaire du sud de Londres, a voyagé à bord de son “bus de lutte” vers le Yorkshire, Durham, Northumberland, Paddington et Glasgow. Ils ont filmé des images de la grève dans une ville et les diffusaient lors du concert suivant, où ils rencontraient des mineurs, rejoignaient des piquets de grève et levaient des fonds. Des chansons de la South Wales Striking Miners’ Choir et des discours du mineur du Kent Alan Sutcliffe sont inclus sur leur album de 1985, Shoulder to Shoulder.
Chris Cutler, Tim Hodgkinson et Lindsay Cooper de Henry Cow, avec Robert Wyatt et le poète Adrian Mitchell ont enregistré The Last Nightingale en octobre 1984 pour lever des fonds pour les grévistes et leurs familles.
Red Hill Mining Town de U2 parle de la rupture des relations durant la grève.
L’histoire de Radio K.A.O.S., l’album de 1987 de Roger Waters, fait plusieurs références à la grève et à ses répercussions.
La grève a vu le renouveau de chansons folk traditionnelles à propos de l’exploitation du charbon. Dick Gaughan a sorti un mélange d’anciennes et de nouvelles chansons sur son LP True and Bold. Une ancienne chanson folk du Northumbria, Blackleg Miner, a gagné de l’attention quand Steeleye Span l’a enregistrée en 1970 et a été jouée pour montrer le soutien à la NUM et intimider les casseurs de grève.
Source : Wikipedia en français et en anglais