D’une époque plus ancienne à la scène d’aujourd’hui
Le journaliste Ian Harrison parle aux membres du groupe PSB à propos de transformer le concept de This New Noise en performance sur la scène du Royal Albert Hall
En 1922, le directeur général fondateur de la BBC, John Reith, a déclaré que le mandat de la nouvelle société de radiodiffusion était de “Informer-Éduquer-Divertir”. 91 ans plus tard, l’ensemble rock électronique féru d’histoire, Public Service Broadcasting, a utilisé la formule de Reith comme titre de son premier album. “Quand tu fais cela”, raconte le membre principal et compositeur de PSB, J. Willgoose, Esq., “tu invites directement certains parallèles, n’est-ce pas ?”
Il est apte, alors, que ce soir Public Service Broadcasting marque le centenaire de la BBC avec leur nouvelle suite de chansons, This New Noise, qu’ils interprètent avec le BBC Symphony Orchestra dirigé par Jules Buckley.
Peu d’autres groupes auraient été à la hauteur du challenge à cet égard. Formés dans le Sud de Londres en 2009, PSB ont respecté leur propre credo fondateur – sur une série de sorties qui ont incorporé des samples audio vintages dans de frappants portraits musicaux de, diversement, la seconde guerre mondiale (The War Room, 2012), la montée et le déclin de l’industrie minière britannique (Every Valley, 2017) et la ville de Berlin et la métropole moderne (Bright Magic, 2021). Entretemps, une nouvelle version de The Race For Space de 2015, évocation émouvante de la rivalité des supers puissances en orbite pendant la guerre froide, a été jouée mémorablement aux Proms de 2019 avec le Multi-Story Orchestra de Peckham.
Mais comment résumer 100 ans de la société de diffusion nationale dans ses aspects ? Comme d’habitude avec PSB, l’approche est indirecte. “Elle couvre les années 1922 à possiblement 1937”, explique Willgoose, qui a commencé à écrire la musique plus tôt cette année. “En termes des bonds technologiques et quasi spirituels qui ont été faits, et le genre d’expansion évangélique de la BBC, c’est quasiment entièrement pré-guerre et pré-télévision. Essayer de faire rentrer tout ce que la Beeb a fait en 100 ans, on se serait retrouvés à faire une sorte de montage, avec, je ne sais pas, le générique de Jackanory ou peu importe. Cela aurait été en danger de juste devenir nostalgique, et nous ne sommes pas intéressés par cela”.
Mettre en lumière des vies et des idées qui semblent très éloignées de notre propre époque a impliqué de l’immersion et de l’étude. “J’ai lu des anciens numéros de Radio Time de 1927, de la première à la dernière page”, raconte Willgoose avec entrain : d’autres œuvres de référence incluaient Broadcasting (1933) par la pionnière de la production Hilda Matheson, The Story of Broadcasting (1924) par Arthur Burrows – le speaker qui a lu le tout premier bulletin d’informations de la BBC le 14 novembre 1922 – et les mémoires du génie fondateur Lord Reith, qui envisageait le service comme “le guide, philosophe et ami du citoyen”.
“L’idée”, selon Willgoose, “est de revenir là où elle a commencé, et de simplement demander, Pourquoi était-elle organisée de cette manière ? Qui était derrière ? Que pensaient-ils avoir avec cette nouvelle technologie de la radio ? Quel rôle pensaient-ils qu’elle remplissait ? Que pensaient-ils qu’elle ne devrait pas faire ? Cela parle de la magie de cette boîte qui est simplement apparue dans le salon des gens et tout à coup des voix en sortaient à tout moment de la journée – c’est assez renversant”.
En réunissant ses samples bruts, il a dû naviguer entre ce qui existe effectivement et ce dont il est possible d’obtenir l’autorisation, même s’il a reçu, dit-il, une aide inestimable de Simon Rooks de BBC Archives. Cela étant une Prom, il fallait également penser à un orchestre. De manière pratique, le bassiste et joueur de cuivre JFAbraham sert d’orchestrateur et arrangeur, partant des démos peaufinées de Willgoose :
“une autre préparation a impliqué les deux partageant des playlists en ligne, écoutant Ravel et Debussy, et allant à des concerts dont le Concerto pour violon de Korngold, la Symphonie n°6 de Tchaïkovski et la Music for 18 Musicians de Steve Reich. JF comble avec obligeance l’écart entre mon ignorance et le talent et la maîtrise d’un orchestre”, explique Willgoose. “Lire de la notation n’est souvent pas la manière dont les musiciens pop apprenent des chansons”, déclare JF avec diplomatie.
“Quand on a fait la Prom The Race For Space, les chansons pré-existaient”, dit JF, qui a étudié la trompette orchestrale pendant cinq ans et a également arrangé pour Bastille et Jessie Ware. “Mais ce n’est que des morceaux normaux qui ont été conçus pour un orchestre et le groupe. J joue de la guitare, Wrigglesworth de la batterie et cette fois je ne joue que du piano. C’est une version très réduite de ce qu’on fait habituellement en tant que groupe, parce qu’on a aussi cette énorme bête d’orchestre de 80 personnes”.
“Je suis une sorte de romantique refoulé”, explique Willgoose de l’écriture pour des cordes, des bois et des cuivres. “Cela ressort dans notre musique, même si cela ne ressort définitivement pas dans la vie quotidienne. Cette œuvre a nécessité d’avoir des moments d’envolée et les gros thèmes qui j’espère vont provoquer les gens. Cela fait partie de l’intérêt; qu’ils soient fiers de cette chose que leur pays a créée”.
“Le sentiment physique d’être proche d’un orchestre de cette taille et ce niveau de talent artistique, et l’étendue dynamique qu’ils peuvent produire – ça change l’air qui t’entoure”, explique JF. “Quand ça fonctionne au mieux, c’est juste un énorme organisme avec un but commun, de réaliser une œuvre plus grande”.
Alors c’est le cas avec This New Noise, tandis que des moments clés du début de l’histoire de la BBC sont évoqués dans huit tableaux sonores qui fusionnent l’antique et le futuriste. Cela inclut des avancées dans la technologie : A Cello Sings in Daventry se réfère à l’énorme station de retransmission dans le Northamptonshire qui a commencé à émettre en 1927, tandis que The Microphone (The Fleet Is Lit Up) inclut un conseil pour les hommes politiques de la part de George Bernard Shaw et revisite Lit Up du premier album de PSB, comprenant le capitaine de corvette qui était saoul de façon loquace tout en commentant la revue de la flotte du couronnement à Spithead en 1937 (l’explication officielle a impliqué la première utilisation de l’euphémisme “fatigué et émotionnel”). Les articles de foi sur lesquels le nouveau service a été fondé sont également invoqués, avec A Candle Which Will Not Be Put Out articulant les idéaux nobles de la radiodiffusion “l’étendue complète de pensée humaine et d’activité exprimée… au meilleur standard possible”. Il y a un sentiment d’admiration et d’émerveillement quand Ripples in the Ether (Towards The Infinite) regarde un avenir illimité dans une prononciation en anglais standard, accompagné par des ondes radio éthériques et le sifflement et le crépitement d’anciens disques de transcription.
Reith lui-même est au centre de l’attention dans le staccato chatoyant An Unusual Man. “Il n’était là que pendant une période relativement courte, de 1922 à 1938”, explique Willgoose, “mais il est la clé de tout – sa voix et ses idées se retrouvent partout dans la BBC, et il est toujours la force dominante dans son histoire. C’était des jours de grande aventure, ils apprenaient constamment, mais à cause de l’éducation de Reith, il y avait une sorte quasi-religieuse de penchant dedans – il était assez “sermon sur le mont” dans son élocution. Et l’idée qu’un système conçu pour profiter aux actionnaires contrerait les intérêts des médias, et que la radiodiffusion sans le service public est sans but et inutile… on pense, ouais, il pourrait avoir raison”.
Willgoose et JF promettent que la performance inclura des éléments théâtraux : le manque de sources audio originales est tel que certains contenus, comme les paroles de Hilda Matheson, seront narrées par Reeta Chakrabarti, tandis que le chanteur folk Seth Lakeman, né dans le Devon, apparaîtra sur une chanson. Le spécialiste des visuels scéniques de PSB, Mr B, déclare Willgoose d’un ton malicieux, a quelques “bricoles, même si peu de vidéos contemporaines existent. Mais il a mis la main sur une grosse vieille radio, et je voulais commencer avec elle apportée sur scène et branchée et s’allumant en bourdonnant, tandis que le signal commence à passer dans l’éther. Et je voulais finir avec elle qui s’éteint et qui est enlevée d’une scène vide, pour pousser les gens à se poser la question de, eh bien, si la BBC disparaît, comme certains le veulent, qui va prendre sa place ? Parce que ce n’est certainement pas quelque chose qui finance des choses comme les Proms.
D’ailleurs, Willgoose s’irrite quand on lui demande quelques services de la BBC il consomme : “Ce mot consommer est révélateur de combien l’éthique du service public a été corrompu par le commerce”, dit-il. “Je ne consomme rien, je regarde et j’écoute diverses choses et je les apprécie ! C’est Radio 4, BBC Four, Radio 6Music et, de plus en plus, Radio 3. Charlotte Higgins, d’après le livre de 2015 de laquelle, This New Noise. The Extraordinary Birth And Troubled Life Of The BBC, notre œuvre est nommée, disait que la BBC était la plus grande institution culturelle que ce pays n’a jamais connu. Je pense que c’est une force pour le bien, malgré ses faux pas”.
Se souciant du sens pratique, JF anticipe une soirée inoubliable. “Au Royal Albert Hall, tout ce que tu as à faire, c’est te balader en coulisses et regarder toutes les photos des concerts et spectacles qui ont eu lieu là-bas, et ça te donne cette énorme solennité des circonstances. Tu mets tout simplement tellement dans un soir de musique, parce qu’on n’aura peut-être pas la chance de le refaire”.
Tout en marquant une nouvelle frontière pour Public Service Broadcasting, la soirée promet de réaffirmer les premiers principes du groupe – et de la BBC. Nous serons informés. Nous serons éduqués. Et nous serons divertis. Lord Reith serait fier.
Traduction : 1er septembre 2024